Baptiste Brun, guitariste et compositeur, se confie à cœur ouvert sur ce troisième album du groupe qui est à la fois un tournant et un nouveau départ pour la carrière de Stolen Memories.
Nous nous sommes rencontrés il y a exactement quatre ans, en septembre 2013. Que s’est-il passé pour Stolen Memories depuis ?
Baptiste: Au départ, pas grand-chose. Quand on s’est rencontré la dernière fois, nous venions de sortir notre deuxième album. On était au taquet mais on avait aussi un problème de bassiste à l’époque. Un nouveau bassiste a assuré l’intérim et a fait quelques concerts avec nous puis il a quitté le navire. Nous avions également chacun pas mal de problèmes dans nos vies personnelles. Donc il y a eu une coupure.
Nous nous sommes dits que nous n’aurions pas dû faire les choses comme
nous les avons faites et nous avons décidé de faire un break
A l’époque de la sortie de "Blind Consequence", tu étais assez enthousiaste. C’était d’ailleurs le véritable point de départ de Stolen Memories avec une promo parisienne.
Oui mais plein de choses sont arrivées. Des problèmes personnels, des choses qu’on aurait voulu faire et qu’on n’a pas pu faire et qui nous ont frustrés. Avec du recul, nous nous sommes dits que nous n’aurions pas dû faire les choses comme nous les avons faites et nous avons décidé de faire un break.
Quelles choses par exemple ?
Déjà nous n’étions pas complètement satisfaits de l’album. C’était d’ailleurs déjà le cas avec le premier. En fait nous aurions vraiment voulu taper plus fort, notamment au niveau production.

On a vraiment l’impression en effet que sur "Paradox" l’accent a été mis sur une prod plus moderne alors que précédemment vous étiez plus dans les « clichés » metal progressif.
C’est vrai. Pourtant ce n’est pas ce que nous voulions sur l’album précédent. Mais finalement nous nous sommes rendu compte en effet que ça sonnait comme ça. Comme tu dis, la prod de "Blind Consequence" sonnait vieillot. Même les compos. Certes elles étaient plus accessibles que sur le premier mais ce n’était toujours pas ce qu’on voulait. Toutes ces petites déceptions nous ont amenés à faire un break.
Avez-vous eu l’intention de laisser tomber ?
Non ! Mais nous nous sommes demandé si le projet Stolen Memories pouvait réellement déboucher sur quelque chose. On a voulu faire du metal prog puis partir dans une autre direction parce que le metal prog ne marche pas beaucoup. Et puis au final on s’est un peu perdu. Donc on a fait un break et on s’est très vite rendu compte que ça nous manquait. Et un jour, j’ai rappelé tout le monde en disant « Les gars, je remonte le groupe. Vous en êtes ou pas ?». Tout le monde a répondu présent. On a pris le taureau par les cornes et on a tout fait différemment. A tous les niveaux : dans notre manière de gérer le groupe, de travailler les compositions.
C’est-à-dire ?
Avant je composais les morceaux et chacun faisait sa sauce en répétition. Pour "Paradox", j’ai composé les morceaux de mon côté, j’ai enregistré des maquettes déjà très abouties. Je les ai envoyées aux autres membres du groupe. Chacun a bossé sa partie et ensuite on a validé ou pas les morceaux et on a supprimé ce qui ne plaisait pas à tel ou tel.

Le nouvel album s’intitule "Paradox". Quel est le paradoxe ?
Il y en a plein. Déjà notre musique est un paradoxe avec des plans thrash, des atmosphères limite electro. Le monde d’aujourd’hui est aussi un paradoxe. Le parcours de Stolen Memories est un paradoxe. Tout est paradoxe.
Rien à foutre de toutes ces conneries, Stolen Memories est un groupe de metal prog, point !
Dans notre précédente interview en 2013 pour la sortie de "Blind Consequence", tu souhaitais que Stolen Memories soit considéré comme un groupe de metal, jugeant que l’étiquette « progressif » desservait le groupe. Pourtant ce nouvel album est encore plus progressif. N’est-ce pas ça le paradoxe ?
Tu as répondu, c’est tout à fait ça ! Sur le deuxième album, on a essayé de rentrer dans le schéma actuel en se disant : si on est moins prog et plus metal, ça passera mieux. En fait avec le recul on s’est dit qu’on s’en foutait. Rien à foutre de toutes ces conneries, Stolen Memories est un groupe de metal prog, point ! Ça ne sert à rien de se faire passer pour autre chose pour avoir plus de public. On doit rester nous-mêmes.
Ça ne sert à rien de se faire passer pour autre chose pour avoir plus de public. On doit rester nous-mêmes.
Le metal en France est déjà une niche. Pas sûr qu’en étant plus metal que metal prog, vous auriez élargi votre public de toute façon.
C’est ça. En fait il y a quelque chose d’artificiel sur "Blind Consequence".
Et aujourd’hui êtes-vous prêt à assumer cette étiquette de metal progressif ?
Oui, carrément. Même si ce style reste confidentiel et destiné à des connaisseurs. Même si "Paradox" est encore plus prog comme tu le dis, il est aussi plus accessible que nos deux premiers albums. Donc on verra bien.
L’album est doté d’un très bel artwork. On y voit un personnage dans une barque en train de ramer. Est-ce une métaphore pour souligner la difficulté de percer dans le monde de la musique ?
(Rires) Non ce n’est pas le but. C’est plus pour signifier le paradoxe entre la vie et la mort. C’est le passeur d’âmes qui fait passer les gens dans l’autre monde. Et le ruban de Möbius représente l’infini avec la mort à l’intérieur. Encore un paradoxe. Et si tu retournes la pochette, le rameur rame dans l’autre sens pour souligner ce paradoxe.

Encore un « cliché » du prog donc. Un concept avec une pochette qui invite à la réflexion.
Tout à fait.
Des musiciens aussi doués que vous n’en ont-ils pas marre de ramer autant pour se faire connaitre ?
C’est ça. Quand je te disais que Stolen Memories était un paradoxe. Franchement nous ne sommes pas des musiciens plus doués que d’autres mais c’est vrai qu’au bout d’un moment on se dit qu’il y en a marre de ramer.
En plus vous avez multiplié les labels, Pervade, Brenus et maintenant nos amis de Dooweet qui est en plein développement, qui a ouvert des bureaux aux Etats-Unis et qui veut se développer en Chine. Pensez-vous que Dooweet sera le moteur de la barque pour vous faire traverser l’Atlantique ?
Si c’est le cas, tant mieux pour nous. Mais je ne pense pas. Disons que si ça doit se faire, ça se fera. Et ça se fera avec des gens comme Dooweet, en pleine explosion. Mais aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de règle. Ce qui nous a plu chez Dooweet, c’est leur modernité. En fait nous avons compartimenté. Replica se charge de la promo en France et Dooweet à l’international et Christophe Sousa de Dooweet est aussi notre manager. Je trouve ça bien que chacun puisse se consacrer à une partie spécifique du job parce qu’ils vont le faire beaucoup mieux.
Donc vous avez la volonté de percer à l’étranger. Vous pensez que vous aurez plus de chance à l’étranger ?
Carrément. Déjà pour le metal, je ne t’apprends rien. En France j’ai l’impression que les gens qui écoutent du metal se dirigent plus vers les musiques extrêmes ou, sans être péjoratifs, à certaines vieilleries. Les Français regardent plus souvent derrière que devant.
L’album est vraiment excellent avec toujours ce très haut niveau technique qui caractérise Stolen Memories. Mais il semble que vous avez plus travaillé l’aspect mélodique de votre musique, notamment sur des titres comme ‘Obedience’, ‘Hidden Hurt’ ou ‘No Cure For This’. Es-tu d’accord et est-ce que ça va dans le sens que tu voulais ?
En fait je voulais vraiment des chansons. Même si nous faisons du metal prog et que je ne peux pas m’empêcher de rajouter des trucs un peu compliqués, je voulais vraiment que les chansons dominent. Et c’est aussi ce que Najib ( Ndlr : Najib Maftah, chanteur) attendait. Parce que jusque-là il n’avait pas eu les titres qui mettent vraiment sa voix en valeur. Sur cet album, il a pu tenter des choses qu’il n’avait pas pu faire avant.
Nous ne voulons pas d’un chanteur avec une voix ordinaire ou une énième réplique de James Labrie
Honnêtement j’ai trouvé que l’album était vraiment excellent musicalement mais par contre le chant m’a moins accroché. Etes-vous conscient que le chant peut ne pas plaire à certains fans de metal prog ?
Nous sommes conscients que Najib n’a pas un timbre ordinaire. Disons que soit tu aimes soit tu détestes. Ce que nous aimons justement, c’est qu’il a une voix qu’on n’a pas l’habitude d’entendre. Pour Stolen Memories, nous ne voulons pas d’un chanteur avec une voix ordinaire ou une énième réplique de James Labrie. Comme je n’ai pas non plus envie d’avoir un son de guitare dans le style de tout le monde. Je préfère même avoir un son un peu moins bien mais personnel. On tente des choses. Après ça plait ou ça ne plait pas. Mais si tu cumules les clichés et si tu fais comme tout le monde, tu passes inaperçu. Mais ce n’est pas non plus pour se démarquer à tout prix. Nous sommes avant tout des musiciens passionnés qui jouent pour se faire plaisir.
Je préfère même avoir un son un peu moins bien mais personnel.
"Paradox" sonne beaucoup plus moderne et la production se démarque clairement des deux premiers opus conférant à l’album une vraie personnalité. Dirais-tu que le groupe a atteint une certaine maturité artistique et que vous avez maintenant pleinement assimilé vos influences et trouvé votre propre style ?
Oui je pense. Je pense qu’on est parti pour ne jamais faire le même album. Mais avec "Paradox", je pense que nous avons trouvé ce qui nous ressemblait le plus, l'album où nous avons pu exprimer le plus d’idées. A la fois thrash et progressif dans des formats accessibles qui n’ont pas le temps de saouler l’auditeur. On n’a plus envie de jouer des titres de dix minutes. Y en a marre (Rires). J’ai réécouté notre premier album et je me suis dit qu’on était des fous. Même moi je me suis dit pour certains morceaux : mais il se termine quand ?

Ton jeu de guitare est en tout point remarquable et balaye de nombreux styles, du thrash au shred en passant par le jazz sur ‘The Badge’. Quels guitaristes t’ont le plus influencé ?
Plein ! Je suis fan de plein de guitaristes et j’ai vraiment beaucoup d’influences. Steve Vai reste mon dieu. Mais aussi Marty Friedman que j’adore autant avec Megadeth qu’en solo. Greg Howe m’a aussi beaucoup influencé sur les passages jazz fusion. Michael Romeo, Kiko Loureiro, Tony MacAlpine …
Tu joues sur une guitare huit cordes. Es-tu intéressé par les guitaristes djent comme Tosin Abasi de Animals As Leaders ?
Pour moi c’est le nouveau Steve Vai. C’est le seul qui a proposé quelque chose de nouveau ces dernières années. Des tas de guitaristes actuels ont un niveau qui m’impressionne beaucoup mais n’ont pas beaucoup de style. Alors que Tosin Abasi est vraiment novateur et m’a beaucoup influencé.
Tu as été annoncé en 2015 comme guitariste de Oblivion, nouveau groupe des frères Amore après leur départ de Nightmare. Mais tu as disparu du line-up. Etait-ce de l’info ou de l’intox. Que s’est-il passé avec ce projet ?
Ah ! Je me demandais qui allait me poser cette question en premier. Ce qui s’est passé, c’est que je me suis barré. Ce n’était pas du tout ce que j’attendais d’un groupe. Ni musicalement ni pour le reste. Donc j’ai préféré arrêter. Mais ça m’a reboosté pour réactiver Stolen Memories.
Qu’est-ce que vous attendez de cet album ? En 2013 avec le précédent, tu espérais sortir de Lyon. L’objectif a-t-il été rempli ?
Non il n’a pas été rempli. C’était très dur de trouver des concerts. On n’avait pas de manager. C’était très compliqué. J’espère qu’avec "Paradox", nous allons vraiment décoller.
Tu y crois ?
Tout le monde me dit que je dois y croire. Mais nous avons été très souvent déçus donc je ne veux pas m’emballer. Mais oui j’y crois, sinon je ne serais pas là aujourd’hui.
Merci beaucoup
Merci à vous.
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