A peine deux après la promo de "Essentia", nous voici de nouveau face à face avec les membres de The Last Embrace dont certains comme Olivier étant visiblement ravis de pouvoir échanger avec nous...
Alors que nous parlions d'un délai de 3-4 ans entre chaque album lors de la dernière interview sous prétexte de perfectionnisme, voilà que "The Winding Path" arrive à peine deux ans après "Essentia"…
Olivier Dubuc : … Gros progrès , n’est-ce pas (Sourire) ?
Faut-il y voir un album bâclé ?
Olivier : (Rires) Je serais tenté par dire que la réponse sera dans la chronique de Music Waves (Rires) !
Et justement qu'en penses-tu ?
Olivier : En dehors de l’aspect positif qui fait toujours plaisir, la chronique est super, bien sentie comme la précédente d’ailleurs. On est content avec ce genre de chroniques parce qu’on se rend compte qu’on n’a pas bossé pour rien.
Mais pour revenir à ta question, effectivement, on a mis moins de temps parce qu’on s’est mieux organisé, on a bossé de façon plus efficace, on a enregistré sur un mois… Du coup, on a nettement moins perdu de temps, on était beaucoup plus concentrés …
Plus sérieusement, tu as confirmé lors de l’interview qu’Essentia clôturer un chapitre de la vie de Last Embrace et nous savions que nous nous reverrions rapidement pour ce nouvel album
Olivier : Exactement, c’était prévu (Sourire) !
"Essentia" avait fait l’objet d’une promo et de toute une série d’interviews, est-ce que cela vous a fait passer un cap et que l’objectif recherché a été atteint à l’époque à savoir je cite "On n'a pas forcément une ambition commerciale ou financière mais on aimerait que le nom du groupe tourne tout simplement" ?
Olivier : Je ne sais pas si "Essentia" nous a fait connaître plus que cela mais en tous cas, les retours étaient tous très bons. Ce qui est certain, c’est que notre méthode de travail a changé : nous sommes plus efficaces musicalement et en termes de promo, on sait mieux comment s’y prendre également… Et tout cela joue en faveur de la médiatisation de notre musique : je pense qu’on récolte un peu les fruits de tout ce travail.
Qui a le plus d’impact : l’orientation musicale ou la connaissance des rouages ?
Olivier : Ce sont les deux mais la connaissance des rouages dans la promotion et notamment faire les bons choix aide beaucoup…
Musicalement, nous avons progressé et c’est un peu normal après tout ce temps mais surtout quand tu as trouvé le bon line-up.
Je pense qu’on peut dire sans fausse modestie que nous avons passé un cap et le résultat se concrétise par de bons retours…
On peut dire qu’on a progressé à tous les niveaux.
Sur votre site, vous parlez pour présenter cet album, de nouvelles inspirations, de chemins plus aventureux. Quels sont-ils ? Est-le fait de travailler par exemple avec un quatuor à cordes ?
Olivier : On l’avait déjà pour "Essentia" mais on l’a à nouveau fait dans un contexte plus électrique rendant le mixage plus compliqué.
On peut dire qu’on a progressé à tous les niveaux. Question style, on est clairement plus dans le délire rock progressif qui nous permet d’ajouter plein de choses comme le quatuor à cordes, des morceaux à tiroir de 18 minutes qu’on avait annoncé lorsqu’on s’était vus et cela s’est confirmé avec l’album…
Malgré tout, cette évolution s’est faite tout naturellement : le clavier et le batteur qui est arrivé récemment sont tous deux fans de rock progressif des années 1970…
On reconnait pourtant très vite votre patte…
Olivier : … Tant mieux, c’est le but aussi (Sourires) !
L'album est-il donc si aventureux ?
Olivier : Pour le coup, il n’y a pas vraiment de calcul par rapport à cela. Nous espérons avoir trouvé notre touche et je pense que c'est la cas…
Après, cet album est tout de même aventureux dans le sens où il y a quand même un gros pavé de 18 minutes, il y a pas mal de passages progressifs… Mais cet album reste un album mélodique avec des mélodies assez accessibles.
Tu dis avoir trouvé votre style : quel a été le déclic ?
Olivier : Si je veux être plus exact, je dirais qu’on a évolué dans notre style. A ce jour, je peux dire qu’on a trouvé notre style parce que nous sommes satisfaits à 100% de cet album. Le groupe a plusieurs facettes : acoustique, prog… Cet album les réunit toutes avec malgré tout un fort penchant pour le prog…
Pour la pochette de "The Winding Path", vous avez encore fait appel à Dehn Sora. Vu la noirceur de son œuvre, ce choix peut paraître surprenant ... Comment avez-vous eu l'idée de collaborer avec lui ?
Olivier : Nous avons toujours voulu travaillé avec Dehn Sora parce que nous aimons son boulot. Nous voulions qu’il mette en avant le côté analogique et chaud de notre musique et en même temps, nous voulions qu’il mélange les éléments lumineux et d’autres plus sombres présents dans cet album. Je pense qu’il a réussi à retranscrire cela. Après, je te l’accorde, si on ne lui donne pas d’indication, il aura tendance naturellement à faire dans le très sombre mais si tu le guides, c’est un artiste qui s’adapte parfaitement à la demande et qui très bosse très bien.
Cette pochette peut évoquer celle de "We're Here Because We’re Here" d’Anathema, ne crains-tu pas les rapprochements ?
Olivier : La pochette est très en rapport avec le contenu très axé sur les ambiances or ces dernières peuvent se rapprocher de celles d’Anathema. Le contenant est en adéquation avec le contenu et si cela peut évoquer du Anathema, ça ne me dérange pas parce que j’aime bien Anathema, mais ce n’est pas conscient.
A ce titre, alors que nous évoquions un cap passé par The Last Embrace, comment expliques-tu que vous vous cantonniez à des sets acoustiques comme hier et pas des premières prestigieuses comme celle d’Anathema de ce soir ?
Olivier : Je ne maîtrise pas encore toutes les ficelles de la promo (Sourire). Mais je ne suis pas certain qu’ils aient une première partie ce soir, je crois savoir qu’ils jouent un long set de 3 heures… Il me semble avoir envoyé un promo au tourneur mais c’est toujours la même chose, réussir à se placer en première partie des groupes qui marchent n’est pas toujours évident : parfois, ça marche…
Depuis quelques années, votre line-up semble s'être stabilisé et se veut plus solide encore. Sans celui-ci, auriez-vous réalisé un album tel que "The Winding Path" ?
Olivier : Non, ce n’aurait pas été possible notamment sans la présence du nouveau batteur qui cogne dur. Il a une très grosse technique, malgré sa jeunesse, il a un background musical assez impressionnant si bien qu’au niveau du rendu, il peut s’adapter à tout.
Nous sommes tous connectés humainement et musicalement et quand on enlève un élément, ce n’est plus pareil !
Sur ce nouvel album, vous avez encore franchi une étape en termes d'écriture avec "The Fields Of Mind", long de presque 20 minutes. Comment ce titre est-il né ? Cela s'est-il fait naturellement ? Était-ce un pari ou une envie de composer ce genre de morceau à la structure très progressive ?
Olivier : A la base, c’est naturel, c’est Coco le clavier qui a apporté la trame au piano. Après, c’est également un défi parce qu’il faut pouvoir assurer ces 18 minutes…
Pour avoir rencontré bon nombre d’artistes progressifs, ces derniers auraient tendance à dire que le plus compliqué n’est pas de faire un long morceau de 18 minutes mais d’aller à l’essentiel, qu’en penses-tu ?
Olivier : Le plus difficile dans un tel morceau est qu’on ne s’ennuie pas. Même si le morceau est à tiroir, il faut que les parties soient cohérentes, il faut qu’il y ait des thèmes qui reviennent régulièrement pour avoir un fil conducteur.
Les idées de riffs, on les avait mais le plus difficile, dans une compo en général, est de les coller de façon cohérente pour donner une vraie chanson même si elle est de 18 minutes. C’était la vraie difficulté et je pense que nous ne nous en sommes pas trop mal tirés grâce au talent de composition et d’arrangement de Coco.
Les gens veulent un peu de vie dans la musique et il y a toujours eu de la vie dans le progressif
Lors de notre dernière rencontre, Coco nous avait avoué son faible pour Klone. Comment expliquez-vous ce retour massif aux sources progressives ?
Olivier : Plein d’artistes assimilés progressifs comme Steven Wilson ou Anathema qui fonctionnent bien retournent vers un son chaud, analogique. Les gens veulent un peu de vie dans la musique et il y a toujours eu de la vie dans le progressif. De notre côté, ce n’est pas volontaire mais c’est un cycle dans la musique : je ne l’explique pas.
Le fait que l’ambiance soit bonne explique peut-être le fait qu’elle soit plus chaude ?
Sandy Carles (qui nous rejoint à ce moment de l’interview avec les deux autres membres du groupe) : Bien sûr, c’est naturel !
Olivier : Si on est mal dans un groupe, la musique ne suivra pas ou sera froide ! Si il y a un mec qui compose tout et qui dirige les autres, ces derniers retranscriront la musique sans folie. En revanche, si il y a une belle alchimie humaine, ça se ressent au niveau du rendu musical.
Depuis "Aerial", nous partageons les compos mais c’est vrai que c’est
particulièrement le cas sur cet album qui est un vrai travail collectif !
Est-ce que finalement, avec cet album et ce titre phare de 18 minutes, The Last Embrace n’est-il pas un vrai groupe pour la première fois c'est à dire autre chose que le duo Olivier/ Sandy ?
Olivier : Depuis "Aerial", nous partageons les compos mais c’est vrai que c’est particulièrement le cas sur cet album qui est un vrai travail collectif !
Chris Hiegel : Quitte à faire pleurer, je parlerais de famille (Rires) ! Pour composer des choses complexes, il faut au minimum que tout le monde soit d’accord.
Olivier : Nous n’aurions jamais pu faire un tel album avec des gens qu’on n’apprécie pas !
Le groupe existe depuis 17 ans aujourd’hui, quitte à paraître cliché, est-ce que The Last Embrace n’aurait pas atteint l’âge de…
Olivier : … maturité ? C’est évident !
N’as-tu pas le regret qu’avec ses 17 ans, The Last Embrace ne se trouve un vrai public solide que depuis peu ?
Olivier : Aucun regret ! Je dirais même que c’est mieux à tous les niveaux stylistiques ou humains : on s’entend bien, le travail coule de source…
C’est le lot des groupes qui ont des hauts et des bas. Aujourd’hui, ça va bien et demain ?
Chris : Ca ira mieux puisqu’on t’aura viré (Rires) !
Au départ très atmosphérique, votre musique braconne de plus en plus sur des terres progressives. Comment expliquez-vous cette évolution ? Est-ce que cette direction musicale s'affirmera encore davantage dans le futur ?
Olivier : On verra mais avec le recul que j’en ai aujourd’hui, je pense qu’on va continuer ainsi.
Avec "The Winding Path", ne faites-vous pas finalement la synthèse de ces deux courants musicaux plus complémentaires qu'ils n'en ont l'air ?
Olivier : Tout à fait et ce qui ressort des chroniques d’ailleurs.
A partir du moment où tu créés quelque chose, tu t’exposes au risque de la médiocrité !
Mais n’est-ce pas le risque pour la suite de ne pas être capable de trouver cet équilibre ?
Olivier : Je pense qu’il ne faut pas réfléchir. Quoi que tu fasses, tu prends un risque : à partir du moment où tu créés quelque chose, tu t’exposes au risque de la médiocrité !
Tant qu’on n’y pense pas, qu’on est détendu, ça ira et comme on ne gagne pas notre vie avec notre musique : je pense qu’on va continuer à faire ce qu’on a envie de faire sans trop penser à cela (Sourire) !
Sandy : Notre musique est une aventure expérimentale pour chacun de nous : il suffit que quelqu’un nous montre une des ses influences que les autres ne connaissaient pas ou apporte une structure, on va bosser dans cette direction et si ça se trouve, ça sonnera très bien -ou pas du tout- et on l’intégrera.

Ce nouvel album a notamment pu voir le jour grâce au financement participatif. De plus en plus de groupes ont recours à ce procédé, pour quelles raisons ? Est-ce le fait de pouvoir conserver sa liberté ? De créer un lien avec les fans ?
Olivier : L’album n’a pas vu le jour grâce au crowdfunding : quand nous l’avons lancé, l’album était déjà enregistré et nous avions également le visuel.
Si le crowdfunding aide énormément, il n’a pas été lancé pour avoir de l’argent pour enregistrer : tous les frais de l’enregistrement et de la production ont été subvenus par nous-mêmes en amont.
Dans notre cas, le crowdfunding est une sorte de pré-commande de l’album qui permet de financer la promo et les déplacements, la logistique des futurs concerts.
Je ne croyais pas trop au procédé. Honnêtement, je ne voulais pas le faire mais Sandy a insisté et elle a eu parfaitement raison parce que les gens sont énormément dans l’aide et Internet facilite beaucoup ce type de procédé. Aujourd’hui que les labels n’ont plus d’argent, que c’est la débrouille pour la majorité des groupes : c’est un bel outil !
Olivier, tu bosses chez un célèbre disquaire, quel est ton regard sur l'évolution actuel du marché de la musique et ce type de procédé ?
Olivier : Ma réticence était plus liée au principe de demander de l’argent qu’autre chose et pour ne paraître radin mais nous avons déjà dépensé 10.000 euros pour la production, on a besoin de 3.000 euros pour la promotion… Bref, il s’avère que je me suis trompé mais le marché de la musique est peu celui de la débrouille, on fait comme on peut, les disques se vendent de moins en moins.
Crois-tu à la disparition du support physique ?
Olivier : A terme ? Oui !
Le retour du vinyle voire même dans une moindre mesure, de la cassette, semblent infirmer cette disparition...
Olivier : Oui mais ça concerne une clientèle d’un certain âge !
Mais cette clientèle de niche finalement est celle de The Last Embrace c’est à dire celle du progressif…
Olivier : Les styles qui vendent du disque sont des musiques de niche : les musiques un peu extrêmes, le prog…. Leurs publics sont attachés à l’objet !
Sandy, comment as-tu élaboré tes lignes vocales ? Pour être discret et élégant, ton travail est remarquable sur des titres tels que "The Fear Of Loss" et "White Bird" où ta voix se fait presque jazzy...
Sandy : J’ai posé mes lignes de chant sur des structures qui étaient finalisées… 'The Fear of Loss' est un morceau acoustique et j’ai toujours été plus à l’aise pour trouver des lignes de chant sur des airs plus minimalistes. Bref, c’est venu naturellement et je n’ai pas forcément voulu donné un côté jazzy…
Mais tu es consciente de donner cette impression après coup ?
Sandy : Non, pas pour 'The Fear of Loss' en revanche, par contre c’était intentionnel pour 'White Bird' ! C’est l’harmonie qui fait ça et je suis pile dans ma zone de confort puisque j’ai une formation de chant jazz à la base.
En revanche, j’ai plus fait attention au texte qui est très personnel sur 'The Fear of Loss' et du coup, je n’ai pas vraiment réfléchi au type de ligne de chant que je voulais faire dessus.
On a souvent comparé le chant de Sandy à celui de Anneke van Giersbergen : que penses-tu de cette comparaison ? Est-ce une influence ?
Pierre-Henri Collin (visiblement ravi d’être avec nous en interview pour sa seule et unique intervention) : C’est toujours les mêmes questions…
Sandy : Je suis flattée parce que c’est une personne qui donne beaucoup notamment sur scène. En revanche, elle ne fait pas partie de mes influences…
Quelles sont vos attentes ?
Olivier : La thune, la gloire et donc avoir un disque de… chocolat (Rires) ! Plus sérieusement, on attend de tourner encore plus dans de bonnes conditions et continuer à enregistrer dans de bonnes conditions.
Restituer l'album sur scène ne sera-t-il pas difficile ?
Olivier : On l’a déjà fait le 26 mars, ça s’est très bien passé mais quand tu as fini de jouer le titre, tu es un peu courbaturé (Sourire) !
Chris : C’est une prise de risque mais bon, si on l’a composé, c’est pour le jouer : il faut assumer !
Prochaine étape ? Rendez-vous dans un an et demi ?
Chris : D’abord, jouer un peu…
Olivier : … et ensuite, on verra !
Merci
Olivier : Merci à toi !
Et merci à Childeric pour sa contribution...