Pour être totalement franc, votre serviteur doit bien avouer qu'il n'avait jamais entendu parler de
Jambinai avant que Christian Bivel, légendaire patron de Adipocere Records lui fasse découvrir ce groupe au nom étrange à l'occasion de sa venue à Paris, le 19 avril.
C'est une très belle salle, FGO – Barbara, qui accueille les Sud Coréens, dressée dans le XVIIIème arrondissement. Avec
Winter Family en première partie, la soirée s'annonce assez irréelle. On pouvait craindre de fait que le public ne réponde pas présent mais les deux protagonistes ont leur public fidèle voire carrément dévotionnel en ce qui concerne la tête d'affiche.
Si le nom de
Winter Family n'évoquera sans doute pas grand-chose à la plupart d'entre-vous, hydre à deux têtes que compose un couple, secondé en arrière plan par leur fille, arc-bouté sur son orgue, Xavier Klaine n'est pourtant pas inconnu de notre univers, longtemps bassiste des
Blockheads et activiste de la scène hardcore nancéenne. Bien que loin ici de cette violence crasseuse, on décèle dans la musique du tandem un feeling malsain, une énergie noire et pulsative qui confinent à une forme de transe bitumée qui prend aux tripes.
La voix tour à tour monotone ou hystérique, théâtrale et fiévreuse de Ruth Rosenthal, debout devant ses percussions, qui parle plus qu'elle ne chante mais vit ses textes comme une prêtresse contagieuse, n'est pas étrangère à cette ambiance aussi envoûtante que nocive. Le résultat est un art minimaliste et poétique quasi mystique, rongée par une mélancolie sourde et remuante, happening sonore qui se ressent autant qu'il s'écoute.
Peut-être plus que tout autre,
Jambinai est un groupe qui s'écoute (forcément) mais qui surtout se regarde, s'observe religieusement tant son post rock à nul autre pareil, qui fait appel à des instruments traditionnels, prend toute sa (dé)mesure en
live, ainsi que toute sa force à la fois épileptique et contemplative.
Il va sans dire que son impact visuel doit beaucoup à l'imposant geomungo que manie à une incroyable dextérité Shim Eunyoung et vers lesquels tous les regards sont braqués.
Moins nombreux que lors d'autres concerts, les autres musiciens ne sont pas en reste. Aux côtés de la discrète Bomi Kim et son curieux haegum, Ilwoo Lee vit littéralement le show, tour à tour assis et recouvrant sa guitare ou déchaîné, faisant hurler des riffs dans une folie paroxysmique. Son jeu est à l'image de l'art que façonnent ces sympathiques Coréens qui ménagent entre deux éruptions électriques des instants atmosphériques presque silencieux comme suspendus dans le temps et dans l'espace.
Il en résulte une ambiance magique quasi chimérique propice à titiller l'imaginaire, qui fait de ce concert, d'après ceux qui suivent le groupe avec une ferveur passionnée, un des meilleurs que Jambinai ait offert. Bref, nous ne pouvons que vous encourager à le découvrir au plus vite, sur scène notamment, pour une expérience inoubliable après laquelle l'écoute de leurs albums paraitra cependant presque étriquée en comparaison.
Music Waves tient à remercier chaleureusement l'équipe de FGO - Barbara sans qui ce report n'aurait pu être réalisé.