C'est dans les salons cosy d'un grand hôtel parisien que la blonde filiforme nous reçoit pour évoquer son nouveau projet rockabilly...
Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
Arielle Dombasle : La question qu’on m’a trop souvent posée : "Comment faites-vous pour être éternellement glamour ?".
Une question liée à ton physique, finalement. Justement ton physique, n’est-ce pas un regret que certains se focalisent plus sur ton physique au point qu’il puisse éclipser ta carrière aussi musicale que cinématographique ?
Peut-être … De toutes façons, la question de l’apparence dans la société du spectacle n’est pas une petite affaire (Sourire). Donc oui, tu as probablement raison : c’est quelque chose que l’on me reproche le plus …
Au point que ce soit ta carrière qui en ait pâti ?
Non pas vraiment parce que d’abord, je n’ai pas de carrière, j’ai un extraordinaire parcours d’étoile filante et ça me convient parfaitement. Je suis très bien : je suis dans un perpétuel mouvement, je suis plutôt du côté de la pensée kaléidoscopique… La notion de carrière n’est pas quelque chose qui m’intéresse !
Concernant ce kaléidoscope, après des albums bien accueillis aux couleurs électro, que ce soit aux côtés de Philippe Katerine ou Era, alors que tu mets en scène actuellement "La Traviata", opéra de Verdi en plein air, la soprano dramatique que tu es nous propose un album aux accents de rockabilly… pourrais-tu nous expliquer rapidement cette nouvelle orientation musicale ?
C’est le fruit des rencontres et le fait que pour moi, c’était une espèce d’évidence … A la base, mon timbre peut s’apparenter aux voix des cantatrices qui sont multiples et phénoménales, chacune est dans la singularité et sont de grandes prêtresses…
Puis, tout d’un coup, j’ai fait des reprises de chansons des années 1910, 1920 puis 1950 ainsi que des titres de Cole Porter …
Et tout récemment, j’ai fait la rencontre de ce groupe qui avait cette espèce d’authenticité et ça m’a remise dans cette extraordinaire éclosion, dans un univers musical qui appartenait à mes parents - ma mère est américaine, je suis née dans le Connecticut et ma père allait très souvent en Caroline du Sud et revenait avec des vinyles de Memphis -, à savoir le tout début de la musique de l’après-guerre et donc les débuts du rock…
[Cet album] est plutôt une sorte d’hommage à un modèle de perfection qu’était ma mère
Tu l’as dit, tu es née aux Etats-Unis : est-ce un retour aux sources ?
C’est un retour aux sources de ma mère, je dirais. C’est vrai que c’est plutôt une sorte d’hommage à un modèle de perfection qu’était ma mère qui a été élevée à New-York, habillée par Christian Dior et qui était de ces créatures transatlantiques complètement parfaites.
Cet album est donc cette rencontre avec le groupe The Hillbilly Moon Explosion mais également une sorte d’hommage à ta mère ?
Oui ! Je crois aux forces magnétiques, aux rencontres évidentes et je pense que c’est même la seule manière d’appréhender le monde quand on est un artiste : être complètement perméable à ce qu’est la réalité des choses. Je n’ai donc jamais eu de finalité préconçue !
Ces choix sont guidées par les découvertes, rencontres et l'envie de surprendre ?
J’ai toujours surpris, même en étant une enfant : j’ai toujours été quelqu’un de surprenant ! Partout où je suis passée, j’étais une étrangère. Je ne suis pas quelqu’un qu’on peut épingler facilement sur le mur.
Est-ce une volonté afin de ne pas être étiquetée ?
Oui, les étiquettes sont faîtes pour être décollées (Sourire).
Lorsqu’on est au diapason avec les œuvres qu’on joue, le succès ou l’échec n’a aucune importance
Malgré tout, tu es consciente que notamment en France, on cherche absolument à mettre des étiquettes sur les artistes : as-tu souffert de cela ?
Non parce que j’ai toujours pensé que j’étais en correspondance avec mon moi profond : ce sont des comptes que je rends à moi-même. Et puis, j’ai très vite découvert que lorsqu’on est au diapason avec les œuvres qu’on joue, le succès ou l’échec n’a aucune importance. Et heureusement d’ailleurs, sinon on serait couvert de gloire avec des crétineries et on ne ferait que des choses remarquables qui n’intéressent que quatre individus.

Ton discours est en contre-courant de notre société actuelle où les nouvelles stars éphémères construites sur la base de rien se multiplient…
J’ai horreur de cet univers des
followers où les gens ne sont plus définis que sur la base du nombre de clics.
Pour faire le lien avec cet album très ancré dans les années 1950, es-tu nostalgique de cette période…
(Elle coupe) Non…
… ou tout du moins des valeurs qu’elle représentait ?
Oui, c’est à dire que je trouve qu’il y a tout à coup une sorte de perfection dans l’Amérique de l’après-guerre et qu’il y a une sorte de conjoncture esthétique , politique : les Américains croient au progrès et en même temps, sont en rébellion de positive. Je lisais une biographie des Cramps où on leur demande contre quoi ils sont en rébellion, pour eux, c’était merveilleux d’être rebelle sans cause (Rires) !
Je pense qu’il y avait cette structure musicale assez extraordinaire : tout le monde connaît la country, le blues, le negro-spiritual… mais cette partie de l’Amérique Ohio, Tennessee va vivre quelque chose d’assez extraordinaire qui va donner Elvis Presley et cette espèce d’innocence et de joie de vivre, un côté teen-ager qui n’aspire qu’à changer le monde avec une musique très cash et cette sorte de fraîcheur : dansons et amusons-nous !
Cet album mêle ambiances folk, country, rockabilly d’un Straycats… Peut-on dire que cet album pourrait servir de BO d’un "Pulp Fiction" à la française si jamais un réalisateur voulait se jeter dans cet exercice ?
Bien sûr ! D’ailleurs, j’ai choisi de travailler avec ce groupe en raison de son authenticité : c’est génial d’être un groupe qui n’a pas la télévision, qui conduit des Cadillac, habillé rockabilly avec des crêtes… qui a un merveilleux amour du vintage de cette époque mais qui le vit complètement avec cette joie de vivre.
Cette époque du boogie woogie me semble être une époque rêvée et qui fait rêver beaucoup de gens : une époque où l’insouciance se mêlait à une rébellion représentée par Marlon Brando, les révoltés du Bounty et cette esthétique
hitchcockienne.
Justement, concernant l’esthétique, la pochette de cet album évoque encore "Pulp Fiction"…
Oui, c’est le côté Hollywood Babylone, c’est à dire les faces B de cette extraordinaire puissance du cinéma qui a biberonné 16 heures par jour la population de films d’horreur, de mélodrames, de crimes … c’est très jouissif et ça me plait énormément !
Je joue une sorte de Lana Turner, un personnage très Hollywood Babylone justement (la blonde aux formes magnifiques !) qui cachait tout le drame, toute la série B, le côté dissident mais caché. J’ai été mise en scène par Alfredo Arias, j’aime beaucoup toute l’histoire assez dramatique de ces héroïnes américaines qui sont incroyablement désinvoltes alors que plein de drames, de crimes se déroulent : « Alors on danse » !
Quelles sont les attentes ?
Dansez !
Toi ou le public ?
(Rires) Déjà moi mais si je n’espère pas le faire seule dans ma chambre (Sourire)…
Penses-tu que cet album est adapté aux goûts du public français ?
Oui, je le crois ! Evidemment, j’aime beaucoup la
murder ballad qu’est 'My love For Evermore' parce que j’aime ces sonorités un peu Ennio Morricone…
… mais également country
Oui, et un peu lourd.
Ca sera le single ?
Oui !
Et j’ai rencontré un chanteur qui est pour moi, le meilleur chanteur rock en France –Nicolas Ker, chanteur des Poni Hoax et du groupe Paris Official- et les Hillbilly lui ont demandé d’interpréter cette ballade… Et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à la chanter ensemble.
Cet album aura-t-il une influence sur ton futur musical ?
Oui, parce que du coup, j’ai rencontré tous les musiciens de Paris comme Nicolas, les Poni Hoax et…
… vous avez déjà des projets en communs ?
Oui !
Tu n’arrêtes jamais ?
Non parce que c’est la vie qui est ainsi faite : le mouvement, le plaisir (Sourire)…
On a évoqué ton kaléidoscope musical allant de l’électro au rockabilly. Avec tes talents de soprano, chez Music Waves, on s’est demandé si tu n’avais jamais songé à t’essayer au metal en suivant l’exemple d’un Nightwish, d’ailleurs est-ce que tu as déjà entendu parler de ce groupe ?
Oui, c’est ce qu’a un peu fait Nina Hagen dans un registre plus punk…
On peut tout attendre parce que je suis comme la déesse Métis, je suis prête à toutes les métamorphoses
Et justement, comme on ne sait où on va te retrouver : peut-on s’attendre à tout de ta part et notamment te lancer dans le metal ?
On peut tout attendre parce que je suis comme la déesse Métis, je suis prête à toutes les métamorphoses (Rires) !
J’ai quand même beaucoup travaillé la musique et j’ai donc une grande liberté parce que je peux faire beaucoup de choses : j’ai de la technique vocale, j’ai un timbre… mais il faut entrer dans les formes qu’on a choisi de faire au carrefour d’une esthétique, d’une authenticité et il faut surfer sur les vagues (Rires) et parfois, ça prend… Et aujourd’hui, je suis en train de prendre une nouvelle vague (Sourire) !
Une voix, un son est un timbre. La voix est une onde sonore et il faut trouver le style qui correspond et ça ne se trouve pas comme ça. J’ai beaucoup chanté du baroque -j’ai chanté du Bach- comment les chanter alors qu’on n’a pas d’enregistrement, juste des partitions ? On a toute une tradition orale, comment appréhender le personnage alors que ça ne dit plus rien à personne : les gens ne savent plus ce qui est arrivé à Persefone et pourquoi ? C’est tout un cosmos dans lequel il faut entrer par plein de biais pour le comprendre et pour en faire partie… Ca se fait donc par approche, par intuition, par fulgurance, par tâtonnements ….
C’est amusant parce que tu as une culture musicale assez pointue voire intellectuelle et ces derniers temps, tu te lances dans tes projets antithèse de cette culture à savoir des projets plus simples dans le sens direct du rock voire de l’électro…
Je ne crois pas que ce soit l’antithèse : je considère au contraire que tout découle de tout. Je connais bien toutes les musiques sacrées… dont découlent les negro-spirituals, le blues… : ce sont des airs irlandais qui traversent l’Atlantique et qui trouvent les noirs américains qui reviennent des plantations de cannes à sucre dans des trains et qui sentent le rythme et commencent à chanter leurs psaumes quotidiens avec ce rythme et tout d’un coup, ça devient une musique à part entière. C’est ainsi que s’est fait toute la musique du monde !
Et aujourd’hui, nous avons le rock made in Paris et Zurich…
(Rires) … et Londres ! Ce que j’ai aimé des Hillbilly, c’est leur audace et cette espèce d’authenticité fantastique de la vie : ils conduisent des Chevrolet, ils sont habillés rockabilly… ils ont cette jouissance d’être dans cette musique et c’est la raison pour laquelle j’ai choisi de travailler avec eux…
Questions traditionnelles du site, quel est ton meilleur souvenir d’artiste ?
D’artiste ? Ma naissance !
En tant qu’artiste ?
En tant que bébé (Rires)…
Au contraire, quel pourrait être le pire ?
Le pire souvenir tout court est un chagrin d’amour.
Mais musical ?
Mais pour moi, tout se tient (Rires) !
On a commencé cette interview par la question qu’on t’a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ?
"Croyez-vous en Dieu ?"
Crois-tu en Dieu mais en te posant cette question, on s’expose à un échange qui peut durer toute la nuit…
(Rires) Je crois en la Providence, je crois que je suis sous l’aile protectrice d’un ange (Sourire)…
Toi et moi ne sommes pas à plaindre et c’est, d’ailleurs, tout le dilemme de cette question liée à la croyance en un être supérieur. Si il existe, comment expliquer tous les malheurs que l’on peut voir partout dans le monde ?
Justement ce sont des épreuves que l’on reçoit pour se surpasser… Il faut se surpasser !
Et si tu ne t’es pas encore fait "latter"", ça va venir (Rires) !
Merci beaucoup, ce fut un vrai plaisir de pouvoir discuter avec toi…
Moi aussi, ça m’a plu, ça m’a beaucoup plu (Sourire) !
