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TITRE:

STEVEN WILSON (24 NOVEMBRE 2020)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

POP



Avec son nouvel album "The Future Bites", Steven Wilson est revenu sur la confirmation du tournant electro-pop dans sa musique au micro de Music Waves.
DARIALYS - 08.01.2021 -
6 photo(s) - (5) commentaire(s)

Quel style de musique n'aura pas joué Steven Wilson ? On se rappelle de son space rock, du rock psychédélique, du rock progressif, du metal progressif, du post-punk, du drone avec Bass Communion, de la folk angoissante avec Storm Corrosion, de la pop avec Blackfield et récemment au cours de sa carrière solo, et j'en oublie certainement... Le tournant pop pris avec la sortie de son avant-dernier album "To The Bone" a fait couler beaucoup d'encre, marquant une première rupture avec l'héritage progressif laissé par l'excellent "Hand. Cannot. Erase". Avec la sortie de ce nouveau disque, "The Future Bites", dont la sortie aura été reportée de près d'un an à cause de la crise sanitaire, le musicien britannique enfonce le clou aux travers de sonorités essentiellement electro-pop, reléguant la guitare au second plan. Un changement de son que Steven Wilson explique à nos côtés. Il nous livre au passage son regard sur le monde du XXIème siècle, un monde où les réseaux sociaux sont légion, mais il revient aussi sur l'évolution de l'industrie musicale en pleine mutation.


"To The Bone" a semble-t-il constitué le franchissement d’un pallier pour toi en termes de reconnaissance, ça t’a donné notamment la possibilité de faire deux magnifiques concerts au Royal Albert Hall, avec le recul es-tu entièrement satisfait de cet album et de ce qu’il t’a apporté ?

Steven Wilson : C’est très dur à dire, en réalité. A chaque fois que je sors un nouvel album, c’est une réaction contre le précédent. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas fier de chaque album précédent, mais quand j’ai écrit "To The Bone", j’étais à un stade de ma vie différent. L’identité de ce nouvel album, "The Future Bites", reflète mieux qui je suis à l’heure actuelle sur le plan musical que "To The Bone". Après, est-ce que j’ai été satisfait du succès de cet album, c’est oui ! Beaucoup ! Ça m’a ouvert de nouvelles portes et ça m’a apporté beaucoup de nouveaux fans. Donc avec le recul, j’en suis très heureux. Cela m’a permis de franchir un cap dans ma carrière.


J’essaye de lutter contre l’idée que je suis un artiste qui ne joue que d’un seul style de musique.

 

Pour autant, l’album "To The Bone" a semble-t-il été celui qui a le plus clivé tes fans de la première heure. En as-tu eu conscience et comment l’expliques-tu ?

Steven : Eh bien… Parce que ce n’était pas du rock progressif, c’est aussi simple que ça ! Il y a quelques fans qui pensent que je suis un artiste générique et que je fais du rock progressif, et je comprends pourquoi, car les deux précédents albums rendaient hommage au rock plus conceptuel des 70's. Quand "To The Bone" est sorti, il y avait plutôt une ambiance 80’s, un aspect electro un peu plus présent, alors certains ont été déçus que je ne sorte pas un nouvel album de rock progressif. J’essaye de lutter contre l’idée que je suis un artiste qui ne joue que d’un seul style de musique. Mais c’est difficile au XXIème siècle, car encore plus que lors des décennies précédentes, les gens ne se plongent pas autant dans la musique qu’auparavant. Leur approche est très superficielle. Ils se font une idée d’une chanson après l’avoir écouté une fois, ou même au bout de 30 secondes. Mes albums, au contraire, demandent à être écoutés pleinement. Il faut plonger dans l’album, du début à la fin. "The Future Bites" crée beaucoup de controverses car les gens s’attendaient encore à ce que je revienne avec un album de rock progressif dans ce genre. Et finalement, c’est un album très contemporain avec très peu de guitare et une dimension électronique importante. Il est assez direct.

 

Après la sortie de "To The Bone", avais-tu déjà une idée de l’orientation de "The Future Bites" ? Est-ce que les compositions sont issues des sessions d’écriture de "To The Bone" ? Car ‘Follower’ par exemple, me rappelle un peu ‘Detonation’.

Steven : Je dirais qu’il y a une forme de continuité entre les deux albums. ‘Detonation’ est le dernier morceau que j’ai écrit pour "To The Bone". Et je crois que lorsque je me suis mis à composer pour "The Future Bites", je venais de finir d’écrire ‘Detonation’ depuis quelques mois. Donc il y a toujours une forme de continuité, sur l’aspect électronique notamment. J’aime bâtir des ponts entre les albums, mais quand un album sort, je me pose toujours la question : « qu’est-ce que je peux faire de différent maintenant ? ». « Qu’est-ce qui va donner à cet album une raison d’exister dans mon catalogue ? ». L’histoire est de ne pas faire la même chose et toujours. Bien sûr, je ne peux pas m’écarter de ma propre personnalité musicale, il y a certaines choses qui me caractérisent : un son particulier, des clichés qui reviennent, certains accords, certains sujets dans les paroles… Il y a toujours des choses qui se retrouvent d’album en album, et je pense que c’est une bonne chose.

 

Et je pense que tu as trouvé ton son ! Tu peux en être fier.

Steven : J’ai appris à en être fier au fil des années. Pendant longtemps, je n’avais pas trop confiance en moi, notamment en tant que chanteur. Mais avec le temps, j’ai appris à être fier de mon son et de mon approche qui devenaient assez reconnaissables.

 

Quand je démarre l’écriture d’un nouvel album, je me dis toujours que je n’ai rien de nouveau à apporter.

 

 

A chaque album, tu abordes un nouveau style musical, il y a des ponts, des passerelles, comme tu dis, mais n’as-tu pas peur que ce principe s’épuise à terme ?

Steven : Absolument, c’est une vraie préoccupation ! Quand je démarre l’écriture d’un nouvel album, je me dis toujours que je n’ai rien de nouveau à apporter. J’ai eu la chance au cours de ma carrière de me prouver le contraire, de trouver de nouvelles choses à faire. Pour "The Future Bites", j’ai encore eu le sentiment que je ne pourrai rien faire d’autre par la suite. J’ai toujours peur de ça, mais d’une certaine manière, cette peur me donne de l’énergie pour chercher une nouvelle exploration. Aujourd’hui j’ai 53 ans et j’exerce ce métier depuis 28 ans. Je me suis surpris à être capable d’écrire un album comme "The Future Bites", qui soit aussi frais et nouveau pour moi à 53 ans.

 

A l’écoute de l’album, c’est la première fois qu’on sent qu’il y a moins de différence avec le précédent album. Est-ce le style abordé qui donne ce sentiment pour toi ? 

Steven : C’est intéressant, d’accord ! A vrai dire ce n’est pas vraiment comme ça que je réfléchis aux choses. "To The Bone" était un album vraiment basé sur la guitare. La plupart des chansons ont été écrites à la guitare qui est l’instrument principal du disque. Sur "The Future Bites", à part sur une chanson ou deux, il n’y a pas beaucoup de guitare. La sensibilité est plutôt électronique. Donc pour moi, la différence entre ces deux albums semble être plus importante que celle que tu me décris, c’est intéressant.

 

Oui, car les deux albums sont très accessibles, je dirais. Avant cela, ta musique demandait un certain effort pour s’y plonger totalement.

Steven : Oui c’est vrai. Cet album est plus direct et plus accessible. Il n’y a pas de solo non plus, ou ils sont plus en retrait. La guitare a une approche de design sonore.

 

 

Il y a 25 ans, si tu avais une opinion, tu la gardais pour toi, ou alors tu la partageais à ta femme. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de la partager avec le monde entier.

 

 

C’est intéressant en effet. "The Futures Bites" s’impose à nouveau comme un album très conceptuel qui va une nouvelle fois plus loin que la musique avec un site internet dédié tournant autour du mercantilisme et de la surconsommation. Seulement, la pandémie est venue contrecarrer la sortie de l’album. Jusqu’à quel niveau la pandémie a remis en cause ce concept (hormis le report de juin 2020 à janvier prochain) ?

Steven : Ça a été particulier car l’album devait initialement être lancé en mars et paru en juin. Déjà, à la base, il y a dans cet album cette idée d’un futur qui devient effrayant. Les humains évoluent, les réseaux sociaux étaient en train de changer. Et puis bien sûr, la pandémie est arrivée. D’une certaine manière, le concept de l’album est devenu encore plus pertinent. L’album a été écrit à une période où le Brexit, les réseaux sociaux, l’administration Donald Trump… toutes ces choses se sont combinées dans ma tête. J’avais le sentiment que les gens devenaient plus agressifs, avec des avis arrêtés sur tout, plus obsédés par leur propre image. Internet et les réseaux sociaux en sont à l’origine. Tout la monde a une plateforme pour être une célébrité dans leur propre univers ! Tu postes une idée, et tu vois des commentaires, des likes, des réactions qui arrivent. C’est quelque chose de très nouveau pour l’homme ! Il y a 25 ans, si tu avais une opinion, tu la gardais pour toi, ou alors tu la partageais à ta femme. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de la partager avec le monde entier. Mais malheureusement, je pense que cela crée un climat agressif, avec beaucoup plus de haine, moins de tolérance. Donald Trump utilise d’ailleurs les réseaux sociaux à son avantage pour récupérer les gens qui sont remontés. C’est une période malheureuse de notre histoire. J’espère que les choses vont devenir un peu plus positives d’ici un an ou deux.

 

J’espère aussi ! J’ai l’impression que tu as changé d’avis par rapport à Facebook et aux réseaux sociaux en général ? C’est difficile pour un artiste car même si tu n’aimes pas ces outils-là, ils restent inévitables pour communiquer avec son public.

Steven : Oui, absolument. Je suis très conscient de la possibilité que l’on me taxe d’hypocrite car j’utilise les réseaux sociaux que je mentionne sur l’album avec un regard critique. Ce que je dirais, c’est que les réseaux sociaux et la consommation sont de magnifiques choses qui peuvent nous donner d’immenses opportunités d’être curieux du monde dans lequel on vit. J’aime consommer ! J’achète beaucoup d’albums, c’est l’une des joies de ma vie ! La critique ne vient pas directement de la consommation. Ce que je critique, c’est plutôt la manière dont certaines personnes ont choisi d’y avoir recours. Toutes les théories complotistes, la haine, l’homophobie, le racisme, les préjugés, tout cela vient des réseaux sociaux qui donnent la possibilité aux gens de s’exprimer. Ce n’est pas la faute de la technologie, c’est la faute des gens qui l’utilisent comme ça. Toute cette notion d’obsession de soi a été amplifiée par les réseaux sociaux pour moi.

Quand on regarde un peu ta discographie (je vais mettre de côté "Insurgentes"), il semble que tu remontes le temps dans ta manière d’aborder tes projets (du jazz rock de "Grace For Drowning", au rock progressif de "The Raven That Refused To Sing", au rock plus urbain de "Hand. Cannot. Erase." à la pop années 80 de "To The Bone"), aujourd’hui le trip hop et electro avec des touches un peu funky (‘Eminent Sleaze’) des années 90. Est-ce que tu procèdes de manière chronologique ? Tu as rendu hommage à des musiques plus anciennes, et maintenant, il était temps pour toi de faire quelque chose de plus contemporain ?

Steven : Exactement, c’est exactement ça ! J’ai jeté un coup d’œil à mes albums précédents. "To The Bone" était un hommage à la pop expérimentale des années 80. J’ai réalisé que "The Raven That Refused To Sing" était mon hommage au rock conceptuel des années 70. "Insurgentes" était mon hommage au shoegaze et au post-punk des années 80. Cette fois-ci, j’avais envie de faire un album qui ne pouvait qu’être fait en 2019 ou 2020, qui n’aurait pas pu exister avant. Et c’était très important pour moi. Tu disais que "To The Bone" et "The Future Bites" étaient assez similaires mais pour moi il y a une différence fondamentale dans la mesure où "The Future Bites" incarne la musique de maintenant, alors que "To The Bone" incarne celle du passé, ce qui est une grande différence sur le plan philosophique. Mais absolument, cet album est dans l’air du temps !

 

Quand tu as commencé ta carrière solo, est-ce que tu avais planifié les choses comme ça ? Savais-tu que tu irais de la musique du passé à la musique actuelle ? Ou est-ce que c’était inconscient de ta part ?

Steven : Je pense que certains choix étaient conscients. Quand j’ai sorti "Insurgentes", Porcupine Tree existait encore. C’était une idée consciente de jouer une musique très différente de l’idée que les gens avaient de moi, musicien d’un groupe de metal progressif. J’ai grandi dans les années 80 avec des groupes comme The Cure, Joy Division et Cocteau Twins. J’ai eu envie de mettre en exergue cet aspect de ma personnalité. C’était quelque chose de délibéré. Quand j’ai fait "The Raven That Refused To Sing", c’était aussi un hommage conscient au rock progressif des années 70. Mais certains autres choix ont été moins conscients. De toute façon, je ne peux pas cacher mon ADN musical. Je ne peux pas cacher ma personnalité musicale. Aujourd’hui est paru le single ’12 Things I Forgot’. Il y a beaucoup d’harmonies vocales sur ce morceau. Certains disent : “on dirait les chœurs de "The Dark Side Of The Moon" ”. Je me suis dit : “Wow, vraiment ? C’était la dernière chose que j’avais en tête en faisant ça !”. Mais en même temps, un groupe comme Pink Floyd et un album comme "The Dark Side Of The Moon" sont très ancrés dans mon ADN. Parfois j’y fais référence sans même m’en rendre compte. Donc parfois, c’est conscient et parfois pas du tout !

 

Pour moi, ton approche est similaire à celle de David Bowie. Tu es le David Bowie des années 2000 ! Il a perpétuellement changé de style quasiment à chaque album. "The Future Bites" pourrait-il être ton "Let’s Dance", celui qui va te faire franchir un cap supplémentaire dans la reconnaissance ?

Steven : Eh bien, je ne sais pas, mais tout d’abord, je suis très honoré par ta comparaison car il est une grande référence, celle d’un quelqu’un qui change constamment, qui se réinvente constamment. Mais je dirais qu’il est beaucoup plus difficile d’être ce genre de musicien en 2020 que ça n’était le cas dans les années 70 ou 80. L’attention des gens est beaucoup plus restreinte, et il y a un accès à beaucoup plus de musiques maintenant qu’à l’époque. Il y a des milliers de chansons qui sortent tous les jours, peut-être même des centaines d’albums. Le problème avec toute cette musique, c’est qu’il est très difficile pour quelqu’un comme moi d’avoir l’impact comme David Bowie a pu en avoir à l’époque, lorsqu’il n’y avait pas autant de musique que maintenant. Quand il n’y avait pas autant de musique, tout n’avait pas été fait comme aujourd’hui. J’adorerais penser qu’un album comme "The Future Bites" puisse ouvrir des gens qui ne me connaissent pas à mon univers. Cela leur permettrait d’entrer par une porte plus accessible, même si je n’ai pas le charisme et les qualités de David Bowie ! (Rires). Et je pense que c’est exactement ce qui est arrivé avec "To The Bone" ! Beaucoup m’ont découvert avec un morceau comme ‘Permanating’ ou ‘Pariah’, qui étaient des portes d’entrées très accessibles vers ma musique. Donc j’espère que "The Future Bites" va continuer dans ce sens-là !

 

Ta musique en tout cas me paraît plus lumineuse, plus positive qu’à l’accoutumée. Lors de notre dernière interview (en 2018), on te demandait ce qui pourrait t’arrêter, entre l’amour ou la mort. Tu avais répondu l’amour probablement, et ajouté qu’il pourrait changer ta musique. Tu t’es marié récemment. Est-ce que tu penses que cela a changé ton approche de la musique ?

Steven : C’est très dur de mesurer l’impact que cela a pu avoir sur ma musique. Je continue d’écrire de la musique quoi qu’il arrive. Dans tous les cas, c’est ma profession. C’est la seule chose que je peux faire. Je continuerai d’écrire de la musique, mais en même temps, ma vie tout autour est en train de changer. Est-ce que cela aura eu un impact sur ma musique ? J’imagine que oui, mais je ne saurais pas vraiment dire comment cela se matérialise. Tu me dis que l’album te paraît plus lumineux. Je pense que c’est vrai, mais en même temps, le concept du disque est toujours assez sombre, donc je pense qu’il y a toujours beaucoup de colère en moi. Il y a beaucoup de chansons sur la perte, le regret, la mélancolie, l’amour perdu… Ce sont toujours les mêmes sujets qui me préoccupent, mais est-ce que la musique est plus joyeuse, paradoxalement je crois que oui ! Peut-être parce que ma vie a changé, oui !

 

Par le passé, ta musique était plus sombre et mélancolique, et d’une musique sombre, tu as évolué vers une musique plus abordable et plus lumineuse. C’est notamment le cas de ton projet Blackfield. Si je fais un parallèle avec la vie, il semblerait que tu deviennes plus positif en prenant de l’âge et que cela transparait dans ta musique, alors que dans la vie, en général, plus tu vieillis et plus tu portes un regard plus sombre et plus réaliste sur les choses. Pour toi, les choses semblent évoluer dans l’autre sens. Serais-tu le Benjamin Button de la musique ? Comment peux-tu expliquer ça ? Est-ce que ça vient du fait que tu as recours à une musique plus électronique peut-être ?

Steven : C’est possible ! Je pense qu’en partant d’une musique plus électronique, cela donne un peu plus de brillance à la musique. Nous vivons dans un monde électronique, n’est-ce pas ? Nous sommes entourés de sons électriques, de gadgets, etc. On ne vit plus dans le monde des guitares, de la basse et de la batterie. Je simplifie un peu, mais c’est l’idée. Ce côté électronique amène de la gaité, et c’est ce qui berce nos vies aujourd’hui. Mais peut-être que cela a un rapport avec le fait de devenir plus vieux ? En vieillissant tu peux te demander à quoi ça sert de s’attarder sur le malheur et la mélancolie tout le temps car la vie est un cadeau incroyable. Mais les paroles de cet album sont assez sombres et critiques du monde dans lequel on vit. Donc peut-être qu’il y a un décalage entre la musique et les paroles. En tout cas, j’ai le sentiment que les deux vont plutôt bien ensemble. Je serais très heureux que cet album attire de nouvelles personnes car je pense que ce côté joyeux justement est plus simple à apprécier. Cela rend la musique plus accessible, même s’il y a des niveaux plus sophistiqués dans cet album. Et je pense que c’est le propre et la beauté de l’art, quand tu arrives à atteindre cet équilibre entre accessibilité et profondeur.

 

Le nom de l’artiste n’a même plus d’importance. Ce qui importe, c’est la chanson.

 

 

Les paroles sont même parfois cyniques, notamment sur ‘Personnal Shopper’ où le narrateur ordonne qu’il faut acheter ceci ou cela pour l’Angleterre et notamment les éditions deluxe, les vinyles… Que souhaites-tu faire passer comme message et comprendrais-tu qu’il soit mal perçu dans la mesure où ce message semble critiquer l’industrie musicale alors que tu es toi-même un acteur de cette industrie ?

Steven : Je suis dans une position très étrange car comme tu dis, je dépends de l’industrie musicale étant donné que c’est ma profession. Mais d’un autre côté, j’ai vu cette industrie muter du tout au cours de mes 28 ans de carrière. Elle n’a rien à avoir avec ce qu’elle était à mes débuts. La manière dont les gens consomment la musique est très différente. Leur manière de l’écouter et de la découvrir a changé. Une part de moi trouve que c’est bien, car la musique se doit de changer, d’évoluer et de challenger l’auditeur. Mais je ne peux m’empêcher de regretter que certaines choses magiques aient disparu : l’art d’écouter un album du début à la fin, de l’écouter comme un film car il te fera voyager. Je pense que c’est dommage, car la culture du streaming a rendu ce modèle obsolète. Aujourd’hui, on se focalise sur la chanson, plutôt que sur l’album et l’artiste. Le nom de l’artiste n’a même plus d’importance. Ce qui importe, c’est la chanson. Je trouve ça triste car ce n’est pas ce qui m’a fait tomber amoureux de la musique. Je suis tombé amoureux du fait d’écouter un album, de considérer l’artiste comme un auteur. Ça, c’est quelque chose qui a disparu. J’aime le fait que la musique évolue, mais je vieillis, et je trouve parfois que certaines belles choses ont disparu. Mais peut-être que c’est une constante dans l’histoire ! A mesure que l’on avance, le genre humain a gagné des choses et en a perdu d’autres. C’est pareil pour la musique j’imagine !

 

Les femmes ont une très grande place dans cet album avec énormément de chœurs (‘Self’, ’12 Things I Forgot’, ‘Eminent Sleaze’…). Parfois, on tend même vers le gospel. D’une manière générale, elles tiennent une place de plus en plus importance dans ta carrière solo (avec Ninet Tayeb par exemple au cours des deux précédents albums). Qu’est-ce qu’elles apportent de plus à ta musique ?

Steven : C’est une très bonne question ! Je ne sais pas si j’ai une réponse très convaincante à t’apporter car ce n’est pas une question que j’avais anticipée. Mais tu as raison ! La présence des femmes dans les derniers albums est de plus en plus importante. "Hand. Cannot. Erase." était même écrit du point de vue d’un personnage féminin, et sur cet album, tu as raison, le chant féminin est très présent. Je ne sais pas en fait ! Il y a un morceau sur cet album qui est écrit du point de vue d’une femme, sur le titre ‘Man Of The People’. A la base, ce devait être un duo avec une chanteuse mais finalement je n’ai pas retenu cette idée. Mais c’est intéressant, je vais y réfléchir ! C’est une très bonne question mais je n’ai pas de réponse, en fait ! (Rires).

 

Désolé ! (Rires).

Steven : Oh non, je suis très content ! J’aime quand on me pose des questions challengeantes !

 

J’ai peut-être une explication. C’est peut-être un aspect féminin de toi qui s’exprime dans cet album ?

Steven : Je ne sais pas, peut-être ! J’ai toujours eu beaucoup plus de facilités à avoir des amies femmes que des amis hommes. C’est peut-être lié !




‘Personal Shopper’ avec ses 9 minutes est le titre qui semblait être le moins compatible avec un single, pourtant c'est le premier que tu as choisi. Y a-t-il une volonté derrière ça ? Peut-être allier la pop et donc la nouvelle orientation avec ton public de « historique » plus progueux ?

Steven : Eh bien, non je ne crois pas. Car effectivement c’est un long morceau, mais le « vocabulaire » de ce morceau est très loin du monde du rock progressif. Je pense plus que, lorsque tu es un artiste et que tu sors un album dans un monde où il y a autant de musique en circulation, c’est parfois difficile de marquer l’esprit des gens. Donc l’enjeu est de sortir un morceau qui va faire parler les gens. ‘Personal Shopper’ a fait vraiment fait parler de lui. Certains l’ont détesté, d’autres l’ont adoré, certains ont aimé l’idée derrière le morceau, d’autres l’ont détesté aussi. Le but c’est que les gens en parlent. C’est tout ce que je peux espérer, surtout aujourd’hui. Même si ça ne plaît pas à tout le monde, cela montre un intérêt. En tant que single, c’était un morceau que les gens ne pouvaient pas ignorer. Je savais qu’ils le remarqueraient, qu’ils l’écouteraient et qu’ils auraient un avis dessus. C’était mon idée.

 

‘12 Things I Forgot’ est un morceau un peu à part sur l’album avec une ambiance différente. Pourquoi avoir mis un morceau aussi différent sur cet album ?

Steven : Oui j’imagine, mais c’est une chanson très expressive. Son vocabulaire musical est un peu plus classique. La réponse est que j’aime les albums où toutes les chansons sont différentes, où toutes les chansons ont un aspect différent. Ce que j’aime sur "The Futures Bites" c’est que chaque chanson est assez différente. ‘Personal shopper’ est différent de ’12 Things I Forgot’ qui est différent de ‘King Ghost’, qui est différent de ‘Follower’, lui-même différent de ‘Count Of Unease’. Pourtant, ils constituent un tout, tous ensemble. C’est le genre d’albums que j’aime. Un peu comme "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band" (des Beatles, ndlr) : il y a ‘When I’m Sixty-Four’, mais il y a aussi ‘With A Little Help From My Friends’ et ‘A Day In The Life’. Ces albums où les morceaux sont très diversifiés et surprenants, ce sont ceux que je préfère. J’imagine que c’est la réponse à ta question.

 

A la fin de tes albums, tu mets quasiment toujours un titre très mélancolique. Ici, c’est ‘Count Of Unease’. Pourquoi un tel choix ?

Steven : Je sais, je ne peux pas m’en empêcher ! (Rires). J’ai toujours été attaché à l’idée de finir un album avec une belle ballade spirituelle. C’est une bonne façon de clôturer un album pour moi. Peut-être est-ce parce que j’ai regardé trop de films tristes ! Ou peut-être est-ce par tradition. En tout cas c’est un moyen de sublimer la fin d’un album. Mais tu as raison, je l’ai beaucoup fait. Je crois que je l’ai fait sur chacun de mes albums solos. Ça laisse un petit côté triste et mélancolique à l’auditeur.

 

Merci beaucoup Steven ! Encore désolé pour la question sur le chant féminin dans ton album ! (Rires).

Steven : Tout va bien, c’était une super question ! (Rires). Ne t’excuse pas, elle était très bonne !

 

Réfléchis-y pour notre prochaine interview ensemble !

Steven : (Rires) Ok !

 

Merci Steven !

Steven : Merci, à bientôt !


Merci à Calgepo pour avoir mené cette interview d'une main de maître !


Plus d'informations sur https://stevenwilsonhq.com
 
(5) COMMENTAIRE(S)  
 
 
CALGEPO
11/01/2021
  0
C’est un travail d’équipe comme toujours
NUNO777
10/01/2021
  1
Bravo aussi Calgepo alors!
DARIALYS
10/01/2021
  0
Pour être tout à fait honnête avec vous, l'interview a été menée par Calgepo, je n'ai fait qu'assurer la retranscription ! Mais merci pour lui !
NUNO777
08/01/2021
  1
Bravo pour cette interview. Quand un intervieweur pertinent rencontre un artiste intelligent ça donne un contenu passionnant. Je regrette de ne pas avoir eu d'éléments de réponse sur l'hypothèse "féminine" que j'avais commencé à esquisser dans ma chronique de "To The Bone", mais bien joué Darialys pour avoir posé cette question.
TONYB
08/01/2021
  1
Super interview ! Des question intelligentes (:-) - bravo Darialys) et des réponses qui le sont tout autant, éclairant d'une autre lumière ce nouvel album que je vais réécouter de ce pas d'une autre oreille (pas sûr que cela me fasse changer d'avis, quoique)
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