Il en aura fallu du temps, des tours et des détours, pour se rendre au fin fond de la banlieue parisienne au Covent Garden studio. Heureusement le trajet en valait la peine car la rencontre avec Damian Wilson, la voix de Threshold, nous à permis de découvrir un être chaleureux, honnête et plein de gentillesse...
Quelle est la question que l’on t'a trop souvent posée ?
Mon nom... Mon nom doit être la question que l'on m'a le plus souvent posée, et aussi qui je suis. (il réfléchit). Tu veux peut-être dire la question la moins intéressante...
Oui...
Je ne sais pas trop. Je ne me souviens pas d'une seule question qui m'aurait réellement ennuyée. Toutes les questions sont intéressantes... même si parfois je change les réponses... mais tu sais quand tu as sans cesse les même questions, à propos de l’album en cours, ou des autres albums, tu sais c’est...
... ennuyeux ?
Non, pas vraiment... L’ennui n’existe pas vraiment pour moi...
La jaquette représente une voie ferrée, avec un obstacle et quelqu'un qui l'a franchi. Est-ce que vous avez eu des obstacles pour réaliser cet album ?
Non, je dirais beaucoup d’étapes plutôt... J’ai l’impression que l’album est plutôt bon... Le précédent March of Progress était plus centré sur un élément particulier et sur une progression d'individus. En fait cet album a été fait assez rapidement par rapport au précédent. Je pense toutefois qu’il se fixe sur quelque chose de particulier, il est plus direct d’un bout à l’autre en quelque sorte.
Est-ce que vous avez rencontré des difficultés lors de l’enregistrement ?
Non, non pas vraiment, on n'a eu aucun problème lors de l'enregistrement.
Ça a donc été facile ?
Oui pour moi ça m’a semblé assez naturel et plaisant. Alors oui, ça a été facile car nous n’avons pas rencontré d’écueils. C’était à mon avis, le moment idéal pour l'enregistrer.

Quelle est la signification profonde du titre “For the Journey” ?
Pour le voyage, je pense que c’est...
...spirituel ?
(rires) Physique ou spirituel… (il réfléchit)
C’était plus une idée vraiment pragmatique à mon sens pour préparer au voyage. Une piste comme Unforgiven était destinée à être quelque chose de positif, comme une certaine vision du futur auquel nous devons faire attention. C’est cette idée là qui se dégage de ce voyage, c’est quelque chose qui nous incombe en tant que groupe.
J’ai l’impression que chaque chanson de cet album est une manière de rendre hommage à Andrew ?
Tu sais, il a vraiment fait partie des deux derniers albums... il vit dedans. J’ai l’impression qu'Andrew a construit le groupe ces dernières années. Il a passé pas mal d’années - je ne sais pas exactement, peut-être dix - à travailler pour amener le groupe là où il est et en faire ce qu’il est. Quand je suis revenu dans le groupe, ça n’était pas pour moi quelque chose de permanent. J’étais juste là pour le remplacer même si j’étais enchanté d’être encore avec mes amis et d’être une fois de plus dans un groupe que je sentais fort et vraiment très soudé. Mac m’a supporté et je l'ai également soutenu, ainsi ce contact entre nous était vraiment positif.
Et tu sais je suis toujours persuadé qu’il va revenir parmi nous.
(silence religieux)
J’ai toujours eu le sentiment qu'Andrew avait construit un son plus lourd pour Threshold.
Hé mec, tu sais, quel que soit l’enregistrement auquel j’ai participé, ma voix est toujours claire et pure. Mac a certes enregistré des morceaux heavy, mais ma voix, c’est la voix que j’ai... Je crois que le point auquel j’ai vraiment contribué, c’est l’aspect émotionnel de la musique et c’est quelque chose dont je suis fier. Cette voix épaisse et puissante, que la plupart de mes chanteurs favoris ont, ce n'est pas moi.
C’est ainsi que nous pouvons te reconnaître immédiatement.
En effet... Ce n’est pas une voix totalement contrôlée, une chose que j’aurais créée, c’est juste naturel. Je n’ai jamais voulu sonner comme quelqu'un, j’ai toujours souhaité faire quelque chose de personnel. Les chanteurs que j’admire ont tendance à avoir des voix éraillées et puissantes, ils ne sonnent pas comme moi et je ne veux pas sonner comme eux.
Peut-être es-tu leur exact opposé...
Oui j’ai l’impression que c’est ça.
Sur cet album, les chansons semblent plus complexes et plus directes que sur l’album précédent ?
Sur l’album March of Progress nous avons agrégé toutes les influences qui étaient à notre portée. Celle d'Andrew bien entendu, mais les miennes aussi. March of Progress était l’album que nous avions besoin de produire. Celui-là est plus concentré sur un aspect particulier, je pense que le suivant sera plus diversifié.
Est-ce que le processus d'écriture a été différent ?
Je ne sais pas... Je pense qu’il y a une relation forte entre Karl Groom et Richard West. Par exemple sur le titre Rubicon et sur certains morceaux de l'album, ça se ressent... Je n’ai pas essayé d’interférer dans ce duo car il fonctionne à merveille. Je voulais travailler plus avec ces mecs, mais je ne voulais pas déstabiliser l‘harmonie du moment qu’ils avaient réussi à créer.
Étais-tu impliqué dans cet album ?
Oui bien entendu en tant que chanteur.
(rires)
Et en dehors du chant ?
Non je n’ai pas écrit sur cet album. Sur le dernier album, oui mais pas sur celui-là. Ce fut d'ailleurs assez étrange pour moi de ne pas être impliqué dans le processus de composition car c’est quelque chose d’assez inhabituel. Honnêtement, je me considère avant tout comme un compositeur avant d'être un chanteur. Mais j’aime Threshold et j’aime les relations au sein du groupe. Qui plus est, je ne veux pas trop intervenir, marcher sur les pieds et créer de nouvelles choses pour nous. Quoi qu’il en soit, je suis persuadé que le prochain album sera diamétralement différent...
Qu’est-ce que tu aimes en particulier dans Threshold plus que dans Headspace ?
Headspace me plaît beaucoup aussi, c’est sympa, c'est comme un groupe d’amis. C'est totalement différent de Threshold, et heureusement, car je suis totalement impliqué dans l’écriture des paroles et dans les mélodies vocales ainsi que dans les chansons.
Certains critiques disent que Threshold fait le même album depuis Hypothetical avec les même riffs, le même mixage, etc.
Pourtant ce n’est pas vraiment la même chose. Même si certains gimmick se retrouvent de ci de là ou même certains riffs, c’est quand même avec un chanteur différent. (rires)
Comment le groupe arrive-t-il à gérer ton emploi du temps, car tu es impliqué dans pas mal de projets ?
J’essaie d’être aussi occupé que je peux l’être.
Est-ce que le groupe a dû organiser les dates de concerts selon ton agenda ?
C'est assez simple, je me rend disponible quand ils souhaitent faire une tournée sur certaines dates et je vérifie bien que je suis effectivement libre. Certes, je suis très occupé avec mes projets musicaux mais les autres le sont aussi. Par exemple avec Headspace, Adam (ndlr Wakeman) est lui aussi très occupé car il travaille avec Ozzy Osbourne et c'est une priorité car ils ne peuvent pas faire une tournée sans lui. C’est donc la même chose pour tous les autres, car ils travaillent aussi dans leur propres projets : My Solliloquy, Kyrbringer, Unwritten Pages...
Par le passé le groupe a travaillé avec Dan Swano pour mettre quelques growls, pourquoi sur cet album Karl n’a pas souhaité poursuivre dans cette voie ?
Je ne sais pas, ça ne lui est pas venu à l’idée cette fois-ci.
Ca donnait parfois beaucoup de puissance aux compositions...
Oui c’est certain... Je pense que c’est sympa comme mélange, mais je suppose qu’il voulaient garder une orientation propre au style et à ce que fait Threshold.
Tu n’as jamais eu envie de faire des growls ?
Pour être honnête avec toi je n’ai jamais essayé de le faire même si je trouve cette façon de "chanter" intéressante. Nous avons été sur la route avec Craddle of Filth et je suis vraiment impressionné quand je les entends crier de la sorte... C’est brillant mais ça n’est pas moi... Le plus important dans le chant c’est l'expressivité, et je m’exprime vraiment avec un chant clair.
Vous n’avez jamais eu peur d’être un de ces groupes de metal prog’ qui sonnent comme Dream Theater ?
Je n’ai jamais écouté un seul album de Dream Theater de ma vie. Je connais James Labrie et les autres gars, et bien entendu, je sais qu’ils font un boulot impressionnant et je sais aussi que Threshold a pris certains de leurs éléments mais ça s'arrête là.
Pour te dire, quand j'étais adolescent, je jouais de la guitare acoustique et tout le monde me disait que je devais écouter Bob Dylan... j'ai toujours refusé de le faire, même si c’est obligatoire quand tu as une guitare acoustique. C’est la même chose quand on me dit que je sonne comme Robert Plant : je n’ai pas vraiment écouté Robert Plant. Pour Dream Theater c'est pareil.
Est-ce que vous n’êtes pas effrayés d’être une groupe de metal progressif parmi tant d’autres ?
Personnellement non. Ce qui est important pour moi c'est que mon chant soit de qualité. Il n’y a pas de réflexion ni de stylisation dans tout ça.
Par exemple, quand nous avons fondé Headspace, nous n'avions pas eu envie de faire un groupe à vocation progressive et pourtant c’est un des groupes les plus progressifs que tu puisses avoir. En fait j’essaie de m’exprimer et d’être honnête dans mes performances. Tout cela n'est pas calculé.
C'est ma vision personnelle, il faudrait en parler avec Richard et Karl pour avoir leur avis sur cette question, notamment en tant que producteur. En fin de compte, en ce qui me concerne il ne faut pas trop s'identifier à un style particulier et tomber dans une catégorie spécifique...

Est-ce que vous avez trouvé le son de Threshold ? En effet Threshold propose d’un côté des chansons heavy et de l’autre des chansons pleine de climats et de douceur.
Oui je pense que nous avons trouvé le bon équilibre, toutefois je reste persuadé que les autres membres du groupe y réfléchissent plus que je ne peux le faire. En fait le son de Threshold est à l’heure actuelle plus influencé par Richard et Karl que par moi en tant que vocaliste. Que ce soit avec Mac ou avec moi, c’est toujours et avant tout Threshold. Si il y avait un autre chanteur, le son du groupe serait toujours reconnaissable et identifiable du premier coup.
C’est d'ailleurs assez incroyable, car le groupe a changé, le lineup a évolué, mais le son est toujours resté le même...
Oui c’est vrai. C’est sans doute, parce que Karl et Richard sont toujours là. Cet aspect de la musique, c’est une chose qui se définit par les interactions qui existent entre Karl et Richard et Johanne (James) évidement, car je pense que Johanne à vraiment un impact sur le son de Threshold.
Qu’est-ce que ça signifie pour vous d’être un groupe de metal progressif en 2014 ?
C’est un aspect qui est avec le recul plus positif que ce qu’il pouvait l'être dans les années 90. Ainsi, les labels prog' en Angleterre ont toujours voulu être clair avec ça, même si on ne les prenait pas au sérieux. Dans les magazines, le prog' a une meilleure position et plus de visibilité auprès du grand public qu'auparavant. Pour moi, les gens sont moins intimidés et certainement plus fiers d'appartenir à cette mouvance.
Sur le dernier album quels sont les thèmes abordés par les paroles ?
Je crois que c’est arriver à s’abandonner pour voyager...
Pour un voyage physique ?
Je ne sais pas trop, je n'ai pas écrit les paroles. Je suis certain que ça fait référence au spirituel pour les autres mecs mais pour moi c’est quelque chose de plus pragmatique.
Qu’est-ce que la signature avec Nuclear Blast vous a apporté ? Auparavant vous étiez sur Inside Out un label plus progressif...
Le truc à propos de Inside Out c’est que Thomas est une personne vraiment talentueuse, il a édité un grand nombre de groupe progressifs et c'est aussi une personne authentique... Quand nous avons signé avec Headspace chez Inside Out, c’était parce que je pensais que c'était le label idéal pour le groupe. Or, de la même manière Nuclear Blast est le meilleur label que Threshold pouvait avoir : je les vois travailler depuis leurs bureaux et je vois tout le soutien et les réponses qu’ils nous apportent. C'est impressionnant car je n’ai jamais vu ça de la part d’un autre label. Pour moi Nuclear Blast est largement au-dessus du lot.
Est-ce que ta voix a évolué depuis ces années ? Et depuis le dernier album ?
Elle continue à évoluer et je pense qu’elle est bien meilleure maintenant. Quand tu es jeune tu n’as pas à t’échauffer, tu peux simplement la faire exploser et même faire des growls ou ce genre de chose avec cette décontraction que tu as sur les anciens albums. Mais je pense sincèrement que ma voix est bien meilleure maintenant que ce qu’elle a été. Je compte l’utiliser aussi souvent que je peux car je sais bien qu’elle ne sera pas aussi bonne indéfiniment...
Comment as-tu travaillé ta voix sur cet album ?
Je ne peux pas te le dire vraiment. Il y a une vrai démarche pour me sentir prêt, je commence par me préparer physiquement puis ensuite je chauffe ma voix... Je fais des vocalises, dix minutes environ ensuite je fais venir le sang à mes poumons. Et alors je m’entraîne sur scène, j’utilise pour cela les moniteurs.
Avec Threshold, toutes les lignes de chant sont terriblement aiguës, vers le La ou le Fa dièse ou le Do aigu. J’essaie d’atteindre les notes les plus hautes. Je fais comme ça sur toutes les tonalités, même les plus aiguës, celles sur lesquelles tu n’es pas sensé être car ça m’aide vraiment à appréhender les parties vocales.
La voix est quelque chose de précieux ! Il y a certains chanteurs qui ont détruit leur voix en chantant avec trop de puissance. Après il ne reste plus que la chirurgie pour tout réparer !
As-tu nous quelques mots à dire aux lecteurs de Music Waves ?
Soyez curieux et continuez à profiter de tout.
C'est ta philosophie ? J’ai l’impression que tu es une personne très marquée par la philosophie ?
Je profite de la vie, j'aime rencontrer les gens. J'apprécie ce que je fais chaque jour et les choses simples. Pour moi la vie est plus épanouissante et importante que de simplement s’accrocher à des chose matérielles et illusoires. Un peu de passion et de fougue sont nécessaires pour mettre du piment dans la vie.
Quels sont tes projets pour l’année à venir ?
Mon emploi du temps est plein à craquer et ce n’est pas vraiment un secret... Je prépare mon album solo et une tournée. Cette année sera certainement consacrée à Maiden UniteD, avec une tournée et pas mal de dates dans des lieux intéressants. Je travaille aussi avec Threshold et il y a un nombre important d’autres projets dans lesquels je suis impliqué en tant qu'invité...
... comme sur le prochain album de Ayreon ?
Je suis en contact avec Ayreon et je travaille avec lui d’une certaine manière. Vraiment, je peux te dire je suis vraiment enchanté d'avoir cette relation forte avec Arjen Lucassen, car c'est vraiment un mec intelligent, qui sait extraire le meilleur de chacun d’entre nous...
Pourquoi aimes-tu tant travailler avec Ayreon ?
La raison est vraiment simple, c’est parce que c’est un homme merveilleux. Par ailleurs, il m'a vraiment aidé à donner le meilleur de moi même en tant que chanteur. C’est certainement la personne avec laquelle je préfère travailler...
Merci Damian
Merci à toi