Comme tous les ans au mois d'août, c'est dans la jolie ville charentaise de Saint-Palais-Sur-Mer que se donnent rendez-vous les amoureux du rock progressif, depuis 21 ans déjà ! Au-delà de cette longévité remarquable, le festival du Crescendo a la particularité d'ouvrir ses portes aux visiteurs pendant 3 jours, et ce gratuitement ! Une très belle initiative visant à garantir un accès à la culture à tous. En pleine saison estivale, il faut aussi avouer que le lieu est idéal puisque le site se tient à quelques pas de la mer, visible depuis la scène... Et pour que l'adorateur de rock progressif soit comblé, de jolies boutiques fleurissent autour de la grande scène : des vêtements, des bijoux, de l'artisanat, mais aussi, bien sûr, des disques, des vinyles, des magazines spécialisés, à boire, à manger… Bref, un très beau projet que l'on ne peut que saluer !

Ne pouvant assister aux trois jours du festival, il m'a donc fallu faire un choix. Et ce choix fut vite fait en découvrant que Gungfly clôturait la soirée du dimanche soir ! Je me rends donc sur place à 16h30 pour interviewer Rikard Sjöblom, leader de Gungfly, le sourire aux lèvres à l'idée de rencontrer le musicien fabuleux qu'il est (son interview est à retrouver sur le site de Music Waves).

L'interview passée, Sky Architect, groupe néerlandais, est déjà en place. Il est 17h, les hostilités peuvent démarrer. La foule s'amasse petit à petit autour de la scène. A en croire les habitués, il semble y avoir plus de monde que d'habitude lors de cette édition, et c'est tant mieux ! Tous les voyants sont donc au vert, enfin presque… Seul le temps ne semble pas être de la partie. Il fait gris et la météo annonce de la pluie jusqu'à la fin de la soirée. Pour l'instant cependant, le temps se stabilise. Les originaires de Rotterdam sont venus promouvoir la sortie de leur dernier album de 2017, "Nomad". Le quintette est parfaitement en place et propose de longs développements instrumentaux maîtrisés et ciselés. Mais alors que le chanteur Tom Luchies chantait pourtant très bien, une pluie diluvienne s'abat sur le Crescend'eau ! Les festivaliers se réfugient sous leur parapluie ou sous les stores des boutiques éphémères alentours. Imperturbables, les cinq musiciens poursuivent leur set avec la même maestria.
Malheureusement pour eux, la fin de leur concert coïncide avec l'arrêt des précipitations abondantes, et ce jusqu'à la fin de la soirée ! Le temps de changer de plateau, c'est The Kentish Spires qui monte sur scène. Après avoir chroniqué leur premier album, "The Last Harvest", l'an passé, c'est avec hâte que j'attendais de voir la prestation des Anglais qui m'avaient enchanté avec un premier opus à la sauce Canterbury des années 70.

Coup de chance, c'est l'album "The Last Harvest" qui est mis en avant dans cette première partie de set avec le premier morceau du disque, 'Kingdom Of Kent'. Après avoir interprété la totalité des titres de l'album, à l'exception de 'The Last Harvest' qui clôturera le set, les Anglais font la part belle à leur deuxième album sorti tout récemment, "Sprezzatura". A la première écoute, les morceaux semblent plus concis que ceux du premier album. Après une brève vérification sur Internet, aucun morceau ne dépasse effectivement les 8 minutes, quand deux titres atteignaient 11 et 13 minutes sur "The Last Harvest". Les influences semblent avoir quelque peu changé également. Peut-être plus de maîtrise sur ce deuxième album ? En tout cas, une chose est sûre : la chanteuse Lucie V a un coffre dingue et une véritable présence scénique, tout comme son collègue guitariste Danny Chang. Les musiciens, au sens large, ne sont d'ailleurs par en reste et jouent avec une aisance et une maîtrise remarquables. Si les morceaux de The Kentish Spires sont garnis d'une bonne dose de saxophone et de flûte traversière, c'est avec joie que l'on constate la présence de Paul Hornsby, jouant des deux instruments, alors que certains groupes se contentent de n'avoir ce genre d'instruments qu'en studio. Ses interventions ont à n'en point douter amené une fraîcheur et un complément idéal au jeu du groupe.

Vient déjà le tour du troisième groupe ! Et juste avant que les prochains ne montent sur scène, c'est Sébastien Monteaud, responsable de la programmation du Crescendo qui prend la parole pour présenter son coup de cœur : Pixie Ninja. Selon lui, les Norvégiens ont sorti le meilleur album de 2017 avec leur premier disque, "Ultrasound". . Si globalement, les différents bénévoles de l'association participant à la programmation sont très souvent d'accord sur les groupes à enrôler nous dit-il, la situation fut bien moins évidente pour le groupe norvégien, n'ayant pas fait l'unanimité auprès de tous. Qu'importe, les Nordiques sont là, et sont visiblement prêts à en découdre avec un post-rock instrumental bien difficile à définir fidèlement ! Globalement, les ambiances jouées sont relativement sombres, parfois assez hermétiques voire dissonantes. Les musiciens distillent tantôt des ambiances mystérieuses, tantôt planantes, tantôt plus metal et agressives. Le public a l'air de se ranger derrière l'avis de Sébastien Monteaud à en croire le rappel et les applaudissements très enthousiastes ! Tant mieux pour le jeune groupe venu de loin pour ravir le Crescendo !

A en croire les quelques t-shirts de Beardfish aperçus à plusieurs moments de la soirée, Rikard Sjöblom, ex-leader de ladite formation suédoise désormais splitée, était très attendu, avec son nouveau groupe Gungfly. Il faut dire que le multi-instrumentiste a plus d'une corde à son arc et une discographie colossale en 20 ans de carrière, entre Beardfish, Gungfly, et désormais Big Big Train. La nuit est tombée, et le public est toujours là en nombre pour assister au dernier concert de la soirée qui débutait à 22 heures. On savait le Suédois bon, très bon même, mais le voir sur scène est une chose toute autre. Sa prestation majuscule, sa maîtrise de la guitare, du piano et du chant ne laissera personne indifférent. C'est surtout l'excellent troisième album du groupe, "On Her Journey To The Sun", qui sera mis en avant ce soir-là, avec des morceaux tels que 'Old Demons Die Hard', 'My Hero', ou encore le fabuleux 'Polymixia' qui prend une toute autre dimension sur scène. Certaines personnes du public sont mêmes carrément habitées par la musique du Suédois qui semble avoir pris le contrôle de leur corps ! Alors que Rikard Sjöblom annonce le dernier morceau de la soirée, il démarre seul à la guitare et au chant. Les connaisseurs voient bien qu'il ne s'agit pas d'un morceau de lui, sans parvenir pour autant à le reconnaître tout de suite. Mais après quelques secondes, nous nous rendons compte que Rikard Sjöblom interprète l'une des chansons françaises les plus cultes de ce siècle en faisant une reprise de 'Ne Me Quitte Pas' du grand Jacques Brel, avoir un premier couplet en anglais, puis en français ! Quelle classe ! Il va sans dire, le rappel des Charentais ne tarde pas à retentir dans la nuit, et la bande à Sjöblom revient avec une dernière reprise de Bruce Springsteen fortement appréciée par le public.
Il est à présent l'heure de quitter les lieux, des étoiles plein les yeux après cette prestation impériale des Suédois. Les plus mordus d'entre nous seront là le lendemain pour le troisième et dernier soir du festival. Pour moi, l'aventure s'arrête, mais je repars plus que satisfait de mon premier Crescendo ! Un grand bravo aux organisateurs pour avoir donné naissance à un festival de cette qualité tout en restant gratuit. Bravo et merci à eux pour leur travail ! A l'année prochaine, le Crescendo !