En fin d'année dernière, Hell For A Ride a sorti son nouvel album "Nine Of Cups" qui marque un évolution du groupe vers un son plus puissant, fort et metal assumé. Nous avons pu rencontrer Lone Wolf Low et Franck The Gent pour évoquer les retours sur cet album et la suite sur ce déconfinement.
Quel est votre état d’esprit alors que vous continuez la promo de votre second album dans une situation particulière ?
Franck "The Gent" : On est un peu tous logés à la même enseigne, que ce soit nous ou les Rolling Stones, on met à profit ce temps là pour peaufiner l'avenir du groupe et mettre en route des prochaines idées de composition pour le prochain album, développer l'image de Mad Dog, penser au prochain clip. La plus grosse frustration en fait ce sont les dates qui sautent. Après on ne se laisse pas aller : "Never Surrender, Never Give Up !". Ce sont les affres de la vie.
Alors pour vous, ce n'est pas une situation qui vous bloque en termes d'inspiration, presque au contraire ?
Franck : Non non du tout, je continue à travailler des idées, j'ai une petite guitare classique avec laquelle je trouve des idées, des riffs, des trucs que j'enregistre...
Lone Wolf Low : Jamais jamais...
Franck : Fais nous un solo de Gibson stp !
Lone Wolf Low : Le son passe pas trop bien et j'ai peur de la casser... Cette situation, ça gêne pas car pour travailler sur "Nine Of Cups", nous avons travaillé à distance entre les producteurs et nous, entre nous sur des clouds... On a échangé et travaillé chacun sur son ordi, en fait. On est pas limités mais on ressent juste de la frustration sociale et le flou qui entoure cette situation, ne pas savoir quand les salles vont réouvrir.
"Nine Of Cups" arrive 4 ans après "Bête Noire", qu’est-ce qui explique ce laps de temps relativement long entre deux productions et qui semble aller à l’encontre du timing actuel imposé par l’industrie musicale ?
Lone Wolf Low : Effectivement, aujourd'hui le concept des albums va commencer pas à disparaitre mais devenir de plus en plus rare. Nous on a pris le temps car nous avons défendu "Bête Noire" pendant 2 ans, c'est assez cool de pouvoir défendre un album aussi longtemps sur scène et puis surtout on voulait profiter de toutes ces expériences qu'on a eues pendant cette période, les mettre à profit. Donc on s'est dit : profitons de cela pour aller vers d'autres pistes, même si c'est que temporaire, du moins se donner le temps de le faire. Il y a eu des rencontres ce qui a permis de produire ce nouvel album.
C'est presque devenu un luxe d'avoir ce temps-là, avec la pression des labels ?
Lone Wolf Low : Je suis d'accord, c'est pas dans les codes actuels. Après je pense que c'est aussi bien de se poser afin de pouvoir penser à l'évolution du son. Après c'était important pour nous de se rencontrer car "Bête Noire" est intervenu pile au moment du changement de line-up et donc il fallait aussi apprendre à se connaitre, jouer ensemble, trouver des automatismes.
Partager avec ces groupes, ça démystifie un peu le côté intouchable que tu peux avoir avec tes yeux de fan.
Justement, le fait d'avoir côtoyé des groupes tels que Black Stone Cherry ou Asian Dumb Fondation, Coheed And Cambria... Qu'est-ce que ça vous a apporté ?
Lone Wolf Low : Ça permet de voir comment fonctionnent ces groupes-là sur la route et de découvrir chacun ses influences. Je suis un fan de Asian Dumb Fondation, je les ai vus plein de fois en concert et pouvoir les rencontrer a été un rêve de gosse et m'a aidé à voir de l'intérieur ce que tu ne vois pas forcément en interview. Partager avec ces groupes, ça démystifie un peu le côté intouchable que tu peux avoir avec tes yeux de fan. Tu te poses après les questions de savoir si ce que tu fais, tu le fais pour des bonnes raisons, est-ce que je m'y prends bien ? Il n'y a pas de prise de tête et ça a un petit quelque chose qui rassure.
Franck : Je rajoute que nous on essaye d'aspirer à être le plus pro possible, voire même être professionnels, et le fait de rencontrer ces groupes permet d'avoir un retour sur expérience sur eux, savoir comment ils ont fait, quelle était leur stratégie sur certains points. Donc c'est hyper intéressant ces rencontres et festival pour ça aussi.
Si je comprends bien, vous tirez plus d'expérience non pas sur le plan musical mais plus sur le mode de fonctionnement de ces groupes ?
Lone Wolf : Oui c'est exact, comment ils le vivent, il y a pas mal de choses qui sont communes et je pense que c'est pas mal de partager à ces occasions.
Dans la chronique précédente de "Bête Noire", le chroniqueur soulignait vos influences et une orientation hard Rock, "Nine Of Cups" semble marquer une évolution pour le groupe avec des morceaux où l’équilibre metal et rock US semble avoir été encore plus travaillé, je pense à ‘Feel Me’, quelle vision portez-vous sur cette évolution ?
Franck : Elle est juste à plusieurs égards car c'est le but qu'on s'était fixé et je pense que ce ressenti vient aussi du fait que contrairement à "Bête Noire" on a ouvert le travail de composition à des personnes extérieures au groupe. On s'est dit qu'il y a des mecs dont on a entendu le travail et dont on aimait le travail. Cet album a été fait a été fait avec Charles Kallaghan qui nous a produits jusqu'à présent et on lui a demandé si on pouvait avoir des collaborations avec telle ou telle personne et il a transmis les maquettes et les gars on été plutôt chauds.

a a été facile pour vous de vous ouvrir à des personnes extérieures alors que dans un groupe on a tendance souvent à vivre en vase clos ?
Franck : Ça a été plutôt facile pour moi et même très agréable et peut-être à refaire...
Lone Wolf : Effectivement, c'est une volonté dans l'écriture et tu as beaucoup de groupes qui restent en vase clos et qui fonctionnent comme ça. Nous on a une trame, vocalement on veut ça, on sait que rythmiquement on veut de l'énergie. On a apporté la direction, les champs des possibles du point de vue sonorité et côté sensibilité, on avait laissé des choses ouvertes pour que les personnes puissent greffer leur univers et leur patte.
Après paradoxalement, c'est peut-être l'album plus spontané que "Bête Noire"
Je rebondis à nouveau sur la précédente interview où vous parliez de spontanéité, mais là on a l'impression qu'il y en a un peu moins ou que tout est un peu plus calculé, est-ce que ça marque votre entrée dans un professionnalisme que vous évoquiez précédemment ?
Lone Wolf : Ça à l'air moins spontané car ça à l'air peut être plus carré ou plus recherché dans les sonorités. Après paradoxalement, c'est peut être l'album plus spontané que "Bête Noire" dont les titres ont été écrit sur une période d'un an. Celui ci a été écrit en deux mois. On avait sorti une quarantaine d'idées, peut être plus cadrées, mais d'essence spontanée. 90% des compositions sont nées ainsi dans un échange ping-pong et avec plus de fun que lors de l'enregistrement du précédent qui s'est fait traditionnellement avec des idées déjà bien établies et des petits arrangements qui se sont greffés.
'N.G.U.N.S.' illustre cette progression où la rythmique joue un rôle important avec la guitare rythmique, la batterie et la basse qui impriment une tension palpable tout au long du titre. 'Never Give Up, Never Surrender' revêt-il quelque chose de particulier pour vous, une sorte de titre autobiographique sur les difficultés d’un groupe ? Surtout avec l'évolution de l'industrie musicale et la crise actuelle liée à la pandémie ...
Franck : Dans ce que tu dis là, c'est un peu ça. On ne lâche rien, on continue. Typiquement la Covid19 ça nous empêche pas de vivre, on continue le travail de composition, de prévoir l'avenir. C'est un peu le crédo du groupe ce titre, si il devait être résumé, ce sera par cette phrase. Ça peut se porter pour le groupe mais aussi dans la vie en général, on se relève et on ne se laisse pas abattre.
Lone Wolf : C'est un entrain qui est inspiré par le personnage de Mad Dog et même la personne qui nous a inspiré ce personnage au moment de se lancer, il faut y aller à fond. Ce n'est pas parce que vos précédents groupes se sont cassé la gueule qu'il faut se freiner, que votre passion doit s'arrêter. C'est un peu le mythe du phénix, il faut renaître de ses cendres.

Plus largement, on peut en avoir une vision politique avec ce qu’il s’est passé l’année dernière avec les gilets jaunes, la réforme des retraites, constituer un cri de révolte, alors que vous ne semblez pas vous embarrasser de sujets politiques ou autre, avez-vous changé d’avis ?
Lone Wolf : Oui pourquoi pas, en fait au-delà de la politique c'est plus un message humain de se dire, c'est un peu comme passer un feu ou un flambeau comme Olympe... C'est ce se dire on a une détermination, elle est communicative. Quelque soit la situation dans laquelle la personne est, que ce soit un contexte politique ou sanitaire ou même plus personnel, il faut rien lâcher, avance et change avec les gens, échange avec eux...
D'autant plus que là nous vivons une période de frustration, les gens on ne peut pas les rencontrer hormis virtuellement, quel rôle avez-vous en tant que personnes publiques et artistes au cours de cette période, avez vous utilisé les réseaux sociaux pour créer des liens encore plus forts avec vos fans ?
Franck : Pour la sortie du clip NGUNS, nous avons fait un live le 8 mai avec des interactions autour de cette sortie avec des questions-réponses pour cette avant-première.
Aujourd'hui, quoiqu'on pense des réseaux sociaux, c'est devenu indispensable...
Franck : C'est évident que ce soit Instagram, Facebook.. si tu n'est pas là-dessus tu n'existes pas.
Lone Wolf : Et même au-delà de ça, il y a des choses qui ont été faites pendant cette période, avec un élan vers de nouvelles façons de communiquer qui je pense peuvent être intéressantes à prendre pour la suite. Il y a une leçon à prendre de tout cela, ça ne se résume pas à pousser du contenu pour du contenu mais ça doit être une expérience à mener en termes de communication pour un groupe, garder un lien, surtout en termes d'échange.
La production de l'album semble être plus lourde que le précédent, avez-vous souhaité changer également quelque chose en termes de production ou de mixage ?
Franck : On a profité de l'évolution de Charles pendant ces 4 ans et nous aussi, on lui a donné les directions et lui par l'expérience qu'il avait cumulée pendant cette période il nous a permis d'avoir un son qui est plutôt "fat". On lui doit beaucoup là dessus.
Lone Wolf : Il a des techniques qui lui a améliorées et nous au niveau du son, grâce à la scène, on a travaillé différemment, ça fait partie du travail qu'on a fait en amont et surtout par rapport à ce qu'on écoute. On a voulu faire ressortir ce qu'on a apprécié en terme de sonorité, d'énergie et d'ambiance.

Paradoxalement, bien qu'ayant travaillé avec des personnes extérieures, il y a plus de personnalité dans cet album ?
Lone Wolf : Il y a une part de risque, il y a beaucoup plus de synthé, mais aussi en termes de genre, dans les tempos, les ambiances. Il y a des morceaux plus doux... C'est une volonté d'explorer ces choses-là, c'était le moment de le faire et peut-être dans le prochain album ce sera produit différemment mais l'important, surtout pour le live, c'est de dégager des morceaux, qui soit vont être joués ou pas parce que ça rentre pas en terme de sonorité dans le set, mais qui seront peut-être joués en acoustique. Ce qu'on veut faire c'est capter une émotion.
Le fait que les morceaux les plus calmes soient vers la fin, c'était conscient dans la construction de l'album ?
Lone Wolf : Dans tous les albums que j'écoute il y a toujours un morceau de fin d'album, une façon d'écrire spéciale et juste avant un morceau plus rentre-dedans... il y a toujours ce sentiment d'avoir une montée progressive et des moments de contrastes. C'est important dans un format d'album la façon dont tu ordonnes les choses, il faut instaurer des climats et pouvoir gérer différentes choses et émotions.
L'univers visuel est aussi riche que la musique et sont entièrement complémentaires
C'est comme alors un film, une série, je rebondis sur le clip 'Echoes' qui me fait penser à "Un jour sans fin" dans une version plus hardcore, le cinéma nourrit votre musique et votre image ?
Lone Wolf : Exactement, et ça depuis le début en fait. Ce délire road trip, épopée existe depuis le départ. On est tous fan de cinéma, de séries de maintenant, de comics et cet univers graphique avec lequel nous avons grandi et que l'on a voulu retranscrire plus que ce qui se faisait avant. L'univers visuel est aussi riche que la musique et sont entièrement complémentaires....
Et c'est important l'image pour se démarquer de l'énorme quantité de productions actuelles ?
Franck : C'est hyper important. Il y a aujourd'hui il y a une profusion de groupes et de médias, tout le monde a son Soundcloud, son Facebook... et pour se démarquer il faut être inventif et l'univers visuel et les clips permettent de les faire de manière assez claire, en effet.
La pochette en elle-même témoigne de cette importance, elle représente une symétrie et on y voit quelque chose de contraire dans les personnages, quel est le message qui se cache derrière aussi ce rouge et noir à la Stendhal ou Jeanne Mas selon les références ?
Lone Wolf : Jeanne Mas fait référence à Stendhal (Rires). En fait le rouge et noir est dans notre code, notre ADN et si on changeait ça je pense que ça aurait été bizarre. La symétrie c'est l'opposition des énergies. Rien n'existe sans l'autre. C'est déjà quelque chose que nous avons abordé dans "Bête Noire", tu vois le phénix qui se bat contre la bête et ça fait une sorte de Yin Yang, c'est l'opposition des énergies. Dans la vie personne n'est heureux ou malheureux complètement, il y a toujours un juste milieu, une recherche d'équilibre en nous. Ça reflète notre combat et ce que traverse Mad Dog entre sa part sombre et cette renaissance après laquelle il court pour devenir quelqu'un de vierge et reprendre sa vie en main. Musicalement ça se traduit par ce mélange entre le hard et le metal.

Vous indiquiez que pour vous il n'y avait pas assez de canaux d'écoute pour ce genre de musique, or depuis quelques temps on sent que la scène metal ne s'est jamais aussi bien portée, est ce que vous avez changé votre regard depuis 2015 ?
Lone Wolf : Effectivement, il y a peut être des acteurs qui se sont plus retrouvés grâce aux groupes, associations et médias qui communiquent là-dessus. Chaque acteur en faisant, partageant, échangeant, tout finit par se relever et prendre de la hauteur. C'est un milieu qui a absolument besoin de partager et de communiquer et de ne pas aller vers de la concurrence. Je pense que ça s'est développé depuis quelques années maintenant, il y a plus de solidarité pour arriver à se retrouver. Avant les groupes existaient mais ne se connaissaient pas et n'arrivaient pas à communiquer entre eux mais depuis du chemin a été fait avec tous les réseaux sociaux qui ont permis de trouver des atomes crochus entre les artistes, des points communs...
L'album est sorti depuis quelques mois, comment avez-vous reçu les retours plutôt positifs, ça vous conforte dans l'idée de continuer ?
Franck : Le fait d'avoir des retours positifs, notamment après les concerts où certains chantaient déjà certains morceaux dans le public. Tout ça nous fait penser qu'on est sur une bonne voie comme notre devise NGUNS. C'est autrement très agréable.
Comment abordez-vous la suite ?
Franck : Les dates de concert c'est très dur encore d'avoir une visibilité. Après tout ce qui est le travail du groupe, on continue la vie de Mad Dog... un nouvel album est en route.
A ce propos, avec Mad Dog, n'avez vous pas peur de vous enfermer dans un personnage et de ne pas pouvoir bifurquer vers autre chose ? Est-ce qu'il faudra à un moment le faire mourir ce personnage ?
Lone Wolf : Justement, 'Nine Of Cups' il y un parallèle avec l'Enfer de Dante, où le personnage va aller aux Enfers, il va rencontrer des gens et au cours de son périple ouvrir des portes. C'est le but, ouvrir des portes. Mad Dog ne sera pas toujours le même, il va peut être évoluer, changer, il va peut être devenir un méchant on ne sait pas encore... Il y a encore tout un tas d'histoires pour mettre en lumière d'autres aspects, des trucs qui découlent de la philosophie de Mad Dog mais aussi de la façon dont nous on évolue, c'est vachement bien !
On termine cette interview par la question que vous auriez aimé qu'on vous pose. La fois dernière vous aviez séché, quelle est cette question ?
Franck : Pourquoi avoir choisi ce style de musique en France ?
Alors pourquoi alors que le pays n'est pas réputé pour son esprit rock ?
Franck : Ce sont mes origines musicales, j'aurais été dans un autre pays, j'aurais fait ce genre de musique si il avait été porté à ma connaissance. C'est ma passion, mon guide.
Lone Wolf : Oui ça nous a touchés étant jeune et c'est une énergie qu'on porte en nous, c'était naturel d'y venir. On a envie de le porter, c'est un feu, c'est le mantra du groupe se faire plaisir et le partager.
C'est une excellente conclusion, merci à vous et bonne continuation et bon courage pour la suite.
Merci à vous !