En ce mardi de février nous avons rendez-vous à Oignies dans la salle du Métaphone pour assister à une étape de la tournée française organisée par la légende extrême qu’est
Cradle Of Filth. A leurs côtés les Britanniques ont eu la bonne idée d’inviter leurs vieux amis de Moonspell - même si éloignés artistiquement les groupes se connaissent bien et ont déjà tourné ensemble, notamment en 2005. Pour cette soirée qui s’annonce à la fois romantique, gothique et décadente la salle est quasi pleine d’entrée de jeu, personne ne voulant rater le rendez-vous avec
Moonspell.
En sa qualité d’invité spécial le groupe portugais dispose d’un temps de jeu très correct avec une heure pour nous présenter son dernier bébé, "1755." Ce disque voit Moonspell revenir sur un moment fort de l’histoire de son pays, à savoir le tremblement de terre qui a ravagé Lisbonne le 1er Novembre 1755. Pour l’occasion le groupe a fait le choix audacieux d’un chant dans sa langue natale, le pari est une réussite totale et chacun attend avec impatience de voir comment Moonspell va retranscrire la force d’âme de ce disque. D’entrée il nous prend aux tripes avec ‘Em Nome Do Mendo’. Prenant le temps de monter en puissance, ce titre est d’une charge émotionnelle rare, il lance le concert avec force et surtout permet à Fernando Ribeiro de briller. Habillé en tenue d’époque avec une lanterne de marin et une croix attachée à son pied de micro le chanteur dégage un charisme fort et son chant toujours aussi puissant donne le frisson.
Cette première partie de concert sera consacrée uniquement à "1755" et on ne peut que tomber sous le charme de ce métal gothique si puissant et si fort grâce à une histoire prenante. Les musiciens la vivent à 100% et rendent un vibrant hommage à leur patrie. En parfait conteur et acteur, Fernando fait le spectacle, en revenant avec le masque de la peste pour interpréter ‘1755’ : effet garanti. Ce titre est une réussite complète avec ses chœurs, une basse mise en avant et un clavier ajoutant la force tragique et symphonique. Ensuite dans l’ordre de l’album ‘In Tremor Dei’ et le très costaud ‘Desastre’ font aussi leur effet et confirment la grande force de cet album. Le chanteur prend souvent la parole, en français de surcroit avec un certain accent mais étant largement compréhensible. Il exprime sa joie d’être là pour partager l’histoire de son pays. La première incursion dans le passé se fait ensuite avec ‘Night Eternal’ ; ce titre fort en ambiance et teinté de death métal remporte un franc succès et lance la deuxième partie de fort belle manière.
Le retour à "1755" se fait avec un ‘Ruinas’ remarquable d’intensité et nous plongeant dans le cœur du drame de la cité portugaise. Autre classique ‘Opium’ est accueilli sous les vivats de la foule, ce titre restant une pépite de métal gothique porté par un chant à la fois glacial et très profond. Deux derniers nouveaux titres enchainent et sont tout aussi remarquables : sur ‘Todos Os Santos’, Fernando dégaine une croix de grande taille et vise le public avec des lasers pour mieux l’imprégner de cette histoire tragique. Après cet ultime plongeon dans l’histoire, le concert va déjà s’achever, la foule est aux anges, à la fois imprégnée de la force de la musique et bouillante d’excitation. Et elle va être servie avec ‘Alma Mater’ et ‘Full Moon Madness’. Ces deux titres restent des années après leur sortie des standards et font apprécier une parfaite interprétation avec une première chanson rapide et portée par un refrain parfait et une deuxième plus lourde et teintée d’esprit gothique. Moonspell n’a joué qu’une heure mais il a marqué les esprits comme une tête d’affiche. Brillant et envoûtant, le groupe portugais a gagné son pari artistique en rendant à merveille son superbe album.
Après ce superbe moment, chacun reprend ses esprits et profite du confort d’une salle à classer parmi les mieux agencées et agréables de la région, pour mieux se préparer à la tempête qui s’annonce. Car même si Cradle Of Filth a parfois été médiocre au cours de sa carrière, il a repris des couleurs depuis la sortie de "Hammer Of The Witches" en 2015 puis en confirmant avec le tout récent "Cryptonia". Fort d’un nouveau line-up avec un duo de guitaristes brillant formé par Ashok et Richad Shaw, le groupe a retrouvé ce côté romantique, sombre et décadent qui a fait sa gloire il y a déjà 20 ans. Et s’il reste quelques sceptiques -le son du groupe étant parfois fluctuant-, chacun a envie de faire confiance à Dani et sa bande. Pour ce concert le groupe va jouer la carte du best of en revenant sur 9 de ses albums et en ressortant quelques petites pépites. Le groupe prend la scène d’assaut avec l’intro, ‘Ave Satani’qui dans un ton symphonique permet d’amener cette ambiance si particulière avec un back teinté de rouge aux couleurs de l’album. Dans sa tenue scénique classique, Dani en impose pas mal et on ressent ce sentiment de calme avant la tempête dans une fosse bouillante.
Tempête, c’est le terme adéquat pour le premier titre. En dégainant ‘Gilded Cunt’, Cradle frappe méchamment. Ce titre très violent tiré de "Nymphetamine" en sonne plus d’un, Dani alterne entre hurlements suraigus dont il a le secret et chant grave très profond. Parfaitement exécuté, ce titre permet de savourer le talent des guitaristes sur ce déferlement à la fois heavy, black et symphonique. Suite à ce début tonitruant, le groupe ne relâche pas la pression, un classique issu de "Cruelty And The Beast" s’annonce. ‘Beneath The Howling Stars’ fait son effet avec son côté gothique décadent et un joli accompagnement en chant féminin du clavier Lindsay Schoolcrafit. Fort de ce bon début, Cradle Of Filth enfonce le clou avec deux titres récents, ‘Blackest Magick In Practice’ et ‘Heartbreak And Seance’, mettant ainsi le feu à la salle : la fosse se déchaine assez violemment et on ne peut que saluer la force de ces deux chansons, parfaits condensés du meilleur de l’art des Anglais, entre black, heavy et gothique.
Le concert est bien lancé, le son est bon, les musiciens au niveau et au milieu Dani est en forme. Certes il faut toujours s’habituer à ses vocalises, notamment ces cris stridents mais cela ajoute de la force aux titres et fait partie intégrante du son Cradle Of Filth. Avec le titre suivant le groupe va encore revenir sur son passé, quand il bousculait la scène black metal et métallique. En proposant l’énorme ‘Bathory Aria’, la pièce maitresse de "Cruelty And The Beast", il va ravir ses fans. Ce long titre parfaitement interprété met lui aussi en lumière le talent des deux guitaristes, vrais artisans du renouveau. Après cette claque on retrouve un antique ‘Dusk And Her Embrace’ qui n’a pas vieilli d’un pouce 22 ans après sa sortie et qui scotche l’auditoire. Avec ‘The Death Of Love’ Cradle va nous faire un peu souffler. Ce titre accrocheur et mélodique est un véritable tube au refrain prenant et porté lui aussi par la voix de Lindsay. Enfin le groupe revient sur son dernier album avec ‘You Will Know The Lion By His Claw’. Plus purement black metal, ce titre furieux permet à la fosse de se déchaîner encore une fois et confirme la forme du groupe.
Après une heure de jeu ce sont déjà les rappels, cela peut paraître rapide mais le style Cradle est usant et un trop long temps de jeu serait une erreur. Mais le concert n’est pas fini et les rappels vont être costauds avec 4 titres. Après un court intermède ‘The Promise Of Fever’ assomme la fosse, cet extrait de "Damnation And A Day" est classique mais en live fait le travail dans un pur esprit heavy black. ‘Nymphetamine’ enchaine, ce titre accrocheur reste un des meilleurs du groupe même si on regrette l’absence de la voix angélique et puissante de Liv Kristin, Lindsay ayant du mal à atteindre la même délicatesse. Cela étant on n’aura pas boudé son plaisir à l’écoute de ce petit chef-d’œuvre de romantisme noir. ‘Her Ghost In The Fog’ nous ramène ensuite à "Midian" mais on sent que Dani fatigue un peu et le titre perd un peu de sa finesse notamment sur son refrain pour gagner en violence pure au plus grand plaisir de pas mal de fans. Enfin le concert s’achève avec un ancien titre, tiré de l’EP "Bitter Suites To Succubi", ‘Born In A Burial Grow’, un morceau violent parfait pour clôturer les hostilités en beauté. Dani hurle comme un damné, notamment sur le refrain où il semble possédé. La musique ajoute à ce côté schizophrène avec un gros travail au clavier et aux guitares. Cela met un point final à un concert de qualité, Cradle Of Filth a fait honneur à son statut et a proposé une solide prestation. Les musiciens prennent le temps de saluer une foule usée pendant que l’outro retentit pour ramener le calme et les esprits à la réalité.
La soirée aura été parfaite d’un bout à l’autre avec deux groupes maîtres de leur art dans deux genres différents mais unis par la passion d’un art noir et romantique. Il nous reste à remercier les organisateurs pour leur accueil et leur parfaite organisation.