Quelques minutes avant de monter sur scène en première partie de Saxon, c'est un Rachel Bolan détendu qui a ouvert sa loge du Bataclan à Music Waves pour une interview bilan de 25 ans carrière avec Skid Row...
Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
Rachel Bolan : La question qu’on m’a trop souvent posée… Hum ? Les gens me demandent tout le temps si ça fait mal de se faire percer le nez (Rires) ! Et oui, ça fait mal…
Je suppose que de nombreuses questions évoquent Sebastian Bach… N’en as-tu pas assez de voir le nom de Skid Row résumé à lui encore aujourd’hui?
Cela m’importe peu… Nous sommes Skid Row !
Sinon comment te sens-tu à quelques minutes d’entrer sur scène ?
Et bien, chacun aime s’isoler dans son coin, pour se concentrer et ressentir l’adrénaline… afin de ne pas rentrer sur scène excité comme un gamin de trois ans (Rires) !
Et juste avant de monter sur scène, je me rends compte à quel point nous sommes chanceux de pouvoir faire cela depuis 25 ans aujourd’hui…
"je me rends compte à quel point nous sommes chanceux de pouvoir faire [de la musique] depuis 25 ans aujourd’hui…"
La carrière de Skid Row a traversé plusieurs phases et nous aimons définir le groupe comme un chat qui a eu plusieurs vies : une première très courte et méconnue entre 1986 et 1987 avec Matt Fallon au chant, la suivante que tout le monde connait avec Sebastian Bach et enfin celle avec l'arrivée de Jonnhy Solinger jalonnée de nombreux changements de line-up et une longue attente avant l'arrivée d'un disque. Comment trouves-tu cette image du chat à neuf vies du chat pour ton groupe?
C’est clair que j’aime beaucoup cette image, personne ne nous l’avait encore faite (Rires) ! J’aime d’autant plus que personnellement, j’adore les chats, j’en ai trois…
Pendant ces différentes vies, n’avez-vous pas été un peu découragés quand une partie des médias et même de votre public vous boudait ?
Certaines personnes sont des puristes et ne changeront jamais quelque soit les conditions… Skid Row existe depuis 25 ans et c’est la meilleure réponse à tout cela !
Malgré tout, on sent encore aujourd'hui que rien n'est évident, il y a de longues années entre chaque disque : "Thickskin" date de 2003, "Revolutions per Minute" de 2006 et ensuite un certain silence. Avez-vous besoin de temps pour travailler et être sûrs de vos compositions ?
Suite à la sortie de "Revolutions per Minutes", nous avons énormément tourné et nous n’avons pas vu le temps passé. C’est lors d’un concert qu'on s'est demandé quand nous avions sorti notre dernier album (Rires)! Nous avons fait le calcul : cela faisait sept ans.
Nous avons donc décidé de rentrer en studio et c’est ensuite que s’est forgée l’idée d’un concept constitué de trois chapitres représentés par 3 Eps. Je dois dire que l’idée de faire cinq nouvelles chansons et deux reprises a vraiment bien fonctionné. Tellement bien que dès l’année suivante, nous en avions déjà sorti un autre… Nous vivons un âge de surdose d’informations et sortir un Ep moins dense et donc plus rapidement est plus simple pour nous, moins onéreux pour les fans de Skid Row qui n’ont qu’à dépenser 6 ou 7 euros pour un Ep contre 20 pour un album.
Oui mais avec 3 Eps sortis sur un laps de temps comparable à un album, ils paieront plus…
Tu as raison mais dans le cas présent, ils en auront pour leur argent vu qu’ils n’auront pas une mais trois galettes entre les mains…
Doit-on considérer que cette nouvelle stratégie commerciale de sortir des Eps régulièrement est dans le but de toujours être présent sur le devant de la scène ?
J’espère que nous détenons la vérité ! Je ne sais pas et personne ne sait où va le business musical. L’industrie du disques est devenue tellement compliquée et n’a plus rien à voir avec ce que nous avons vécu il y a 25 ans. Je suis dans l’incapacité de te dire ce qui marche aujourd’hui.
Mais le fait est que nous aimons faire de la musique et nous adorons monter sur scène. Et je dois dire que nous sommes comblés de ce côté ; cette année, nous allons faire 103 concerts, l’an dernier nous en avons fait une centaine… Nous jouons énormément et dans des endroits où nous n’avions jamais joué auparavant comme la Pologne...
Et comment expliques-tu cela?
Je ne sais vraiment pas ! Nous étions en tête d’affiche du Woodstock polonais devant un demi-million de personnes : c’était fou ! Certains fans demandent que Skid Row vienne jouer dans leur ville et viennent aux concerts avec leurs enfants, leurs jeunes frères et soeurs…
C’est étonnant d’entendre dire que vous tournez plus que jamais sachant que pour certains fans de la première heure de Skid Row qui sont peut-être passés à autre chose, votre heure de gloire est derrière vous…
Mais c’est le cas et nous adorons tourner même si je dois dire que c’était plus facile quand j’avais 22 ans (Rires)…
C'est très inhabituel et osé de procéder de la sorte tant le marché est réglé sur la sortie d'album. Etes-vous conscients de prendre des risques commercialement en agissant de la sorte?
Comme tu l’as dit, certains fans sont passés à autre chose, nous en avons gardés et nous en avons de nouveaux… Parmi toutes ces personnes, nombreux sont ceux qui n’achètent plus d’albums, les gens considèrent désormais que la musique est gratuite… Nous n’avons rien à perdre et nous avons donc essayé des choses différentes !
Ce qui est amusant, c’est que le fait de sortir des Eps rapprochés au lieu d’un album est le mode de fonctionnement des jeunes groupes en développement… Penses-tu qu’avec ces Eps, Skid Row ouvre un nouveau chapitre de sa carrière : celui d’un nouveau groupe finalement ?
C’est clairement un nouveau chapitre pour nous ! En revanche, quand j’étais môme, j’avais l’habitude d’acheter des Eps… C’est un procédé qui a disparu et qui revient au goût du jour. Je sais pertinemment que nous n’avons pas réinventé la roue mais nous aimons procéder de la sorte. D’un point de vue composition, nous divisons la pression par deux : au lieu d’écrire 30 morceaux pour n’en retenir que 10, nous n’en écrivons que 10 pour en garder 5 ! Nous n’avons pas encore écrit le troisième chapitre mais je sais que nous avons 10 ou 12 titres en stock et que nous allons entrer en répétition avec le groupe afin de voir ce qui marche ou non.
Vous privilégiez la qualité à la quantité finalement ?
Absolument ! Nous sommes extrêmement concentrés sur chaque chanson.
Musicalement, les 10 titres des deux 2 Eps sont de grande qualité et même si les deux disques précédents étaient bons, les titres des Eps sont bien supérieurs et dignes de la grande époque du début des années 90 du groupe…
Merci mec, je ne peux que partager ton opinion… Quand nous avons sorti "Thickskin", nous étions vraiment un nouveau groupe et nous devions tester certaines choses pour voir ce qui allait marcher ou non… "Revolutions per minute" était totalement expérimental : nous avions écrit un tas de choses. Certaines ne collaient pas et n’étaient pas dans la cohérence de l’album mais nous nous en foutions et aujourd’hui encore, je suis content d’avoir pu faire cet album parce que je pense qu'il nous a permis d’ouvrir nos esprits pour revenir là où nous avons commencé…
En 25 ans de carrière, il est très compliqué de faire le lien avec la musique de nos débuts. Pour cela, nous avons arrêté d’écouter la radio, nous n’écoutions que les choses qui ont influencé notre enfance… et ensuite, nous avons commencé à composer mais je ne vais pas te mentir, réaliser le premier Ep a été très compliqué. C’est seulement quand un premier riff est arrivé qui nous parlait que je me suis mis à composer les paroles et que les mélodies ont été trouvées… Nous avions l’impression que la pression n’était plus sur nos épaules et nos esprits se sont ouverts…
Il semblerait que vous ayez trouvé la recette magique avec ces Eps…
Je pense que la clé est que nous connaissons parfaitement les forces et les faiblesses de chacun d’entre nous. Et surtout, nous ne prenons pas mal les critiques des autres… Aujourd’hui, peu importe qui écrit la chanson, l’essentiel est qu’elle devienne une chanson de Skid Row quand chacun des autres membres y ajoute ses émotions.
On peut parler d’une alchimie enfin trouvée?
Exactement !
"Nous avons retrouvé notre chemin et nos racines : nous sonnons à nouveau comme Skid Row !"
Finalement, ces chansons retrouvent pleinement l'esprit de Skid Row, de ce qu'ils faisaient à leurs débuts, qu’en penses-tu ?
Je le pense également ! Nous avons retrouvé notre chemin et nos racines : nous sonnons à nouveau comme Skid Row !
La prestation de Johnny Sollinger est bluffante sur ce disque, penses-tu comme nous qu’il réalise vraisemblablement sa meilleure performance avec Skid Row, comme si enfin l'ombre encombrante de son prédécesseur était effacée…
Tout à fait ! Il a extrêmement bien chanté sur cet album qui est, comme tu le dis, probablement le meilleur CD qu’il ait signé à ce jour.
Finalement, est-ce que cette prestation de Johnny dans ces Ep aux sorties rapprochées ne sont pas la meilleure réponse à toutes ces rumeurs de retour de Sebastian Bach?
Ouais (Rires)! Les gens ne sont pas au courant de tout mais oui, plus jamais ça (Rires)…
Pour revenir à cette trilogie, tout laisse à penser que le concept tourne autour de l'idée d'une rébellion mondiale contre un pouvoir global ? Notre société actuelle te semble aller si mal pour que vous embrassiez cette idée ?
Je ne pense pas que notre société va mal, c’est la raison pour laquelle l’idée derrière "United World Rebellion" est de se rebeller contre les mauvaises choses afin de les rendre à nouveau bonnes.
Skid Row a toujours été un groupe qui a prôné la confiance en soi et la défense de ses intérêts… Si tu penses pouvoir améliorer quelque chose, fais-le ! Ce sont les racines de Skid Row : nous venons de familles de classe moyenne et rien ne nous prédisposait à faire ce que nous faisons aujourd’hui. Certes, nous avons été aidés par des amis mais nous avons dû travailler extrêmement dur pour arriver au stade où nous sommes. Nous avons bougé notre cul et finalement, si nous avons pu le faire, n’importe qui peut le faire aussi (Rires) !
On retrouve aussi quatre reprises dans ces deux Eps : une de Queen, une du Priest, une d'Aerosmith et une d'un groupe méconnu de nous, Ezo. Est-ce une manière pour vous de rendre hommage à vos groupes phares mais aussi d'affirmer un large spectre d'influences musicales?
Tout à fait ! Nous voulions également des chansons qui, du point de vue des paroles, collent au thème de "United World Rebellion" et ainsi qu’elles sonnent comme si c’était nos propres titres.
Enfin, le concert de ce soir entre dans le cadre d’une tournée avec Saxon, je suppose que tourner avec cette légende du heavy est très bénéfique à vos yeux pour présenter votre nouvelle musique à un large public et enfin démarrer cette nouvelle vie et carrière après bien des années de doutes?
Oui ! Nous ne nous attendions pas à cela et quand on nous l’a proposé, on a peu hésité parce que nous n’étions pas sûrs que les gens d’un groupe qui a commencé 10 ans avant nous nous acceptent. Et finalement, je suis très content de faire cette tournée, leur public est extraordinaire et on parle une même langue : le metal !
Personnellement, j’ai grandi en écoutant du punk mais Snake est un fan de metal anglais, tu imagines bien qu’il est ravi de pouvoir tourner avec Saxon. D’autant que les mecs de Saxon sont vraiment supers. C’est très inspirant de voir des gens plus âgés que toi qui assurent, tu te dis que tu pourras également le faire à son âge. Ce sont des musiciens exceptionnels et notamment Nigel (NdStruck : Glockler) ce mec est un batteur extraordinaire !
Finalement quelles sont vos attentes pour ces Eps et quelle sera la prochaine étape ?
Franchement, je ne sais pas quoi attendre… Nous avons probablement les meilleures chroniques de toute notre carrière avec la sortie de ce dernier Ep.
M’attendre à un disque d’or ? Qui sait mais j’en doute fortement, nous vivons dans un autre monde aujourd’hui…
A l’issue de cette tournée, nous allons prendre quelques jours vacances et en Janvier, nous allons commencer à écrire ce troisième Ep afin de clôturer cette trilogie. Et à l’issue de cette trilogie, je ne sais pas quand exactement, nous réfléchirons à la sortie un album plus conventionnel.
Vous réfléchissez à sortir un album malgré le succès des Eps ?
Faire des Eps était une façon amusante de faire de la musique. Revenir au format traditionnel d’un album sera probablement difficile mais plein de groupes procèdent ainsi et ça peut devenir le standard.
Mais comme tu l’as dit, tu ne sais pas à quoi t’attendre dans l’industrie du disques, est-ce que le standard dont tu parles est un pari gagnant ? Le standard finalement ne serait pas la sortie régulière d’Eps comme vous l’avez fait ?
Franchement, ça ne me dérangerait pas tant j’ai aimé travailler de cette façon et me concentrer sur un nombre limité de chansons…
Question traditionnelle de Music Waves, quel est ton meilleur souvenir d’artiste?
Wahou (Rires) ! Mon meilleur souvenir est lors d’une tournée avec Bon Jovi, nous avons joué au Spectrum de Philadelphie. C’est le lieu où j’avais vu mon premier concert : un concert de Kiss. Nous avons joué dans ce stade et je me souviens que dans les loges VIP, il y avait mon père et ma mère. Et mon père sifflait très fort -il s’était entraîné toute sa vie pour appeler ses gamins pour le dîner (Rires)- et quand je l’ai vu, il m’a fait un signe du pouce montrant que j’assurais : c’est un souvenir vraiment génial (Sourire) !
Ils t’ont toujours soutenu dans cette voie difficile ?
Ils m’ont toujours soutenu. je leur dois tout…
J’ai commencé à jouer à 12 ans ; j’allais à tous les cours et je m’exerçais tout le temps… Et quand ça a commencé à devenir sérieux, ma mère n’était pas rassurée de mon choix… mais elle a cédé en me disant que si je le faisais, c’était pour de bonnes raisons. C’était une façon de me dire qu’elle avait confiance en moi mais avec une mise en garde…
J’ai donc dû travailler dur pour m’acheter un ampli, puis un van pour transporter mon matos… Je fais des concerts depuis l’âge de 15 ans. Au début, avant de monter sur scène, je devais rester à l’extérieur parce que je n’avais pas le droit d’entrer dans le bar vu mon âge. Je jouais dans un groupe de reprises et je revenais à la maison à 4 heures du matin pour me lever à 6 heures 30 et aller à l’école. Ma mère ne voulait pas que j’abandonne l’école, elle voulait que j’ai un diplôme. J’ai tout fait pour faire ces concerts et je me suis juré d’être diplômé d’une grande école ! C’est le cas (Sourire) !
J’ai toujours été soutenu et c’était très important pour moi parce que ça m’empêchait d’abandonner. Mon père m’a toujours dit de ne pas avoir peur de travailler dur : à un moment donné, j’avais trois boulots et… un van (Rires) ! Il n’existe pas de chemin facile ou de raccourci pour arriver au but : il faut bouger son cul et travailler (Sourire)…
Tu as évoqué ton meilleur souvenir, au contraire, quel pourrait être le pire ?
Le pire souvenir ? Je dirais que c'est quand nous sommes allés en Amérique du Sud en 1995, je crois… Nous courions après des affiches bien trop grosses pour nous et ça s’est vérifié : c’était horrible et c’était probablement le début de la fin (Rires) !
On a commencé cette interview par la question qu’on t’a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ?
Hum… Je ne sais pas… Je crois que tu m’as posé toutes les questions que je voulais entendre (Sourire)…
Je ne sais pas... quelque chose que tu souhaites dire en particulier aux lecteurs français de Music Waves ?
Aux fans français, je voudrais juste dire merci pour le soutien qui dure depuis 25 ans. C’est juste incroyable et sans eux, il n’y aurait pas de Skid Row !
Merci
Merci et merci pour cette interview qui était vraiment super!
Merci à Noise pour sa contribution et Christophe Meng (Rock'n'Raw) pour ses photos...