To be or not to be... C'est la question que Music Waves a posé aux membres de Seyminhol pour une interview qui ne se fera pas sans casser d'œufs !
Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
Nicolas : Pourquoi Seyminhol ?
Et nous ne vous la poserons pas…
Nicolas : (Rires) (NdStruck : Seyminhol représente une tribu indienne) !
Créé en 1992, la vie de Seyminhol n’est pas un long fleuve tranquille entre séparations, changements de styles musicaux et d’univers… Malgré tout, une question nous taraude : pourquoi avoir décidé de faire une nouvelle pause en 2009 alors que votre précédent album avait été plutôt bien accueilli ?
Nicolas : Nous nous sommes séparés pour des raisons uniquement personnelles. Ce n’est pas tant que nous ne nous entendions pas - bien au contraire : Seyminhol est une bande de potes avant tout - mais par exemple, dans mon cas personnel, ma vie était en pleine mutation et je n’avais absolument plus de temps à consacrer à la composition … Nous avons donc décidé d’un commun accord de faire un break pour mieux revenir !
Une telle pause, n’est-ce pas suicidaire à l’ère de la surconsommation musicale caractérisée par Internet ?
Tom : Seyminhol a sorti deux albums en 2002 et 2005 dans une veine symphonique et conceptuelle. Ces albums avaient été très bien accueillis. En 2009, le groupe est parti dans un style différent, plus thrashy… et la presse, le public qui attendaient autre chose n’ont pas forcément suivi et je pense que les membres de l’époque ont pris un coup au moral…
En clair, l’accueil mitigé est tombé au bon moment par rapport aux évolutions dans vos vies personnelles ?
Nicolas : Tout à fait ! Ce n’est pas tant que nous avions fondé énormément d’espoir dans l’album précédent mais cet album correspondait à nos envies du moment : c’était un album concis qui exprimait notre part d’ombre et une musique qui se joue sur scène (nous avons fait la première partie de Mass Hysteria) et ça collait bien…
Finalement, l’accueil a été mitigé parce que les gens étaient réfractaires au changement mais d’un autre côté, ils n’aiment pas quand un groupe propose toujours la même chose : bref, nous n’avons pas tout compris… Malgré tout, nous ne regrettons absolument rien ! Depuis que j’ai intégré le groupe en 2000 et même avant, c’est-à-dire à la création du groupe en 1992, nous avons joué avec énormément de groupes français et tous ont disparu excepté Manigance, Nightmare et Heavenly… Malgré nos évolutions de style, nous sommes toujours là…
C’est une fierté ?
Nicolas : Bien sûr ! C’est une grande fierté !
Votre actu brûlante est votre quatrième album qui signe votre retour. Sorti il y a 15 jours, quels sont les premiers retours et votre sentiment par rapport à ce retour ?
Tom : L’accueil du public et notamment des fans de la première heure est excellent ! Apparemment, nous avons fourni un album qui est à la hauteur de leur espérance voire plus… On a pas mal bossé sur cet album qui nous a pris du temps : nous sommes contents du résultat !
Nicolas : C’était pas mal casse-gueule de se lancer sur un tel album. Quand nous sommes partis sur cette idée - à savoir que le concept - la traduction, la simplification de l’œuvre devrais-je dire - a été écrit en 2005, nous étions conscients d’être sur un projet particulièrement difficile, c’est-à-dire soit tu te fais totalement bâcher, soit au contraire, tu peux être comme une porte d’entrée vers l’œuvre de Shakespeare. Nous avons d’ailleurs des retours de ce type, des fans qui ont apprécié notre musique et qui ont envie de découvrir Hamlet : c’est une grande fierté !
Déjà votre précédent album proposait un thème plus moderne (l’univers psychiatrique). Celui-ci a pour base Hamlet. Pourquoi avoir décidé de faire des disques moins mythologiques et plus ancrés dans la réalité ?
Nicolas : Il n’y a aucune volonté marketing derrière tout cela, ce sont les œuvres qui nous guident et lorsqu’on a un thème qui nous intéresse : on en discute entre nous et on s’oriente naturellement vers cette voie en intégrant les ambiances adéquates.
Mais le point clé derrière cette démarche, c’est la volonté de se renouveler !
Et quel a été l’élément déclencheur pour adapter Hamlet ?
Nicolas : D’une part parce que hormis Johnny Hallyday, personne n’a fait une telle adaptation et d’autre part, pour l’univers. On est encore resté dans la Scandinavie parce que Hamlet se déroule au Danemark.
On a gardé ce petit fil conducteur entre les vikings et Hamlet mais également le côté mélodramatique, obscur déjà présent sur "Ov Asylum" : nous sommes restés dans le côté délire et dérives humains. On évoque aussi la religion parce qu’un suicide au Moyen-Age était très mal perçu. D’ailleurs, la pièce est très second degré à ce titre : le fossoyeur interprété par Jo Amore a des tirades très sarcastiques où il se moque d’elle en se demandant comment Ophélie peut se faire enterrer en terre chrétienne alors qu’elle s’est suicidée. Mais comme elle était noble, il y avait des passe-droits.
Qu’est-ce qui vous a paru le plus difficile dans cette adaptation ?
Nicolas : Le côté sarcastique justement. Nous nous sommes posés la question : mettre en musique des tirades sarcastiques est compliqué, voire quasi-impossible ! Donc nous nous sommes vraiment basés sur le côté dramatique et spectral qui est vraiment très intéressant.
"Le pari est osé de vouloir mettre en musique une pièce de théâtre, qui plus est j’ai peur que l’on perde la force du texte original au profit de la musique qui peut l’écraser", est-ce que c’était une de vos préoccupations ?
Nicolas : Notre principale préoccupation était la place de la narration dans l’album. Nous nous sommes posés énormément de questions sur qui intervient et comment. Nous ne voulions pas un album avec trop de narrations : même si ils ne font pas dans le conceptuel, je vais citer Rhapsody et j’ai envie de dire "trop de narrations tue la narration" et en résultat on perd l’auditeur.
En revanche, nous ne pouvions pas faire un album sur Hamlet sans narration et sans personnage sinon tu n’es plus dans la pièce. Ca me fait penser à l’album "Dracula" qui est très bon par ailleurs mais pas du tout conceptuel : ça aurait pu être n’importe quel album !
Et étant fans de lecture, il fallait qu’il y ait de la narration, du descriptif et des interludes mais il ne faut pas que ce soit prise de tête : il fallait donc qu’il y ait des morceaux assez forts et pêchus. On a donc ménagé la chèvre et le chou et je pense qu’on a trouvé un bon équilibre.
Votre musique sur cet opus me fait penser à un croisement entre Virgin Steele (The House of Atreus) et Avantasia. Est-ce que ce sont des références ou des sources d'inspiration pour cet album ?
Nicolas : Pas du tout, même si Virgin Steele nous colle à la peau depuis le début, et ce depuis même les deux premiers albums… Je n’avais jamais écouté ce groupe auparavant et après avoir lu des commentaires indiquant que notre musique était trop typée Virgin Steele, je me suis acheté un album et effectivement, on se retrouve sur le côté grec mais au-delà, je ne vois pas trop (Sourire)…
Pourquoi faut-il absolument une introduction symphonique comme le faisait Helloween dans le temps ?
Nicolas : Non ! Le premier interlude du premier acte est juste pour mettre en place le côté dramatique et mystérieux. Il y a un thème un peu angoissant qui revient tout au long de l’album… et si tu écoutes un opéra, tu auras toujours une introduction avec les thèmes avec venir : c’est un grand classique en opéra et également au théâtre et nous voulions décliner cela dans notre musique.
Tom : Ca se prêtait au concept, si ça ne venait pas à être le cas, nous ne l’aurions pas fait !
On peut d’un autre côté louer l’effort pour faire un ensemble cohérent et compact. Etait-ce votre volonté ?
Tom : Il fallait que tous les instruments s’entendent distinctement et qu’aucun ne soit sous-mixé par rapport aux autres. Nicolas qui a fait le mix a énormément travaillé dessus pour que tous les instruments aient leur propre place. Vu que tout a été « à la maison », nous n’avions aucune contrainte de temps ni financière, si bien que nous avons pu tester plein de choses et on a trouvé le compromis qui nous convenait !
Votre disque est plus metal que symphonique au final, est-ce que l’on peut dire que vos racines plongent dans le metal ?
Nicolas : Je pense que la structure metal vient du fait que nous avions une volonté de ne pas faire un album trop symphonique qui pourrait lasser. C’est le reproche que je fais à pas mal de groupes symphoniques à voix féminine surtout : on tombe dans le symphonique pur tout en oubliant les bases metal et rock.
Pourquoi avoir utilisé à foison la double pédale de la grosse caisse, comme le fait de plus en plus Symphony X, alors que le metal s’accommode aisément de tempi plus posés ?
Nicolas : Parce qu’on a un batteur un peu furieux (Rires) !
Tom : Ils m’ont pas mal bridé au niveau de la double justement… Je revenais tout juste d’enregistrer le nouvel Akroma qui est un groupe de black metal symphonique et finalement, ça m’a fait du bien de revenir sur des choses moins violentes, pas mal prog par moment… Bref, il y a de la double pédale mais pas trop finalement ?
Nicolas : Non, on en a pas mal épuré justement (Rires) !
Bien que la production soit aérée, l’album est étouffant (peut-être à cause des thèmes), est-ce que c’était votre volonté ?
Nicolas : Oui ! L’objectif était que le sentiment oppressant qu’on ressent en lisant Hamlet soit partagé par l’auditeur qui ne sachant pas que c’était Hamlet se demande quelle était cette pièce qui l’opprime et lui donne ce sentiment de mal-être … et finalement lui donne envie de se plonger dans le concept de notre album.
Pourquoi avoir disséminé des intermèdes musicaux tout au long de ce disque ? Pour essayer de coller au découpage d’une pièce de théâtre en actes, laisser l’auditeur souffler ou pour le côté prog ?
Nicolas : Ce n’était pas pour faire prog ! Non, c’était juste pour coller à la pièce.
Ces intermèdes me font penser aux chœurs des pièces grecques anciennes, est-ce que c’était votre intention ?
Nicolas : C’est un pur hasard ! Mais pour avoir lu la biographie de Shakespeare, on se rend compte qu’il était fan d’Antiquité donc au final, je pense qu’on lui rend bien hommage (Sourire) !
Finalement, est-ce que cet album est un hommage à l’œuvre de Shakespeare et son œuvre et essayant de le faire découvrir ?
Nicolas : D’une certaine manière, oui !
Comment allez-vous adapter ce disque sur scène, est-ce que vous allez le jouer telle une pièce de théâtre avec des costumes ou autre ?
Tom : Idéalement, ce serait de faire quelque chose de vraiment scénarisé à l’opéra avec un orchestre…
Nicolas : … qui est en pourparlers…
… Vous avez de l’argent ?
Nicolas : Nous avons des relations (Rires) !
Tom : On essaie de trouver des arrangements pour avoir accès à certaines structures et on verra si ça évolue mais effectivement, l’idéal serait cela ! Aujourd’hui, sur scène, nous utilisons des samples et avons deux choristes…
Nicolas : A notre niveau, nous essayons de mettre en scène. Lors de notre release party, il y avait une personne en capuche qui passait et déposait une coupe avec du vin… : on essaie de coller à la pièce sans saouler le public sachant qu’un fan de metal qui vient à un concert n’est pas forcément là pour voir une pièce de théâtre. En revanche, si un jour on a l’opportunité de défendre cet album dans un opéra, les gens seront prévenus et on pourra mettre le paquet !
Donc rendez-vous l’année prochaine pour la promotion de ce DVD live ?
Nicolas : (Rires) Un grand "Oui", j’adorerais ! En ce qui me concerne, ce serait un aboutissement !
Ne craignez-vous d’être perçu comme un groupe trop intellectuel ?
Nicolas : Je ne considère pas cela comme une insulte : ça ne me dérange donc pas !
Au risque de faire fuir certains auditeurs ?
Nicolas : Je pense que l’intérêt est qu’il y en a pour tous les goûts ! Le but n’est pas de plaire à tous les gens : une personne réfractaire le restera toujours, en revanche, les indécis pourront être éventuellement persuadés et c’est notre but…
Qu’attendez-vous de cet album ?
Tom : Que les gens trouvent quelque chose de différent, avec des ambiances différentes : prog, rock, metal…
Considérez-vous avoir un profil atypique dans la scène metal ?
Nicolas : Je pense oui ! Des groupes à la recherche du roman, etc…, à ma connaissance, il n’y en a pas…
Mais la question est de savoir si être atypique est un défaut ?
Artistiquement parlant, non, mais commercialement parlant, oui…
Nicolas : A partir du moment où tu n’es pas professionnel dans la musique, tu peux te le permettre. Attention, je ne dis pas que nous ne sommes pas tributaires des ventes : nous sommes contents de vendre des disques (Rires) !
Mieux, je pense qu’il est plus facile pour un groupe atypique comme le nôtre de se greffer à une programmation d’opéra que de jouer dans un festival de metal. Nous pouvons jouer dans un festival mais il faut que nous enlevions les interludes etc…
Tom : Sachant que si nous sommes programmés dans un festival, nous n’aurons qu’un créneau d’une demi-heure où il faudra bastonner…
Nicolas : … or je pense que notre musique s’apprécie dans sa totalité !
C’est une autre particularité de la musique qui nous réunit, à savoir que votre musique s’apprécie dans son ensemble et non pas un titre extrait de son environnement. Pensez-vous que les gens accorderont le temps nécessaire pour que cet album fasse sa place ?
Nicolas : Je ne pense pas. En revanche, certains titres peuvent être mis en avant pour donner envie à certaines personnes d’écouter l’album…
C’est une vision réaliste mais triste finalement : vous faites de la musique pour vous faire plaisir avant tout…
Nicolas : Et également faire plaisir aux gens !
Mais la vraie question est de savoir : qui vend des disques en France ? Personne ! Aujourd’hui, les personnes qui achètent des disques sont celles qui t’ont vu sur scène et ont constaté que ta musique tenait la route sur scène… : nos ventes de disques se font lors de nos concerts !
Quand j’ai intégré le groupe en 2000, nous vendions plein de disques parce que c’était encore dans l’air du temps : à l’époque, les gens achetaient encore des albums et des livres et je constate qu’on a finalement tout faux (Rires) !
Bref, tout ça pour dire que ça ne sera pas un frein parce que nous ne vendrons pas plus de disques que les autres, mais pas moins non plus. Au final, on fait ce qu’on aime et ça ne changera rien à notre vie.
Tom : Ce qui est sûr, c’est que nous ne changerons pas notre façon de faire pour vendre plus de disques !
Et comme vous vendez des disques en concerts : avez-vous des dates prévues prochainement ?
Nicolas : Nous jouons la semaine prochaine en première partie d’Evergrey à Thionville. C’est leur seule date française, en plus, c’est un concert gratuit… Nous avons un créneau de 40 minutes en pleine journée donc on va se concentrer sur les morceaux un peu plus directs, tout en gardant quelques interludes pour ne pas dénaturer le disque.
Et ensuite, on va se laisser du temps pour composer un EP de 4 titres plus le clip parce qu’on est en train de faire un clip (Sourire)…
Dans quelle veine sera cet EP ?
Nicolas : On reste dans Hamlet, Kevin qui compose les textes a imaginé la montée au ciel d’Ophélie.
Vous proposerez une suite d’Hamlet ?
Nicolas : Je dirais plutôt une version alternative. Nous avons déjà un titre de prêt et il sera dans la veine d’un Empirium c’est-à-dire très acoustique et ambiancé…
Quel est l’horizon de sortie ?
Nicolas : Cet automne…
Bref, contrairement à la vie passée mouvementée de Seyminhol, vous rassurez vos fans en montrant que vous avez compris les rouages de l’industrie musicale et que vous ne quitterez plus le devant de la scène en proposant régulièrement des nouveautés…
Nicolas : Absolument ! Il faut surfer sur l’actualité !
Tom : Et nous avons envie de fournir de la matière. Nous sommes lancés, nous pensons déjà au prochain album…
Nicolas : Effectivement, nous réfléchissons déjà au prochain album et en 2017, ce sont les 25 ans du groupe et nous avons prévu de faire quelque chose également…
Quelle est votre meilleur souvenir d’artiste ?
Tom : Le main stage du Hellfest en 2007 avec Heavenly.
Nicolas : Moi, c’est moins glorieux, c’est à la Laiterie à Strasbourg : on avait fait le festival Guardians of Metal et je me souviens de notre bassiste Christophe qui était descendu dans la fosse et il faisait la queue leu leu avec le public sur une reprise de « Final Countdown » d’Europe !
Au contraire, quel est votre pire souvenir ?
Nicolas : Les premières chroniques de "Ov Asylum" qui étaient des critiques. Ca s’est équilibré par la suite, les chroniques suivantes étaient bonnes mais nous nous étions faits fustiger sur les premières, et notamment par des personnes fans de Seyminhol de la première heure.
On a commencé par la question qu’on vous a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ?
Nicolas : "Quel est notre rêve le plus fou musicalement ?" et je vais rebondir sur ce que nous disions tout à l’heure, à savoir pourquoi pas s’associer avec un opéra et faire la tournée des opéras en France avec notre album…
Merci…
Nicolas : Merci à vous et merci pour le travail que vous faîtes pour la musique !
Merci à Thibautk pour sa contribution...