En cette mi-avril Music Waves est à Cambrai pour le rendez-vous avec le Betiz Fest. Le festival a déjà une belle histoire depuis sa création en 2003 et a vu passé des grands noms. Pour cette 17è édition les organisateurs gardent le même schéma sur deux jours dans le cadre du Palais des Grottes, témoin de nombre d’évènements depuis plus de 40 ans. Fort d’éditions couronnées de succès ils ont frappé de jolis coups cette année avec des grosses pointures et des groupes locaux de qualité. Cette édition 2019 laisse le punk de côté mais cela ne va en rien avoir une influence sur l’affluence. Au contraire rarement le Palais n’avait été aussi plein, il affichera même
sold out à l’occasion d’un samedi brulant.
En attendant, les hostilités débutent en début de soirée le vendredi 12 avril. Cinq groupes sont au programme et il y a déjà des gros clients. Ce sont les Nordistes de The Lumberjack Feedback qui ont l’honneur d’ouvrir. La salle est bien garnie, même si pas mal de gens patientent encore à l’entrée. Le groupe œuvre dans un sludge teinté de doom instrumental avec la particularité d’avoir deux batteurs. Son nouvel album, ‘Mere Mortals’ est déjà disponible à son stand et le groupe va nous en offrir quelques extraits dans un concert hypnotique très fort. D’entrée il propose avec ‘Wing Last Blow’ un nouveau titre. La force de frappe dégagée va en surprendre quelques-uns tant il s’en dégage une intensité énorme. Lourd et puissant il est un condensé de sludge dans l’esprit de Kylesa bien sur mais aussi de Karma To Burn ou Neurosis. La suite avec ‘Therapy ?’ puis ‘Blackened Visions’ est aussi prenante. La première possède une force d’âme d’une rare intensité tandis que la seconde se fait plus aérienne, pas si loin d’un doom funéraire et nautique digne de Ahab. Le groupe prouve qu’il n’y a pas besoin de chant pour faire passer des émotions et prend son public à la gorge. ‘New Order II’ fait ensuite planer une atmosphère de fin des temps avant qu’un solo des batteurs ne fascine l’audience. En parfaite harmonie les deux musiciens délivrent une prestation hypnotique. La fin de concert avec ‘Kill ! Kill ! Kill ! Die ! Die ! Die !’ et ‘Kobe’ est tout aussi prenante, le voyage hors du temps est total et entraine dans des contrées éloignées. The Lumberjack Feedback a proposé une prestation impressionnante de force en forme de tunnel émotionnel. Il a ravi pas mal de monde et lancé la journée sous les meilleurs auspices.
La suite avec Hangman’s Chair ne va pas faire retomber le public. Là le voyage se fait au fond des abysses. La formation parisienne explore les errances de l’âme humaine entre stoner et sludge avec une sensibilité à fleur de peau et un côté sans espoir qui prend aux tripes. Son dernier album ‘Banlieue Triste’ est une réussite qui a vu la formation creuser plus profond dans les ténèbres. Même si le son ne sera pas toujours optimal cela va donner une prestation forte et intense. La salle est pleine et chacun va pénétrer cet univers avec un mélange de crainte et de curiosité. L’intro donne le ton et entraine directement dans cet univers puis ‘Naïve’ lance le voyage. Porté par un chant pur et profond il est d’une tristesse envoûtante dans un esprit proche d’un rock américain des années 90. Il se fait lourd, puissant et sensible avec un côté à fleur de peau très prenant. Derrière ‘Sleep Juice’ enfonce le clou avec des aspects sombres et sans issue avec un côté lancinant très fort et un chant teinté d’émo. Ce cri de désespoir est d’une rare force et la suite avec ’04 09 16’ va être remarquable. Le groupe dégage une aura certaine et se fait d’une lourdeur impressionnante. La puissance se mêle à la sensibilité avec un chant pur et profond. Sur plus de 10 minutes ‘Touch The Razor’ va être un voyage total, entre stoner et post rock il propose une partie instrumentale d’une incroyable richesse et fait son effet sur un public calme et concentré. Le final est parfait, ‘Cut Up Kids’ est d’une incroyable force avec un riff écrasant dans un esprit doom noir. Enfin ‘Dripping Low’ achève le concert avec une belle force hypnotique et un esprit qui évoque un Alice In Chains dont il est un parfait héritier. Hangman’s Chair a brillé avec ce concert en forme de complainte et de plongeon dans le vide. Le groupe a fasciné son monde, il gagne de plus en notoriété et semble destiné à un carton à large échelle.
Pour le carton à échelle internationale, Rise Of The Northstar a prit de l’avance. Il a mis le feu au Palais à deux reprises et cette troisième a des allures d’évènement tant le groupe est monté en puissance depuis la sortie de "The Legacy Of Shi". Soignant autant la forme que le fond avec une imagerie japonaise toujours aussi travaillée il est attendu de pied ferme par les amateurs de hardcore crossover. La salle est blindée et bouillante dès que les lumières s’éteignent et que l’intro retentit. L’ambiance monte et la fosse explose à l’entame de ‘This Is Crossover’. Habillés en yakusas les musiciens en imposent, et derrière son masque Vithia est déchainé en véritable maitre de cérémonie. Cette claque laisse des traces et lance le concert de la meilleure des manières. Derrière ‘Welcame’ enfonce le clou, ce mélange de hardcore, de metal avec une pincée de hip-hop fait jumper une fosse en feu comme on l’a rarement vue. Le carton est total et la suite du concert va être aussi intense et brulante. Les missiles vont s’enchainer sans relâche et même si parfois il y a un peu de redondance aux oreilles des néophytes, les amateurs s’éclatent sans économiser leurs forces. ‘Here Comes The Boom’, ‘Furyo’s Day’ puis ‘What The Fuck’ ne font pas de quartier et transforment les premiers rangs en champ de bataille. Vithia apprécie l’accueil et harangue le public avec charisme. La deuxième partie ne va pas faire exception et jamais la pression ne va retomber. En vrac ‘Bosozoku’, ‘Dressed All In Black’ ou ‘The Legacy Of Shi’ sont d’une rare intensité, taillées dans le meilleur du hardcore crossover. Enfin ‘Again And Again’ achève en beauté une prestation brûlante. Rise Of The Northstar a donné un concert énorme, d’une rare intensité et qui restera dans les mémoires comme un des moments forts de ce festival.
Après cette bourrasque de nombreux festivaliers prennent le temps de souffler. Mais ils vont vite revenir pour accueillir un des grands noms de ce week-end. Paradise Lost est coincé entre deux groupes de hardcore mais cela ne va pas l’effrayer. Il sait ravir ses auditoires et dispose du haut de ses 30 ans de carrière d’un grand nombre de titres qui ont marqué les esprits. D’ailleurs cette tournée célèbre l’anniversaire du groupe avec une set list qui va piocher dans une grande partie de sa discographie. D’entrée avec ‘Enchantment’ ça démarre fort. Extrait de "Draconian Times" il demeure un bijou de heavy metal accrocheur, puissant et doté d’une certaine mélancolie. Nick Holmes est en forme et le son est correct et permet de bien retranscrire les subtilités de la chanson. Avec ‘From The Gallows’ Paradise Lost revient sur l’excellent "Medua", et la puissance quasi doom de ce titre fait son effet sur un public attentif. Le passé est encore à l’honneur avec ‘One Second’. Le titre demeure un tube parfait à mi-chemin entre metal et rock teinté de pop avec un refrain irrésistible. Le concert est parfaitement lancé et le succès est au rendez-vous dans une salle très bien remplie. L’alternance entre les époques est parfaite et le voyage dans cette riche histoire est un ravissement. Avec ‘The Enemy’ Paradise Lost vogue vers un album qui avait vu son retour à un son heavy. Le titre porté par un refrain parfait est un bonheur total. Holmes est parfait, il communique peu mais on le voit concentré comme ses collègues que l’on sent désireux de rendre hommage à ces chansons.
Les temps glorieux vont ensuite être à l’honneur le temps d’une belle série avec juste un titre du dernier album qui trouvera bien sa place dans cet enchainement. Paradise Lost dégaine ‘Hallowed Land’; issu de "Draconian Times" il demeure un des plus grands titres du groupe avec sa mélodie imparable couplée à une force heavy portée par des musiciens en pleine forme. Avec ‘As I Die’ le plongeon dans le passé est total, ce héros du passé est délicieux à retrouver en live avec une énorme puissance death mmtal et son refrain hurlé par Holmes. Plus récent ‘Blood And Chaos’ s’intercale parfaitement. Cet extrait de "Medusa" fait trembler les murs du palais en parfait concentré de doom porté par un Holmes impérial dans un registre rugueux. Autre classique, ‘True Belief’ est toujours un monument de heavy teinté de gothique, cet extrait du référentiel "Icon" faisant son effet. Pour présenter le titre suivant Holmes parle de old school death metal et c’est le bon terme pour présenter ‘Eternal’ extrait de" Gothic". Ce vénérable ancêtre fait son effet avec un growl costaud et un rythme death prenant. La dernière ligne droite est enclenchée. Extrait de l’album du même nom, ‘Faith Divided Us – Death United Us’ est remarquable, le chant clair de Holmes fait merveille et on ressent toute la force de ce titre d’une mélancolie à fleur de peau. Avec ‘Erased’ le groupe revient vers ses années plus accrocheuses. Cet extrait de "Symbol Of Life" est un tube avec une mélodie imparable et un côté dansant irrésistible. Le doom revient à l’honneur avec ‘No Hope In Sight’, et ce titre écrasant achève de ravir un public qui sera resté attentif et sous le charme tout le long du concert. Enfin comme à la grande époque c’est ‘The Last Time’ qui achève les hostilités. Toujours aussi prenant ce dernier extrait de "Draconian Times" met le feu avec son côté simple et direct taillé dans un heavy mélodique de premier ordre. Paradise Lost a fait honneur à son statut et a proposé une prestation de très haut niveau. Les fans sont aux anges, la journée se poursuit de manière parfaite et il reste un gros morceau pour la conclure.
Car en faisant revenir Sick Of It All les organisateurs du Betiz Fest ont frappé un joli coup. Chacun se souvient de leur prestation brulante en 2017. Depuis, la légende du hardcore newyorkais a sorti un nouveau disque de qualité, "Wake The Sleeping Dragon" et chacun attend une nouvelle claque comme il sait les asséner. Personne ne va être déçu par la force dégagée. Nos gaillards ne sont plus des jeunes premiers mais ils savent envoyer la sauce et donner la leçon aux jeunes formations. La notion d’urgence va prendre tout son sens avec pas moins de 22 titres balancés en 1h15. Avec ‘Take The Night Off’ les hostilités sont lancées et personne n’aura le temps de souffler ne serait-ce qu’un instant. Le groupe est dans une forme olympique, Lou Koller impressionne par sa hargne et sa pêche, son chant enragé taillé restant un modèle du genre. Ses compères tissent leur univers hardcore avec une classe formidable. De ‘Inner Vision’ à ‘Us vs Them’ en passant par ‘Injustice System’ et ‘Machete’ on retrouve un concentré parfait de ce que le genre donne de meilleur. Les extraits du petit dernier se taillent une place de choix dans la set list avec pas moins de six extraits explosifs. Parmi eux ‘That Crazy White Boy Shit’ en collera pas mal sur place avec son petit côté punk. La fosse est en fusion totale et remue de manière incroyable, multipliant les pogos et les slams avec aussi bien sûr un wall of death impressionnant.
Le groupe prend son pied devant un tel accueil et va appuyer sur l’accélérateur. ‘Sanctuary’ présenté avec humour comme une love song fait un effet bœuf avec sa puissance de frappe. Derrière les missiles s’enchainent et la bourrasque continue de s’abattre sur un palais en feu. Sick Of It All est en pleine forme et le montre avec férocité. Dans la deuxième partie ‘My Life’, ‘Death Or Jail’ ou ‘Uprising Nation’ et ‘Busted’ sonnent comme autant de cris de révolte de la part d’un groupe engagé et déterminé à poursuivre sa lutte dans le plus pur esprit hardcore. Le concert passe à toute allure et il arrive sur sa fin et ce final va être dantesque. ’Step Down’ voit la fosse exploser, Koller invite les fans sur scène et ceux-ci ne se font pas prier. La scène est envahie dans un esprit de communion entre les musiciens et leur public. Ce cri de révolte fédérateur donne le frisson et achève en beauté un concert d’une rare intensité qui en a laissé quelques-uns sur les rotules. Sick Of It All a beau avoir plus de 30 ans de carrière il reste un monstre et surtout il semble ne pas subir les méfaits du temps. Il reste un marqueur important dans une époque délicate pour le vivre ensemble et la démocratie.
Ceci achève une journée bien remplie, les cinq groupes ont fait honneur au public et chacun repart en n’oubliant pas que la journée de samedi s’annonce toute aussi passionnante avec de nouveau de sacrées pointures au programme.
Plus d'informations sur http://www.sickofitall.com/