Pour sa troisième et dernière date française, Riverside investissait une nouvelle fois La Locomotive de Paris après un passage quelques trois ans auparavant. Comme Mariusz Duda le fit remarquer avec humour, la renommée aidant, c’est maintenant dans la grande salle du rez-de-chaussée que les polonais vont défendre leur dernier « Anno Domini High Definition » au lieu de la plus étroite pièce du sous-sol obtenue pour la tournée « Rapid Eye Movement ».
Une fois n’est pas coutume, l’ouverture des portes était annoncée relativement tôt en ce samedi nuageux. Même si le site officiel de Riverside indiquait 20 heures, la plupart des autres communiqués tablaient sur 17 heures ! Et quelques minutes avant cette heure, une file déjà garnie occupait le trottoir jusque devant le Moulin rouge. Riverside va se produire devant un parterre bien fourni, voilà qui a de quoi donner du baume au cœur. Mais alors que le moment des entrées est censé être imminent, un bus tractant une remorque se gare subitement devant les quais de la Loco. Très vite un petit monde s’affaire à la hâte de décharger tout le matériel. Un constat amer s’impose alors, Riverside vient juste d’arriver, le concert va de toute évidence être retardé – à 18h15 selon une affichette de fortune. Cela aura au moins permis de voir les Varsoviens dans un rôle plus insolite de déménageurs (les deux Piotr du groupe en possèdent d’ailleurs le physique)
Après cet intermède pas vraiment interminable, la soirée peut enfin commencer et ce sont aux français de Jadallys d’engager les hostilités. Pour peu qu’on connaisse « Labyrinthes » sorti deux ans plus tôt, on sait d’emblée que Jadallys n’appartient pas à un courant musical clairement défini, que leur musique absconse n’a pas objectif à fédérer mais à expérimenter des sons nouveaux. Faire la première partie d’une formation prog metal dans ces conditions relève du défi, que les Parisiens ont décidé de crânement relever. Et pour couronner le tout, c’est sur un titre acoustique (position assise) qu’ils débutent leur show. Pendant près de quarante-cinq minutes, entre « Le Vide » et « L’araignée », Jadallys va se faire l’interprète de ses curieuses pièces musicales devant un public moyennement concerné mais qui au final les aura accueillis plutôt chaleureusement, leur réservant une réception à la hauteur de cette bravade avant-gardiste.
Au pas de charge, les roadies transforment bientôt la scène dévoilant l’imposant set de Kozieradzki. Il est maintenant 19h50, les choses sérieuses peuvent désormais débuter. Sous un tonnerre d’applaudissements, le quartette s’avance, le sourire aux lèvres, fier de jouer de nouveau dans la capitale, un bref remerciement en français, et déboule « 02 Panic Room» histoire de chauffer peu à peu le public. Puis suivent les deux pavés « Second Life Syndrome » arrangé par des bribes de « Schizophrenic Prayer » et enfin « The Same River ». La fosse pleine à craquer a, sur une demi-heure de temps, le plaisir d’apprécier les passages plus planants du groupe.
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Ceci dit, connus et reconnus également pour leur technique, c’est déjà à une véritable démonstration à laquelle assiste ravie une fosse qui n’aura de cesse d’exprimer sa reconnaissance. Un Kozieradzki impérial derrière son mur de tomes et de cymbales, un Grudzinski à la guitare le plus souvent transporté malgré une façade un peu dure de docker et un Lapaj au clavier qui progressivement se déridera pour devenir intenable sur la fin, jouant de son étrange thérémine (voir dernière photo) comme un magicien devant un chapeau haut de forme. De son côté Duda vétu d’un t-shirt « Addicted to Bass » impose le respect autant sur sa quatre cordes que vocalement. Les polonais sont carrés et le prouvent avec brio une nouvelle fois ce soir.
On peut dès lors apprécier le dosage très juste entre chacun des musiciens, aucun ne se tirant la couverte sonore à son compte, même si les distorsions des guitares semblaient plutôt sous-mixées, pas assez incisives sur les parties plus fulminantes. En revanche, la batterie et plus rare encore la basse de Duda ressortent parfaitement. Un vrai plaisir pour les oreilles. Globalement, le son aura d’ailleurs été à l’avantage de Riverside. Un espèce de bouillonnement sourd venu des notes les plus graves fait parfois l’effet de larsen mais pas de quoi gâcher l’harmonie d’ensemble.
Le temps de changer sa basse pour une guitare et les problèmes techniques vont, l’espace de quelques minutes, pointer le bout de leur nez pour Duda. A peine entame t-il « In Two Minds » que son électro-acoustique en mode courant alternatif cale régulièrement. Après deux ou trois reprises, à force de tentatives de raviver son jack quelque peu coriace, Duda peut enfin faire profiter pleinement de cette belle ballade. D’autant que la setlist privilégiant sur ses débuts des morceaux moins agressifs va monter d’un coup en intensité. « Anno Domini High Definition » est sur la sellette.
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C’est en effet en milieu de soirée que Riverside dévoile l’interprétation de son dernier bébé joué en intégralité. Dès « Hyperactive » repris à son compte par une assistance plus excitée que jamais, le niveau est très haut. Sans véritable temps mort, le dernier album sera interprété jusqu’à la dernière goutte. « ADHD » déverse toute sa pugnacité, les têtes headbanguent plus facilement, l’ambiance s’échauffe. Plus massif que ces aînés, « ADHD » passe forcément très bien le cap du live et cela s’en ressent sur la mine réjouis du public.
Malgré son rôle de chef de bataillon, Duda très sensible à l’accueil décidément très chaleureux des Parisiens, n’en finit pas de sourire et fait preuve d’une belle complicité avec ces derniers. A tel point que lorsque « Hybrid Times » égraine ces dernières notes, la salle fait une véritable ovation qui semble touchée réellement les quatre gaillards.
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Une sortie de scène ultra rapide et « Stuck Between » marque le premier rappel. Duda demande si les gens connaissent l’Ep « Voices In My Head » et semble agréablement surpris quand l’assistance lui répond positivement d’une seule et même voix. Riverside s’en prend ensuite une dernière fois et avec entrain à la trilogie Reality Dream avec ses deux derniers volets, puis disparaît à nouveau dans les coulisses après un salut de théâtre.
On sent que l’effervescence ne veut pas retomber. Les polonais reviennent très vite afin de prolonger la soirée d’un « Rapid Eye Movement » exalté. Dix dernières minutes à l’image du concert : un contentement évident, communicatif de jouer, et des yeux enchantés de l’autre côté de la scène.
Le quartette revient sur le devant des projecteurs pour saluer une dernière fois après presque deux heures d’une prestation sans faille. Mariusz Duda dira au cours de la soirée qu’elle restera graver dans sa mémoire. Il semble aux vues de certains regards dans la foule que ce soit bien réciproque.
Merci à Olivier d'Elianor, à Roger de D Base, à Torpedo et à Struck pour sa précieuse compagnie.
Merci également à Cortez77 pour ses photos disponibles aussi dans sa galerie
ici.
Setlist de Riverside :
02 Panic Room (avec longue introduction)
Second Life Syndrome (marqué de fragments de « Schizophrenic Prayer »)
The Same River
In Two Minds (marqué de fragments de « Time I Was Daydreaming » tiré de l’Ep « Voices in My Head »)
Hyperactive
Driven To Destruction
Egoist Hedonist
Left Out
Hybrid Times
Rappel:
Stuck Between
Reality Dream II
Reality Dream III
Rappel bis:
Rapid Eye Movement