Après un premier passage à Bordeaux au mois de février avec Devin Townsend Project et Between The Buried And Me, les Norvégiens reviennent sur les bords de la Garonne pour la tournée de leur cinquième album, "Malina". Tor Oddmund Suhrke, le guitariste de la formation, s'est gentiment prêté au jeu de l'interview...
Très heureux de te rencontrer, Tor !
Très heureux aussi !
Cette rencontre est un peu spéciale car c’est la première fois que je vois Leprous en concert, et il s’agit de ma toute première interview donc je suis très honoré ! On va commencer avec notre question traditionnelle : quelle est la question que l’on t’a posée trop de fois ?
La question que je trouve toujours très dure à répondre est : « Est-ce que tu as quelque chose à dire à nos lecteurs ? » (Rires). Je ne sais jamais vraiment quoi dire ! Je dis toujours des trucs comme : « J’espère que vous viendrez nous voir en concert ! ». Ou alors on nous demande beaucoup ce que veut dire « Malina », même si c’est une question assez évidente à laquelle on s’était préparés.
Nous en sommes à la moitié de la tournée « Malina » à présent. Comment cela s’est-il passé pour vous jusque là ?
Pour l’instant, c’est une tournée super, mieux encore que ce que l’on espérait ! Nous avons beaucoup de gens qui viennent nous voir, on a aussi de nombreux concerts à guichets fermés. On s’est beaucoup préparés en vue de la tournée, et c’est génial de voir comment tout s’est concrétisé, les jeux de lumière, toute la production sur scène, le fait d’avoir Raphael avec nous (Raphael Weinroth Browne, violoncelliste canadien qui les accompagne sur cette tournée pour la première fois, ndlr). Tout se passe comme on l’avait imaginé, ça fait plaisir.
La tournée dure un mois et à en croire votre planning, vous n’avez pas un seul jour de repos ! Vous n’êtes pas trop fatigués ?
Pour être honnête, un petit peu ! Mais dans la mesure où tout se passe bien, il nous reste quand même de l’énergie ! On a démarré la tournée avec des problèmes logistiques mais tout est réglé maintenant.
Vous avez perdu du matériel, des équipements ?
Non, en fait nous avions emportés trop de choses avec nous dans le camion qui nous accompagne et il a fallu trouver une solution pour pouvoir finalement tout transporter, et on l’a trouvée depuis !
Comme je le dis à chaque sortie d’album, celui-ci est mon préféré parmi ceux que l’on a enregistrés
On va parler un peu de votre dernier album, « Malina ». Quel est ton ressenti personnel sur cet album ?
Comme je le dis à chaque sortie d’album, celui-ci est mon préféré parmi ceux que l’on a enregistrés. A chaque fois, on essaye de développer notre son, et j’ai le sentiment qu’on a réussi. On a pris une nouvelle orientation, on n’essaye pas de changer radicalement de direction d’un album à l’autre ni même de refaire la même chose qu’avant mais plutôt de poursuivre notre chemin. Je suis très satisfait de ce disque, et notre public semble l’être aussi.
On a de plus en plus de gens qui nous suivent d’album en album
Vos 4 premiers albums sonnaient vraiment metal alors que « Malina » sonne davantage « rock ». Est-ce pour autant un album qui divise parmi vos fans ?
Ce que je remarque c’est que l’on a de plus en plus de gens qui nous suivent d’album en album, et qu’il y a beaucoup d’attente par rapport au contenu du disque. Et vu que l’on change un peu de son à chaque album, cela signifie que de plus en plus de monde aime ce petit changement que l’on propose à chaque nouveau disque. A côté, les gens qui regrettent véritablement notre changement de son et la première partie de notre carrière semblent être minoritaires. C’est simplement qu’en général, ces personnes-là n’hésitent pas à faire remarquer leur désaccord avec la nouvelle orientation. Mais sur cette tournée, on joue une set-list différente tous les soirs, donc on inclut aussi quelques chansons des premiers albums et je pense que beaucoup de gens apprécient ça.
Il y a plusieurs nouveaux aspects sur votre nouvel album. Pour la première fois, il n’y a plus de growl, uniquement du chant clair. Y a-t-il une raison spécifique à cela ou est-ce que cela s’est fait comme ça sans réellement en avoir décidé ainsi ?
On ne dit jamais à Einar, le chanteur, de crier sur telle ou telle partie, on peut lui dire que ce serait bien, mais à présent, cela ne lui semble plu"s vraiment naturel d’avoir recours à ça. Il y a d’ailleurs eu de moins en moins de growl d’album en album, et sur celui-ci, je ne vois pas vraiment où on aurait pu en caser de sorte à ce que cela donne vraiment un réel attribut à la chanson. Si on en avait mis, on l’aurait fait davantage pour le côté « gimmick », juste pour le faire. Cela fait juste partie de la direction naturelle qu’a pris le groupe. Einar se sent plus attiré par le chant clair que par le growl, bien que sa technique de growl n’a jamais été aussi bonne et qu’il crie bien mieux maintenant qu’à l’époque où il criait bien plus souvent. Il a une meilleure technique et ça sonne très bien, et nous jouons encore quelques anciennes chansons qui comportent du growl, mais sur "Malina, ça ne faisait pas partie de l’évolution naturelle du processus.
Certains voudraient absolument que l’on reste les mêmes qu’avant, même s’ils savent que l’on veut continuer d’évoluer
En sachant que le growl constitue une véritable part de l’identité du groupe et qu’il a certainement contribué à votre succès, est-ce que vous ne redoutiez pas la réaction des fans en les enlevant totalement de vos compositions pour la première fois ?
Je ne dirais pas que l’on redoutait leur réaction, mais on s’attendait à une réaction. Bien sûr, on savait que certains se demanderaient où étaient les growls et les guitares très saturées, c’est toujours comme ça. Ce n’est pas surprenant et on s’y attendait, et finalement, cela montre que certains voudraient absolument que l’on reste les mêmes qu’avant, même s’ils savent que l’on veut continuer d’évoluer, alors que d’autres semblent penser que le fait que l’on évolue d’album en album est la meilleure chose que l’on propose. Mais on ne redoutait pas ce genre de situation pour autant, on a fait ce que l’on avait envie de faire.
C’est sûr que certains ont dû être déçus, mais en même temps, si vous avez de plus en plus de fans, c’est que votre nouvelle recette fonctionne probablement mieux, et que certains attendaient peut-être au contraire le jour où vous renonceriez aux growls !
Oui, et puis on évolue dans le sens que l’on souhaite ! Ce qui est marrant c’est que les personnes obsédées à l’idée que l’on reste dans les mêmes standards qu’avant avec ce son très metal et ce chant crié pensent que l’on est des vendus en changeant de style et que l’on faisait ça pour l’argent ! Les seules personnes qui nous disent quoi faire et comment on devrait sonner, ce sont ces personnes-là. Nous nous contentons de suivre notre volonté. C’est au contraire en cherchant à conserver notre ancien style pour le plaisir de nos fans de la première heure que l’on irait contre notre propre volonté ! A vrai dire, personne d’autre ne nous demande de revenir à nos standards de l’époque. Tout ce que l’on fait maintenant correspond à ce qui nous semble le plus naturel à ce stade-là de notre carrière.
Pour rester dans le registre vocal, la voix est plus en avant que jamais sur ce disque, notamment sur le titre ‘The Last Milestone’ où Einar Solberg (le chanteur, ndlr) est uniquement accompagné d’un violoncelle. Ne craignait-il pas d’exhiber et de mettre en lumière sa voix à ce point en enregistrant ce titre, ce qui n’avait jamais été le cas auparavant ?
C’est difficile de répondre à sa place, mais dans cette chanson, il y a beaucoup d’émotions mêlées. C’est une chanson épuisante à enregistrer et à jouer sur scène. Ça lui demande beaucoup d’efforts de la chanter. C’est le cas de plusieurs chansons mais celle-ci particulièrement. C’était difficile à enregistrer, mais au final, je pense que c’est l’une des meilleures chansons de l’album. Le fait qu’il y ait aussi peu d’ingrédients et d’instruments renforce l’intensité de l’émotion. Einar l’a enregistrée tout seul et au moment où l’on avait un certain nombre de chansons potentielles à mettre sur l’album, il l’avait enregistrée sur un logiciel sous format MIDI en mettant un orchestre en fond, et c’était dur pour nous à ce moment-là de savoir comment en faire une vraie chanson de Leprous. Mais c’était évidemment une excellente composition, donc on ne pouvait pas lui dire qu’on ne la garderait pas ! C’était sûr qu’elle figurerait sur l’album, mais j’étais très intrigué par la forme finale que la chanson aurait. Quand je l’ai entendue après qu’elle ait été enregistrée, avec le violoncelle et sa voix, le rendu était très bon, et je pense que c’est une des meilleures chansons de l’album.
Raphael a une créativité énorme, une vraie présence scénique, et une vraie technique
Tu parlais à l’instant de violoncelle, c’est la première fois qu’il y en a sur vos chansons, sur ‘The Last Milestone’ donc mais aussi d’autres comme ‘Stuck’. Vous avez fait appel au violoncelliste canadien Raphael Weinroth Browne pour la tournée. Comment votre-choix s’est-il porté sur lui ?
C’est une histoire intéressante. Quand on a composé les chansons, on s’est dit qu’il serait bien d’y mettre des violons ou violoncelles, des vrais, et pas des samples synthétiques provenant d’un ordinateur. On voulait tendre vers un son organique sur cet album. On avait quelques personnes en tête à qui on aurait pu confier ce travail-là. Pour tout dire, on avait même songé à faire appel à un orchestre, mais on ne savait pas vraiment comment s’y prendre, même si on considérait quand même cette possibilité. Puis, quand on est partis en tournée aux USA l’an dernier, nous avons fait un concert à Ottawa, au Canada. Raphael (le violoncelliste, ndlr) faisait justement partie des groupes locaux qui ont joué pour nous en première partie. A ce concert, il y avait 2 ou 3 groupes qui devaient jouer avant nous, il y en avait beaucoup, et on se demandait vraiment comment on allait réussir à tous jouer dans la même soirée avec l’emploi du temps que l’on avait ! On a surveillé que les groupes qui jouaient en première partie respectaient bien le temps qui leur était imparti sans déborder sur le temps du groupe suivant car il était trop tard pour enlever certaines de nos chansons. Raphael devait jouer en concert avec sa partenaire, mais je crois qu’elle était malade, et il a donc dû jouer tout seul. C’était énorme, c’était incroyablement beau et c’était évident qu’il était un excellent violoncelliste. Il avait une créativité énorme, une vraie présence scénique, et une vraie technique.
C’étaient ses propres chansons ? Seulement des titres instrumentaux ?
Oui c’est ça, et tout le monde était intrigué, c’était super. On espérait qu’il continue de jouer aussi longtemps que possible ! Après le concert, on a été le rencontrer et on lui a proposé de jouer sur notre album. Il est venu avec nous à Stockholm là où on a enregistré l’album, et vu que c’était un très bon artiste sur scène également, on lui a proposé de venir avec nous pour la tournée. Ça marche très bien avec lui.
Avez-vous songé à la possibilité de le recruter en tant que membre permanent de Leprous, ou votre collaboration va-t-elle cesser à l’issue de la tournée ?
Pour l’instant, il est juste prévu que l’on joue ensemble sur cette tournée. Ne pas l’avoir avec nous sur scène, ce serait bizarre, on y arriverait, mais il manquerait quelque chose. Jusqu’à présent, on a pu faire sans lui, mais je suis content qu’il soit avec nous maintenant. S’il était un membre permanent, le fait qu’il vive au Canada et qu’il joue du violoncelle ce qui implique des difficultés au niveau logistique n’arrange pas les choses. On est très contents de son travail avec nous et on espère jouer plein de concerts avec lui à l’avenir. On verra plus tard pour la suite !
Je préfère dire que l’on joue de la musique complexe plutôt que de la musique progressive
Cet album est assez ambivalent dans la mesure où il mélange des titres à la fois percutants et à la fois marqués par une certaine complexité rythmique ou mélodique, à l’image du titre 'From The Flame', si bien que « Malina » n’est pas si facile d’accès comparé à un album comme « The Congregation » qui était plus rentre-dedans. Qu’en penses-tu ?
Je dirais que « Malina » est plus accessible d’une certaine manière. Quand on a sorti les trois premiers singles (‘From The Flame’, ‘Stuck’, ‘Illuminate’, ndlr) qui sont les chansons les plus accessibles de l’album, on savait que certains reprocheraient le fait que l’on soit loin des standards du metal progressif. Mais je pense qu’il faut les écouter plusieurs fois pour bien saisir toutes les couches que ces chansons comportent, tous les détails qui font leur complexité. A la première écoute, ça a peut-être l’air plus accessible que ce qu’on faisait avant car ce sont des titres accrocheurs et on ne se rend pas vraiment compte de la complexité des morceaux. Par exemple, les couplets du titre 'From The Flame’ sont en 13/8. Pourtant, quand on a sorti cette chanson, certains disaient que ce n’était pas progressif et que c’était de la pop car les couplets étaient en 4/4. Essayez de la jouer et vous verrez que ce n’est pas aussi facile ! C’est ce que l’on essaye de faire. Je préfère dire que l’on joue de la musique complexe plutôt que de la musique progressive, je ne pense pas que ce soit la même chose. C’est ce genre de choses que les fans de prog apprécient. Je pense que cet album est plus accessible, même si on se rend compte de sa complexité en multipliant les écoutes.
A l’occasion de l’écriture de « The Congregation », vous aviez dit avoir écrit une trentaine de morceaux pour au final n’en garder que onze au moment de la constitution de votre set-list finale. Avez-vous conservé la même méthode pour « Malina » ? Comment avez-vous écrit les chansons ?
On a gardé à peu près la même méthode que lors de l’écriture de « The Congregation ». On a écrit des sections de chansons qu’on assemblait au fur et à mesure, et la structure des chansons était plus ou moins la même. On a écrit 30 chansons ou passages de chansons pendant les 5 premiers mois de l’année dernière. Puis on en a sélectionné 15 pour continuer à les travailler.
Quand vous ne gardez finalement pas certaines chansons pour l’album, qu’est-ce que vous en faites ? Est-ce que vous les supprimez définitivement, ou essayez-vous de les garder en tête pour plus tard ?
Elles existent quelque part ! Il n’y a pas de frontière claire entre une excellente chanson et une chanson nulle. Quelques parties de chansons qui ne figureront pas sur l’album sont parfois conservées et combinées plus tard à d’autres pour créer autre chose. Par exemple, si on a besoin d’un refrain à un moment donné, on peut aller en piocher un qui était bien parmi ceux qu’on n’avait pas gardés. On a une sorte de base de données avec des chansons ou des passages de chansons qui pourront servir plus tard. Mais on n’essaye pas nécessairement de repartir de ces « restes » d’album lorsqu’on se met à écrire un autre album.
Einar a environ 98% des idées sur chaque album maintenant. Tout le monde peut proposer des idées, mais c’est lui le plus créatif
Il semble que ce soit Einar Solberg qui ait les clés de l'écriture et de la composition depuis 4 ou 5 ans. Est-ce que cela a toujours été le cas, ou le processus d’écriture d’album a-t-il évolué au cours des dernières années ?
On a convergé vers cette direction au moment de l’écriture du dernier album. Il y a quelques années, on était plus du genre à créer des choses quand on était tous dans la salle de répétition, à se jouer des choses les uns aux autres. Mais cela prend beaucoup de temps de se retrouver tous ensemble, d’écouter toutes les idées que tout le monde a, d’essayer de les apprendre, et au final tu te retrouves à passer tout le temps de la répétition a essayer de jouer l’idée de quelqu’un que tu ne garderas finalement pas. C’est beaucoup plus efficace d’essayer de produire des idées complètes à l’avance car on peut les préparer chez nous avant la répétition. L’avantage d’écrire une trentaine de sections de chansons est que l’on peut juste les écouter avant-même d’apprendre à les jouer pour choisir celles que l’on conserve. Pour être honnête, on n’a plus autant de temps qu’avant. C’est marrant car on pourrait faire 30 chansons à chaque album ! (Rires). On en prépare plus mais c’est bien plus efficace. Et c’est aussi plus simple de faire abstraction des idées qui seront moins intéressantes que d’autres. Avant, on essayait de conserver davantage d’idées même si elles ne valaient pas forcément le coup, en les retravaillant, pour essayer d’en tirer quelque chose. Cela s’entend sur les premiers albums. Aujourd’hui, on n’aurait pas gardé certaines idées que l’on a gardées à l’époque. En écrivant des bouts de chansons, on prend conscience des passages qui ont un vrai potentiel et on essaye de les creuser. Quant aux autres idées, on les écarte. C’est un peu brutal mais c’est plus efficace ! Pour être honnête, Einar est le meilleur d’entre nous pour écrire en respectant cette méthode, il a des idées plus complètes. Einar a environ 98% des idées sur chaque album maintenant. Tout le monde peut proposer des idées, mais c’est lui le plus créatif.
Nous avons toujours joué la musique qui nous venait spontanément et cherché à suivre notre évolution naturelle
Tu parlais de vos premiers albums juste avant. Certains fans regrettent justement l'époque « Tall Poppy Syndrome » et le côté avant-gardiste et progressif de l'album. Qu'est-ce qui vous a fait opérer ce virage ?
Comme je te le disais tout à l’heure, sur chaque album, nous avons toujours joué la musique qui nous venait spontanément et cherché à suivre notre évolution naturelle. Et quand tu écris un album, que tu l’enregistres, puis que tu le joues en concert, cela te fait apprendre beaucoup de choses. Après ce processus, on se met à écrire des nouvelles chansons. Ce serait étonnant de ne pas du tout avoir évolué. Quand on joue du prog, on est censé suivre des codes comme des mesures de chansons complexes, etc. Sur « Malina », on a encore beaucoup de chansons complexes même si on ne le remarque pas forcément dès la première écoute. Quand on les joue en concert, on essaye de les jouer de sorte à ce qu’on leur donne un côté accessible, mais cela reste des chansons complexes, même si on n’est pas dans les standards typiques du genre progressif. On vient de ce milieu-là, donc on a encore beaucoup de ces influences dans nos chansons, mais ce n’est pas très important pour nous d’être catalogués comme un groupe de prog, même si on a beaucoup d’éléments progressifs dans nos chansons. On a aussi beaucoup de fans qui viennent du prog, mais je pense que la majorité d’entre eux apprécient notre volonté d’évoluer en tant que groupe. Ce serait étrange pour nous maintenant d’écrire des chansons à la « Tall Poppy Syndrome ». Ce serait marrant de jouer quelques unes de ces vieilles chansons pour voir la réaction des gens, mais maintenant, on a évolué en tant que musiciens.
Ces derniers temps, les set-lists de vos concerts ont surtout repris des titres de vos derniers albums. Pourquoi ne pas donner plus de place à vos premiers disques, « Tall Poppy Syndrome » et « Bilateral » qui ont pourtant été très bien reçus par votre public ? Peut-être en avez-vous un peu « honte » parce que cela représente vos débuts, ou peut-être avez-vous simplement envie de jouer vos dernières chansons ?
Ce n’est pas une histoire de honte ou quoi que ce soit. Quand on choisit des chansons à jouer, on essaye de choisir des chansons qui vont bien passer dans la set-list et auxquelles on s’identifie. Plus tu remontes le temps, moins tu trouves des chansons anciennes dans les set-lists, car ça correspond de moins en moins à ton état d’esprit du moment. Mais parfois, on réserve des surprises aux gens en jouant des vieilles chansons. Ce qui est intéressant c’est que quand on joue, on entend des gens qui nous crient de jouer telle ou telle vieille chanson, et quand un jour, on joue cette chanson, on n’a même pas vraiment de retours sur cette chanson ! Ça montre aussi qu’il n’y a que quelques personnes qui crient fort qui sont intéressées pour entendre ce genre de chansons ! Et les gens qui viennent à nos concerts maintenant, la majorité d’entre eux n’ont jamais entendu parler de ces chansons-là. Si on apprenait que beaucoup de monde réclamait certaines anciennes chansons, alors on les jouerait. Mais à chaque fois qu’on réserve ce genre de surprises aux gens, on n’a pas de très bons retours à ce niveau-là après le concert. Les seuls bons retours que l’on aura auront lieu après coup si quelqu’un poste cette chanson sur les réseaux sociaux, certains seront très enthousiastes. On n’a pas l’impression que le fait d’ajouter des vieilles chansons à notre set-list améliore vraiment la qualité du concert, ça n’a pas trop de sens pour nous. Mais parfois on le fait quand même, comme l’autre jour où on a joué ‘Bilateral’ pour la première fois depuis 2011 je crois. On l’a jouée aux Pays-Bas car on sait qu’on a des vieux fans là-bas, et on a eu de bons échos donc c’était cool !
Je ne peux pas dire que notre succès ait été explosif. Il s’est construit très, très lentement
Depuis l’album « Coal », vous semblez devenir de plus en plus populaires. A quoi attribuez-vous ce succès croissant ?
Eh bien… (Rires). Einar et moi sommes les deux seuls à faire partie du groupe depuis le début, cela fait 16 ans qu’on joue ensemble, donc je ne peux pas dire que notre succès ait été explosif. Il s’est construit très, très lentement, la progression a été très lente. Il fallait continuer et persévérer. Après chaque album, nous avons beaucoup tourné. Selon moi, chaque album que nous sortons est une amélioration du précédent. Ce serait bizarre pour nous de produire un album que l’on aime moins que le précédent. Donc je peux comprendre que certains aiment les nouveaux albums de plus en plus. On a passé beaucoup de temps et dépensé beaucoup d’argent pour améliorer la qualité de nos concerts et faire venir du monde, les faire revenir avec des amis, etc. On construit au cours de chaque album. Quand on revient jouer à un endroit, je n’ai jamais vu moins de monde venir que la fois précédente, c’est gratifiant.
De nos jours, être un musicien professionnel est un objectif difficile à atteindre. Après 5 albums studio, gagnez-vous suffisamment d’argent pour vivre de votre musique, comme beaucoup de groupes en rêvent, ou avez-vous toujours besoin d’avoir un autre emploi à côté ?
Quand on est en tournée, on vit bien. De mon côté, j’aime aussi beaucoup faire autre chose à côté. Ne faire que jouer des concerts tout le temps n’est pas un train de vie très naturel. J’ai une très belle vie chez moi avec ma femme, j’aime passer du temps à la maison, être « normal ». Même si on n’est pas un grand groupe, on attire beaucoup l’attention quand on est en tournée, donc vivre une vie tout le temps comme ça, je ne sais pas si j’aurais vraiment apprécié ça. Donc j’apprécie avoir mon autre emploi à côté, cette combinaison est parfaite. Mais maintenant que l’on tourne bien, je n’ai pas besoin d’avoir un emploi à temps plein à côté. Si tu m’avais posé la question il y a cinq ans, j’aurais répondu que j’avais besoin d’un travail à temps plein en plus pour pouvoir jouer dans Leprous car à ce moment-là, jouer représentait de fortes dépenses. Mais maintenant, on gagne de l’argent en tournée au lieu d’en dépenser ! C’est la récompense que l’on a après avoir joué pendant toutes ces années. On a tous un autre travail quand on rentre en Norvège. Ça nous permet aussi de respirer.
Comment est-ce que vous vivez la séparation avec vos familles et amis ?
C’est aussi l’une des raisons qui font que c’est bien de ne pas passer son temps en tournée. Si on était en tournée tout le temps, on gagnerait bien notre vie. Mais cela signifierait aussi que l’on ne pourrait jamais être chez nous. C’est l’un des aspects les plus compliqués en tournée. Mais la manière dont on fonctionne maintenant marche très bien, donc j’espère que cela se possible de continuer de la sorte !
Pour finir, y a-t-il une question que l’on ne t’a jamais posée et à laquelle tu aimerais répondre, ou une question que tu aimerais que je te pose ?
C’est une question que l’on me pose des fois, et j’aimerais avoir une réponse, mais je n’y ai jamais vraiment réfléchi ! Des fois, j’y repense, et je me dis : « Ça c’est une question à laquelle j’aimerais répondre ! », mais après, j’oublie ! L’une des questions auxquelles il m’est également difficile de répondre est quand on me demande d’expliquer précisément le sens des paroles, mais ça enlève le charme de la chanson quand on cherche à tout expliquer ! C’est mieux quand les gens essayent de l’interpréter à leur façon, tout comme j’ai ma manière de l’interpréter, pour ne pas perdre ce côté « magique ».
Merci beaucoup !
Avec plaisir !