Une revanche ! C’est bien ce que nous doit Jeff Waters après sa piètre prestation lors de l’Alcatraz 2015, quand il avait quitté la scène sans guère d’explications après juste deux chansons. Programmé avant ce couac, ce concert est l’occasion pour le Canadien de se faire pardonner auprès de ses fans belges et du nord de la France. Car Annihilator est de retour à Courtrai à De Kreun en ce très doux vendredi de Novembre.
La salle affiche quasi-complet et chacun attend le groupe avec impatience. En guise d’apéritif, les Canadiens sont accompagnés de deux formations, Harlott et Archer, venant d’Australie et des Etats-Unis. C’est Harlott qui ouvre les hostilités: originaire de Melbourne le groupe est jeune et affiche deux albums à son compteur dont le petit dernier ‘Proliferation’. Dès les premières secondes il nous prend à la gorge avec un thrash incisif et rapide empruntant pas mal à Slayer, la voix d’Andy étant souvent fort proche de celle de Tom Araya.

En 30 minutes et 6 titres le groupe va dévoiler un bon savoir-faire. Certes il n’apporte rien de bien neuf à un genre très balisé mais il met du cœur à l’ouvrage et Andy n’hésite pas à aller chercher le public en le haranguant à de nombreuses reprises. Servi par un son s’améliorant au cours de leur prestation, les Australiens collent une belle baffe à tout le monde en se montrant très incisifs et mordants. Ils exécutent leur tâche avec une belle application et des soli ultra-rapides et maîtrisés. Des chansons comme ‘Origin’ ou ‘Heretic’ mettent le feu de belle manière. Bien sûr, les influences ressortent fortement et le groupe est très statique, il faut dire que la batterie monstrueuse d’Annihilator ne laisse que quelques centimètres par endroits au groupe pour bouger. Mais tout le monde prend bien son pied à l’écoute de ce bon concert lançant idéalement la soirée.
Archer prend le relais très peu de temps après. Le trio est aussi à l’étroit que ses prédécesseurs mais a réussit l’exploit de caser un joli décor scénique. Après des années d’absence les Américains sont de retour avec "Culling The Weak" et semblent très motivés pour en découdre avec un public déjà très nombreux. Le groupe évolue lui aussi dans le thrash mais plus mélodique dans l’esprit du Megadeth des années 90. D’ailleurs au chant Isaiah est un clone vocal de Dave Mustaine avec le même ton rocailleux et aigu.

Après une introduction assez majestueuse le groupe débarque et nous délivre une solide prestation montrant une belle capacité à mêler la force du thrash à la finesse du heavy métal mélodique. Avec ‘Culling The Weak’, ‘King For A Day’ ou encore ‘Day That Never Came’, il se fait très séduisant et capte avec efficacité l’intérêt du public. Le niveau musical est très bon, à la guitare Dylan est bien dans l’esprit heavy thrash en distillant de très bons soli techniques et mélodiques. Preuve de son attachement à Dave Mustaine, le groupe propose une reprise du classique thrash ‘Tornado Of Souls’ avec la complicité d’un membre de Harlott à la guitare. Mais le groupe échoue en partie à retrouver la force et la magie de l’original, notamment dans un chant pas aussi incisif que celui de Mustaine. Malgré ce bémol Archer a convaincu de ses qualités et s’il continue sur sa lancée devrait faire parler de lui assez rapidement.

Après une longue attente et une introduction faisant retentir le ‘Rock You Like A Hurricane ‘de Scorpions, l’excitation est à son comble dans une salle blindée qui attend Annihilator de pied ferme. Depuis le départ surprise de Dave Padden, Waters ne s’est pas laissé abattre, il a repris le micro et sorti avec "Suicide Society" un album plutôt correct même si moins réussi que ses prédécesseurs. En fait, on a un peu l’impression d’assister à une thérapie pour un Waters tentant d’oublier le départ de son chanteur. Ainsi la période Padden n’est plus représentée que par un titre et Waters très bavard assume de nouveau le rôle de frontman avec une certaine envie et une franche bonne humeur. De fait on comprend rapidement que nous avons à faire à un Annihilator des grands jours et en 19 titres il va revenir sur sa carrière en insistant sur ses premiers albums.

Mais le début de concert est largement consacré au petit dernier. Car, après un formidable ‘King Of The Kill’, toujours aussi génial à entendre avec son refrain imparable et son rythme implacable, le groupe balance pas moins de trois extraits de "Suicide Society" à la suite. Et cela est peut être un poil indigeste pour un public intéressé mais peu encore habitué à cet album. Malgré tout, cela passe bien, Jeff est de bonne humeur, le son très bon et les lumières superbes. De plus lors d’un speech Jeff revient rapidement sur le souci rencontré lors de l’Alcatraz et parle de rédemption pour Annihilator vis-à-vis du public, il se le met ainsi dans la poche de belle manière. Après un excellent ‘No Way Out’, extrait de "Feast" , explosif en diable, le concert prend des allures de best of en piochant jusqu’à son terme dans les classiques des débuts.
Et cette déferlante thrash va mettre le feu à la salle, les premiers rangs sont en ébullition et la chaleur monte d’un gros cran. Musicalement la précision chirurgicale de Waters fascine toujours autant et au chant il se débrouille de belle manière, même si il est certain qu’il se fait souvent violence pour être à la hauteur des parties de chant. Et avec ‘Never, Neverland’, ‘W.T.Y .D.’ ou encore ‘Second To None’, ‘Bliss’ ainsi que ‘City Of Ice’ , ‘Set The World On Fire’ et ‘Brain Dance’, le groupe se taille un succès monstrueux. Waters lui est très bavard, trop peut être parfois, mais il est de bonne humeur et a envie de parler avec le public. Il ressort de vieilles anecdotes en évoquant la tournée avec Judas Priest et Pantera en 1991, évoque sa future tournée aux Etats-Unis avec soit Megadeth soit ZZ Top et incite les gens à chanter avec lui.
La fin de concert approche à grands pas et ces deux heures seront passées à tout allure. La toute fin de concert surprend un peu car après un énorme ‘Phantasmagoria’ le groupe nous ressort des curiosités. D’abord il y a ‘Chiken And Corn’, titre caché de l’album "Carnival Diablos", plus un délire qu’un vrai titre et un medley de ‘Kraf Dinner’ et ‘21’ deux titres plutôt obscurs de "Never, Neverland" et "King Of The Kill". Certes le tout est assez fun, mais on aurait préféré entendre un ou deux titres plus forts de ces albums. Heureusement la toute fin est énorme avec le classique absolu ‘Alison Hell’ repris en chœur par tout le public dans une ambiance énorme. Et en rappel ‘Human Insecticide’ achève tout le monde en beauté.

Annihilator est venu et a vaincu magnifiquement. Le couac de l’Alcatraz est oublié, Waters a même promis de revenir au festival en 2016, et même si tout n’est pas encore parfait le groupe semble bien relancé après une période délicate à gérer. En tout cas tout le monde sort fatigué et ravi de ce concert qui restera dans les mémoires. Avec Wacken il nous reste à remercier chaleureusement Fillip pour son excellent accueil.