Souvenez vous de Cindy et de Billy Crawford ? Music Waves a pu rencontrer leur homonyme. Le groupe Crawford qui sort son premier album "Cindycore Propaganda" ! 23 titres d'une grande énergie entre fusion metal hardore et hip hop qui dégage les bronches (et les oreilles) en cette période de pandémie et de confinement. Mieux que Vicks et la chloroquine, Crawford !!
Première question naturelle : le nom du groupe. Vu le style que vous avez créé, on opterait naturellement pour un hommage à Cindy du même nom mais si ce n’est pas le cas, avez-vous des nouvelles de Billy ?
Non pas de news de Billy, il avait cartonné qu’en France finalement et ce grand artiste est tombé dans l’oubli comme bien d’autres génies avant lui.
Crawford lance un nouveau genre musical : le Cindycore, sorte de metal fusion sous testostérone, peut-on dire que le Cindycore est une façon détournée pour donner un coup de fouet à un genre musical daté ?
Des groupes comme le nôtre sont à la croisée de plusieurs chemins et c’est toujours compliqué à cataloguer. Souvent, on nous mettait une étiquette Rock/Metal ou Hardcore ou Rock alternatif mais ça ne correspondait pas trop à ce qu’on voulait dégager. On a donc mis notre propre étiquette « Cindycore », clin d’œil à notre nom, et pour clamer notre identité. Oui, le metal fusion et le néo metal ont connu leur heure de gloire et beaucoup s’en sont détournés, par snobisme ou hypocrisie, alors que ces styles ont été une influence majeure à la fin des années 90’s et dans les années 2000, ça a influencé beaucoup de groupes de tous styles et créé des liens forts entre le metal et le rap. On est fiers de reprendre ce flambeau et de le mettre à notre sauce en s’appuyant aussi sur de nombreux mouvements dont le retour de la Team Nowhere.
Selon vous, qu’est-ce qui vous différencie de la scène metal fusion de l'époque et d'un Smash Hit Combo aujourd'hui ?
La scène metal fusion de l’époque était finalement assez stéréotypé et c’est normal, c’étaient les premières bases d’un style. C’était il y a 20 ans ! Beaucoup de choses sont arrivés dans la scène rock, metal et rap depuis 20 ans. Je pense que ce qui nous différencie c’est de n’avoir aucune retenue dans le mélange des styles mais aussi dans l’utilisation d’outils numériques comme les synthés, les machines, etc. La différence se joue aussi dans l’accessibilité du home studio qui donne une possibilité infinie dans les arrangements et les compositions. SHC est dans cette veine, ils ont un côté plus metalcore et technique que nous dans les compos mais beaucoup de gens nous comparent à eux. On devait d’ailleurs faire notre release party avec eux.
C’est
excitant de voir comment un même texte mis dans des instrus totalement
différentes apportent des émotions différentes voir opposées.
Dans votre album "Cindycore Propaganda", vous proposez deux façons de voir vos chansons (une fusionnelle : metal, hardcore, hip hop et l’autre typiquement rap). Qu’apportent les versions fusionnelles (Cindycore), qui manquerait éventuellement aux version rap ?
Les deux versions apportent des choses différentes, des atmosphères différentes. C’est très intéressant et nous en sommes les premiers surpris d’ailleurs ! C’est excitant de voir comment un même texte mis dans des instrus totalement différentes apportent des émotions différentes voir opposées. C’est deux salles, deux ambiances ! Nous avons composé les morceaux sous leur forme cindycore, c’est donc leur forme originelle, le rap est venu après mais nous a vraiment plu et étonné grâce à toutes les personnes qui ont collaboré sur cette partie.
Au départ vous étiez un power trio et cet album est rempli de collaborations à l’image des albums de rap où le collectif semble être très important, comment se sont construites ces interactions et en êtes-vous venu à collaborer avec Lydie, le rappeur limougeaud Peter, Dekay de Périgueux, le beatmaker Kr!lla entre autres et surtout le rappeur français James Delleck ?
On a toujours kiffé les featurings dans les morceaux que l’on pouvait écouter, ça amène souvent des nouvelles choses qui viennent booster un morceau. Côté rap, comme c’était nouveau pour nous, ça nous semblait important de nous appuyer sur des gens qui sont dans le milieu depuis longtemps. Après pour James Delleck, c’est un pote (Julien) qui le connaissait et qui nous a dit que James Delleck créait des beats également, On est venu le voir là-dessus. Ce qu’on a fait lui a plu d’où l’idée et l’envie de poser du flow dessus. Kr!lla est un beatmaker et un vrai musicien, il vient du metal aussi donc nous avions plein de points communs. Je pense que tout ce beau monde a aussi été intéressé par ce concept de double album.
Dans vos chansons vous évoquez les fêtes, les vacances et les road trips (‘Summer Trip’, ‘La Hollande Classique’, ‘Maliboule Beach’) mais aussi vous faites passer des messages sous forme de « punchtrack »(‘Amateur’) quelque peu désabusé et sombre (‘Petite Fleur’), Crawford est définitivement un groupe schizophrène ?
Les 4 membres de Crawford écrivent des textes, nous avons tous des sensibilités et des visions différentes dans le groupe, ça nous apporte plein d’atmosphères différentes. Le plus important dans Crawford c’est cette capacité à nous entendre, nous écouter, nous entraider, il n’y a pas un chanteur songwriter, un guitariste qui apporte des riffs, etc. Tout le monde fait plusieurs instruments et peut donc apporter sa patte. Pour les textes, tout dépend de notre humeur, nous sommes souvent très positifs mais il y a des choses qui nous énervent également donc on les met sur papier. Le collectif est un vrai plus. Ça permet également d’avoir un album très polymorphe qui peut toucher tout le monde et surtout qui peut s’écouter plus facilement car il est très varié, il y a moins de risque de lassitude.
Les musiques « s’embourgeoisent » car elles deviennent mainstream justement.

On a souvent dit que le rock et le punk étaient revendicatifs, mais aujourd’hui et depuis plusieurs années le rap a pris le relais d’un rock qui s’est embourgeoisé. Mais ce dernier n’est pas à l’abri non plus d’une perte d’identité, notamment quand il devient mainstream. Que pensez-vous de cette évolution du rap qui s’est démocratisé et ne craignez-vous pas un embourgeoisement de celui-ci si ce n’est pas déjà fait et pensez-vous être le garant d’une certaine authenticité ?
Les musiques « s’embourgeoisent » car elles deviennent mainstream, justement. Ce qui a fait défaut au rock et au punk c’est un problème générationnel. Les jeunes revendicatifs d’hier sont les vieux cons d’aujourd’hui. Il y a parfois dans le rock, le punk et le metal une mentalité un peu détestable du « c’était mieux avant », « aujourd’hui, il n’y a plus rien de nouveau », etc. On la retrouve à tous les niveaux : programmateurs, responsables de bar et salle, chroniqueurs et musiciens. Cette mentalité n’est évidemment pas le plus simple pour intéresser les jeunes. Le rap a réussi à s’intégrer dans la culture musicale en donnant une image du « tout est possible » et « on ne se fixe aucune barrière », ça donne envie. Ils se sont imprégnés de tous les styles de musique (disco, techno, jazz et rock) et ont en plus su profiter de l’arrivée et de l’accessibilité de nouvelles technologies. Alors bien sûr qu’il y a dans le rap des dérives mercantiles qui amènent des morceaux pas terribles mais il y a une incroyable énergie qui doit inspirer tous les styles musicaux. Avec Crawford, on a une grande ouverture d’esprit, c’est ce qui nous permet d’avancer.
Votre album est un hommage aux groupes fusionnels (RATM, Cypress Hill…) qui finalement ne semblent pas avoir eu d’héritiers presque, est-ce que pour l’avenir vous allez vous inscrire définitivement dans cette fusion qui au final est une richesse : paroles qui ont du sens et urgence et hargne musicale organique et métallique ?
Notre ADN commun, ce sont évidemment les musiques amplifiées donc il y a peu de chances que Crawford s’éloigne de ça. Oui, on mélangera toujours les influences et les styles. Comme dit précédemment, on reste très à l’écoute de ce qui sort dans plein de styles différents. On ne sait pas où ça va nous mener c’est ça qui est excitant, on ne veut pas reproduire toujours le même schéma. Par exemple, en ce moment, nous écoutons des groupes comme Eskimo Callboy ou Fever333, ça nous inspire beaucoup.
L’écriture est très recherchée avec plein de jeux de mots notamment sur l’écologie dans ‘Rien de Grave’ et notamment c’est dans le rap que les paroles semblent aujourd’hui avoir énormément de sens notamment en français, ce à quoi vous semblez être très attachés alors que beaucoup nous disent que l’anglais est une langue plus musicale. Vous ne ressentez aucune difficulté dans cette écriture ?
Non au contraire, nous ressentirions beaucoup de difficultés à chanter en anglais ! Franchement, nous ne croyons pas que chanter dans une langue qu’on ne maîtrise pas soit une bonne idée. Il y a pleins de groupes français qui le tentent et le résultat est catastrophique. Rammstein chante en allemand et ils ont eu une carrière internationale, ce ne sont pas les seuls. Le français nous donne une très grande liberté dans les termes et les jeux de mots que l’on peut employer. Dans l’écriture, on s’inspire d’ailleurs des rappeurs français comme Nekfeu par exemple, ça donne plein d’idées.
Avez-vous envisagé de passer à l’anglais pour avoir un rayonnement plus international ou à l’instar d’un Smash Hit Combo faire un double album : un français et un anglais destiné à l’international ?
Non pour les raisons évoqués plus haut, même si ce qu’a fait SHC est très fort puisqu’il ne s’agissait pas de traduire juste des paroles du français à l’anglais mais bien de repenser des morceaux.
Cet album "Cindycore Propaganda" contient 23 titres. Ne craignez-vous pas que si votre musique est enthousiasmante que l'écoute d'une traite soit difficile à ingérer et notamment lors de la découverte ?
L’album a été conçu sur 23 titres, on sait que les coûts de fabrication d’un album sont importants. Au moins les gens en ont pour leur argent ! Au-delà de ça, et nous sommes les premiers étonnés, la variation des ambiances, l’apport des featurings font que l’album s’écoute d’une traite, il n’y a pas d’ennui et du coup ça donne vraiment raison à avoir fait un album. Les retours des premiers auditeurs sont très encourageants à cet égard.
On croit toujours qu’il
est important de faire des albums, ça correspond à une période du
groupe, et donc cela a une cohérence, ça impose aussi à l’auditeur de se
poser et d’écouter,

N'aurait-il pas mieux valu étaler sur le temps et sortir 3 EPs et ainsi occuper le terrain dans une industrie musicale qui demande à être plus visible et à raccourcir le délai entre les sorties ?
L’album était prêt, il n’y avait pas de raison d’attendre et de repousser la sortie (il n’y a pas non plus d’enjeux financiers comme les grands groupes peuvent en avoir). On croit toujours qu’il est important de faire des albums, ça correspond à une période du groupe, et donc cela a une cohérence, ça impose aussi à l’auditeur de se poser et d’écouter, plutôt que de consommer de la musique comme on peut regarder des séries sur Netflix. La visibilité sur les réseaux s’acquiert surtout avec l’image, c’est notre ambition cette année d’être plus prolifique en sortie de clips, c’est là que l’on touche des gens qui pourront après se tourner vers l’album.
Ou alors avez-vous déjà des titres en stock pour un prochain album / EP ?
Oui, on commence à composer des nouveaux morceaux et ça nous sort un peu la tête de l’album et de tout ce qu’il faut gérer autour. Ça fait du bien !
On vit une période qui n’est pas simple avec cette pandémie, une période où la musique peut être l’expression d’une certaine frustration, vous concevez la musique ainsi surtout dans son aspect hardcore qui accentue cette urgence et énergie ?
Oui c’est vrai que ce que l’on vit actuellement est très frustrant, ça révèle aussi les comportements humains, les angoisses et les solidarités aussi. Ça nous inspire forcément. On continue à faire de la musique en attendant des jours meilleurs mais oui les prochains morceaux de Crawford ne seront pas calmes, c’est une certitude ! (Rires !)
Vous sortez un album dans un contexte particulier où vous ne pouvez pas le défendre sur scène alors que votre musique doit se vivre sur scène, l’idée de repousser sa sortie vous a-t-elle effleuré et qu’est ce qui a fait pencher la balance pour le sortir maintenant ?
Honnêtement, on avait coché la période de fin octobre depuis longtemps, en pensant que la covid serait derrière nous, on avait même prévu la release party, tout était calé. Jusqu’au dernier moment, on a pensé qu’on pourrait faire les choses, d’une manière différente, mais que l’on pourrait les faire quand même et le couvre-feu est tombé à Limoges puis le deuxième confinement. On se refuse de tout stopper et d’arrêter de faire les choses. Au contraire, cet album était attendu pour nos contributeurs Ulule et par pas mal de personnes qui nous suivent. La sortie du single 'Mogeli' a bien boosté les gens et donné des good vibes dans une période un peu morne. Les artistes ne doivent pas s’arrêter d’exercer, de créer, au contraire, ils participent à l’ouverture des gens sur les autres et sur le monde. C’était encore plus indispensable aujourd’hui qu’hier.
L’album a-t-il été difficile à produire vu cette double orientation et quel a été le défi le plus grand que vous avez relevé ?
L’album a été enregistré au tout début du confinement, en mars, on a l’avantage d’avoir notre propre studio et d’avoir notre guitariste, Romain, comme ingénieur du son, sans ça, cela aurait été difficile. Trois d’entre nous se sont retrouvé en chômage partiel pendant cette période, ça nous a donc laissé tout notre temps pour travailler l’album. Nous dirions même que sans la période de confinement, il aurait été compliqué de faire autant d’arrangements et de faire la partie rap. Tout le monde était à l’arrêt donc le fait que nous avancions à amené pas mal d’énergie positive et la participation d‘un max de monde. Le défi le plus difficile a été de respecter le calendrier, les pistes devaient être prêtes pour le mastering début juin et on n’avait toujours pas enregistré les chants le 11 mai (date du déconfinement), on a dû mettre les bouchées doubles ! Mais ça s’est fait !
Qu’attendez-vous de cet album ?
C’est notre premier album, l’ambition est vraiment d’en faire « une carte de visite » pour montrer ce que l’on a dans le ventre. L’objectif est de permettre avec cet album de nous faire connaitre et repérer par des labels et des tourneurs. On fait énormément de choses en DIY mais on en voit aussi la limite, c’est important à un moment de pouvoir s’appuyer sur des personnes dont c’est le métier pour promouvoir et diffuser notre musique.
Nous vous laissons le dernier mot pour nos lecteurs.
Merci de soutenir les artistes et les webzines comme Music Waves, Venez écouter notre musique et si ça ne vous plaît pas, on est sûr que notre bière vous plaira ! Restez calmes, écoutez un max de zic et préparez-vous car quand ça va repartir, on va bien s’marrer !!!