... C'est bien évidemment une blague, Katatonia restera Katatonia... C'est ainsi que Jonas Renkse nous a accordé une interview fidèle à son image même si nous avons réussi à le faire rire (exploit n°1) et d'écorner quelque peu son discours sur le groupe de son ami, Opeth (exploit n°2)...
Première question évidente, elle est liée aux deux départs récents dans le groupe et notamment Daniel Liljekvist qui jouait dans le groupe depuis 15 ans. Comment avez-vous géré ce départ, sachant que ce n’est pas la première fois avec le départ des frères Norman en 2009, que vous avez surmonté avec succès. Malgré tout, la question est de savoir si ce n’est pas plus dur à gérer avec le temps ?
Jonas Renkse : Bien sûr que c’est dur et plus spécialement quand ça concerne une personne comme Daniel qui a été membre du groupe pendant si longtemps. Mais nous devons également respecter sa décision de quitter le groupe, la preuve est que nous sommes toujours amis. En effet, cela s’est passé sans que cela soit un drame : il a quitté le groupe parce qu’il ne voulait plus autant tourner…
Il y avait une sorte de lassitude ?
Oui, il a une famille et il attend un troisième enfant… et il a considéré que le poids serait trop lourd à supporter !
Sachant que tourner dans un groupe metal n’est pas une garantie sur retours financiers suffisants pour subvenir aux besoins de sa famille…
C’est clair que ça n’ai également pas aidé…
D’un autre côté, comme on l’a dit, vous aviez géré le départ des frères Norman sans problème et au contraire vous avez sorti vos meilleurs albums par la suite avec "Night is a New Day" et "Dead End Kings". Faut-il penser que des départs sont nécessaires pour que la musique d’un groupe évolue ?
Parfois oui, notamment quand les membres ont un peu perdu l’âme, dans ces conditions, je pense que c’est une bonne chose d’intégrer une nouvelle personne qui pourrait ressentir l’énergie de tout le groupe.
Donc oui, je suis d’accord quand tu dis que ce n’est pas toujours une mauvaise chose quand un membre quitte un groupe.
En fait, le noyau dur de Katatonia est autour de toi Jonas et Anders. Penses-tu que le groupe survivrait au depart de l’un de vous deux ?
Non, je ne pense pas que ça serait pareil ! Nous pourrions probablement continuer mais je ne pense pas que ce serait nécessaire de continuer à le faire.
[La version acoustique de "Dead End Kings"] était une expérimentation que nous avons juste faire pour le plaisir :
il ne fallait pas voir cet album comme notre nouvelle orientation
musicale
Avant d’évoquer ce nouvel album, parlons de la sortie d’une version acoustique de "Dead End Kings" qui était déjà un album sobre et atmosphérique, pourquoi avoir sorti une version plus épurée encore ?
Cette idée est plus ou moins partie d’une blague. En mixant "Dead End Kings", nous avons réalisé que tous les claviers avaient leur propre monde musical. C’est ainsi qu’est née la folle idée de faire une version différente de cet album sans la batterie et les guitares heavy. C’était une expérimentation que nous avons juste faire pour le plaisir : il ne fallait pas voir cet album comme notre nouvelle orientation musicale. D’ailleurs, aujourd’hui que nous sommes de retour avec un vrai nouvel album : les batteries sont de retour…
Avec cet album, le son pop de Katatonia n’a jamais été aussi proche de Blackfield. Valides-tu cela ?
Je sais que c’est un projet dans lequel a participé Steven Wilson mais je ne connais pas ce groupe plus que cela. Mais si tu le dis, c’est peut-être vrai (Sourire)…
En 2015, vous avez également sorti un album acoustique enregistré dans l’Union Chapel à Londres. Quel souvenir gardes-tu de ce concert ? Est-ce un rêve qui se réalise en jouant de une telle salle différente ?
Définitivement ! C’est un rêve dont je n’avais pas conscience, c’est uniquement quand nous étions sur place que nous avons réalisé ce qui nous arrivait et que nous allions faire ce concert différent dans un environnement si cool.
Depuis, tu ne veux plus jouer que dans de telles conditions ?
(Rires) Non pas vraiment ! C’est le même constat que l’album « Dethroned and Uncrowned », une tournée acoustique n’est pas quelque chose que nous avons vocation à faire de manière récurrente.
Parlons dorénavant de ce nouvel album "The Fall of Hearts" qui est votre dixième album studio. Est-ce que ce chiffre signifie quelque chose de particulier pour vous ou est-ce juste un album de plus ?
Non, ça ne nous a pas du tout interpellés sachant que nous n’avons su que c’était notre dixième album que récemment quand quelqu’un me l’a dit.
Avec le recul, quand tu y penses, c’est une sorte de consécration de pouvoir sortir dix albums
C’est peut-être une bonne chose finalement, cela vous a enlevé une quelconque pression lié à la sortie d’un dixième album ?
Peut-être ou non (Sourire)… Je ne compte pas nos albums ! Mais avec le recul, quand tu y penses, c’est une sorte de consécration de pouvoir sortir dix albums.
C’est une fierté ?
Définitivement !
Dans cet album, on trouve la patte Katatonia avec ta voix toujours aussi pure et on peut trouver également cette mélancolie heavy avec des aspects pop qui rappellent Blackfield et les parties heavy d’un Opeth…
C’est exact !
La dernière fois que nous nous sommes rencontrés nous avions évoqué l’éventuelle influence d’un Bloodbath sur votre album, est-ce que ton projet avec Bruce Soord t’a influencé cette fois-ci ?
Pas vraiment ! Je ne dirais pas que cette collaboration m’a influencé. Dans cet album, notre travail avec Bruce a vraiment été bon mais je ne pense pas que cela ait influencé d'une quelconque manière le nouveau Katatonia : ce sont vraiment deux choses différentes !
Nous avons toujours voulu incorporer des mélodies dans notre musique et ce même à nos débuts quand nous jouions du death metal
Katatonia est toujours un groupe heavy, des titres comme 'Serein' ou 'Sanction' sont là pour le prouver. Est-ce qu’être pop tout en restant heavy est un but ou pensez-vous devenir juste un groupe de pop ?
Non ! Nous avons toujours aimé les mélodies, nous avons toujours écouté des groupes qui ne sont pas metal comme The Cure par exemple que nous adorons. Nous avons toujours voulu incorporer des mélodies dans notre musique et ce même à nos débuts quand nous jouions du death metal : nous créions des mélodies avec les guitares.
Tu es malgré conscient que ça s’entend de plus en plus…
Oui, nous vieillissons (Sourire) !
Dans le précédent album, les chansons duraient 4 minutes. Cette fois-ci, elles durent 6 voire 7 minutes. Ressentiez-vous le besoin de développer les atmosphères au sein d’un même titre ?
Pour cet album, et contrairement à ce que nous avons pu faire par le passé, nous avons décidé de ne pas nous limiter dans une certaine durée des chansons.
Pourquoi avoir décidé de vous restreindre par le passé ?
Je pense que nous voulions réaliser quelque chose en faisant cela : nous voulions mettre en place une sorte de formule de chansons pop… Aujourd’hui, nous nous foutons totalement de cela, nous laissons la chanson prendre forme naturellement : elle se terminera quand elle se terminera peu importe la durée…
Je sais que c’est une question qui revient tout le temps mais au regard de la durée de titres d’une teneur plus progressive, on pourrait penser à un concept-album : est-ce le cas pour la première fois ?
Non, ce n’est toujours pas un concept-album ! Chacun de nos albums développe le même type de concept mais ils ne sont pas étroitement liés au récit d’une histoire…
Tu m’avais dit la dernière fois où nous nous étions rencontré que le concept des albums de Katatonia était Katatonia finalement…
Et je suis toujours d’accord avec ça (Rires) !
Nous avons incorporé dans cet album tout ce qui nous venait à l’esprit
et qui sonnait bien à nos oreilles en s’entrelaçant avec la touche
typique de Katanonia
Le titre 'Serac' délivre plusieurs différentes émotions : pop, heavy, mélancolie et douceur. Ce titre peut rappeler Opeth époque « Blackwater Park » qui est un sommet en termes de mélancolie heavy : est-ce une influence pour vous ?
Je ne sais pas sachant que cet album en particulier trouve son inspiration partout… y compris cette période d’Opeth que tu cites. Nous avons incorporé dans cet album tout ce qui nous venait à l’esprit et qui sonnait bien à nos oreilles en s’entrelaçant avec la touche typique de Katanonia. Nous avons essayé de faire en sorte que cet album soit plus varié que jamais, plus large et j’espère plus intéressant à écouter.
Je pense que le fait que certaines personnes pensent que nous faisons le
même album vient du fait que nous avons notre style et nous ne voulons
pas le changer totalement
Est-ce une réponse à certains fans qui estiment que rien ne ressemble plus à un album de Katatonia qu’un nouvel album de Katatonia ?
Peut-être qu’il y a un peu de ça inconsciemment : oui ! Mais je pense que le fait que certaines personnes pensent que nous faisons le même album vient du fait que nous avons notre style et nous ne voulons pas le changer totalement. Et pour cet album, nous avons un peu incorporer des éléments que nous aurions pas intégrés il y a cinq ans.
Et ce reproche est une bonne chose finalement, cela signifie que vous avez créé votre propre son : viendrait-on reprocher à AC/ DC de faire du AC/ DC ?
Tu as totalement raison : nous ne voulons pas que AC/DC, Mötorhead… fassent autre chose !
A l’inverse, tu as toujours aimé le changement preuves en sont tes collaborations au sein de Bloodbath, avec Bruce Soord… te sens-tu parfois prisonnier de la recette Katatonia ?
C’est vrai, il y a une vraisemblablement quelque part une frontière à ne pas dépasser malgré tout, tant que nous aurons la même production, ma voix… cela sonnera comme du Katatonia même si nous faisons quelque chose de totalement différent. Pour nous, il est important de rassembler tous ces éléments ensemble qui sont les pièces d’un puzzle.
Est-ce pour cela que tu te lances dans d’autres projets que nous avons mentionné, histoire de sortir du carcan Katatonia ?
Bien sûr !
Une profonde mélancolie définit une nouvelle fois cet album avec notamment ce titre et ce visuel. Finalement, comment peut-on vivre avec de telles émotions sombres sans tomber dans la dépression ou au contraire, écrire de tels albums est cathartique pour vous ?
Je le pense vraiment ! Katatonia agit sur nous comme un système de ventilation ! Toute l’obscurité, les conflits… se déversent dans notre musique et se transforment en quelque chose de créatif. Et cette créativité est stimulante parce qu’elle permet que notre énergie revienne dans nos vies.
Penses-tu que vos émotions sombres reflètent notre société et que finalement écouter Katatonia est la meilleure façon de comprendre cette société ?
C’est une excellente réflexion : tu as probablement raison ! Il est probable que le découragement vient de la situation de notre monde.
Au regard de l’évolution négative de notre société, cela signifie donc que le prochain Katatonia sera encore plus sombre ?
Il est vraisemblable que le prochain sera encore plus sombre (Sourire)…
Votre carrière est très logique quand d’autres groupes comme Paradise Lost ou Anathema ont changé soudainement et surpris leurs fans. Ce n’est pas votre cas : vous avez évolué dans cette direction mélodique et mélancolique depuis 1999 et “Tonight’s Decision”. Cette évolution est très cohérente de notre point de vue mais du tien ?
Je pense que comme tu l’as dit, notre évolution a été très naturelle. Nous n’avons jamais réellement eu de plan d’essayer de jouer tel style ou son pour satisfaire un public potentiel. Ca a été un développement lent et naturel. Au fur et à mesure du temps, nous sommes de meilleurs musiciens, de meilleurs compositeurs et nous voulons nous en servir sur les prochains albums : chaque album est un pas en avant !
Comme tu l’as dit, chaque album est un pas en avant. Comment ton ami Mikael Åkerfeldt a trouvé ce nouvel sachant qu’il avait dit de « Night is a new Day » était un des meilleurs albums qu’il avait pu écouter ?
Il a dit que c’était un chef-d’œuvre.
Encore ?
(Rires) !
Peut-on mettre en doute son objectivité sachant qu’il considère chacun de vos albums comme un chef-d’œuvre ?
Non, je pense qu’il est une personne vraiment honnête. Et nous sommes des amis proches, si proches qu’il n’hésiterait pas à me dire que notre album est de la merde si c’était le cas !
T’a-t-il dit par le passé qu’un de vos albums était mauvais ?
Oui, oui… mais je ne me souviens plus exactement quel album (Rires) !
Comme juges-tu l’évolution de Paradise Lost, Anathema, Opeth et My Dying Bride qui nous évoquent une sorte de famille musicale ?
J’estime que chacun des groupes que tu as cité est un bon groupe. Chacun d’eux a trouvé sa propre niche où travailler si je peux dire. Par exemple, Paradise Lost a sorti à une époque des albums très typés Depeche Mode : je trouvais que ça leur collait parfaitement bien mais récemment, ils sont revenus à leurs racines et ça sonne également très bien : c’est un groupe très versatile !
En revanche, à l’inverse de l’évolution naturelle de Katatonia, il est compliqué de suivre Paradise Lost pour les fans…
C’est vrai ! Et c’est la même chose pour Anathema qui a également progressé de façon assez naturelle.
Considères-tu que c’est le groupe qui est le plus proche de Katatonia ?
Oui, probablement…
Et enfin, même si je n’ai pas écouté leur dernier album, My Dying Bride a toujours fait évoluer dans le même registre mais ils semblent très heureux ainsi…
Et concernant Opeth ?
Sur les deux derniers albums, ils sont allés loin dans le côté vieux prog… Selon moi, leur meilleur album est "Watershed" mais tu dois respecter Mikael dans ses choix…
Cela doit être compliqué de dire ce que tu penses ?
Non, j’aime vraiment ces deux derniers albums…
Mais comment un groupe qui a été un précurseur en créant un nouveau son, un nouveau style peut faire une musique certes toujours parfaite mais sans originalité parce que déjà sorties dans les années 1970 ?
Tu as raison, je ne suis pas aussi fan de musique prog qu’il peut l’être, il est donc naturel que ces deux derniers albums ne soient pas mes préférés parce que je ne suis pas vraiment dans le trip King Crimson…
En revanche, sur "Watershed", lorsqu’ils ont mélangé toutes leurs influences, ils étaient selon moi à leur sommet ! Selon moi, c’est leur chef-d’œuvre (Sourire)…
Quand nous nous sommes rencontrés en 2009, je t’ai posé la dernière question traditionnelle du site à laquelle tu n’avais pas su répondre. Tu as eu sept ans de réflexion pour me dire quelle est la question à laquelle tu adorerais répondre ?
(Rires) Wahou… Je ne me souvenais plus que cela reviendrait et je ne sais toujours pas quoi te répondre : il faut que tu me laisses le temps d’y réfléchir jusqu’au prochain album (Rires) !
… ou rendez-vous lors du prochain concert parisien ?
La tournée européenne doit commencer en septembre et même si je ne connais pas exactement le jour, une date française qui sera bientôt révélée est prévue…
Merci beaucoup
(En français) Merci
Merci à Noise pour sa contribution...