C'est dans les locaux de Dooweet que Music Waves a rencontré les membres de Voron pour une interview cosmopolite placée sous le signe de l'ouverture, de la tolérance et du metal...
Quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée ?
Voron : Les origines du groupe ?
Votre actu est ce premier album de Voron, "Propaganda". Quelle est la signification du titre ‘Propaganda’ ? Est-ce que le contenu de cet album est social ou politique, ou est-ce que c’est vous qui faites acte de propagande ?
Voron : On aborde des sujets sous un angle un peu politico-social. Mais cet album est surtout une révolte contre les mass-média, la société de consommation…
Les derniers événements qui se déroulent un peu partout dans le monde ne sont pas faciles à digérer et la façon dont les mass-média relaient cette information est discutable.
Cet album est à l’opposé de la propagande : cet album prône l’ouverture !
Tu parles de derniers évènements : fais-tu référence à ceux qui ont touché la France en ce début d’année 2015 ?
Pierre : Non, "Propaganda" existait déjà avant ces évènements. Cet album n’a pas été fait en réaction aux évènements de ce début d’année.
Voron : Il y a également tous les évènements qui se déroulent dans mon pays natal, l’Ukraine. Ces évènements étaient la goutte d’eau…
Pierre : Notre démarche reste artistique, le but n’est pas du tout politique ! Voron reste un groupe de musique mais les mass-média... ce bourrage de crâne nous a influencés et nous a amenés à faire une musique à la recherche de l’originalité. Finalement, cet album est à l’opposé de la propagande : cet album prône l’ouverture ! Nous ne sommes ni dans l’entrisme, ni dans l’anti : il y a quelque chose de l’ordre de l’informatif, à savoir que nous pouvons tous être sujets à la propagande. Bref, il faut regarder dans les deux angles : ce n’est pas dichotomique, c’est nuancé !
Vous évoquiez la société de consommation, les mass-média… Vous venez de poster une vidéo sur Youtube, n’est-ce pas paradoxal quand on est en révolte contre ce système ?
Pierre : Ce peut être un antagonisme (Rires) ! Nous utilisons les moyens qui sont à notre portée pour faire passer notre message.
Voron : Et d’ailleurs à la fin de la vidéo de "Propaganda", il y a un message qui dit que nous devons réfléchir avec notre propre cerveau et pas avec ce que nous livrent les médias.
En cela, est-ce un album-concept ?
Voron : Oui ! L’enchainement des titres représente l’évolution d’esprit d’une personne sous la pression de la télé, d’Internet et ses réseaux sociaux, avec 'Propaganda'… Puis 'Suicide My Fate' évoque les personnes qui ne peuvent pas supporter le rythme de notre société actuelle et qui se suicident, comme notamment au Japon. 'Kill this Day' est toujours dans cette idée de rythme de vie, à savoir le cycle usant et tuant du "
métro, boulot, dodo".
On s’aperçoit que Voron a des messages à faire passer, pourquoi ne pas les avoir passés en français ?
Voron : Le problème vient surtout de moi. Je m’exprime bien dans deux langues: le russe et l’anglais. Je ne me sens pas prêt à écrire des paroles en français.
Ce sera pour le prochain album ?
Pierre : On fera une version française et pour le prochain, on lui écrira des paroles en français (Rires) !
Votre musique navigue entre death, indus', thrash ou musique ethnique. Est-ce que votre identité c'est le métissage ?
Voron : Oui !
Pierre : Clairement : l’ouverture, la tolérance…
Qui est l’opposé de ce que les médias font, à savoir opposer les gens les uns aux autres.
Yannoux : Exactement ! Chacun d’entre nous est mis dans une case et ces cases s’opposent.
Tu parles de cases: Voron aime mélanger les styles. N'avez-vous pas peur de dérouter l'auditeur avec une musique difficile à caser alors que les gens aiment mettre des étiquettes ?
Voron : Je dirais que notre musique est à 80% du death qui s’agrémente d’influences électro, indus' et de mélanges des différents instruments orientaux, d’Asie… Ces instruments montrent l’idée qu’on peut mélanger toutes les cultures, tous les gens de toutes les nations et que finalement, cela fonctionne bien.
Ce mélange peut évoquer Arkan et donc Orphaned Land. Sont-ce des références pour vous ?
Voron : Ce sont des amis : Yossi Sasi d’Orphaned Land, bien sûr Arkan… Tous les invités (NdStruck : Mus et Florent d’Arkan jouent sur cet album) sont avant tout des amis, et cela contribue au métissage de notre musique : chacun apporte sa propre culture dans notre musique.
Par ailleurs les soli de guitare sont peu nombreux. C'est pour se concentrer sur le groove et rendre les instants plus percutants ?
Pierre : Exactement !
Voron : Notre musique est avant toute chose basée sur le groove. Les soli sont juste la suite logique des parties lead de voix.
Pierre : Les moments où ils apparaissent sont choisis afin qu’ils soient les plus efficaces possibles.
Dans ce métissage la voix semble la constante. Est-ce que c'est pour vous le seul point de repère ?
Pierre : Pour le coup et pour revenir à la question précédente, il y a quand même un leitmotiv très clair, à savoir qu’il y a un côté death, indus et oriental. Il y a aussi trois musiciens qui se sont appliqués à s’exprimer dans un phrasé, un touché particulier et donc, dans une esthétique particulière, et c’était mon cas quand j’abordais la batterie. De mon point de vue, justement, nous restons relativement concentrés et nous ne partons pas dans tous les sens. Nous avons fait des choix très clairs et assumés, et nous restons concentrés à l’intérieur pour les explorer au maximum.
La production est énorme. Comment s'est effectué ce travail ?
Voron : J’ai fait moi-même la production et le mixage dans mon propre studio ! C’est mon travail : je fais la production, le mixage et le mastering d’autres artistes, pourquoi ne pourrais-je pas le faire pour mon propre groupe (Sourire) ?
Malgré tout, certains font appel à des producteurs extérieurs pour avoir un recul que vous n’auriez pas ?
Voron : La vision était claire dès le départ: nous avons eu cette idée universelle !
Yannoux : De plus, cet album est assez personnel. Il était donc intéressant que nous travaillions dessus du début à la fin pour avoir quelque chose de révélateur de ce que nous sommes réellement !
Les guitares sont omniprésentes. Est-ce que la base des compositions est la guitare ?
Pierre : Plutôt oui (Rires) !
Voron : Je dirais que c’est plus le point de départ, mais la base de tous les morceaux est plutôt le duo basse/batterie… et nous aimerions garder cette base pour le futur album.
Pierre : Ce qu’il veut dire, c’est qu’il écrit ses lignes de guitares et il compte sur nous pour assurer derrière (Rires) !
Cela prouve qu’il vous fait confiance pour apporter le groove à ses compositions…
Yannoux : Pour le coup, il y a toujours 100% de confiance sur ce sujet et c’est particulièrement agréable. On a toujours eu un champ très libre dans nos propositions.
On n’est pas dans le sketch des Inconnus…
Pierre : … "Il n’y a pas de leader mais c’est moi qui décide de tout" (Rires) !
Je vois que tu connais tes classiques…
Yannoux : Et puis, il n’y a pas besoin de discuter : c’est moi le leader (Rires) !
Pierre : Tu joues quoi déjà ?
Yannoux : Je ne sais plus (Rires) !
Voron : Avant toute chose, nous veillons à ce que notre musique groove bien et pour cela, nous échangeons beaucoup, il y a beaucoup d’évolutions…
Chacun de ces invités apporte quelque chose de plus qui est très intéressant et cela renforce l’idée de réunion de culture que prône cet album !
Le disque comporte des invités d’Arkan, T.A.N.K, Madonagun ... Plus que les rencontres, pourquoi avoir décidé de faire appel à des invités alors que votre trio se suffisait à lui-même ?
Voron : C’est vrai ! Vu que chacun d’entre nous joue plusieurs instruments, nous aurions pu tout faire par nous-mêmes ! Mais outre le fait que c’est amusant d’avoir des amis qui jouent sur notre album, chacun de ces invités a son propre caractère, sa propre culture ; ils nous apportent quelque chose de plus qui est très intéressant et cela renforce l’idée de réunion de culture que prône cet album !
En clair, le concept de cet album appelait ces invitations. Il n’est pas nécessairement écrit que ce sera le cas pour le prochain ?
Pierre : La base du groupe est le trio qui donne une certaine homogénéité au son de l’album, mais effectivement, chaque morceau de cet album a sa propre identité en ayant différents instruments et invités. En effet, le prochain album ne sera peut-être pas sur ce concept et il n’y aura pas forcément d’invité mais nous n’en sommes pas encore là…
Les compositions sont très carrées, souvent sous forme de couplet/ refrain. Vous ne vouliez pas trop dérouter les auditeurs ?
Pierre : Nos compositions ne sont pas si "
couplet/ refrain" que ça ! Il y a quand même des ponts, il y a même souvent deux ponts différents et parfois même des nuances entre les ponts qui ne sont pas exactement les mêmes (Rires)… Mais tu as raison dans le sens où l’objectif n’est pas de partir en voulant changer de rythme et de tout casser. L’objectif est de faire bouger les cheveux quand on en a (Sourire)…
Yannoux : La barbe pour ce qui me concerne (Rires) !
Pierre : C’est qu’on aime dans le metal : c’est cette énergie ! Notre but est de faire de la musique qui bouge !
Yannoux : De la même façon que nous avons voulu rester en trio pour l’efficacité. Il y a une cohérence dans notre discours ; nous souhaitons être efficaces avant tout !
Par ailleurs, on sent une volonté de faire du progressif ou de faire progresser la musique avec des passages plus jazz. Comment faire progresser sur un format carré et réduit ?
Voron : Nous sommes tous les trois musiciens professionnels et pour cette raison, nous avons tous un passé jazz, classique… Bref, cela s’est passé naturellement !
Yannoux : On a cherché à se faire plaisir avant tout et il en découle le résultat actuel.
Pierre : Il y a malgré tout une part de déformation professionnelle de notre part (Rires) !
Vous avez évoqué le plaisir, est-ce qu’il ne sera pas plus compliqué de s’exprimer sur le deuxième album sachant que vous avez beaucoup donné sur ce premier ?
Yannoux : Ne vous inquiétez pas : on a encore plein de choses à dire (Rires) !
Voron : On a déjà du matériel pour deux albums à venir ! En effet, il est prévu qu’un deuxième album sorte encore cette année et un troisième est déjà prévu pour l’année prochaine… On a plein d’idées et plein de ces idées sont déjà enregistrées !
N’est-ce pas trop rapide ?
Voron : Nous avons la possibilité de faire de la musique, faisons-la ! Et pourquoi traîner avant de la sortir ?
Dans ces conditions, la signature avec un partenaire comme Dooweet est importante pour vous ?
Pierre : C’est super !
Voron : Un tel soutien nous permet de nous concentrer uniquement sur la musique !
Qu’attendez-vous de cet album ?
Pierre : La notoriété, l’argent…
Yannoux : … beaucoup d’argent (Rires) !
Quelle est la prochaine étape, notamment pour la vie de cet album ? Des dates sont prévues ?
Voron : Nous sommes en train de booker cela, mais il est prévu que nous fassions quelques petits festivals…
Pierre : Mais effectivement, la prochaine étape est de défendre cet album sur scène.
Questions traditionnelles de Music Waves: quel est votre meilleur souvenir d’artiste ?
Pierre : Ce sont les concerts improvisés quarante-cinq minutes avant ! Le chanteur nous plante, je croise un mec dans la rue qui avait prévu de venir nous voir jouer et je lui demande de remplacer notre chanteur : ce fut assez grand (Rires) !
Yannoux : C’était il y a très longtemps, mais c’est la première fois que j’étais dans les loges et que j’ai entendu la salle appeler et crier très fort le nom de mon autre projet…
Voron : C’est la première écoute des morceaux finis, mixés, masterisés et dans l’ordre final de la set-list dans l’album…
Au contraire le pire ?
Yannoux : Pierre, ce n’était pas lorsque tu as fait un concert improvisé quarante-cinq minutes avant (Rires) ?
Pierre : Non, ça m’est arrivé plusieurs fois et d’ailleurs, c’est l’avantage du jazz…
Voron : Quand le public n’est pas au rendez-vous ?
Yannoux : Effectivement, j’ai commencé un concert alors qu’il n’y avait personne dans la salle : c’était assez violent !
On a commencé cette interview par la question qu’on vous a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ?
Pierre : … ou la question à laquelle nous aimerions répondre ?
Je vois que monsieur lit les interviews de Music Waves…
Pierre : (Rires) !
Tu lis nos interviews mais tu n’as pas travaillé cette question…
Pierre : (Rires) !
Ce sera pour la prochaine fois… Merci beaucoup
Avec plaisir !
Et merci à Thibautk pour sa contribution...