C’est à une soirée placée sous le signe de la brutalité que nous convie en cette fin octobre l’Aéronef de Lille. La salle a en effet attiré dans ses filets la deuxième date de la tournée Battle Of The Bays. Sous ce nom on retrouve deux monstres du métal californien, Exodus et Obituary, accompagnés pour l’occasion de Prong et des australiens de King Parrot. A la lecture de ces noms il est facile de comprendre que les murs de notre bon vieil Aéronef vont trembler car entre death, thrash, crossover et grind il est difficile de faire mieux en matière de violence. Le public est donc au rendez-vous et la salle va vite se remplir et prouver qu’il existe une audience pour le métal extrême.
Les hostilités commencent tôt, dès 19h30, avec l’arrivée de King Parrot. Les Australiens n’ont qu’une demi-heure mais avec ce délai ils vont tout fracasser sur leur passage. Entre grindcore, death et thrash et même avec une petite pointe de black metal, ce concert ne va pas faire dans la dentelle. D’emblée la voix de Youngy en scotche plus d’un, pas forcément préparé à un tel choc. L’homme possède un pur phrasé grindcore et multiplie hurlements et grognements avec hargne. Il va tout le long du concert aller chercher le public, n’hésitant pas l’arroser et parfois même à lui faire partager la vision d’un postérieur peu caché dans un survêtement un peu court. Mais King Parrot ce n’est pas que du grindcore : certes ce concert est assez éprouvant pour le novice tant la notion de mélodie est absente chez ces Australiens, mais musicalement les compères de Youngy tissent un ensemble varié et surtout au point techniquement. Et c’est bien cette variété musicale qui fait la force et distingue King Parrot de la masse. Au détour d’un riff plus lourd l’ensemble se rapproche d’un sludge primitif avec des relents de hardcore pour un résultat bien gras. Tout cela nous faisant parfois penser à l’univers qu’affectionne un Phil Anselmo dans ses différents projets. Petit à petit et une fois passée la surprise le public rentre dans cet univers si particulier et le groupe parvient à remporter la partie. En fin de concert quelques riffs plus black metal remuent bien l’assistance. King Parrot aura été ce soir un OVNI comme on en voit rarement, qui mixe et brasse tout les styles de metal extrême pour un résultat impressionnant de violence. Clairement le groupe n’aura pas laissé indifférent et a ravi ses fidèles présents dans la salle.
Après cette tempête c’est un grand nom du thrash crossover qui débarque. Prong fête ses 30 ans de carrière et le retrouver est un plaisir. Le groupe est en forme, son petit dernier, "X-No ABsolutes" sorti en début d’année étant même un de ses meilleurs crus avec ce savoureux mélange entre Suicidal Tendencies et Killing Joke. De plus en live le talent de Tommy Victor et ses hommes est reconnu. Ce concert va confirmer cette tendance. A la base le public plus thrash classique et death metal semble réticent mais après un ‘Eternal Heat’ bien thrash extrait de "Carved Into Stone" il adhère à fond. Victor est impérial aussi bien au chant ( puissance et face mélodique et mélancolique teintée de wave) qu’à la guitare et sa section rythmique fait le boulot. Avec ‘Beg To Differ’ et ‘For Dear Life’ Prong revient sur son référentiel deuxième album et met le feu. Ces titres plus groovy possèdent une force énorme et font méchamment remuer les têtes.
La suite de ce concert est tout aussi réjouissante. ‘Sense Of Sease’ et ‘Cut And Dry’ extraits du dernier album font bien mal par leur force thrash liée à ce sens du rythme irrésistible très dansant. Enfin Prong propose plusieurs grands titres de son riche début de carrière, si le temps limité l’empêche de fouiller plus largement, les chansons jouées nous rappellent la force de son répertoire. Ainsi ‘Unconditionnal’ nous rappelle la puissance de "Prove You Wrong". Et dans une fin de concert explosive ‘Snap Your Fingers, Snap Your Neck’ et ‘Whose Fist Is This Anyway?’ mettent à l’honneur l’énorme "Cleansing" qui reste plus de 20 ans après sa sortie un must de metal crossover. Cette fin de concert énorme aura mis le feu au public qui en aurait volontiers repris une rasade. Prong a su tirer son épingle du jeu, a bien préparé la suite qui s’annonce monstrueuse et il nous tarde de le revoir rapidement en tête d’affiche.
Exodus a embrasé le festival Alcatraz et chacun attend de ce vétéran de la Bay Arena qu’il récidive ce soir. La tension est palpable dans des premiers rangs prêts à en découdre dans un pur esprit thrash metal à grands coups de pogos et de slams. Exodus ne va pas décevoir ces espoirs : précédé par une douce introduction en forme d’avertissement avant une tempête le groupe va tout dévaster sur son passage pendant une heure d’une rare intensité. La fosse entre en fusion en un instant, comme galvanisée par le son énorme et la puissance de ce thrash. Car si en studio Exodus est parfois maladroit avec des disques trop longs, en live il a cette hargne qu’on aime tant. Certes Gary Holt n’est pas là, toujours retenu avec Slayer, et au chant certains regrettent le départ de Rob Dukes, mais Steve Souza par sa ténacité et son timbre éraillé comme râpé à la meule va vite calmer les sceptiques et rallier tout le monde à sa cause.
Car avec le désormais classique ‘The Ballad Of Leonard And Charles’, le groupe lance un redoutable uppercut. Souza s’est approprié ce titre, et cet extrait de "Exhibit B : The Human Condition" met le feu : il possède toutes les qualités d’un bon vieux thrash avec ses moments de bravoure à la guitare et sa puissance. La suite est aussi brûlante, ‘Blood In, Blood Out’ est un extrait costaud du dernier album qui marque son monde. D’ailleurs avec ‘Body Harvest’ Exodus en balance un autre extrait et montre qu’il a encore une jolie inspiration et qu’il reste un sacré client en matière de thrash galopant et violent. Mais ce sont bien sûr les classiques qui marquent le plus ,et ce début de concert en balance quelques uns de costauds. Ainsi ‘And Then There Were None’ et ‘Deranged’ ne font pas de quartier et nous rappellent la classe du groupe sur ses deux premiers disques à la fin des années 80.
Dans la deuxième partie du concert, Exodus va fracasser tout le monde en mettant à l’honneur son énorme premier album, "Bonded By Blood" et nous proposer avec ‘Piranha’, ‘Bonded By Blood’ ou encore ‘Strike To The Beast’ une sélection de titres rentrés au panthéon du thrash. Le public en est conscient et mange dans la main d’un Souza survolté emmenant sa troupe dans une ambiance phénoménale. Musicalement le tout est très carré, le son puissant comme il le faut et chaque riff et solo est accueilli avec fougue par des premiers rangs en fusion. Extrait du troisième album, ‘The Toxic Waltz’ reste un classique du thrash qui avait marqué les esprits à sa sortie en 1989. Enfin plus récents morceaux de l’album du retour du groupe avec Souza en 2004 ‘War Is My Shepherd’ et ‘Blacklist’ se taillent elles aussi un joli succès, prouvant que le groupe avait un avenir au-delà des années 80. Tout cela nous aura donné un concert de référence achevé sur un ‘Strike To The Beast’ qui aura vu la fosse délivrer toutes ses forces pour faire communion avec le groupe. Exodus a été énorme et a envoyé une claque gigantesque à tout le monde. D’ailleurs le silence et le côté sonné de beaucoup juste après le concert en disent long sur l’intensité du moment. Obituary qui suit aura fort à faire pour rivaliser mais chacun espère que cela sera le cas avec les maitres du death metal américain.
Car Obituary malgré des albums en demi-teinte reste un grand nom, et avec Cannibal Corpse il est une légende du genre. Même s'il a souvent branché le pilote automatique en live , comme au Gohelle Fest 2015. Mais là en tête d’affiche on compte sur lui pour ne pas décevoir et faire bien mal à nos cervicales. Dès le départ Obituary fonce droit devant lui, le son est énorme, à la fois gras et lourd dans cet esprit death metal old school. John Tardy hurle à s’en arracher les poumons et agite sa tignasse comme un damné sur lequel les années ne semblent avoir aucune prise. A ses côtés ça joue méchamment avec une technique impeccable. Le duo Peres-Andrews distillant des riffs tous plus gras les uns que les autres tandis que la section rythmique avec le frère Tardy amène ce groove si particulier au son du groupe.
Dans sa set list Obituary joue la sécurité en basant son concert sur ses deux premiers albums qui restent des références du death métal. Ainsi pas moins de 7 des 12 titres de "Slowly We Rot" vont être joués, il y a évidemment peu de risques mais au final retrouver autant de chansons de ce monument du death est un plaisir. Ainsi en ouvrant avec ‘Internal Bleeding’ et ‘Words Of Evil’ le groupe fait très mal et assomme tout le monde, l’ambiance est chaude et l’audience ne demande qu’à exploser encore plus fort. Mais comme souvent avec Obituary le manque de communication avec les fans va un peu glacer l’ambiance. Dans un esprit purement américain le groupe est là pour jouer et finalement rien de plus. Mais soyons clairs cela est l’essentiel même si le groupe a raté l’occasion de donner un concert événementiel et plus fort que leurs collègues d’Exodus.
La suite du set enchaine les moments de bravoure et nous scotche, ce son si fort dans les basses ne fait pas de détail et écrase tout. Suivent ‘Chopped In Hall’, ‘Intoxicated’, ‘Deadly Intentions’ et ‘Bloodsoaked’, d’autres titres de ses débuts, tous plus intenses les uns que les autres. Seul titre récent dans ce début de concert ‘Visions In My Head’ extrait du dernier album, "Inked In Blood" fait son effet avec sa redoutable puissance. En deuxième partie le groupe joue son efficace nouveau single, ’10.000 Ways To Die’ qui met l’ambiance, et ‘Century Of Lies’ évoque un dernier album dont on aurait aimé savourer un ou deux autres titres. La fin de concert repart vers le passé avec ‘Find The Arise’, ‘Till’Death’ Dying’ et ‘Don’t Care’, seul survivant de "World Demise". Et tout cela fait son effet encore de belle manière dans ce même esprit écrasant. Enfin ‘Slowly We Rot’ achève la soirée en beauté, ce titre restant un classique absolu du death metal, que l’on savoure à chaque écoute. Ce concert aura été d’excellente facture, s'il ne se base que sur 3 disques de la carrière du groupe, il retrace l’essentiel et le meilleur d’Obituary. Le public en reste groggy. Nous aurions aimé plus de risques mais il ne faut pas faire la fine bouche après ce set parfaitement joué et présentant autant de classiques.
Ceci achève une soirée brûlante à tous points de vue, qui a fait trembler l’Aéronef et laissé nombre d’excellents souvenirs au public. Le metal extrême a été mis à l’honneur avec cette superbe affiche et nous espérons rapidement retrouver une date équivalente dans la région. Il nous reste à remercier les groupes et l’organisation pour nous avoir permis de suivre cette soirée.