En 2015, l'album "Venom" avait été acclamé. Inspiré par la fin de sa relation amoureuse, le chanteur Matthew Tuck s'est servi de cette épreuve pour écrire un nouvel album, "Gravity", avec ses acolytes, dans un registre plus direct que son prédécesseur. Un album qui permettra peut-être aux Gallois de franchir un nouveau cap comme ils l'espèrent tant !
Nous aimons commencer nos interviews sur Music Waves par la question suivante : quelle est la question que l’on vous a posée trop souvent ?
« Quelles sont vos influences ? ».
C’est la seule question à laquelle vous êtes fatigué de répondre ?
Non, il y en a beaucoup en réalité.
On va commencer par parler de votre album précédent (« Venom », sorti en 2015, ndr). Première question : il semblerait que ce soit cet album qui vous ait permis de faire un pas en avant dans votre carrière. Est-ce le cas ?
Je pense qu’à ce jour c’est le cas. Les concerts qu’on a joués depuis cet album sont beaucoup plus importants. On a eu de très bons retours également. Dans cette mesure-là, le groupe est arrivé à un certain niveau.
Les trois premiers albums de Bullet For My Valentine sont des albums de jeunesse. L’album « Temper Temper » (sorti en 2013, ndlr) marque la fin de cette époque. C’est certainement grâce à ce parcours que vous avez pu écrire un album comme « Venom », que l’on considère comme l’album de la maturité. Tu es d’accord avec ça ?
Oui absolument ! Durant les premiers albums, on était beaucoup plus jeunes, on était en colère et aigris. On voulait prouver que l’on était des bons musiciens. Après l’album « Fever », (sorti en 2010, ndlr), on a un peu perdu le feu qu’on avait en nous en arrivant dans l’ère de « Temper Temper ». « Venom » nous a permis d’atteindre un nouveau palier.
Avec « Venom », vous avez mis l’accent sur une musique plus thrash et moins accessible. Vouliez-vous montrer à votre public que vous pouviez allier à la fois la mélodie et la puissance, pour proposer un compromis parfait en thrash et metalcore ?
Oui ! On a toujours incorporé des mélodies dans nos chansons. L’album est très bien dans l’ensemble et il met bien les talents de chacun en avant comme le shredding par exemple, les voix très agressives, et en même temps il a beaucoup d’intensité et de maturité.
« Venom » était direct et violent. Vous n’aviez pas peur de choquer vos fans qui aiment l’aspect mélodique du groupe ?
Non ! Si tu es un fan de Bullet, je ne pense pas qu’il y ait des chansons trop effrayantes sur cet album. Il y a beaucoup de chansons mélodiques comme ‘Venom’ qui est une sorte de ballade rock/metal, et à côté, il y a des chansons beaucoup plus puissantes et intenses.
Toujours concernant « Venom », c’était nécessaire pour vous de proposer un album plus violent, peut-être pour exprimer de la rage et de la colère en vous ?
On est sortis de l’ère d’avant « Temper Temper » où on n’avait aucun de ces éléments. On savait ce que l’on n’avait pas bien fait. Ce n’était pas assez heavy, mélodique, direct et concentré. C’était juste correct. On a voulu en tirer des leçons et c’est comme ça qu’on a sorti « Venom ».
Il y a eu un tournant avec les départs de Jason James qui a été votre bassiste pendant 12 ans, et de Michael Thomas, votre batteur depuis la création du groupe (en 2015 et 2016, ndlr). Était-ce difficile de gérer leur départ ? Avec du recul, pensez-vous que c’était nécessaire pour évoluer ?
Oui. La raison pour laquelle ils ne sont plus là est que le groupe avait besoin d’évoluer. Ils ne progressaient pas comme nous, ils étaient assez fermés au niveau de leur créativité. Ils ne voulaient pas jouer certaines choses que j’avais envie de jouer. Je voulais que l’on grandisse et que l’on soit créatifs.
Il faut avoir un leader. Quand tu as un groupe de gens, il faut que quelqu’un prenne le rôle principal.
Tu n’as pas peur d’être considéré comme le leader de Bullet et que les autres membres soient ceux qui se contentent de te suivre ?
Ce n’est pas un secret. Les personnes qui nous connaissent savent comment on fonctionne, ça a toujours été le cas. Il faut avoir un leader. Quand tu as un groupe de gens, il faut que quelqu’un prenne le rôle principal. Et pas seulement dans un groupe, mais dans tout environnement.
Surtout quand on grandit en tant que groupe professionnel, ce qui change la donne.
Exactement. Avec ce nouvel album, on peut voir que le groupe a évolué. J’ai pu tenter des choses sans avoir peur de les tenter, grâce à la politique que nous avons dans le groupe. Celle d’avant n’était pas bonne pour la créativité.
Le groupe est donc libre maintenant ?
Exactement.
Nous sommes devenus beaucoup plus importants tous ensemble qu’individuellement

A présent, tu es le dernier membre originel avec Michael Paget. Penses-tu que le groupe pourrait survivre au départ de l’un de vous deux ?
C’est une question très difficile ! Je ne sais pas. Techniquement oui, mais je ne voudrais pas écrire en solo avec Bullet. Je pense qu’au cours des dernières années, on a montré que nous sommes devenus beaucoup plus importants tous ensemble qu’individuellement.
Le groupe a été créé en 1998. A l’époque, vous étiez un groupe d’amis. Aujourd’hui, vous êtes un groupe de musique au succès international. Vous avez gagné en popularité dans une industrie où il est difficile de se faire une place, mais avec du recul, n’êtes-vous pas déçus d’avoir perdu la naïveté de vos débuts ?
On est un groupe qui s’est créé à l’école. On a réussi à sortir 5 albums en 15 ans. C’est quelque chose dont nous sommes très fiers. Je ne connais pas un seul groupe qui n’ait pas connu un changement de membre au bout de 15 ans. Donc on est très fiers de tout ça. Je ne regrette rien. Ça été une histoire incroyable, mais les choses changent et les gens passent à autre chose. Devenir un groupe international implique des changements. Pour nous, ça a été de perdre ces deux personnes. On est très concentrés, on a deux nouveaux musiciens très volontaires qui comprennent la vision du groupe et qui sont prêts à mener le groupe vers un nouveau palier.
Votre premier album est sorti en 2005 (« The Poison »). Vos fans ont grandi avec vous depuis cette date. Qu’est-ce que cela vous fait de vous dire que vos premiers fans ont évolué avec vous ?
C’est super ! Cela fait 13 ans que le premier album est sorti maintenant. Quand tu es fan d’un groupe, surtout dans le rock et le metal, tu restes fan du groupe à vie. Si tu touches certaines personnes dès le début, tu les emmènes avec toi pour le reste de ta carrière. Tout le monde aura ses opinions, son album préféré, ses moments phares, et ils se joignent au collectif comme dans une équipe de football ou de rugby. Et c’est incroyable. J’en suis très fier.
Ça fait du bien d’avoir parcouru tout ce chemin et de se sentir encore dans le coup

« Temper Temper » était un album très accessible. « Venom » était plus agressif. « Gravity », lui, semble être un mélange entre ces deux albums, comme une synthèse de votre son. C’était votre objectif de créer un équilibre entre ces deux aspects de Bullet ?
On essaye juste de faire des bonnes chansons et d’y incorporer une approche contemporaine. C’est ce qui nous semblait nécessaire. Les paroles parlent beaucoup de la fin de mon mariage, de problèmes de dépression. Pour moi, c’est l’album le plus puissant et important de ma vie. C’est comme si le groupe renaissait et que je renaissais également sur le plan créatif, en tant que parolier et que compositeur. Ça fait du bien d’avoir parcouru tout ce chemin et de se sentir encore dans le coup. En espérant que cela plaise aux gens !
Tu nous parles de tes problèmes personnels. Nous avons parlé du départ de certains membres. Est-ce qu’il faut parfois sacrifier certaines choses personnelles pour atteindre le succès ?
Parfois, oui. Il y a beaucoup d’autres sujets problématiques. Pour en arriver là, même si aujourd’hui tout va bien, ça n’a pas été facile. Il y a eu beaucoup de conflits. On se préoccupait beaucoup de ce que les gens penseraient, de l’histoire du groupe. On essayait d’écrire de bonnes chansons, mais pour ça, il ne faut pas rester planté là et être coincé dans le passé car ça n’a rien d’attirant. C’est ce que j’ai fait, c’est la vision que j’ai eue.
Cet album, "Gravity", est très court et rentre-dedans. « Court » veut souvent dire efficace. Quand vous avez commencé à écrire cet album, est-ce que vous recherchiez une efficacité mêlée à des chansons courtes ?
On ne s’est pas préoccupé de la longueur des chansons, on voulait des chansons qui fonctionnent. On ne cherchait pas nécessairement à les remplir avec des solos, il n’y en a pas un seul sur l’album. C’est quelque chose d’énorme pour un groupe de metal. On en a mis plein sur « Venom », mais on n’a plus besoin de faire la même chose. On voulait composer des chansons aussi différentes que possibles, les rendre heavy, dramatiques, leur donner de l’ampleur. C’est l’album le plus heavy qu’on ait fait. Il n’y a rien de plus simple musicalement, mais les chansons ont beaucoup plus d’impact.
Il y a aussi des chansons faites pour la radio US comme ‘The Very Time’ ou ‘Coma’. C’est important pour vous d’avoir des chansons aussi accessibles ? Ont-elles l’ADN de Bullet ?
Il y a toujours l’ADN de Bullet dans nos chansons. On a toujours été concentrés sur le fait d’écrire des bonnes chansons. Nous avions des choses très importantes à dire et on voulait vraiment que l’album soit bon. Ce que j’ai vécu a eu un impact massif sur ma vie. C’était l’occasion de faire un album pour en parler.
Il y a aussi des chansons qui sont un mélange entre puissance et mélodie comme ‘Leap Of Faith’ qui ouvre l’album à la perfection. C’est accrocheur, il y a un côté thrash core. Cette chanson résume parfaitement ce que représente Bullet. Ouvrir l’album avec ce titre m’apparaît comme une évidence. Tu es d’accord ?
Oui. On s’est contenté d’écrire des chansons et quand on en a eu terminé, il fallait réfléchir à ce que les gens voudraient entendre et à l’univers dans lequel on voulait les transporter. Cette chanson pour moi, la manière dont elle commence et la vision que j’ai d’elle en live, en font une ouverture parfaite et dynamique dès que les premiers accords tombent. Pour moi, c’était un très bon titre pour commencer. On y a incorporé beaucoup d’éléments électroniques comme sur tout l’album, c’est quelque chose de nouveau et de frais. C’est du Bullet.
Le growl est toujours présent, mais est moins prégnant qu’avant. On en trouve dans ‘Over It’ ou ‘Don’t Need You’. Utiliser ce style de chant est-il important pour vous pour mettre en lumière certains moments, certaines atmosphères ?
Oui ! C’est un type de chant très porté sur l’émotion. Il n’y en a pas beaucoup sur cet album, mais quand il y en a, le but est d’accentuer l’émotion de la chanson. Si le passage est agressif, il aura besoin de ce chant-là. 90% de l’album comporte du chant normal, et le reste correspond à un ton et à une couleur que je voulais donner ici et là pour apporter un côté percutant.
Il y a aussi des chansons puissantes comme ‘Not Dead Yet’, ‘Piece Of Me’ et ‘Under Again’ qui ont la marque de fabrique de Bullet For My Valentine. Il y a de belles mélodies, de très bons refrains, et des riffs puissants avec un chant un peu brutal. Tu es d’accord avec ça ?
Oui oui, il fallait que l’on ait ces moments sur cet album. Mais le challenge pour nous était d’arriver à les faire sonner différemment que ce que l’on avait fait précédemment par le passé. Il fallait utiliser ces outils d’une manière différente que les fois précédentes et essayer d’être créatif.
‘Don’t Need You’ est une chanson différente avec un air plus heavy, presque thrash, qui pourrait rappeler Machine Head. C’était votre but de créer un « hit » aussi heavy ?
Oui ! Cette chanson, en réalité, on l’a écrite fin 2016, de manière indépendante. C’était le moment où j’étais le plus en colère de ma vie. Le titre de la chanson est assez éloquent ! (Rires). J’avais envie de tout envoyer bouler, j’en avais marre de tout, dans ma vie personnelle, avec le groupe, de tout ce qui se passait en coulisse…
As-tu déjà songé à quitter le groupe ?
Non, car cela ne correspond pas à ma personnalité. Je ne suis pas lâche.
On a parlé de Machine Head. Est-ce qu’ils sont une influence pour toi ?
Oh oui ! Quand j’étais jeune, ils faisaient partie de mes 3 groupes préférés.
Ce qui est important c’est de faire ce que l’on veut et ce dont on a besoin en tant qu’artiste

Que penses-tu de leur dernier album qui prouve leur état d’esprit très ouvert ?
Je suis pour que les groupes évoluent et fassent ce qu’ils veulent si ça les rend heureux. Mais ce n’est pas mon album préféré d’eux. Ce qui est important c’est de faire ce que l’on veut et ce dont on a besoin en tant qu’artiste. Je comprends tout à fait ça.
Peut-être qu’avec le temps cet album deviendra ton préféré d’eux !
Exactement ! Parfois, ce genre d’albums ont besoin qu’on leur accorde plus de temps.
Au-delà de vos influences metal, il y a aussi des influences pop/rock. Certaines lignes vocales rappellent Billy Corgan. Qu’en penses-tu ?
Je n’ai jamais été un fan de Billy Corgan donc je ne saisis pas bien la référence. J’espère que ce n’est pas un reproche ! (Rires).
Non pas du tout ! En tout cas il y a certaines chansons courtes et accrocheuses qui ont un aspect pop/rock où la mélodie est très importante. Cela rappelle des groupes comme Toto, Bruce Springsteen, les Smashing Pumpkins et Nirvana. Est-ce que tu es d’accord que Bullet For My Valentine est un compromis entre le metal et le rock ?
Je pense, oui. On a toujours cherché à être un groupe heavy concentré sur l’écriture de chansons qui plaisent. On fait du metal avec des guitares lourdes, des voix puissantes, c’est ce qu’on fait. On est influencés par de nombreux artistes. Quand on était jeunes, on a grandi avec des groupes qui nous ont amenés au rock et au metal. On est un compromis entre le rock, la pop et le metal et j’aime beaucoup ça.
Est-ce difficile parfois de lire des critiques négatives de fans de metal qui n’aiment pas des groupes comme le vôtre ?
Non, plus maintenant. Au début, durant les deux premiers albums, j’étais très énervé quand je lisais ce genre de commentaires et je le prenais personnellement. Mais en grandissant, ça ne m’affecte plus. Je ne lis plus ce genre de commentaires de toute façon. Je ne suis pas très actif sur les réseaux sociaux. Ces personnes finiront par nous laisser tranquilles et elles passeront à un autre groupe ! Mais à l’époque, quand on nous disait : « vous n’êtes pas ci, vous n’êtes pas ça », je me disais « va te faire voir ! ». C’est difficile quand on commence. De toute façon, ces messages-là sont vains car le groupe est tel qu’il est, on a fait ce qu’on a fait, peu importe, je ne vais pas perdre mon temps avec ça.
Au final, tu es là pour faire votre promo en France, vous êtes populaires, donc le chemin que vous avez suivi était le bon !
Oui exactement, et tout ce qu’on peut faire est de se focaliser là-dessus. Je ne peux pas contrôler le reste, et je ne vais pas m’attarder sur ce que je ne contrôle pas. C’est très facile à dire maintenant, mais au début, c’était compliqué ! (Rires). On a vraiment décollé donc on regarde ça avec satisfaction.
On veut jouer sur des grosses scènes comme au Hellfest ou au Download. C’est là qu’on a envie d’être

Quelles sont tes attentes pour cet album ?
Mes attentes… Si les gens l’aiment autant que moi, alors avec un peu de chance on franchira un nouveau palier, on pourra jouer dans de nombreuses salles et dans des festivals en tant que tête d’affiche au cours des prochaines années. C’est ce dont le groupe a besoin. On a fait des festivals en tête d’affiche, ce qui est super, mais maintenant on veut jouer sur des grosses scènes comme au Hellfest ou au Download. C’est là qu’on a envie d’être. S’il y a un album qui peut nous permettre d’y accéder, c’est celui-ci. Il est si condensé et si puissant que si cet album ne nous permet pas de franchir un nouveau palier, j’abandonne ! Je ne sais pas ce qu’il faudrait faire de plus, à part exterminer les vieux groupes !
Concernant la tournée, vous avez des dates prévues en France ?
Oui. Il y a le Hellfest, déjà. Et on reviendra aussi en octobre ou en novembre, mais je ne connais pas la date exacte.
Et tu sais où ça va être ?
On n’a pas encore décidé. C’est en discussion.
On a commencé cette interview en te demandant quelle avait été la question que l’on t’avait trop souvent posée. Au contraire, quelle serait la question que tu aimerais que je te pose ou celle à laquelle tu aurais aimé répondre ?
Oh mon dieu !... C’est plus dur que la première ! Je ne sais pas. Quelque chose en rapport avec le dernier album peut-être ?
Tu n’as pas de pression pour ce prochain album ? Car vous semblez avoir atteint un point culminant.
Tu sais, beaucoup de choses peuvent arriver d’ici 2 ou 3 ans. Entre « Venom » et cet album, je ne pensais pas que ma vie changerait autant.
Mais souvent, les artistes sortent leurs meilleurs albums dans les périodes sombres de leur vie !
Absolument !
Plus quelque chose affecte ton esprit et ton art, plus tes chansons seront authentiques et bonnes

Est-ce qu’il faut être triste pour faire de bonnes chansons ?
Oui ! En résumé, je pense que plus quelque chose affecte ton esprit et ton art, plus tes chansons seront authentiques et bonnes.
Que peut-on espérer pour toi ? Est-ce mieux que tu sois triste plutôt que tu sois heureux et que tu fasses des albums bidons ? (Rires)
Ce qui est marrant, c’est que sur l’album « Venom », il y a une chanson qui s’appelle ‘Broken’ qui raconte qu’il faut se sentir mal pour être bon. C’est exactement ce dont cette chanson parle. Malheureusement, c’est ce qui s’est passé ! (Rires). C’est une question délicate, je ne sais pas.
Et maintenant, comment tu te sens personnellement ?
Je vais bien, je me sens très bien. Je suis positif, très fier et heureux. J’imagine comment vont se passer les prochaines années et je me focalise là-dessus !
Ça fait plaisir à entendre ! Merci beaucoup !
Merci ! (en Français)