La première journée du Tyrant Fest a été une réussite : entre d’excellents concerts, une organisation millimétrée et une place faite à la culture chacun s’est senti chez soi au cœur du 9-9 Bis d’Oignies.
Pour cette journée du 17 novembre, l’organisation est la même avec le site ouvrant tôt pour permettre à chacun de profiter des activités annexes. Le Métaphone ouvre ses portes peu après et déjà un joli flot de fans pénètre dans l’enceinte. Il faut rappeler que la journée est également
sold-out, preuve du succès grandissant du festival.
Par contre il faudra un peu de temps pour que la salle ouvre suite à des préparations d’ordre technique.
Quand celle-ci ouvre c’est juste pour le début de Wolvennest. En peu de temps le groupe belge s’est taillé une énorme réputation avec son rock slduge teinté d’ambiant et de doom et de psychédélisme dans un esprit occulte. Le cadre du Métaphone semble être un écrin idéal pour accueillir une formation qui a scotché son monde au festival Alcatraz et à Lokeren. La salle se remplit très vite et retient son souffle, il y a une forte odeur d’encens et sur scène crânes et bougies plantent le décor de la cérémonie. L'écran géant en fond de scène nous rappelle que le visuel tient une place importante dans l’art du groupe. Le premier titre, ‘Silure’, va nous entrainer au fond des abysses. Très long et porté par un riff planant et sombre il possède un côté hypnotique inquiétant. Doom dans l’esprit, il a un côté messe noire en forme de longue incantation d’initiation. Après ce début glaçant, la suite avec ‘Ritual Lovers’ est tout aussi aérienne avec toujours des aspects ambiant et doom au détour d’un riff énorme de force. Quand Sharon arrive pour chanter, le plongeon dans les ténèbres est total, en adéquation avec la musique. Il y a une force noire énorme et écrasante mais avec un psychédélisme bien présent pour un résultat énorme d’impact. Tout le concert va être de la même puissance, les vidéos sur l’écran renforcent le côté malsain, celle avec les vautours glaçant le sang. Ces complaintes portées par le chant caverneux et possédé plongent le public dans un autre monde, aux confins des enfers. La formation ne relâche jamais la pression et on sent un certain plaisir chez les musiciens de tenir ainsi les gens à la gorge. Ce concert a été une expérience intense, y pénétrer c’était pénétrer un univers incroyablement noir et digne des écrits de Lovecraft. La journée commence sous les meilleurs auspices, le succès a été au rendez-vous pour un Wolvennest qui a brillé particulièrement et qui a vu son stand de merchandising dévalisé.


Après cet intense moment nous restons dans la noirceur la plus totale avec The Secret. Les Italiens existent depuis 2003 mais sont rares en concert comme un secret bien gardé. Signés chez Southern Lord, label de Sun O))), ils œuvrent dans un black teinté de grind avec un nihilisme certain et un côté malsain et glauque. L’introduction douce et calme est comme une préparation à la tempête qui s’annonce. Puis Marco débarque bière à la main et l’ambiance monte d’un cran. ‘Cross Builder’ ouvre le concert et fait son effet. Porté par un chant d’outre tombe glacial il monte en puissance avec un côté lancinant dans lequel on ressent tout l’âme black metal. Quand le tout éclate cela ne fait pas de quartier, le chant criard est impressionnant et la facette grind s’exprime dans une violence infinie aux airs de fin du monde. Tout s’est emboité doucement mais avec une cohérence certaine pour une incroyable impression de force. ‘The Sorrowful Void’ est tout aussi intense, il y a un côté glacial prenant sortant des ténèbres et une folie qui donne l’impression de pénétrer un asile abandonné. Derrière les titres vont s’enchainer à toute allure, courts et nerveux ils ont des allures de rouleau compresseur. ‘Agnus Dei’, ‘Death Alive’,’ Double Slaughter’ et ‘May God Damn All’ sont d’intenses baffes en pleine tronche qui dépassent à peine la minute. Il y a la furie grind qui se mixe au côté black glacial. Le public est attentif et savoure la leçon avec calme et dans un certain recueillement. Après un ‘1968’ plus long et prenant ‘Love Your Enemy’ achève son monde en beauté avec une intensité énorme. Le final s’annonce et la pression ne retombe pas. Après un sample glacial, Where It Ends, ‘Weathermen’ et ‘Bell Of Urgency’ détruisent tout. Il y a de la rage, de la noirceur dans ce mélange si réussi qui prend à la gorge et aux tripes. ‘Cupio Dissolvi’, extrait du dernier EP sorti en 2018, achève le concert en beauté. Sur plus de 7 minutes il est un hymne aux ténèbres avec une violence à fleur de peau intense et des passages plus calmes sombres pour un résultat d’une remarquable force. Ce titre conclut le concert en forme d’ultime plongeon dans la noirceur. The Secret a proposé une prestation remarquable, il a montré un talent énorme pour un art noir et glacé teinté d’une rare brutalité. Il a fasciné son monde et quand les lumières reviennent on ressent cette impression étrange et malsaine, preuve de la réussite de l’entreprise.


La journée est bien lancée et les cérémonies ne font que commencer. Celle d’Imperial Triumphant s’annonce. Les Américains proposent un black metal technique teinté d’influences classiques et jazzy pour un résultat peu évident d’accès avec un côté élitiste assumé. Derrière des masques de cérémonie noire, le trio en impose et l’introduction très expérimentale et loin des critères habituels va poser le ton d’un concert hors des normes. Avec ‘Gotham Luxe’ la tempête s’abat avec force sur un public bien présent. Il y a la voix purement black qui fait son effet et un côté occulte intense porté par une force de frappe remarquable. Le titre scotche son monde et déjà quelques sonorités jazz ressortent et donnent un côté glauque et misanthropique. ‘Lower World’ est encore plus brutale avec une technique mise en avant et un petit passage jazzy bien trouvé pour instaurer une certaine ambiance. Il y a un côté théâtral ensuite dans le message d’accueil d’un chanteur aux allures inquiétantes, complètement plongé dans son art. ‘Devs Est Machina’ enchaine dans le même esprit hargneux mais avec un côté barré bien mis en avant, entrainant les gens dans un tourbillon. Le concert a atteint sa vitesse de croisière et la folie ne va que monter. Le groupe profite de cette tournée pour jouer des nouveaux morceaux. Ici pour cette date c’est ‘Excelsior’ qui est interprété. Très barré le titre en met plein la tronche avec un rythme intense. Inutile de chercher une accroche en forme de bouée de sauvetage ; le groupe n’a pas prévu de séduire. Il a un côté avant-garde délicat à digérer mais fascinant. Après ce moment éprouvant mais jouissif le groupe garde deux derniers missiles pour finir. ‘Cosmopolis’ et ‘Breath Of Innocence’ sont tout aussi rudes et exigeantes avec juste sur la deuxième une voix plus posée et un passage aérien placé comme pour mieux frapper durement avec toujours un côté jazzy présent. Avec ce concert Imperial Triumphant a fait impression et confirmé le côté pointu et loin des modes du festival. Ce moment a pu rebuter certaines personnes mais il en séduit pas mal qui on su pénétrer cet univers à part.


Le tourbillon d’émotions est intense et cela est loin d’être terminé. La venue de Mephorash est très attendue : le groupe a su se faire un nom et une réputation depuis ses débuts en 2010. Les Suédois œuvrent dans un black occulte et misanthropique et viennent pour la première fois en France. Comme pas mal d’autres formations il voit ses musiciens arriver sur scène en robe de cérémonie avec un superbe décor de scène en forme d’autel de messe noire. Il règne dans la salle un recueillement certain. Une ambiance glaciale s’instaure dans un cadre marquant pour un concert qui s’annonce comme une plongée au cœur des ténèbres. Composé de justes quatre titres cette prestation va être d’une rare intensité, portée par des musiciens vivant leur art à fond. Chaque titre approche les dix minutes et fait office de tourbillon émotionnel. Le premier c’est ‘Riphyon – The Tree Of Assiyah Putrescent’, il démarre lentement comme une procession et monte doucement en puissance. On retrouve un pur black metal incantatoire porté par deux chanteurs aux allures de prêcheurs, en parfaite harmonie. Quand la musique s’emballe c’est pour mieux glacer le sang, les ambiances sont superbes et le public comme envoûté apprécie cette leçon sans en perdre une miette. ‘Sfaíra Ti̱s Fo̱tiás’ est toute aussi impressionnante. La longue introduction froide et sombre a des allures de prière puis c’est la curée. Un énorme sentiment de force s’abat sur la salle avec un pur black froid. Une majesté certaine s’exprime, portée par des musiciens dégageant un charisme évident. Avec ‘Epitome I: Bottomless Infinite’ le côté messe noire ressort plus fortement. Un des chanteurs finit même à genoux sur ce titre aussi fort en âme et qui embarque loin dans un autre univers. ‘Sanguinem’ achève parfaitement cette prestation avec la même puissance et une capacité à créer des ambiances froides intenses au détour de longs moments instrumentaux. Mephorash a fortement marqué les esprits avec ce concert d’une rare intensité. Le côté occulte a fasciné bien du monde, il a fait vibrer un public comme hypnotisé qui se souviendra longtemps de cette démonstration. Le groupe monte en puissance et a toutes les armes pour aller loin s’il garde son unité et sa force.


A peine le temps de se remettre de ses émotions que s’annonce un gros morceau avec Gaahl et son groupe, Gaahl’s Wyrd. L’ex chanteur de Gorgoroth a lancé sa carrière solo en 2015 et mène sa barque en ayant su se relancer après des moments délicats avec son ancienne formation. Il a donné nombre de concerts et a sorti récemment un excellent premier album avec "Gastir – Ghosts Invited", taillé dans le meilleur d’un black classique et moderne. Il est très attendu et la foule est bien massée devant la scène quand la pénombre se fait. En introduction ‘Within The Voice Of Existence’ pose l’ambiance avec un côté glacée très ambiant. Puis avec ‘Ghosts Invited’ le concert se lance de la meilleure des manières. Gaahl en impose avec son maquillage et dégage un charisme certain. Le titre est une grosse claque d’une intensité énorme et d’une force de frappe remarquable. Il est porté par un Gaahl impressionnant avec sa voix d’outre-tombe très pure puis avec un ton black rageur qui ne fait pas de concessions. Après ce gros début le chanteur toise le public à la manière d’un gourou et prend son temps pour lancer ‘Carving A Giant’ sorti du répertoire de Gorgoroth. Très percutant le titre est une grosse baffe black d’une violence jouissive et toujours porté par un chant d’une remarquable intensité. En véritable maître de cérémonie, le taciturne chanteur tient le public dans sa main et prend son temps avec un plaisir certain. Puis avec ‘Ek Erilar’ puis ‘Carving The Voices’ il balance deux extraits de son album. La première est une pépite d’un black sombre magnifié par un final grandiose. La deuxième enchaîne avec une emphase certaine. Il y a un côté majestueux dans un chant plus clair et une certaine retenue dans la musique pour un résultat épique envoûtant.

Le concert est déjà une réussite et on sent le public transporté dans cet univers à part. Avec ‘Høyt opp i dypet’ Gaahl’s Wyrd nous permet de plonger dans l’univers de Trelldom. Le titre prend à la gorge avec une brutalité intense, un côté incantatoire prenant et le chant grave impressionnant. Avec ‘From The Spear’ nous retrouvons un autre extrait du nouvel album. Il assomme le public de belle manière avec une noirceur abyssale, une profondeur qui touche l’âme avec des hurlements de damné d’un Gaahl que l’on sent totalement plongé dans son univers. Le titre suivant est juste annoncé d’un "1993 !", on comprend vite que l’on va repartir loin dans le passé avec ‘Sannhet Smerte og Død’. Chanté en norvégien, le titre est un plongeon dans les racines du mal et du black metal. Alternant chant grave et hurlement ,il fait voyager au fond des abysses avec puissance. Le concert approche de son terme et il va s’achever avec deux dernières reprises. La première revient vers God Seed qui a connu une carrière éphémère entre 2012 et 2015. ‘Alt Liv’ est un superbe moment, très sombre et d’une intensité énorme. C’est ‘Exit – Through Carved Stones’ qui clôture le concert. Cette reprise de Gorgoroth est un final remarquable avec un ton purement black avec encore ce chant sorti des enfers et une partie final lancinante et glaçante aux allures de complainte d’une rare noirceur. Avec ce concert Gaahl et ses hommes ont frappé un joli coup en mixant à merveille passé et présent. Ils ont montré que Gaahl’s Wyrd était un client sérieux en matière de black metal. Ils ont ravi un public qui a apprécié la leçon de manière attentive et respectueuse et ont convaincu également les quelques sceptiques présents.

Il reste un gros morceau pour achever ce week-end en forme d’hymne aux forces du mal. Mayhem c’est un pan de l’histoire du black metal qui a marqué toute une génération et qui continue de fasciner. Le groupe dégage une aura malsaine qui a attiré les fans, il porte cette histoire parfois comme un fardeau mais depuis quelques années il a su s’en détacher avec des prestations convaincantes et récemment avec un "Daemon" de qualité. Porté par le trio Necrobutcher, Attila et Hellhammer il est attendu et va jouer non pas une heure mais une heure et demie pour le plus grand plaisir de fans impatients de savourer la leçon. Dans une pénombre quasi-totale l’introduction donne le ton avec un côté glacial d’une rare noirceur. Puis sous des lumières rouges le groupe débarque et détruit tout un une fraction de seconde avec ‘Falsified And Hated’. En robe de cérémonie, Attila attire tout les regards et en impose pas mal avec un chant sorti des ténèbres. Cet extrait du nouvel album fait aussi son effet avec un court break avant la reprise d’une curée d’une rare intensité. Après ce moment intense le groupe ne va pas relâcher la pression et balancer une belle série de titres de sa carrière récente. ‘To Daimoniun’ prend aux tripes avec une ambiance malsaine et une alternance entre chant déclamé et chant hurlé très prenante. Attila impressionne avec ses airs de gourou des enfers et à ses côtés ses collègues font le travail avec une belle maîtrise. Après ce titre ‘My Death’ enfonce le clou. Une force énorme se dégage de ce black metal hargneux avec un côté lancinant qui glace le sang et avec un Attila encore plus effrayant avec une corde de pendu serrée dans sa main.


Ce concert aux allures de messe noire est lancé idéalement et la suite va être toute aussi prenante. Extraits du nouvel album ‘Malum’
et ‘Bad Blood’ confirment la forme de
Mayhem et la pertinence d’un nouvel album appelé à compter au sein de discographie. Taillées dans le meilleur d’un black pur et dur elles font leur effet sur un public fasciné et motivé malgré la fatigue. Avec ‘Symbols Of Bloodswords’ on retrouve un extrait de l’EP sorti en 1997 et on retrouve avec plaisir le son si malsain et habité porté par un chant d’une rare noirceur éructé avec une conviction profonde. Cette première partie de concert s’achève avec un dernier nouveau titre, ‘Invoke The Oath’, et force est de constater qu’il fait son effet avec un début calme qui prend à la gorge et une accélération en forme de coup de poing en pleine tronche. La partie suivant va nous plonger dans le passé sulfureux du groupe. Mayhem enchaine quatre extraits de son album mythique, "De Mysteriis Doom Sathanas" (
‘Freezing Moon’, ‘Pagan Fears’, ‘Life Eternal’ et ‘Buried By Time And Dust’) qui ravissent les fans. Ceux-ci retrouvent l’essence du genre quand il faisait peur avec le côté noir et une force de frappe remarquable, toujours portés par un Attila charismatique. Après ce passage fort la troisième partie repart en 1987 vers ‘Deathcrush’, le premier EP légendaire du groupe. Avec ‘Deathcrush’ et ‘Chainsaw Gustfuck’ les amateurs d’histoire du black métal sont aux anges et retrouvent un son froid, primaire et violent qui a forgé la légende. La partie finale va être mémorable et faire office de bouquet final. ‘Ancient Skin’ débute et ne fait pas dans la dentelle avec une brutalité intense porté par une belle maitrise de musiciens prouvant que la violence n’est pas que du bruit sans âme. Enfin ‘Carnage’ et ‘Pure Fucking Armageddon’ replongent aux racines du mal à l’époque d’Euronymus. Elles achèvent un public ravi de retrouver de tels classiques en live avec la même énergie malsaine et son côté cru dérangeant. La dernière fait office de descente finale aux enfers, nous rappelant à quel point
Mayhem avait marqué de son empreinte le petit monde métallique. Ce concert a été une réussite totale, le groupe était en grande forme et a balancé une
set list remarquable, piochant dans les meilleurs de ses vies. Le public en ressort conquis et encore sous ce charme vénéneux si puissant.
Ceci achève en beauté un remarquable week-end d’art noir. Chaque prestation a été forte en âme et en émotions, le tout dans un cadre formidable qui a beaucoup aidé à instaurer l'ambiance si particulière. Il nous reste à remercier l’organisation, l’équipe de Nao Noïse et celles du Métaphone pour leur accueil et leur travail, et leur donner rendez-vous pour de nouvelles aventures musicales au service de la musique et de la culture en général.