... deux frères particulièrement décontractés pour faire le point sur ce nouvel album de DeWolff, un groupe plus que jamais ambitieux notamment depuis la sortie du précédent album "Roux-Ga-Roux" et le soutien de Mascott..
Quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée ?
Pablo Van De Poel : "D’où vient le nom Dewolf ?" mais pas aujourd’hui, je dois saluer la presse française qui ne nous l’a pas posée, ou si, une fois…
Et tu sais pourquoi ? Parce que je leur ai dit de ne plus poser ce type de questions foireuses…
Pablo : (Rires) Mais c’est vrai ce type de question est tellement vide de sens…
Si beaucoup vous ont découvert avec "Roux-Ga-Roux", vos premiers pas discographiques remontent déjà à dix ans. Comment l’expliquez-vous ?
Luka Van De Poel : Je dirais que nous avons désormais la bonne équipe autour de nous qui a les contacts nécessaires pour nous faire connaître, ce que nous n’avions pas à l’époque.
Avec le recul, avez-vous des regrets d’avoir trouvé ces moyens après 8 ans de carrière ?
Pablo : A un moment donné, j’ai eu ce sentiment d’avoir perdu toutes ces années en sortant ces quatre premiers albums qui étaient plutôt bons et qui finalement ont attiré de moins en moins l’attention alors que nous y mettions tout notre cœur. Je me disais donc qu’on avait gâché toutes ces chansons, tous ces albums en les sortant mais rien ne se passait…
Plutôt que de nous apitoyer, nous avons mis encore plus de cœur dans le dernier album et effectivement, nous avons trouvé les bonnes personnes avec qui nous voulions travailler parce que nous pensions qu’ils étaient capables de nous aider à faire l’album que nous attendions et qui nous permettrait de passer ce cap.
Dans ces conditions, avez-vous envisagé de re-sortir certains albums passés ?
Pablo : Non parce que quand je les réécoute, je me dis qu’ils n’étaient pas si bons que ça (Rires) !
Nous sommes désormais sur les bons rails
Donc désormais vous avez réuni la bonne équipe mais vous avez également passé un cap dans la composition ?
Pablo : Tout à fait ! Je suis très content de ce qui se passe et je pense que nous sommes désormais sur les bons rails et notamment ici en France où nous avons ici cette journée promotionnelle, je suis heureux que cela se déroule aujourd’hui avec cet album parce que nous y avons mis énormément de foi : j’ai le sentiment que nous avons mis le meilleur de Dewolff dans un album !
J’ai le sentiment que nous avons mis le meilleur de Dewolff dans un album !
Avez-vous été surpris de l’accueil réservé à "Roux-Ga-Roux" ?
Luka : Oui, j’étais notamment surpris de constater qu’il nous a permis de faire notre première tournée en France en 2016 avec quelques dates complètes. C’était fou car nous avons joué en Allemagne depuis un certain temps et ça n’était jamais arrivé ! Donc nous étions surpris mais le plus surprenant c’est tout ce qui s’est passé en dehors des Pays-Bas où les gens ont toujours acheté nos albums et nous appréciaient.
Pablo : Je dirais que le fait que le titre de l’album ait été français a contribué à son succès ici mais maintenant que notre nouvel album n’a pas de titre français, que va-t-il se passer ? Je pense que nous avons fait notre plus grande erreur (Rires) !
Dewolff est un trio. C'est important pour vous d'avoir ce format basique qui induit une musique sans fioritures ?
Luka : Oui et pour ce dernier album, nous avons des titres encore plus directs.
Pablo : C’est vrai parce que sur le précédent album, nous avons écrit des chansons qui étaient très inspirées par le rock sudiste : tous les sons qui sortent de ces albums que nous avons écouté étaient portés par la basse donc je pense qu’indirectement, nous pensions qu’il fallait de la basse pour nos titres afin qu’ils aient plus de groove. Je suis très heureux de l’avoir fait parce que nous avions un super bassiste et "Roux-Ga-Roux" est un album super cool.
Mais pour cet album, nous nous sommes dit que ce qui nous rendait unique est le fait que nous étions trois et que Robin jouait de la basse sur son clavier ce que nous faisons également sur scène mais nous ne l’avions jamais fait sur un album studio. Et c’est vraiment une des choses que nous voulions faire sur cet album, retranscrire l’énergie de la scène sur un album studio.
Votre musique possède un côté très naturel et spontané. On vous imagine assez composer tous ensemble en tapant le bœuf. Est-ce le cas ?
Luka : Oui, la plupart du temps. Pour cet album, nous nous retrouvions et il nous arrivait d’écrire une chanson sur une journée. Je dirais que 9 des 11 titres partent de mélodies que nous avons écrites avec Pablo.
Pablo : Sur cet album, nous partions en jam, il n’était question que de musique. Je revenais à la maison et j’essayais d’écrire des textes sur ces démos. Je revenais ensuite les soumettre au groupe et c’est ainsi que nous faisions une chanson. Aujourd’hui, c’est un peu différent, nous continuons toujours à
jammer mais il y a un micro d’allumé et on essaie de commencer à chanter sur ses sessions d’improvisation le plus vite possible. Par exemple, nous partons sur un riff pendant 10 secondes et Luka commence à chanter un truc. Si c’est bien, je lui demande ce qu’il chantait, il me répond la plupart du temps qu’il ne sait pas parce que c’est du yaourt mais nous l’enregistrons très vite : nous sommes dans une zone créative où il faut prendre les décisions rapidement… Nous avons fonctionné ainsi dans un premier temps et c’est ensuite que nous nous posons pour poser de vrais textes à la place de ces paroles en yaourt.
Nous avons une connexion musicale très forte entre nous…
Dans ce processus, est-ce que le fait d’être frères qui jouent ensemble depuis des années aide ?
Luka : Bien sûr ! Nous avons une connexion musicale très forte entre nous…
Pablo : … qui nous permet de dire très rapidement à l’autre si ce qu’il joue est intéressant ou non.
Luka : Nous ne perdons pas de temps dans des jams sans fin à tourner autour d’une idée sans intérêt.
On a parlé de vos difficultés à vos débuts, je pense que ce lien fraternel vous a permis de ne pas abandonner ?
Pablo : Oui mais non, car nous n’avons jamais songé à abandonner et cela n’a rien à voir avec le fait d’être frères. Non, nous étions juste frustrés à nos débuts mais ce n’était pas si catastrophique que ça.
Luka : C’est vrai que nous prenons tellement de plaisir à jouer ensemble et c’est effectivement c’est la colonne vertébrale de ce groupe.
Pablo : Et je pense que même si nous n’avions jamais rencontré le succès, nous continuerions parce que pour nous, Dewolff est notre musique.
Vous êtes de jeunes musiciens. Pourtant, vous ne jurez que par les groupes de vos parents justement. Comment expliquez-vous ce goût d'une partie de votre génération pour ces sonorités sixties et seventies ?
Luka : En ce qui nous concerne, c’est très particulier parce que nos parents n’écoutaient pas cette musique (Rires) ! Mais c’est vrai que généralement, tu écoutes la musique que tes parents écoutaient.
Mais qu’écoutaient-ils ?
Luka : Notre père écoute énormément de musique : la radio est allumée du matin jusqu’à tard le soir. La musique rythme la maison. Et la musique qui passe est plutôt du rock alternatif comme Pearl Jam…
Pablo : Nick Cave and the Bad Seeds et des choses obscures…
Luka : Et des groupes avec lesquels nous avons des connexions comme les Black Crowes mais mon père écoute essentiellement du rock alternatif des années 1980 jusqu’à aujourd’hui.
Et je me souviens tenir dans les mains cette compilation de Jimi Hendrix quand j’ai eu 11 ans. C’est un CD que mon père m’avait acheté parce que je jouais de la guitare et comme Jimi Hendrix était le guitariste le plus connu, il a pensé que c’est le type de musique que je devais écouter. Et il a eu raison, j’ai vraiment aimé et j’ai creusé dans cette époque musicale. Et c’est plus tard quand je l’ai fait écouter à mon père qu’il a trouvé ça cool et s’est mis à en écouter (Rires)…
Quelle a été la réaction de vos parents sachant que vous jouez une musique plus vieille qu’eux finalement ?
Pablo : (Sourire) Je ne dirais pas qu’on joue cette musique, en revanche, c’est une musique qui nous inspire. Mais le fait est qu’après cette époque musicale où tout était très excitant et de nouvelles choses sont apparues, les gens ont commencé à copier les groupes des années 1970 : Led Zeppelin a été copié par Aerosmith qui eux-mêmes ont été copiés par la suite… Et tout tourne autour de cela : les groupes se vantent de jouer comme untel, je trouve cela édifiant… plutôt que de contribuer à la musique, certains se complaisent à copier : mais quel est l’intérêt ?
Nous sommes assez créatifs pour proposer des idées originales !
A ce titre, ce revival vintage est à la mode. Ne craignez-vous pas d'être considéré comme un groupe "rétro" de plus ?
Pablo : Je pense qu’il y a certains groupes qui ont écouté ce type de musique et se sont dit qu’ils allaient jouer cette musique parce qu’ils trouvent géniale et quand ces groupes composent, ils se demandent ce qu’avaient pu faire ces groupes à l’époque, ce qu’avait pu faire Jimmy Page… Mais nous ne raisonnons pas ainsi : si nous adorons cette musique, quand nous commençons à jouer, nous laissons notre créativité parler sans réfléchir…
Luka : Nous sommes assez créatifs pour proposer des idées originales !
Deux choses semblent pourtant vous démarquer. D'une part, vos origines hollandaises qui vous donnent un son et une approche moins stéréotypés. D'autre part, le fait d'incorporer des éléments bluesy, sudistes voire même un peu soul. Qu'en pensez-vous ?
Luka : C’est tout simplement la musique que nous écoutons et c’est donc très naturel pour nous.
Vous publiez aujourd'hui "Thrust". Il reprend les ingrédients qui ont fait la réussite de "Roux-Ga-Roux" mais il est plus travaillé encore… Est-ce le cas ?
Pablo: Comme je l’ai dit, l’idée principale de cet album était de chanter directement sur les riffs que nous composions. Si cette démarche est normale pour certains groupes, pour nous, elle est totalement inédite et elle nous a permis de savoir rapidement la direction que la chanson devait prendre.
Je sais que c’est cliché mais peut-on parler d’album de la maturité pour cet album qui fête les 10 ans du groupe ?
Pablo : C’est vrai que c’est très cliché (Rires) mais c’est vrai ! Nous avons commençons à développer notre propre son depuis quelques années mais aujourd’hui, nous sommes arrivés à maturité effectivement.
Cet album témoigne justement de la variété de votre palette sonore, tour à tour hard rock à la Purple ('California Burning'), bluesy ('Once In A Blue Moon'), lourd et zeppelinien ('Deceit & Woo')... Du coup l'album n'est-il pas un résumé de ce que vous êtes ?
Luka : Absolument !
Pablo : C’est tout à fait ça !
D’ailleurs le titre ‘California Jam’ est-il un clin d'œil au légendaire concert du Pourpre Profond?
Pablo : Non, non pas du tout (Sourire) !
L’intro de ‘Big Talk’ me rappelle personnellement 'Who Are You' des Who, suis-je fou ?
Luka : Ah oui, je vois exactement où tu veux en venir, il fredonne le riff…
Pablo : Ah oui !
Luka : Mais ce n’est pas l’inspiration et pour l’occasion, ce son provient d’une guitare branchée sur un clavier…
L'album impressionne par sa richesse vocale entre le chant de Pablo et ses chœurs féminins gospel ('Swain'). N'est-ce pas une de vos marques de fabrique ?
Pablo : Tu as totalement raison parce que nous chantons Luka et moi-même sur cette chanson que tu cites…
Pensez-vous développer cela à l’avenir ?
Luka : Eventuellement si Pablo disparaît (Rires)… Plus sérieusement, c’est effectivement une voie que nous envisageons.
Pablo : Lors de la dernière tournée en Allemagne, ma voix a disparu justement… Je me suis levé sans voix comme souvent mais je me disais que ça allait revenir le soir mais ce ne fut pas le cas et juste avant le concert, j’ai demandé à Luka de chanter 8 chansons alors qu’il ne connaissait pas vraiment les paroles…
Il a refait du yaourt…
Luka : (Rires) C’est vrai que je suis habitué !
Pablo : Malgré cela, cela a parfaitement fonctionné…
Ce fut l’élément déclencheur ?
Pablo : Oui parce que nous avons découvert que Luka pouvait faire des choses différentes avec sa voix que je ne pouvais pas faire : nous sommes très complémentaires. A partir de là, nous nous sommes dit que sur le prochain album, Luka chanterait !
Un autre caractère qui vous est propre et plus encore affirmé sur ce disque est l'alliance entre la guitare et l'orgue Hammond. Avez-vous été inspiré par la complicité qui existait entre Jon Lord et Ritchie Blackmore ?
Pablo : La combinaison Ritchie Blackmore / Jon Lord, la musique du groupe Deep Purple… nous n’écoutions que ça il y a 8 ans : nous jouions "Made in Japan"… A partir d’un moment, je pense que ça fait partie de notre ADN musical quand tu joues, tu sonnes comme des mecs qui t’ont influencés : ils deviennent une partie de toi-même…
Nous avons réalisé que l’orgue Hammond était une grande partie de ce qu’est Dewolff !
Et avec le recul êtes-vous conscient de ce parallèle en particulier sur cet album ?
Pablo : C’est vrai qu’à un moment, nous avons réalisé que l’orgue Hammond était une grande partie de ce qu’est Dewolff ! Aujourd’hui, nous trouvons plus excitant de faire deux solos un de guitare et l’autre d’orgue que deux guitares… Quand nous avons une idée de riff, il y a 8 ans, nous aurions copié ce riff et l’aurions joué ensemble à l’unisson mais aujourd’hui, on se dit que ce serait plus intéressant qu’un des deux joue un truc contraire : on expérimente ainsi…
Parfois, quand Robin et moi-même jouons seuls, c’est vraiment étrange parce que ça ne ressemble à rien mais quand nous jouons ensemble…
… il y a une alchimie !
Pablo : C’est exactement ça !
On sent à l'écoute du long 'Freeway Flight' que vous avez cherché à peaufiner autant les ambiances qu'une écriture plus alambiquée voire presque progressive. Qu'en dites-vous ?
Luka : C’est un chanteur assez complexe et je peux comprendre qu’elle a quelque chose de proggy… même si nous ne jouons pas et n’aimons pas vraiment la musique progressive (Sourire) en revanche, nous adorons faire une musique composée de plusieurs couches. Seule une chanson ‘Double Crossing Man’ est une chanson vraiment simple mais nous l’apprécions vraiment… mais c’est vrai que c’est un vrai défi d’écrire et jouer des chansons comme ‘Freeway Flight’.
Et au final, ce qui ressort de cet opus et de titres tels que 'Sometimes' ou 'Outta Step...' notamment, est que vous faites le grand écart entre le hard rock anglais et un feeling plus américain, blues, funk et soul. Etes-vous d'accord ?
Pablo : Bien sûr ! Nous puisons l’essentiel de nos influences dans ces genres. Nous pouvons écouter le premier Van Halen et juste après un album d’Otis Redding, ce sont des musiques différentes voire extrêmes mais elles viennent toutes les deux de la même source.
Qu’attendez-vous de cet album désormais signés que vous êtes par Mascot ?
Luka : Plus d’international…
Pablo : … (il coupe) interviews (Rires)
Avec Mascot, nous avons sorti notre meilleur album que nous voulons diffuser au public le plus large possible.
Et concerts je suppose ?
Luka : Plus d’attention internationale pour notre album.
Pablo : Notre album précédent "Roux-Ga-Roux" est sorti sous notre propre label, il a plutôt bien marché mais nous n’avons touché qu’un public de notre propre pays et aussi la France où il a plutôt bien marché mais nos moyens étaient limités avec notre propre label. Avec Mascot, nous avons sorti notre meilleur album que nous voulons diffuser au public le plus large possible.
Et concernant la France, des concerts prévus ?
Pablo: Oui en octobre, nous avons quelques dates dont un à Paris à la Maroquinerie.
Luka : Et cet été, nous devrions faire quelques festivals en France.
On a commencé cette interview avec la question qu’on vous a trop souvent posée, au contraire quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ou à laquelle vous rêveriez de répondre ?
Pablo : La question à laquelle j’adorerais répondre ? "Quelle est ma position sexuelle préférée ?" (Rires)
On a l’habitude de demander la réponse mais là, je ne sais pas…
Pablo : (Rires) Je ne pensais pas que je devais impérativement y répondre…
Tu utilises ton joker… et je vous propose de réfléchir à cette question et on commencera la prochaine interview par cette question.
Luka : Cool…
Pablo : Merci beaucoup c’était génial !
Merci à Childeric Thor pour sa contribution...