De retour après une longue période d'absence, les CityWoodpeckers ont offert à leur fans fidèles un magnifique cadeau avec un album sorti en fin d'année dernière. Nous avons pu rencontrer le groupe pour une interview dans laquelle seront évoqués les raisons de cette pause, la couleur spéciale de l'album et les projets futurs.
City Woodpeckers a été fondé en 1989, vous avez fait énormément de concerts et vous êtes taillé une belle réputation live et puis comme beaucoup de groupes, le split, qu’elle en a été la cause alors que vous étiez presque à votre apogée ?
Peut-être que nous étions à la fin de notre propre cycle … ce qui s’est révélé finalement comme la première phase de notre groupe.
Et puis c’est assez classique : famille, enfants, maison, et boulot pour tout ça … une question de choix, de rencontres qui ne se font pas …
C’est le live encore qui vous a réuni il y a quelques années, quelle a été l’étincelle pour aboutir à cet album ?
Lent, évident, le retour de flamme a été très progressif ! Faut-il parler de retour ou de renaissance ? Pendant ce break nous avons collaboré activement dans d’autres formations, sur d’autres projets musicaux, dans des styles différents, on s’est diversifié pour revenir plein d’inspirations alors que dans ce temps-là nous avons toujours continué à jouer ensemble ponctuellement.
Définissons les City : c’est une tribu de 21 membres tout compris ! Alors : anniversaires, mariages … toutes occasions pour sortir les instruments. Et puis on s’est dégagé plus de temps. On a monté un trio guitare acoustique de reprises et puis le batteur nous a rejoints en disant qu’il mettrait bien quelques coups de percu … et puis une basse pour arrondir le tout parce que le soliste était passé à l’électrique. Comme on n’entendait plus les percus, Jacko a remonté les fûts. Le son retrouvé, on a rejoué les vieux morceaux que l’on a actualisés pour les premières scènes, de plus en plus de scènes et avec, l’arrivée de nouvelles idées à explorer ... Chassez le naturel...
Voilà, c’est assez banal finalement, … Ce qui ne l’est pas en revanche (et l’expression est bien à propos), c’est le plaisir à se retrouver tous les quatre à faire de la musique, avec l’impression que si ce n’était pas ces quatre-là ce serait moins bien ailleurs. C’est sans doute cela l’étincelle.
Vous revenez à une époque où les albums se vendent de moins en moins et où l’écoute de la musique a bien changé par rapport à il y a 10-20 ans, la plupart des gens préférant les playlists et la dématérialisation, comment avez-vous abordé ce constat, est-ce qu’il a été un frein ?
Nous avons toujours été attachés au support de la musique qu’il soit sur CD ou sur vinyle. La conception graphique de la pochette apporte des éléments complémentaires sur l’univers musical que propose l’ensemble des morceaux de l’album. Aussi, sont présents les personnes qui comptent pour nous, celles qui ont directement participé à la réalisation de l’album comme celles qui ont contribué de manière indirecte et qu’on peut moins bien remercier sur les supports numériques, en tous cas ils y sont moins visibles. Et puis, lors de rencontres avec les acteurs de promotion et de médiation, les programmateurs, au hasard de lieu de diffusion, donner le CD en main propre c’est toujours sympa pour engager une discussion. On n’y attache pas toujours un rapport à la vente. Par ailleurs, lors des concerts il y a toujours du public qui vient nous en demander… On n’en n’oublie pas les plateformes numériques de vente en ligne pour autant…
Chacun d’entre vous avez un éventail d’influences large : Franky ne jure que par Springsteen, les Stones et les Clash, Bubu par Knopfler, Gilmour, Hendrix, Jo avec AC/DC, Jacko c’est Simon Philipps et Terry Bozio… comment en êtes-vous à trouver une cohérence parmi tout ça ?
Les influences de chacun sont ce qui nous a amené à la musique, ce qui ne veut pas dire pour autant que les autres n’apprécient pas et certaines sont pleinement partagées par tout le groupe – les Clash, Springsteen … c’est finalement ce qui construit le son, les structures et les couleurs dans les morceaux « City ». Si on écoute bien l’ensemble d’un album, on s’aperçoit que les morceaux sont très singuliers les uns par rapports aux autres mais tous sont cohérents par le son. C’est bien parce qu’ils sont construits à quatre et que chacun peut mettre une dose de ce qu’il aime et de ce dont il est nourri.
Dès les premières notes de 'Some Days' c’est un son très garage comme si nous étions avec vous dans la pièce d’enregistrement, ce choix était-il conscient au moment de réaliser le disque ?
Bien vu ! Et le clip est tourné dans un garage automobile ! Les City c’est d’abord un groupe de scène. Et si c’est ce sentiment de proximité qui ressort c’est bien pour inviter à cette proximité ! On reste vraiment accessibles. Une autre idée du disque est qu’il semble être un hommage à toutes les influences que nous avons citées : on trouve une atmosphère très Stones sur ‘She Never Come Back’, peut-être un peu Clash sur ‘I Wanna Be Your Man’… l’avez-vous conçu ainsi ? Comme expliqué plus haut, c’est une histoire d’influence. Lors de l’écriture d’un morceau il arrive parfois qu’il nous rappelle à un artiste en particulier, et plutôt que de chasser le sentiment, on a envie d’en être proche pour presque en faire une citation, mais ça reste ponctuel, et du coup c’est pleinement assumé. On ne cherche par à reproduire une atmosphère qui plairait à un public par exemple. C’est plutôt le morceau dans sa construction même qui nous suggère une couleur, après on marque plus ou moins le trait.
On avait rencontré il y a quelque temps Didier Wampas qui nous expliquait que le rock s’est embourgeoisé, qu’il n’y a plus de vrai rocker en France ou même dans le monde, partagez-vous ce constat, qu’est-ce qu’un vrai rocker et vous considérez vous comme les derniers des Mohicans ?
C’est compliqué cette question au point qu’on n’a pas envie de répondre blanc ou noir. Sans faire une réponse de Normand, Didier a raison dans l’idée de ce qu’il se fait d’un « rocker » et des codes sociaux et musicaux qui vont avec. Le rock c’est un style musical à la fois riche et polymorphe. Comme tout musicien, le rocker aime cette musique et cherche à la porter et la défendre avec ses propres armes qu’il a affûtées avec tout ce qui constitue le rock depuis sa propre naissance. Et puis le Rock a tellement évolué durant ces cinquante dernières années que forcément ce qui définissait le rocker hier ne correspond plus du tout à celui qu’il est aujourd’hui. Faire de la musique s’est quand même drôlement démocratisé par les nouveaux moyens techniques et numériques, c’est devenu plus confortable.
Il faut dire que l’espace médiatique laissé au Rock et aux rockers s’est tellement restreint au bénéfice d’autres styles de musiques qui ne lui laissent que peu de champ d’exposition … on organise un peu une extinction d’espèce. L’industrie du disque, les médias, les programmateurs ont un peu leur part de responsabilité là-dedans. Lors du mastering, Benjamin, l’ingé son nous confiait que de réaliser ce boulot pour cet album lui avait ouvert une bulle d’oxygène, lui qui venait du metal, car il « mixe aujourd’hui 70% de Rap ; 25% d’électro et le reste c’est du rock ». CQFD. Les « City » ne sont en aucun cas le porte étendard de la défense du rock. On fait juste la musique qu’on aime, et qu’on aime partager entre nous et avec un public. On croise plein de groupes en festival ou en salles et du public en face pour écouter. Il faut juste nous laisser un peu d’espace. Et parmi ce nombre de groupes, il y en aura bien un qui émergera un jour…
« Espace
de liberté » ! Tout est dit, on ne s’interdit rien. Le solo c’est une
phrase musicale complémentaire à la mélodie du chant
L’une des caractéristiques de City Woodpeckers est de laisser un espace important à l’expressivité musicale avec des soli de guitare qui se font de plus en plus rares, c’est important pour vous d’apporter cet espace de liberté dans vos compositions ?
Oui !!! « Espace de liberté » ! Tout est dit, on ne s’interdit rien. Le solo c’est une phrase musicale complémentaire à la mélodie du chant, au sens du texte à sa cohérence dans la structure du morceau. C’est très souvent présent chez nous, mais si ça ne se justifie pas il n’y en aura pas. On n’en fait pas un dogme.
‘She’s Gone’ a des faux airs d'Iggy Pop version Tarantino, les bandes originales de films auraient été quelque chose que vous aimeriez faire ?
On ne s’est jamais posé cette question ! En tous cas ce rapport au film existe d’une certaine manière : au moment de l’écriture du morceau, les textes viennent parfois assez vite alors que la structure n’est pas vraiment fixée. Comme une histoire est racontée, tout est pensé comme un « roadmovie » et la musique doit accompagner le texte. C’est particulièrement le cas de 'She’s gone' qui illustre une part intime de l’histoire de la famille de Franky et Jo.
Il n’y a
pas de nostalgie dans le Rock, les groupes sont bornés par des courants
ou des époques musicales liées très souvent aux mutations de la société
dans le temps.
Le fait de voir des groupes qui ont marqué l’histoire de la musique commencer à disparaitre tel que Motörhead, AC/DC (qui va peut-être sortir un nouvel album)… et voir qu’il n’y a pas de successeur vous rend-il nostalgique ?
Tous les groupes qui ont contribué à écrire l’histoire du Rock ont largement accompli ce pourquoi ils étaient ou sont au-devant de la scène. Alors un jour ça s’arrête et chapeau bas les gars ! Ou ça dure encore, ne lâchez rien les gars ! Mais, parfois les succès d’estime... mais bon … Il n’y a pas de nostalgie dans le rock, les groupes sont bornés par des courants ou des époques musicales liées très souvent aux mutations de la société dans le temps. La nostalgie est réservée à celui qui écoute et qui attache à tel groupe ou tel groupe un morceau de son histoire personnelle et affective passée.
A qui s’adresse cet album, à ceux qui savent encore apprécier la musique ?
Houla ! On n’a aucune prétention de ce niveau-là ! Cet album, d’abord on a voulu qu’il plaise à tous les quatre, c’est pour cela que l’on a pris le temps, et à ceux qui ont travaillé dessus également. Ensuite on l’offre aux oreilles de tous, si ça plait tant mieux.
Comment avez-vous vécu cette période de confinement qui a dû vous chatouiller les doigts avec une frustration de ne pas pouvoir faire des live ?
On a sans doute réagi comme tout le monde : d’abord la sidération puis les apéros partagés à distance et des vidéos enregistrées en re-re. On a fait deux morceaux de l’album en semi acoustique et un featuring de « Los Mescalleros », « lagrimas del sol », avec le chanteur qui est un bon pote. Et puis on a tous travaillé notre instrument et ce qui devait arriver … une grosse poignée de morceaux mis en boîte sur nos home studios à travailler cette année pour le prochain album ! Mais évidemment manquent la scène et le contact avec le public. On avait plein de concerts et de festivals, la fête de la musique … oui, une vraie frustration, encore aujourd’hui, que le travail d’écriture ne remplace pas, mais on a tellement le plaisir déjà de se retrouver en répétition autour des instruments et des micros.
L’album est sorti il y a quelques temps maintenant, avez-vous été surpris par les bons retours ?
Malheureusement oui ! (rires) D’abord les centaines de fans que l’on a invités dans une soirée privée pour la sortie de l’album ont été unanimes, bon d’accord. Ensuite on a reçu plusieurs critiques de spécialistes, de favorables à enthousiastes, mais on en n’a pas vraiment trouvé des critiques pointaient des trucs bien précis. Or nous nous attendions quand même à ce type de retour, c’est dans la critique constructive que l’on continue à bien évoluer… ou alors notre sincérité dans cet album est parfaitement lisible.
Quels sont vos projets, vous n’allez pas mettre 20 ans pour nous sortir un nouvel album ?
On est plutôt sur un cycle deux ans : ' Satellite of live' puis ' Some days '. On vient d’en parler, c’est déjà en cours : les maquettes sont à moitié finies, il faut trier, jeter, garder, arranger, structurer, harmoniser, remaquetter, avant que le producteur artistique nous demande de tout revoir (rires) … enfin vous voyez bien le chemin, quoi. Rendez-vous à la sortie !
Est-ce que votre ambition est de signer avec un label et de relancer définitivement votre carrière ?
On accueille avec bienveillance tout ceux qui peuvent trouver un intérêt à partager notre projet. (Ça va ? c’est assez politiquement correct comme ça ?!) et si ça leur fait plaisir qu’on fasse carrière … on les laissera faire ! Mais nous serons vigilants que tous conservent ou adhèrent à l’esprit qui nous caractérise.
Que pensez-vous de l’actuelle scène rock française, elle semble renaitre et quels sont les groupes actuels que vous écoutez ?
Je crois qu’ici je vais vous retourner la question, à vous et à vos lecteurs…..On appelle ça « botter en touche » ! En groupes français, on écoute des choses très différentes suivant le city qui vous parle, ça va de Ultravomit, No One, Gojira ou Lofofora pour les plus métalleux au pur rock’n roll de nos amis Havrais de « François Premiers » (Frandol ex Roadrunner et François Lebas ex Fixed’up) ou Little Bob, mais c’est plutôt une scène française d’expérience que je cite, ce ne sont plus des jeunots. En groupe récent, on a partagé la scène il y a 5 ans avec Cachemire, un groupe Nantais, on a bien aimé, belle énergie. En fait, la seule scène rock française que nous trouvons active actuellement, c'est la scène metal qui voit émerger d'excellents groupes et je pense que le Hellfest y est pour beaucoup, Ça a créé une dynamique que le rock'n roll n'a plus, les festivals rock comme les Eurockéennes, se sont trop diversifiés pour des raisons économiques et les artistes présents à l'affiche sont surtout de grosses machines en tournée........
Un dernier mot pour les lecteurs de Music Waves ?
Restez prudent, restez sur le qui-vive, restez à l’écoute, restez curieux et partagez par la musique avec tout le monde et pourquoi pas avec les « City ».