Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
Cristina : "D'où vient de nom le votre groupe ?"
Et nous ne te la poserons pas. Revenons plutôt sur votre discographie, notre première interrogation vient du long délai qu’a mis le groupe à sortir ce premier album. Il existe depuis 2008, s’est vite fait un nom avec ses EP en 2010 et 2011 et de nombreux concerts percutants. Et pourtant ce 1er jet a mis plus de 3 ans et demi à nous parvenir, ce qui est très long dans notre époque musicale si volatile et où les groupes sont vite oubliés. Comment expliquer ce délai ?
En fait, nous avons eu de gros problèmes de line-up qui ont fait traîner l'enregistrement de l'album et notre retour sur scène. Nous avons privilégié la scène, donc avons bossé en priorité sur l'apprentissage des anciens morceaux pour les nouveaux membres du groupe. Puis nous avons pris le temps d'apprendre à jouer les nouveaux morceaux, et comme tout a été auto-produit, il nous a fallu le temps d'avoir l'impression que tout était parfait pour nous avant la sortie.

Avez-vous voulu peaufiner cette sortie, été pris dans le tourbillon de la vie sur la route sans écrire de nouveaux titres, ou simplement voulu prendre votre temps et éviter une sorte d’overdoses de sorties ?
Les concerts ne nous empêchent pas d'écrire, et c'est plutôt positif puisque du coup nous pouvons faire les deux à la fois. Nous ne sommes pas spécialement contre l'overdose de sorties, mais effectivement, si c'est pour sortir 3 fois d'affilée le même CD, c'est inutile ... Il est important pour nous que l'évolution s'entende au fil des sorties.
Le groupe est une bête scénique, osons le terme, plus de 100 dates sans finalement avoir d’album sous le coude c’est un exploit et la preuve de votre force sur scène. Comment - en étant en grande partie indépendant - arrive-t-on à décrocher autant de dates et avec autant de grands groupes de la scène deathcore, death métal et metalcore ?
Un chouïa moins de 100 dates avant la sortie de l'album, mais oui effectivement, c'est notre priorité. La recherche de date est un lourd travail, surtout que l'on a environ 1 retour sur 15 demandes... Ce qui est bien pour se lancer dans le bain, c'est organiser soi-même et faire des "échanges" de dates, puis à force de tourner, les gens se souviennent de votre nom et veulent vous revoir...
De Svart Crown à Sublime Cadaveric Decomposition ou encore Walking Dead Orchestra et Trepalium, vous avez un palmarès impressionnant! Tous ces concerts ont-ils contribué à forger le son de ce nouvel album et en partie à influencer son écriture et ses orientations musicales ? En fait vous êtes-vous nourris de vos expériences live pour avancer musicalement, et ces dates vous ont-elles changés humainement et professionnellement ?
Concernant le nouvel album, il a été composé avant ces jolies dates, donc elles n'ont pas eu d'influences particulières dessus. Pour l'avancement musical, il est certain que l'on se sert de nos expériences live parce que l'on peut voir les passages qui plaisent ou non au public et c'est important d'en tenir compte, à force d'entendre nous-même nos chansons, nous n'avons parfois pas assez de recul pour savoir si ça passe ou si c'est plutôt moyen. Humainement, que ce soit ces dates ou des plus petites, ça nous a complètement transformés. Effectivement, avant When Reasons Collapse nous avions peu de scène dans les pattes, aujourd'hui nous avons rencontré un tas de gens formidables, je ne me souviens pas un seul de nos concerts qui ait été humainement une catastrophe, nous nous sommes fait des amis, de bons contacts et nous nous sommes rendus compte que nous avions une chance incroyable de ne pas passer le week-end chez soi devant la télé pour enfin retourner au bureau le lundi matin... On relativise plus facilement les problèmes que l'on peut rencontrer au boulot ou dans la vie de tous les jours. Les concerts ont fait de chacun de nous ce que nous sommes aujourd'hui et pas uniquement à travers le groupe.
La scène deathcore a connu un succès important dans les années 2000 et plus particulièrement dans la deuxième partie de la décennie avec des groupes comme Bring Me The Horizon ou Suicide Silence. En France je pense à des formations comme Betraying The Martyrs, As They Burn ou Benighted dans un style plus proche du grind. Comment vous situez au milieu de toutes ces formations, vous sentez-vous comme appartenant à une sorte de communauté ou au contraire vous sentez-vous à part de ce mouvement ?
Nous n'y pensons pas vraiment, chacun de ces groupes a une identité propre et le public qui lui est rattaché. Effectivement il y a, à mon sens, une sorte de communauté, mais nous ne nous sentons pas y appartenir... Nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Quand on voit le chemin qu'a parcouru Benighted, qui est un groupe que j'apprécie particulièrement, et que je trouve à part de cette communauté (peut-être parce que c'est un style plus brutal), ça ne peut être qu'un encouragement, un exemple de là où nous souhaitons nous diriger ... C'est un groupe qui tourne, qui est reconnu, qui fait de la musique irréprochable sur scène et sur CD, mais aussi un groupe intemporel ... Ce qui n'est pas le cas de beaucoup de groupes de la veine deathcore qui vont et viennent ...
Ce mouvement d’ailleurs est un peu moins en vue, As They Burn a jeté l’éponge récemment d’ailleurs. Sortir un 1er album à cette période n’est-il pas aussi une manière d’affirmer haut et fort une identité forte et de montrer que vous êtes loin des modes fugaces ? En gros y-a-t-il un avenir à long terme pour ce genre selon vous au sein des mouvements très divers de la scène métallique ?
Evidemment, sortir un album maintenant montre que l'on est là, et que l'on reste fidèle à notre style. Du deathcore oui, mais du deathcore technique qui a une très grosse partie mélodique. Se sortir de la masse par ces détails et par des influences très diverses (Hardcore/ Death Mélodique/ Black Métal) est une force qu'il faut garder, sinon à l'image d'autres groupes, nous serons noyés dans la masse avec un son interchangeable avec d'autres, et ce n'est pas notre but. On veut garder notre identité. Le deathcore n'est pas mort, je pense qu'il faut essayer de composer intelligemment et ne pas resservir la même soupe à chaque chanson. Ce que beaucoup de groupes aujourd'hui (et spécialement les groupes qui débutent) ont du mal à comprendre. Nous sommes là, et j'espère que nous le sommes encore pour un long moment. Ce groupe est plus qu'une passion pour nous.

Je pose cette question de l'appartenance musicale car à l'écoute de l'album on distingue nombre d'influences au-delà du deathcore. On entend aussi du death mélodique, entre In Flames ancien et Arch Enemy, mais aussi du death plus classique et technique, je pense à la chanson 'When Reasons Collapse' et sa partie musicale pour cet exemple. Etait-il important pour vous de ne pas se cantonner à un seul genre de death pour ne pas sonner trop routinier ou trop dans un même moule de composition ?
Comme je le disais dans la réponse précédente, je pense que c'est une force pour nous, et bien au delà de ça, cela ne serait intéressant pour aucun de nous si on faisait du deathcore basique. Nous aimons les challenges, la technique et nous aimons un tas de styles différents, il est important que tout cela s'entende dans notre musique.
Vocalement aussi, je trouve que le groupe ne fait pas que dans le scream classique du genre, certains vocaux growls typiques du death brutal se font entendre, sur 'Past In Peace' par exemple, et cette facette qui rappelle un Deicide ou un Cannibal Corpse est assez impressionnante. Tu varies parfaitement les genres et proposes un bon mix vocal, est-ce-que tes influences vocales sont autant du côté d'un Suicide Silence que chez le bon vieux death métal des années 90 ?
Je n'ai pas de limite au niveau de mes influences, j'essaie de me surpasser à chaque fois, mais ce n'est pas facile... En ce moment j'écoute pas mal de black métal par exemple, alors je travaille dessus. Je suis attentive aux remarques que l'on m'a faites sur les critiques des précédents EP à propos de mes limites vocales, donc je travaille dessus et Thierry m'aide beaucoup. Comme ce sont ses compositions, il m'oriente sur le type de voix qu'il verrait coller sur certains passages. Même le chant est un travail d'équipe.
Enfin, tu as un blog sur le site VS où tu parles du business et de pas mal d’autres sujets. C’est important pour toi d’exprimer ce que tu as sur le cœur au niveau des coulisses de ce métier ? Une carrière journalistique te plairait-elle d’ailleurs ? Et enfin comment fais-tu pour supporter certains commentaires parfois rudes de la part de gens planqués derrière leur PC ?
Le fameux blog VS... A vrai dire je pense qu'il peut être très intéressant pour des groupes qui débutent de savoir comment se passent certaines choses, comme le booking, le merch, le fait de ne pas avoir peur de jeter quelques billets pour se jeter dans le bain de sa passion. Je le fais souvent en coups de gueule, parce que ça fait réagir. Une carrière journalistique n'est pas dans mes projets et je ne pense pas avoir les capacités de le faire, mais je reste ouverte à toutes propositions pour le futur, pour le moment je n'ai pas vraiment le temps.
Pour les commentaires désobligeants... Nous sommes sur internet, avec une communauté de métalleux rassemblés sur un webzine qui se nomme VIOLENT SOLUTIONS, est-ce que je m'attendais à autre chose ? Pas vraiment, c'était couru d'avance... Ça fait 15 ans que je suis dans le milieu du métal, avec le même type de gens qui aiment se rendre intéressants dès qu'ils sont derrière un clavier. Un peu comme moi en somme, le clash était inévitable (Rires)!
Quel message souhaitez-vous faire passer ?
When Reasons Collapse n'a pas la prétention de faire passer un message. Les thèmes abordés peuvent toucher n'importe qui et il n'y a aucun message de morale ou de conduite à avoir. On espère juste toucher les gens par nos musiques et nos paroles. Quand on voit parfois que c'est le cas, c'est un sentiment de devoir accompli, et ça nous pousse à croire qu'on ne fait pas tout ça pour rien.
Qu’attendez-vous de cet album ?
On espère qu'il permettra à un nouveau public de nous découvrir, et qu'il nous ouvrira des portes à encore plus de concerts.
Quelle est la prochaine étape ?
La promo de l'album par des concerts innombrables est notre grande priorité, nous commençons lentement à parler d'un nouvel album à venir en tenant compte des retours que nous avons eu pour le moment sur "Dark Passengers".
Quel est ton meilleur souvenir d’artiste ?
Notre tournée en Europe Centrale/Est est notre plus gros souvenir. A refaire sans hésiter ! Beaucoup de rencontres, de découvertes de groupes, de cultures différentes...

Au contraire, le pire ?
Lors de cette même tournée, devoir reprendre la route juste après un concert pour 16 heures de route, en arrivant au début du concert suivant... Grosse pression, grosse fatigue.
On a commencé cette interview par la question qu'on t'a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ?
Pourquoi pas une question à propos de nos groupes préférés ? Mais la réponse serait bien trop longue...
Le mot de la fin aux lecteurs de Music Waves ?
Merci de nous avoir lus, j'espère que vous viendrez nous voir bientôt en concert pour découvrir "Dark Passengers", notre nouvel album !