Lors de l'interview que vous nous aviez accordée suite à la parution d' "Enfant de la Nuit", vous aviez déjà évoqué ce nouvel album dont on espérait une sortie fin 2016. Pourquoi "Return" ne voit finalement le jour qu'en cette fin d'année 2017 alors que "Enfant de la Nuit" marquait le début de la collaboration avec Finisterian Dead End ; ce n’est donc pas un problème de soutien ?
Julien : Bonjour ! Non effectivement ce n’est pas lié à une problématique de label. C’est la réalisation de l’album qui a pris un peu plus de temps qu’imaginé au départ… En fait les compositions ont été complétées et arrangées au fur et à mesure de l’enregistrement, qu’il s’agisse des synthés, des effets sonores, ou des voix, ce qui a allongé le processus. Et nous avons aussi pris le temps qu’il fallait lors du mixage pour peaufiner les choses… Au final l’album était prêt au printemps 2017, et nous nous sommes ensuite mis d’accord avec Laurent chez Finisterian Dead End pour une sortie à l’automne.
Comme vous avez toujours l'air d'avoir un album d'avance, le prochain disque est-il déjà en préparation ?
Nous repartons pour ainsi dire à zéro cet hiver ! Depuis la période 2012-2013 qui avait donné naissance aux morceaux d’ "Enfant de la Nuit" et de "Return", je ne me suis pas réellement posé pour composer. Pour autant, ce n’est pas réellement une page blanche : j’ai accumulé tout un tas d’idées, de bribes, de riffs, de mélodies… et j’ai hâte de reprendre, arranger et structurer tout ça, après une petite mise à jour de mon home studio !
Ce troisième opus se nomme donc "Return". De quel retour s'agit-il ?
Littéralement, l’album raconte le retour d’un équipage sur Terre, après plusieurs centaines d’années de voyage interstellaire. Ils vont ainsi retrouver la planète bleue, son atmosphère, l’air frais… descendant progressivement vers l’océan. De manière plus poétique, cela évoque le retour aux sources, au foyer, auprès des siens…
Au sujet de son prédécesseur, vous disiez avoir été influencé par le metal gothique. Qu'en est-il de celui-ci ? Peut-on le définir comme une synthèse de vos larges influences, doom, ambient, post rock etc... ?
Cette influence est à nouveau présente, sur un morceau comme 'Back Home' par exemple, mais elle est plus en retrait, au même titre que la dimension doom. Quant à notre facette la plus dark et froide (le morceau Doom sur l’album précédent), elle est quasi absente sur "Return".
A contrario nous avons fait entrer dans notre musique des inspirations post-rock et folk, et continué à développer un ambient-électronique influencé par les 70’s-80’s.
Donc plutôt que d’une synthèse, je parlerais d’une large palette de nos influences, avec un équilibre différent des précédents albums.
Si votre style reste reconnaissable, vous semblez cette fois-ci faire un pas supplémentaire vers une musique plus progressive et atmosphérique... Ce glissement était perceptible sur "Enfant de la Nuit" mais il trouve son aboutissement avec "Return". Etait-ce une volonté ou c’est une évolution inconsciente ?
Probablement les deux. Au stade de la composition, et même des arrangements lorsque nous sommes à plusieurs, les choses se font de manière instinctive, nous nous laissons guider par la musique elle-même. Mais dans le cas précis d’"Enfant de la Nuit" et de "Return", lorsque nous avons déterminé les track-lists, nous avons choisi délibérément d’orienter les morceaux les plus sombres vers le premier, et les plus lumineux ou progressifs vers le second, ce qui explique pour partie cette perception.
Du doom, il reste notamment encore des traces à travers le chant caverneux. Pourriez-vous un jour abandonner celui-ci ?
Clairement non ! C’est un style que j’aime trop, qui m’inspire énormément, et je pense même que nous serons amenés à le remettre en avant… Quand on est en plein mixage, c’est assez ludique d’isoler les guitares, la basse, et la batterie, certains passages révèlent alors tout leur potentiel doom justement, et ça nous titille de travailler là-dessus à l’avenir. En fait c’est un problème de discipline à mon niveau : me forcer à ne pas ajouter trop de parties de synthés sur des riffs à l’essence doom.
Ceci étant dit, il est tout aussi inenvisageable de se passer des claviers…
Par moments, on pense (un peu) à Monolithe en écoutant "Return". Ce groupe est-il une influence ?
C’est un groupe que je connais bien, et qui m’a probablement influencé pour partie, ou plutôt conforté dans l’idée d’assumer mes influences ambient en les mixant au doom. Nous avons sans doute des influences communes, et Monolithe fait partie des groupes, au même titre que Shape of Despair, qui nous ont « montré la voie », même si nous avons depuis nos débuts affiné notre identité, et pris pas mal de libertés vis-à-vis du funeral doom.
Pouvez-vous nous dire un mot sur 'The Dive' (Fade to blue Part 2) qui clôt l'album avec ses étonnantes touches celtiques ?
Ce morceau reprend le principe développé initialement sur notre album "To the Void" avec le morceau 'Fade to Blue' : clôturer le voyage musical en se fondant dans la mer, avec un personnage qui vit ses derniers instants en s’abandonnant à l’océan (en rêve ou littéralement). Et nous avons associé cette idée à l’utilisation d’instruments celtiques.
Etant breton, j’ai appris à découvrir certains artistes et instruments rattachés à la « musique celtique » : autant je ne suis pas fan de musique traditionnelle festive, autant j’adore par exemple Denez Prigent, qui a collaboré avec Lisa Gerrard, et développe une musique mélancolique et atmosphérique. On y trouve notamment des solos d’instruments comme le Ullean Pipe, qui me touchent particulièrement.
Quant à l’ensemble de cornemuses (que nous avons reconstitué avec pas mal de fun (il s’agit d’instruments virtuels mais à base de samples réels)), il apporte une belle puissance sur des passages un peu typés BO !
En définitive reconnaissable, Ixion est surtout insaisissable. De fait, le prochain album pourrait être très différent... est-ce que vous validez cela et peut-on déjà l’entendre sur les ébauches des titres du prochain album ?
Comme il n’y a pas encore de morceaux à proprement parler composés pour le prochain album, difficile de se prononcer. Mais oui je pense qu’il présentera encore un équilibre différent. Et je ne cache pas que j’aimerais prolonger ce que nous avons fait sur le morceau 'Doom' (Enfant de la Nuit) : quelque chose de très froid, sombre, à tendance un peu industrielle… une sorte de retour de balancier après la lumière de "Return" ! Mais rien n’est encore défini.
Dans la précédente interview, vous sembliez être attachés à la répartition des tâches au sein d’Ixion car atypique. Vous disiez « Si je compose la majeure partie de la musique, il faut signaler que j’intègre et adapte pour certains morceaux des passages composés par Thomas (dans un style plutôt orchestral) - c’est le cas pour 2 morceaux sur cet album, comme pour le précédent. Nous écrivons également tous les deux le gros de l’histoire et des paroles. Ensuite, pour l’interprétation des lignes de chant, on retrouve Yannick aux voix claires et rock, Thomas pour les growls et cris black, et je complète avec des doublages de growls, quelques voix claires graves, quelques chuchotements… Et pour finir, en ce qui concerne la production, c’est principalement un travail en duo entre Yannick et moi. Le mixage en particulier doit beaucoup à Yannick, c’est un travail très fin pour que les instruments, tous les sons de claviers et les voix trouvent leur place ! » travaillez-vous toujours ainsi ?
Sur le principe oui, mais pour "Return", le projet s’est recentré en duo autour de Yannick et moi-même. De fait, si la production s’est organisée de la même manière, le travail en amont a été revu : j’ai assuré la totalité de la composition, l’écriture du concept, des paroles, et les growls, Yannick a quant à lui effectué un gros travail d’arrangement puis d’interprétation des voix claires (qui dominent sur cet album) avec des harmonies et un panel assez large de timbres.
Techniquement la phase de composition / pré-production et l’enregistrement des instruments et growls se sont faits dans mon home-studio, puis le re-amping des guitares, l’enregistrement des voix claires et le mixage dans le studio de Yannick.
A propos d’éventuels changements, avez-vous évolué sur votre perception de la scène et envisagez-vous un jour de tourner : dans ces conditions, est-ce que la musique de cet album est plus appropriée à la scène ? N’est-ce pas une évolution souhaitée inconsciemment afin de ne pas avoir de regret de ne pas vivre cette expérience unique de la scène avec Ixion ?
Il n’y a pas réellement de changement à ce niveau - si l’envie est bien là, les problématiques restent les mêmes : monter un line-up sachant que Yannick et moi n’habitons pas à côté, et avec une musique quand même assez chargée en pistes ; et trouver les moyens et les occasions de monter une scénographie qui rendrait hommage à la musique… la situation reste donc frustrante.
Sinon je ne pense pas que le nouvel album change particulièrement la donne. Notre format de morceaux autour des 5 minutes est c’est vrai favorable, mais c’était déjà le cas avant. Quant au côté plus lumineux, je ne suis pas sur que cela agrandisse tant que ça notre audience – ça rend notre travail encore plus ambient et progressif et ce n’est en définitive pas du goût de tout le monde.
Au final je pense que l’orientation générale de notre musique sur "Return" est avant tout le reflet de nos envies et influences musicales
Merci à Childeric Thor pour sa contribution...