CROWN a connu de multiples changements depuis ses débuts avec comme point central Stéphane Azam auquel s'est joint David Husser (qui produisait l'album précédent) afin de proposer un annonciateur "The End Of All Things". Music Waves a voulu en savoir plus sur l'influence du savoir-faire des deux protagonistes en tant qu'ingé-son et producteur (NDLR : David Husser a travaillé sur de multiples projets notamment pour Depeche Mode....), sur le travail de composition mais aussi sur l'évolution du groupe avec cet album pour lequel le label n'hésite pas à faire le parallèle avec Kid-A de Radiohead.
Nous aimons commencer nos interviews par la question qu’on vous a trop posée et à laquelle vous êtes fatigués de répondre, quelle est cette question ?
David : (Rires) Très franchement je vais répondre pour Stéphane, il déteste répondre aux questions sur les textes. Et je le comprends, il les écrit...
Stéphane : Et j'écris n'importe quoi...
David : C'est ça, non seulement il les écrit assez facilement et ça parle rien qu'en lisant les textes. A moins que tu décryptes quelque chose de ta vie ou une expérience que tu as envie de partager, d'expliquer cela ça brise un peu la magie si il y a en a, et c'est jamais facile.
Alors ok, je vais donc rayer 15 questions d'un coup, merci les gars...
David : Non non vas y, c'est ton job (rires) !
Pour une fois, on n'en a pas, c'était prémonitoire. Vous sortez votre nouvel album "The End Of All Things" dans le contexte que l’on connait, est-ce que ce contexte a orienté en partie ce nouvel album dont le titre peut revêtir en cette période une lecture particulière ?
Stéphane : Pas le contexte actuel, puisque l'album est prêt depuis fin 2019. Le titre et l'artwork étaient définis dès 2018. C'est une continuité de l'atmosphère qu'il y a dans l'album, un truc post-apocalyptique, une espèce de point de non retour. Alors oui, ça sort à point nommé avec ce qu'on est en train de vivre, sans l'avoir voulu.
David : C'est vrai que les chansons sur les gestes barrières ou des choses comme ça, ce n'est pas quelque chose que l'on ferait, tu vois. Après c'est une question de sensibilité. Quand on est un peu sensible ou connecté, on sent qu'on n'est pas dans la bonne direction bien avant cette crise. C'est flagrant.
D'un point de vue sociétal cette crise a accentué les choses et ne les a pas provoquées ...
Stéphane : On va dire que c'est la continuité de la merde qu'on a accumulée...
Est-ce que ce n'est pas de notre responsabilité à nous de faire les choses autrement ?
Est-ce qu'on a touché le fond ?
Stéphane : Ça serait bien, oui, de le toucher ce fond.
Didier : Et si il n'y avait pas de fond ? Mais sérieusement il faut l'espérer. On en est tous là. On pourrait philosopher une heure mais on pourrait s'interroger si on est en droit d'attendre qu'un moment quelqu'un décrète qu'on a touché le fond... Est-ce que ce n'est pas de notre responsabilité à nous de faire les choses autrement ? J'en sais rien.
On disait de ne pas extrapoler les paroles mais dans le contexte actuel, ce disque peut revêtir un écho particulier....
Stéphane : Oui c'est évident, même si à la base on ne s'attendait pas à ça.
Vous avez signé chez Pelagic Records, auparavant chez Candlelight Records (Emperor, Ihsahn), qu’est-ce que vous espérez de cette collaboration ?
Stéphane : On n'était pas satisfait du précédent label. On n'était pas les seuls dans ce cas car ils traitaient les groupes comme de la merde, je n'ai pas de scrupule à le dire. Il y a des moments au niveau communication, les gens étaient condescendants, et moi ça ne me convenait pas. Ils proposaient peut-être plus d'argent que Pelagic quand tu fais un album mais si c'est pour travailler avec des gens qui t'imposent quelque chose, du moins, et c'est un exemple, lorsqu'on a sortit "Natron", on avait juste le CD disponible et au moment de la tournée j'avais demandé à ce qu'on ait des vinyles et les gars ne voulaient pas. Ils disaient que ça sera un an plus tard. Et quand j'ai commencé à envoyer des démos, le type à répondu dédaigneux que c'était que des démos. Super la réponse ! J'ai discuté avec d'autres groupes qui sont partis...
Comme Klone notamment...
David : Exact. Il faut dire qu'avec Pelagic, ils sont fantastiques. Ils ont vendu les vinyles dès le premier jour en pré-commande. Cela montre l'efficacité de leur réseau et je crois aussi, sans prétention, qu'ils sont archi fans de ce qu'on fait. Ça dépasse ce qu'on espérait. Ils sont admiratifs et semblent conquis. Je fais attention aux mots car je ne veux pas être prétentieux...
On sent de l'enthousiasme, un renouveau et une confiance en vous que vous aviez peut être perdue avec le précédent label ?
Stéphane : C'est ça, ils sont passionnés, c'est un peu un plus petit label au niveau notoriété mais Robin, le boss, est très ouvert musicalement et pointu avec une esthétique sonore qui nous correspond.
Il vend bien le truc et se mouille car il a eu un mot via Facebook sur l'album avant la sortie ...
David : Absolument, c'est un gars qui va prendre cinq minutes pour parler de ça dans des termes si élogieux que c’en est étonnant. Ça nous met une pression en se demandant si on mérite autant d'éloges, mais aussi ça nous booste. On ne pouvait pas rêver mieux.
Vous êtes adeptes de ces changements. Il y a eu un changement de line up avec notamment sur "Natron" de multiples invités, peut on voir CROWN plutôt comme un collectif (avec un noyau dur) que comme un groupe, un peu à la manière des Anglais ARCHIVE ?
David : C'était le cas, oui, mais ça ne l'est plus aujourd'hui.
Stéphane : C'est vrai que sur les précédents albums il y avait beaucoup d'invités, pour celui-ci nous en avons une seule. C'était d'ailleurs pas prévu à la base. Pour la suite ce sera plus des musiciens en studio ou pour les lives. La il y a un musicien qui a joué sur deux titres un instrument qui vient des pays de l'Est. Ce genre de chose ne conduit plus à nous définir comme un collectif.
David : Je vais te répondre autrement. J'étais pas là avant car sur "Natron" j'étais producteur et mixeur. Et un des trucs que j'avais préféré sur le disque c'était le chant de Steph, cette voix claire de crooner de l'Enfer qui me paraissait sous-exploitée. Et ça tombait assez bien car avec les nouvelles maquettes d'après "Natron" ça correspondait parfaitement. Peut-être qu'il y avait de sa part une forme de timidité pour laisser la voix à des invités. J'ai le sentiment qu'à partir de là on a le noyau dur de quelque chose de plus solide, pas d'un point de vue musical, mais une formule à deux qui pourrait perdurer et estomper l'aspect collectif des débuts.
Il y a des moments où j'ai énormément douté. David a mangé des prises de voix.
Cet album est très dense tant donc d'un point de vue musical que vocalement, où tu es un peu caméléon entre parties hurlées ('Shades'), claires, chevrotantes à la Aviv Geffen de Blackfield notamment sur 'Neverland', comment as-tu travaillé cette confiance en toi et notamment sur cet album où on sent, comme le disait David, qu'il est fait pour mettre ta voix au centre ?
Stéphane : Cela n'a pas été facile car avant je me contentais de chant metal hurlé, même si j'apprécie le chant clair. Je ne bossais pas trop cet aspect-là. Sur les deux premiers albums, je m'occupais des mix et je cachais un peu le chant derrière les guitares pour masquer les imperfections. Et quand j'ai commencé à écrire ce nouvel album je me suis dit que ça allait être un peu plus complexe et difficile. David m'a poussé à travailler là-dessus. Au début tout était relativement plat, et ça a été très dur de faire passer les émotions que j'ai en voix claire. C'est quelque chose de pas simple. Il y a des moments où j'ai énormément douté. David a mangé des prises de voix.
David : Oui, mais moi j'avais aucun doute. En tant que producteur, j'ai dû faire 450 albums donc je sais que c'est une question de travail même si ça peut être déprimant parfois. Tu te dis ça va être une journée de merde mais tu sais bien qu'à un moment tu vas mettre le doigt dessus. Il faut tenir bon. On s'était fixé de toute façon de ne pas être figés par le temps et de terminer le truc une fois entièrement satisfait. Il n'y avait de mon côté aucun doute.
Vous êtes tous les deux ingénieurs du son, en quoi cette activité a nourri les musiciens que vous êtes devenus ? Comment arrivez-vous à trouver l’équilibre entre l’analyse du spectre sonore et la spontanéité créatrice ?
David : Évidemment je suis ingénieur du son mais je suis plutôt producteur et je fais la distinction non pas pour faire le malin mais pour te dire que quand tu produis, ton focus premier est de tirer le meilleur des mecs avec qui tu bosses. C'est réussir à faire des disques cohérents, que la dynamique et les structures soient bien, le mix, les tempos... Je place tous ces points avant l'aspect sonore. Savoir quel pré-ampli, micro et où tu les places, je ne dis pas que ce n'est pas important, mais c'est pour moi presque anecdotique. Pour répondre à ta question, tu te nourris aussi des autres musiciens. J'ai bossé et joué avec des musiciens fantastiques, de niveau mondial et évidemment que ce partage tu en tires quelque chose (un batteur d'Iggy Pop....).
Stéphane : Je suis plus dans tout ce qui est son live. J'ai pas mal tourné avec Alcest, Abbath... Forcément, quand tu vois un groupe tous les soirs, tu reçois des informations que tu utilises par la suite, peut -être inconsciemment notamment dans la construction des morceaux. Par exemple Abbath que je fais depuis des années, pour moi dans les années 90 c'était inécoutable et puis par la suite j'y suis venu et je me suis rendu compte que ce gars-là était un génie dans la composition. Il a une manière de jouer de spéciale, c'est tout de même de la musique extrême mais très épique. Ou même des groupes comme The Ocean qui sont aussi doués. Tu en sors quelque chose. Tu as des tocs. J'écoute pas mal de musique et forcément ça influence ce que tu vas faire.
David : Je vais compléter une seconde si tu veux bien. Pour faire de la prod, je joue peu de la guitare à part quand c'est le moment d'enregistrer. Mon quotidien est pris par l'enregistrement d'autres groupes. Malgré cela je ne peux pas en jouer pendant des mois et crois-moi ou non, lorsque je reprends une guitare, je suis meilleur qu'avant ! J'ai pris en considération le fait que j'analyse le jeu des musiciens avec qui je travaille, je leur dis « tu joues trop en avant, cette première note n'est pas tout à fait juste... » Tu as une attention constante. Alors bien sûr quand tu reprends il te faut quelques minutes voire quelques heures pour rechopper les automatismes, mais malgré cela ton évolution elle continue. C'est le cerveau, ça !
Cet aspect d'analyse ou cérébral on le retrouve chez plusieurs artistes. Le fait d’avoir ce savoir-faire, pas seulement musicien, est-il pour vous quelque chose qui vous permet de faire des choses que d’autres n’auraient pas osées, un peu à la manière d’un Steven Wilson qui lui aussi est ingé son à la base qui ose faire des albums en cassant les codes ou à la manière d'Alan Parsons à l’époque ?
David : Je pense qu'on est assez mal placés pour répondre à ça. On a vraiment fait de notre mieux pour cet album. Alors oui tu as raison, on s'est lancé dans des expérimentations, ça me paraissait à propos. Mais tout cela n'a pas été une décision consciente pour faire un truc pointu par définition. Quand on a commencé, j'ai trouvé les mélodies assez simples dans les thèmes et on a estimé qu'il y avait de la place pour trouver des sons originaux. Les choses se sont faites assez naturellement. Maintenant qu'on en discute, on se rend compte, plus que quand on l'a fait, qu'on a poussé l'expérimentation sonore assez loin notamment des gens qui n'ont pas conscience que les sons de claviers sont des guitares.
Stéphane : Oui, il n'y avait pas forcément une ligne directrice. On a voulu ne pas refaire le même album que le précédent mais après c'est subjectif et empirique.
Quand Gojira change un tout petit un son de guitare, ils ont droit à un
torrent de merde injustifié à mon sens car cette prise de risque c'est
pour moi le même groupe avec une évolution.
Tout à fait, ce nouvel album semble prendre le contre pied de "Natron" avec des titres plus courts là où le précédent proposait des morceaux plus longs. Dans la bio un parallèle est fait entre cet album et celui de Radiohead "Kid A", c’est-à-dire un disque auquel on ne s’attendait pas, est-ce que vous mesurez aujourd’hui le risque que cela représente de sortir un tel album dans une industrie musicale de plus en plus frileuse ?
David : C'est vrai. On y a pensé évidemment mais ça nous a pris 30 secondes de réflexion. Soit on ressort le même disque sans prendre de risque et personnellement on connait des gens qu'on aime bien humainement qui font ça mais pour nous ça n'a jamais été une option. Ce que je tiens à te préciser c'est que depuis qu'on a commencé à diffuser les premiers singles, on a eu zéro commentaire négatif alors que je m'attendais à en avoir un certain pourcentage, des gens qui nous auraient traité de vendus. Alors que tu vois quand Gojira change un tout petit un son de guitare, ils ont droit à un torrent de merde injustifié à mon sens car cette prise de risque c'est pour moi le même groupe avec une évolution. Je comprends pas cette mentalité. Si tu aimes l'album d'avant et que tu voudrais que le nouvel album soit comme ça, ben écoute l'album d'avant !
Stéphane : Après la question est légitime quand tu vois le fossé stylistique entre les deux albums de savoir si les gens vont adhérer. Mais ça ne m'a pas hanté longtemps. Déjà quand on a fait "Natron" je voyais les gens qui venaient nous voir en concert étaient assez ouverts. Ils ont aimé le côté atypique. On ne s'est pas dit longtemps si on allait plaire ou pas, à la limite on s'en foutait un peu, l'essentiel est là, lorsque je compose il faut que ça sorte, c'est une sorte d'exutoire.
David : Et sur la partie maisons de disques, pour avoir fait des centaines d'albums, les meilleurs disques que j'ai produits, il n'y avait pas de maison de disques ou alors des labels un peu artisanaux... budget limite zéro. Le côté frileux des maisons de disques, si tu fais pas Katy Perry ou Lady Gaga, et j'ai rien contre elles, tu ne peux pas compter sur eux. Dès que tu prends le moindre risque, du moins en France, elles te suivront pas. C'est un deuil que j'ai fait depuis longtemps.
Donc c'est bien que les choses se remettent en place, un peu de justice !
C'est pour ça que les musiciens se prennent de plus en plus en main eux-mêmes, on l'a vu il y une paire d'années avec Marillion qui a créé son propre label pour gagner sa liberté, est-ce que les musiciens n'ont pas loupé le coche de cette émancipation avec l'avènement d'internet ?
Stéphane : C'est une très bonne question. Soit il y a des musiciens qui vont rester cantonnés avec une recette et la répéter, et là ça marche....
David : Est-ce que c'est le cas ? Regarde Radiohead, ils ont fait ça très très tôt de commencer à dire qu'il n'y aura pas de CD je crois avec l'album "Hail To The Thief" et à l'époque ils auraient pu signer sur deux maisons de disques en même temps. ils avaient un tel poids, une aura colossale et pourtant ils décident de sortir ce truc eux-mêmes, je crois. C'était osé. Ce truc-là est venu par le biais des musiciens. J'ai eu cette discussion avec des majors françaises comme Universal au début des années 2000 où je leur disais qu'ils vendaient les disques trop chers, qu'ils font trop les malins en mettant un avant "Un disque Universal...." et un jour ou l'autre quand les gens vont se rendre compte qu'un disque ce n'est plus que du remplissage pour la plupart avec 2-3 bons morceaux, vous aurez l'air de fautifs absolus plutôt qu'une grande maison de disques, des fautifs de ce fiasco considérable. Je pense que ce sont eux qui sont plus en retard que les musiciens, pour moi.
Stéphane : Carrément. Quand tu vois que les majors se disent « tiens, le vinyle revient à la mode », il y avait plein de labels underground qui faisaient ça avant. Les petits labels sont pénalisés maintenant car il y a des délais énormes pour les pressages.
David : Et franchement c'est bien fait pour elles. Il y a plein de gens que j'aime bien, mais payer des blindes, bouffer dans des restos d'enfer, sans cracher dans la soupe, ils avaient une vie qui était supérieure à la vie des artistes. Ces mecs t'encensaient quand tu commençais quelque chose mais si jamais ça marchait pas pour une question de promo ou autre, c'était d'un coup la faute du mixeur, de l'artiste des fois de l'auteur... mais jamais de la leur ! Donc c'est bien que les choses se remettent en place, un peu de justice !
L'album est donc dense, on l'a dit. Parmi les références que l’on rencontre dans sa globalité il y a Ministry, Massive Attack, Nine Inch Nails mais vous arrivez à apporter quelque chose de personnel avec du post rock black, du doom et des moments atmosphériques, du doom, c’était aussi important pour vous de vous émanciper de ses influences par cette approche ?
Stéphane : Chouette question (Rires). J'ai toujours été un fan de ces groupes. C'est difficile de répondre à cette question.
David : Déjà quand Pelagic a cité Kid-A, qui est mon disque préféré d'eux, j'ai été surpris et hyper flatté. Je n'aurais jamais fait le lien. Je vais te faire une réponse un peu en queue de poisson. On n'avait pas de disque de référence quand on a fait cet album. On n'a jamais cité la moindre référence. On s'est posé que très peu de questions. La seule était sur la qualité de ce qu'on était en train de faire. Est-ce que c'était assez réussi ? Nos espérances étaient-elles comblées ? Tout le reste n'était pas calculé. C'est un peu comme une peinture de Pollock. Il se met à peindre une sorte de gribouillis et ça rend pas mal. Si pour te lancer dans un tel truc tu commences à dire j'aime Picasso, Rembrandt ou tel autre jamais tu fais ça, quelque chose d'instinctif.
Stéphane : C'est presque un travail ésotérique, tu ne le contrôles pas.
C'est le principe de l'Art qui s'est un peu perdu aujourd'hui dans la musique...
Stéphane : C'est ce qu'il y a de plus excitant quand je compose, ne pas se donner de limites, être incontrôlable. Il faut laisser vivre le morceau et repousser les limites. Ce n'est pas ma conception de refaire les mêmes choses. Alors certains groupes le font, et oui tu auras une satisfaction qui ne durera qu'un temps. Tu finiras par t'ennuyer.
Ce qui vous guide c'est la progression en tant qu'artiste ?
David : Oui, et l'achèvement. On découvre avec le feedback que je suis bluffé par les réactions et les retours. Les gens projettent plein de choses auxquelles je n'aurais pas pensé. C'est juste génial que les gens se fassent leur propre histoire à l'écoute du disque. On a fait ce qu'on avait envie de faire, la tête dans le guidon sans réfléchir à tout ça.
L'idée est que les personnes soient immergées dans le morceau et puissent voyager.
Vous parliez d'imagination, votre musique revêt un aspect cinématographique. ‘Nails’ avec sa première moitié apparait
comme étant très cinématographique avec ses sortes de samples et sa
seconde partie quasi angoissante où la rythmique est largement mise en
avant sous des airs world, c’est quelque chose qui fait partie de votre
cahier des charges de provoquer des réactions, des images surtout ?
Stéphane : C'est ce que j'ai quand je compose, j'ai des images qui me viennent. C'est comme des fresques qui apparaissent, même pour les paroles, j'ai une image qui ne va pas être forcément figée. Mais l'idée est que les personnes soient immergées dans le morceau et puissent voyager. C'est peut-être aussi ce que j'ai envie d'avoir quand j'écoute personnellement un disque, j'ai envie d'être transporté. En toute humilité, c'est ce qu'on a envie de faire passer avec un univers qui apparaît. Ça reste une empreinte importante pour nous, émouvoir les gens, les surprendre.
Là où la musique un peu électronique
peut paraitre froide, "The End Of All Things" parait paradoxalement
très organique, est-ce que vous comprenez que l’on peut avoir ce
ressenti et comment l’expliquez-vous ?
David : Absolument. La première idée est d'avoir enregistré avec un vrai batteur et donc un vrai son de batterie qu'on a trituré tellement que ça peut sonner comme une sorte de boite à rythmes. Alors que la seule boite à rythmes est sur les premières minutes de l'album. J'ai fait beaucoup de guitares, de séquences arpégées qui sonnent presque comme des claviers. On a essayer de brouiller les pistes. On voulait une chaleur organique avec une certaine froideur musicale. Ce sont des oxymores permanents et la question sans être forcément très méditée était de savoir où on situait le curseur. Et c'est super si à la fin on n'arrive pas à définir si c'est chaleureux ou froid. Les voix sont relativement chaudes et l'attitude d'ensemble un peu froid. Alors tu peux dire tiède, mais c'est un peu moche comme mot !
Stéphane : Oui, il y avait un peu cette volonté de troubler l'auditeur. J'ai toujours la référence de Nin Ich Nails où on se pose la question de savoir quels sont les instruments utilisés. C'était assez fascinant.
On parlait cérébral tout à l'heure. Certains titres offrent des introductions
dynamiques comme ‘Gallows’ ou le début de ‘Shades’, de façon
architecturale, c’était important de proposer ces titres permettant
d’offrir des portes d’entrée dans un univers plus sombre et complexe ?
David : Je vais te répondre de façon pas très sexy. Si tu fais vraiment gaffe, on avait beaucoup de morceaux, mais c'était Steph et je l'ai sermonné, avec des tempo identiques et ces deux morceaux sont les plus rapides. On s'en est servi pour réussir à briser le côté un peu linéaire de l'album avec des tempo similaires. Alors oui en tant que producteur, je l'ai mis à chaque fois que je me disais « attention il ne faudrait pas que ça devienne peut être trop monotone ». C'est presque de la sur-analyse !!! On a pris du recul et j'étais attentif. Le côté hypnotique ça peut donner une cohésion comme dans Massive Attack mais il faut à un moment éviter, comme le dit ma chérie, le : "On ne l'a pas déjà écouté ce morceau ?". L'autre truc que je ne supporte pas non plus c'est quand quelqu'un me dit :" ce truc est sympa". Alors là ils ont droit à avoir 20 minutes d'engueulade de ma part. Les mecs ont bossé des mois pour un film ou un album et ils ont en retour ça ! (rires). Une branlette à treize ans c'est sympa, mais bon un album ça mérite mieux que ce qualificatif !
Vous êtes un duo, comment envisagez-vous de retranscrire votre densité musicale sur scène, et qu’est-ce qu’on est en droit d’attendre de CROWN en live ?
Stéphane : On sera 4 en live, Nico à la batterie et Marc à la guitare qui vont se rajouter. On a enregistré un live stream début mars pour voir comment ça peut matcher avec quelque chose d'assez esthétique, un peu "cliper".
David : On est un peu comme des artisans, avec un son moins maltraité dans la globalité. C'est une formule qui fonctionne assez bien.
Stéphane : La tournée de mai a été annulée et reportée à l'année prochaine. A part la promo il n'y a pas grand’chose pour l'instant, peut-être un autre live stream.
David : Si la situation perdure, on s'adapte, c'est l'occasion aussi pour les groupes de se réinventer. Cela peut amener des bonnes surprises.
On a commencé l'interview par la question qu'on vous a trop posée, quelle est celle à laquelle vous auriez aimé répondre et qu'on ne vous a pas posée ?
David : Des conneries j'en ai plein à te répondre mais je vais éviter. C'était plutôt assez complet. On a été large et c'était intéressant. On fait des interviews où on a parlé de la situation mondiale, évidemment on est impacté et on a besoin de parler de ça, mais c'est pas le truc le plus intéressant pour nous. Qu'est-ce que tu peux en dire ? On n'a aucune visibilité, on déblatère. Donc du coup, je suis content qu'on n'ait pas parlé de ça car on n'a rien de concret à dire.
Alors on vous propose d'y réfléchir pour la promo du prochain album et de commencer par cette question. Merci à vous pour ces réponses et bonne continuation.
Merci à vous, c'était top !