A l’occasion de la sortie du dernier EP du power trio electro-progressif expérimental français ChabiFönK Experience, nous avons rencontré Yaël et Mathieu, respectivement bassiste/claviériste et batteur de la formation des Deux-Sèvres. Retrouvez également la chronique de leur EP « Missiön » sur Music Waves !
Nous allons commencer cette interview avec notre question traditionnelle : quelle est la question que l’on vous a trop souvent posée ?
Yaël et Mathieu : « Pourquoi n’y a-t-il pas de chant dans votre musique ? »
Votre musique est extrêmement riche et touche à de nombreux styles. Si vous deviez définir votre genre musical, comment le définiriez-vous ? Si je vous dis que l’expérience Missiön est un « tourbillon electro-prog-trance-krautrock-psychédélique » : qu’en pensez-vous ?
Yaël : Le mot tourbillon est intéressant, il marque bien le côté intense qui peut être apporté par nos influences très variées… Notre musique reflète nos émotions du moment, de nos coups de gueules à nos joies profondes, sans oublier notre perpétuelle recherche d’une vie de rêve ! Pour le côté electro-prog-trance-krautrock-psychédélique, je crois que cette définition est assez complète…
Mathieu : C’est une définition relativement exacte.
"Sans chant, nous sommes libres d’explorer, de voyager, de nous exprimer plus aisément"
Le titre introductif 'Fly'N'Furious' est léger, joyeux, et assez aérien, le second, 'Motri6té', du moins le début et la fin, est quasiment son opposé avec ses sonorités metal et son synthé aux allures de Dream Theater. Vous semblez n'imposer ni cadre ni limite à votre musique ?
Mathieu : Le fait de ne pas avoir de chant est finalement un atout pour explorer et traverser les portes de la perception musicale, il y a beaucoup moins de barrières et d’obstacles. Si on devait incorporer du chant, ce serait probablement le pivot des structures que nous composons, alors que sans chant, nous sommes libres d’explorer, de voyager, de nous exprimer plus aisément. Le trio est un plus, personne ne se marche dessus, on peut broder et remplir à notre guise.
Vous passez en revue de nombreux genres (rock psychédélique, dub, trance, metal…). Y a-t-il des styles que vous aimeriez explorer à l'avenir ?
Mathieu : Peut-être la tek/house de Détroit ou le noisy jazz….
Yaël : C’est possible que l’on se dirige vers des sons un peu plus cosmiques, avec un tempo un peu plus lent… Mais ce n’est pas sûr, car à chaque fois qu’on part en compo sur des moments plus zen, le son metal pointe le bout de son nez, alors…
Notre chronique fait le rapprochement entre certains de vos titres et ceux de Dream Theater ou de Porcupine Tree. Sont-ce des influences pour vous ? Y en a-t-il d’autres ?
Mathieu : On peut compter aussi Jimi Hendrix, Pink Floyd, Ozric Tentacles, Dub Trio, NOFX, Bob Marley, Lamb Of God, The Police, Renaud, Affro Dizzi Act, LCD Sound System…
Yaël : La musique jazz éthiopienne avec Fela et Femi, Akale Wube. L’electro de Chineese Man ou encore Wax Taylor avec ASM. Les vieux groupes de rock avec les immortels AC/DC ou Led Zeppelin, le funk imperturbable du grand Macéo Parker, le reggae cuivré des Skattelites…
"On est tellement bien à trois qu’on a peur d’avoir une autre personne qui pourrait remettre cet équilibre en question"
L'électro est une composante déterminante dans vos compositions. Pourtant, votre formation n’intègre qu’un batteur, un bassiste, et un guitariste. Pourquoi ne pas avoir de membre permanent au synthé qui s’occuperait de tous les bruitages, effets, etc ?
Mathieu : Parce qu’il faut le trouver le type et que c’est pas encore fait !
Yaël : L’idée nous plairait, mais je crois qu’on est tellement bien à trois qu’on a peur d’avoir une autre personne qui pourrait remettre cet équilibre en question. Et puis c’est plus facile de jouer à trois il y moins de contraintes humaines… En plus, à chaque fois que les gens viennent nous voir, ils sont sur le cul et nous disent : « putain mais vous avez un super son ! ».
Du coup, lors de vos concerts, toute la partie electro est certainement samplée ?
Mathieu : Oui et non. Les basses sont jouées au clavier et à la guitare basse, toute la rythmique ainsi que les kicks sont joués en live à la batterie. Les parties samplées concerne plus les FX, les voix, des nappes, certains arrangements claviers…
Yaël : Les samples à l’heure actuelle font partie de l’univers musical. On a parfois des remarques sur le fait que c’est dommage d’entendre des sons sans voir un musicien qui joue, mais en général, le public ne nous en veut pas trop…
Votre musique est intégralement instrumentale. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Mathieu : Parce que c’est instinctif et simple. Trois personnes suffisent amplement mais peut-être qu’un quatrième serait l’évolution naturelle ! La vie nous réserve bien des surprises, peut-être le trouverons-nous, mais rien ne presse.
Ne craignez-vous pas de vous couper d'un certain nombre d'auditeurs potentiels en proposant un contenu purement instrumental ?
Mathieu : Ce n'est pas une de nos préoccupations à l'heure actuelle.
Yaël : Non, notre musique est personnelle et reflète notre intégrité, on préfère kiffer que baisser notre froc !
Après "ChabiFönK Experience" en 2012 "Mystic Planet Trip #1" en 2015, vous sortez un troisième EP avec "Missiön". Pourquoi vouloir continuer à sortir des EP et pas des albums ? Est-ce un motif purement financier ?
Mathieu : C’est plutôt que nous ne sommes pas professionnels et que ce genre de musique demande beaucoup de temps à mettre en place, et comme on a aussi beaucoup de choses à faire à côté, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a.
Yaël : On n’est pas des professionnels. On compose et on fait des concerts sur notre peu de temps libre et on y met déjà beaucoup d’énergie. L’album classique de minimum 9 titres nous prendrait peut-être entre 5 et 6 ans pour le sortir car nos compositions prennent du temps à mettre en place. On préfère sortir un EP déjà bien riche régulièrement plutôt que de faire des morceaux à la va vite…
En tant que jeune groupe indépendant, comment procédez-vous pour vous démarquer des autres groupes et pour augmenter votre visibilité, notamment sur Internet ?
Mathieu : En se faisant remarquer sur scène et en faisant le buzz.
Yaël : On essaye d’être entiers sur scène (surtout le batteur), et on ne néglige jamais les remarques de nos fidèles fans que ce soit à la sortie d’un concert ou sur les réseaux sociaux.
Quels sont vos projets pour la suite ? Y a-t-il une tournée prévue pour cet EP ?
Mathieu : Tourner du mieux qu’on puisse et prendre du bon temps ensemble et avec le public !
Yaël : On cherche toujours des dates, mais des dates sympas où l’accueil et les conditions pour se produire sont sérieuses et respectueuses…
Qu’attendez-vous de la sortie de cet album avec le soutien de Dooweet ?
Mathieu : Qu’on devienne des rock stars !
Quel est votre meilleur souvenir en tant qu’artiste ?
Mathieu : Il y en a beaucoup, notamment les festivals comme le Festbouc, le Hadratrance Fest, le Fil Du Son…
Yaël : La générosité du public lorsque tu sens la mutation qui s’amorce, lorsqu’il a compris que tu n’étais là que pour partager un petit moment de bonheur.
Au contraire, quel serait votre pire souvenir ?
Mathieu : Il y en a beaucoup mais moins que les meilleurs !
Yaël : Pour moi, c’était un concert dans une salle des fêtes éclairée au néon où on jouait pour une armurerie… Le mec avait acheté un concert sur Ulule (super mec d’ailleurs) et le public mangeait des chips et des cacahuètes au fond de la salle en buvant du Ricard pendant qu’on faisait notre set… Very bad trip !
Quelle est la question que vous aimeriez que l’on vous pose ?
Yaël : « Ça vous brancherait de faire une tournée mondiale ? »
Un dernier mot pour les lecteurs de Music Waves ?
Mathieu : Que souffle le vent de la musique !