Musicien en solo, de studio, ou de tournée, mais également producteur, l'hyperactif Jonathan Wilson connaît bien l'industrie de la musique ! Très pris par divers projets, et récemment en tournée avec Roger Waters a l'occasion de son dernier album, le multi-instrumentiste a tout de même trouvé le temps d'enregistrer son troisième album personnel, "Rare Birds", loin de ses débuts psychédéliques. Un entretien au parfum des seventies !
Nous aimons commencer
nos interviews sur Music Waves par la question suivante : quelle est la
question que l’on t’a posée trop souvent ?
Jonathan Wilson : J’ai eu beaucoup de questions sur la
musique de Laurel Canyon (quartier de Los Angeles réputé pour les groupes
mythiques qui y sont nés dans les années 60-70 comme Franck Zappa et The
Doors ; Jonathan Wilson y a ouvert un studio d’enregistrement et a
organisé des soirées musicales avec les artistes du coin pour rendre hommage à
l’esprit des années 60, ndlr). J’y ai vécu pendant 8 ans. C’est devenu un peu
la tendance de parler de moi quand on parle de la musique de Laurel Canyon.
Donc c’est une question que l’on me pose vraiment souvent.
Je suis assez
surpris. Je pensais que la question que l’on t’avait posée trop souvent aurait
plutôt concerné ta collaboration avec Roger Waters !
Jonathan : On me la pose aussi, mais c’est normal !
C’est de l’actualité donc ça ne me pose pas de problème.
Travailler avec
[Roger Waters] en studio, c’est une chose, et c’était vraiment super, mais jouer un beau
spectacle à ses côtés, c’est incroyable

Tu sors effectivement
d’une tournée avec Roger Waters. Qu’est-ce que cela t’a apporté de jouer aux
côtés d’un tel géant de la musique ? Est-ce que cela a eu une influence
sur ton nouvel album, « Rare Birds » ?
Jonathan : Oui, tout à fait ! J’ai écrit une bonne
partie de l’album au même moment, dans mon studio. J’étais impliqué dans les
deux projets à la fois. Par exemple, le soir, les musiciens rentraient chez eux
pour passer la nuit, et moi pendant ce temps, je travaillais sur « Rare
Birds ». On y retrouve un peu les mêmes sons que sur ce que j’ai
fait avec Roger Waters. Il y a des similitudes au niveau de la guitare et de la
batterie. Ces deux projets partagent le même son, j’y utilise mon piano, mon
synthétiseur, ma batterie, mes cymbales, ma palette de sons. Travailler avec
lui en studio, c’est une chose, et c’était vraiment super, mais jouer un beau
spectacle à ses côtés, c’est incroyable.
Ton deuxième album, « Fanfare »,
est sorti en 2013. Qu’est-ce qui t’a poussé à sortir un nouvel album cinq ans
après celui-ci ? Comment expliques-tu ce laps de temps relativement long ?
Jonathan : Eh bien, la raison principale est que j’étais
obsédé et déterminé à l’idée de trouver les bonnes chansons à faire figurer
dans l’album. Je ne voulais pas sortir un album simplement parce que c’était
le moment de sortir quelque chose. Je voulais revenir avec un contenu spécial, avec
quelque chose qui transcenderait les genres. Je ne voulais pas me contenter de faire de la musique de guitariste de folk des années 70 jouant au coin du feu. L’autre
raison est que j’ai été très occupé à produire des albums. C’est pour ça que ça
m’a pris autant de temps. On a aussi filmé 9 vidéos jusqu’à présent, donc ça a
pris un certain temps aussi.
La musique qui t’a
rendu populaire est le rock psychédélique. Aujourd’hui, tu sembles délaisser ce
genre-là progressivement au profit de la pop, du rock, et du folk. En effet, l’un
des seuls moments psychédéliques de l’album « Rare Birds » sont les
premières secondes de ‘Trafalgar Square’, le premier titre du disque. Pourquoi
un tel changement ?
Jonathan :
En réalité, pour certaines chansons, ce changement n’était pas vraiment
conscient. C’est arrivé assez naturellement. Mais pour d’autres, c’était tout à
fait conscient. Je voulais que certaines chansons aient un format radio et qu’elles
puissent passer à la radio. Ça, c’était volontaire. C’est le cas pour la
chanson ‘Over The Midnight’.
Tu l’as écrite dans l’optique de la faire
passer à la radio ?
Jonathan :
Oui, je l’ai intentionnellement écrite pour ça.
C’est assez rare d’entendre de la bouche d’un
musicien qu’il a écrit une chanson pour passer à la radio !
Jonathan :
Oui, mais quand tu l’écoutes, elle a à peu près toutes les composantes d’une
chanson de pop des années 90, c’est ça que je recherchais. Cela fait partie de
la musique avec laquelle j’ai grandi. Je n’ai pas grandi avec la musique à
laquelle on m’associe, c’est-à-dire le rock psychédélique des années 60 et 70. J’ai
grandi avec Bruce Springsteen, Peter Gabriel… Ce sont les premiers artistes qui
m’ont impressionné.
Je ne vise pas un style en particulier. [...] Je peux toucher à plusieurs genres

C’est assez surprenant car beaucoup d’artistes
commencent avec la pop avant de dévier vers une musique plus psychédélique ou
progressive. Toi, tu as fait le chemin inverse. Comment est-ce que tu expliques
ça ?
Jonathan :
La prochaine fois, peut-être que je ferais quelque chose de complètement
expérimental ou de complètement acoustique, quelque chose de folk. Je suis très
fan de la musique folk anglaise des années 60 et 70. Peut-être que j’irai dans
cette direction. Je ne vise pas un style en particulier. En tant que
producteur, je peux toucher à plusieurs genres.
Tu as mentionné Peter Gabriel mais on
retrouve aussi des influences des années 80 dans ta musique comme Kate Bush.
Pourquoi ces artistes-là t’inspirent particulièrement ?
Jonathan :
Peter Gabriel et Kate Bush représentent la pop expérimentale pour moi. Ils n’avaient
pas peur de tenter des choses.
Ils étaient proches de la scène progressive
également. Notamment Peter Gabriel quand il faisait partie de Genesis.
Jonathan : Oui, il y a de ça dans leur musique. Mais quand
c’est trop progressif, ce n’est pas trop mon truc. Je ne suis pas un grand fan
des chansons qui ont des longs passages instrumentaux ou des breaks très
rapides, ce n’est pas mon truc. Mais j’aime beaucoup l’album « So »
de Peter Gabriel.
« So » est
probablement son album le plus pop. C’est pour ça qu’il a autant plu au grand
public.
Jonathan : C’est sûr, exactement.
Pour revenir à « Rare
Birds », qui a eu l’idée de la pochette vintage qui est très inspirée
par l’infographique des années 80 ?
Jonathan : C’est ma conjointe. Elle me connaît très
bien et elle connaît les chansons donc elle a trouvé le mélange parfait. Il y a
un côté vaporwave (genre musical et courant artistique reprenant les codes de
la culture rétro des années 80 et 90, ndlr) et aussi un côté spirituel que l’on
retrouve dans mes chansons. Il y a un jeu de cartes, des gens qui font du yoga…
J’essaye de recréer ça sur scène, en y mettant des colonnes par exemple. Ça
ressemble un peu à un lieu de culte qui inspire la fascination.
La chanson ‘Over The
Midnight’ semble raconter un road trip qui rappelle Bruce Springsteen ou The War
On Drugs, tout comme ‘Loving You’, qui semblent être toutes les deux des
chansons très personnelles. « Rare Birds » est-il ton album le plus
personnel en date ?
Jonathan : Oui, bien sûr, complètement.
C’est aussi pour ça
que l’artwork lui convient d’autant plus !
Jonathan : C’est très personnel. Il y a un côté de la
pochette où je suis représenté comme un roi hippie sur son trône et dans son
costume blanc. J’espère que ce ne sera pas vu comme quelque chose d’égocentrique.
Mais effectivement, c’est mon travail le plus personnel jusqu’à présent où je
montre de vrais sentiments. Il y a aussi des chansons comme ‘There’s A Light’
qui est purement positive.
Que devons-nous
attendre de toi concernant ta prochaine tournée ? Comment vas-tu procéder
pour mélanger tes anciennes chansons avec les nouvelles ? Prévois-tu de
jouer un set acoustique avec tes chansons folk ?
Jonathan : Ça pourrait être bien ! J’ai joué des
concerts avec ma guitare, un piano et un quatuor à cordes, donc c’est quelque
chose qui pourrait être bien. Sur le concert de Paris, je serai avec le groupe
complet et ce sera le plus gros concert que j’aurai joué ici. Ce sera un groupe
de 6 musiciens, avec des projections et tout ça. On pouvait déjà le voir sur
les derniers concerts que j’ai faits. Les scènes commençaient à être plus
grandes. Ça va être dans le prolongement des derniers concerts, mais au niveau
de la production, ça va vraiment être un cran au-dessus cette fois-ci.
Tu es fier de ça ?
Jonathan : Oui oui ! C’est la première fois qu’on
amène un projecteur sur scène !
Comment expliques-tu
que les Wilson marchent autant en France ? Car nous avons aussi Steven
Wilson en France qui tourne beaucoup !
Jonathan : Ah oui l’artiste de prog !
Exactement, il est
également producteur comme toi, et son dernier album est le plus pop. Pour la
première fois en France, on peut l’entendre à la radio et on l’a vu à la
télévision aussi. Comment est-ce que tu expliques ça ?
Jonathan : C’est intéressant car l’autre guitariste
avec qui j’ai joué en tournée pour Roger Waters est dans son groupe ! C’est
Dave Kilminster. Il joue avec Steven Wilson, mais je n’ai pas encore écouté ce
qu’il faisait.
C’est intéressant car
il mélange beaucoup de choses dans ses albums, et en tant que producteur, il
produit d’excellents groupes de metal comme Opeth, je ne sais pas si tu les
connais ?
Jonathan : Oui oui ! J’ai déjà vu leur nom.
Il produit aussi le groupe
israélien Orphaned Land qui mélange le folk oriental et le death metal. Il a
fait des remixes, pour Jethro Tull notamment. C’est un vrai génie et c’est
intéressant car ta carrière et la manière avec laquelle tu penses…
Jonathan : Sont similaires d’une certaine manière ?
Oui !
Jonathan : Cool ! Je vais écouter ce qu’il fait !
Quand je suis en studio, je me
sens très à l’aise et je suis assez doué dans tout ça

Tu as beaucoup
travaillé pour les autres tout au long de ta carrière, en jouant avec eux ou en
enregistrant leurs albums, avec Roger Waters récemment par exemple. Revenir en
studio, était-ce un moyen pour toi de t’affirmer sans rester dans l’ombre des
autres ?
Jonathan : Oui ! Quand je suis en studio, je me
sens très à l’aise et je suis assez doué dans tout ça. Je suis bon dans l’exécution
d’un certain nombre de choses, dans le réglage de batteries et des basses, ou dans la programmation des
guitares, du piano, et tout ça. Alors que quand tu joues en concert, tu ne
montres pas l’étendue de ce que tu sais faire, tu te concentres sur certains
aspects uniquement. Donc j’aime faire ça. Trouver un producteur qui a du goût,
du talent, des compétences, et qui est sympa, c’est un don du ciel, c’est un
luxe ! C’est quelque chose que tu payes. C’est un peu néfaste d’une certaine
façon en tant qu’artiste de produire des albums extraordinaires. Des fois, tu
as juste envie que l’on te parle de toi et de tes chansons. Mais c’est comme ça !
Je pense que cela me permet aussi de me concentrer sur mon propre travail.
Ton album précédent
était psychédélique. Celui-ci est folk. Peut-être que le prochain sera plus
acoustique ? Tu n’as pas peur de perdre des vieux fans qui aimaient tes
premiers albums ?
Jonathan : Un certain nombre de mes fans anglais ont
arrêté de me suivre, mais ça fait partie du jeu.
Peut-être que c’est
aussi un chemin que tu dois emprunter pour grandir en tant qu’artiste et pour
élargir ta fanbase. Tu vas gagner de nouveaux fans, et peut-être que des
anciens fans reviendront un jour !
Jonathan : Oui c’est sûr ! J’ai joué de nombreux
concerts face à beaucoup de monde, quand j’étais en tournée avec Neil Young, ou
d’autres, c’est super ! Donc bien sûr, certains fans reviendront.
Tu as dû avoir un
certain nombre de retours, des chroniques, des avis de fans. Qu’attends-tu de
cet album ?
Jonathan : La réaction des gens a été fantastique. Les
ventes ont été bonnes.
Cela t’a-t-il surpris ?
Jonathan : Oui car ces temps-ci, tu ne sais jamais !
C’était la première fois que je vendais un album sous l’ère de Spotify. Donc tu
ne sais jamais ce que tu vas vendre. Je suis content, même si on peut toujours
faire mieux. Je suis très satisfait des retours. J’ai fait une bonne promo et
tout ça est très positif.
Cela te permettra
peut-être de jouer dans de plus grandes salles ?
Jonathan : Des plus grandes salles, une meilleure
production, dans de bonnes conditions. C’est le but.
Tu as fait tes
premiers pas dans l’industrie musicale avec ton ancien groupe Muscadine. Penses-tu
que tu rejoueras en groupe à l’avenir ?
Jonathan : Je ne sais pas si je voudrais rejouer dans
un groupe entièrement « démocratique ». Ça n’a jamais vraiment marché.
Mais peut-être ! Ça pourrait être marrant d’essayer !
Il semblerait que tu
sois perfectionniste.
Jonathan : Je suis obsédé par le contrôle !
C’est le mot que je
cherchais. Et du coup, comment était-ce de travailler avec quelqu’un comme
Roger Waters si tu as ce besoin de tout contrôler ?
Jonathan : C’en est un aussi ! (Rires).
Est-ce que tu as dû
changer ta manière de faire ?
Jonathan : Non, cela fait partie du travail en studio.
J’aime faire ce que je veux en studio et garder mon objectif en ligne de mire.
En tant qu’artiste et
producteur comme toi, j’imagine que certaines décisions que Roger Waters
prenaient allaient parfois à l’encontre de celles que tu aurais voulu prendre.
Comment réagis-tu dans ces cas-là ?
Jonathan : Eh bien, il faut être patient ! Il a
prouvé au monde entier qui il était de nombreuses fois. Il a une vision
fantastique des éléments qu’une chanson doit avoir et de ce qu’elle doit
raconter. Il faut réfléchir avant de parler avec lui, mais en même temps, il
est super ouvert aux suggestions ! Les premiers jours où l’on a
travaillé en studio, je devais jouer un passage très rapide à la guitare, et il
était excité par ça ! Il aime quand les gens ont ce feu en eux, car lui,
il l’a. J’ai pu lui apporter celui que j’avais en moi.

Et tu l’apportes
aussi dans ce nouvel album, « Rare Birds ».
Jonathan : Oui ! Surtout si tu viens aux concerts !
Nous avons commencé
cette interview en te demandant quelle était la question que l’on t’avait posée
trop souvent. Au contraire, quelle serait celle que tu aimerais que je te pose,
ou celle à laquelle tu aurais aimé répondre ?
Jonathan : On aurait pu parler de trucs de geeks qu’il
y a dans mon studio et que j’aime ! J’ai reçu un synthétiseur par quelqu’un
qui l’a fabriqué à la main en Allemagne et qui m’a été donné il y a 3 ou 4
jours. Il a une valeur significative pour moi.
Ce n’est pas difficile pour ta conjointe de gérer ce côté
geek ?
Jonathan : Non ! Elle aime ça ! Elle est
peintre. Quand je suis en tournée, je ramène des trucs comme ça et elle fait
des artworks ! C’est cool !
Merci beaucoup !
Merci !