35 ans de carrière, et maintenant un dixième album pour Texas ! Alors que le groupe de pop écossais n'a plus rien à prouver, il signe un retour sur le devant de la scène avec le disque "Hi", plein d'entrain et de passion. Au milieu d'une promotion française hyper chargée, Sharleen Spiteri, chanteuse emblématique de la formation, a accordé une interview à Music Waves dans laquelle elle est notamment revenue sur la genèse de cet album.
Nous aimons commencer nos interviews par la question suivante : quelle est la question que l’on t’a posée trop souvent et à laquelle tu en as marre de répondre ?
Sharleen Spiteri : Oh mon dieu ! Tu sais, ça fait 35 ans que je fais ce métier donc j’ai eu tout type de questions, comme "alors, de quoi parle cet album ?". "Peux-tu décrire l’album pour moi ?".
Oui, normalement le journaliste est censé connaître la réponse s’il a préparé l’interview ?
Sharleen : Effectivement, ce n’est pas mon travail. Mais après, il est normal que l’on me pose plusieurs fois les mêmes questions, ça ne me dérange pas. Ce qui me dérange, c’est quand je dois répondre aux questions à l’écrit. Je n’aime pas non plus quand on me demande de résumer un album. Je ne suis pas journaliste !
Ton nouvel album, "Hi", avait pour but initial de sortir des morceaux jamais parus jusqu’à présent, il me semble ?
Sharleen : Non, je vais te dire ce qui s’est passé. A la base, on devait sortir une réédition pour l’anniversaire de sortie de "White On Blonde". Le label Universal nous a demandé de sortir des versions des morceaux de cet album que les gens n’avaient jamais entendues jusqu’à présent. Des brouillons, en quelque sorte. On était en train de travailler là-dessus, et on est tombés sur des démos de chansons qui finalement ne sont jamais sorties sur cet album. On se disait : "Oh, tu te rappelles cette chanson, elle était vraiment bien !". Alors on s’est dit qu’on allait réhabiliter ces morceaux, finir de les écrire, et que ça pourrait être des pistes bonus pour cette réédition d’album. Le premier morceau d’entre eux, c’était ‘Mr Haze’. On a dû écrire un refrain et un pont pour cet album. Quand on a eu fini d’écrire cette chanson, on s’est dit qu’il fallait continuer de composer d’autres morceaux, que c’était plus qu’une simple réédition qu’il fallait faire. Ça nous a inspirés pour écrire un album complet.
J’ai rejoint ce groupe car je ne voulais aucune règle
Tu as en partie répondu à ma prochaine question. Cet album, c’est en quelque sorte un retour aux sources ? Il y a une forme de nostalgie chez toi vis-à-vis du passé ?
Sharleen : Je ne cherche pas à revenir dans le passé. Cela fait partie de mon ADN, c’est une facette de moi. Ce sont simplement des chansons qui étaient inachevées et que l’on voulait terminer. On n’était pas censés écrire un nouvel album, on devait juste faire une réédition. On devait trouver des versions encore jamais entendues. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi on ne les a pas finies à l’époque. Le label a voulu qu’on sorte ces versions jamais parues, on a eu envie de faire autre chose, c’est notre genre ! J’ai rejoint ce groupe car je ne voulais aucune règle. Je ne voulais pas me lever et aller à un boulot où on me dise quoi faire toute la journée. Je voulais être créative, faire des albums, jouer de la musique. J’espérais un jour écrire une chanson et que quelqu’un vienne me dire : "cette chanson m’a touchée, elle me donne des frissons !". Et 35 ans plus tard, je fais toujours de la musique ! Tous les groupes n’ont pas connu une carrière aussi longue, surtout chez les groupes où c’est une femme qui chante. Il y en a très peu.
Effectivement, il y a aussi The Pretenders notamment.
Sharleen : Oui, Blondie aussi par exemple.
Et justement, ton nom est aussi connu que celui de Blondie alors que tu joues dans un groupe. Les autres musiciens comme Ally McErlaine et Johnny McElhone qui jouent avec toi depuis 30 ans, comment vivent-ils le fait d’être plus ou moins dans ton ombre ?
Sharleen : Tu dis qu’ils sont dans mon ombre, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Si Texas a duré aussi longtemps, c’est parce que chacun dans le groupe sait ce qu’il doit faire. Johnny et moi nous écrivons les morceaux. C’est nous qui avons créé Texas tous les deux, et puis les autres membres sont arrivés.
Certes, mais dans les médias, quand on parle de Texas, c’est plutôt toi que l’on voit. C’est pour ça que je te dis ça.
Sharleen : De mon côté, j’ai toujours œuvré pour que Texas soit un groupe, je ne suis pas une chanteuse solo. Nous faisons des choix de groupe.
Sur cet album, il y a des titres comme ‘Heaven Knows’, ‘Had To Leave’, ou encore ‘Mr Haze’. Ils sonnent comme un hommage à la Motown. Est-ce le cas, et si oui, pourquoi ?
Sharleen : Parce que j’adore la Motown, je l’ai toujours aimée ! Beaucoup trouvent que ‘Mr Haze’ sonne comme une chanson d’Abba, j’aime aussi beaucoup Abba ! La musique de la Motown me rend joyeuse, elle me donne envie de danser. Donc ce que tu dis, je le prends comme un compliment. Si on vend autant d’albums que la Motown ou qu’Abba, ça me va très bien !
Si l’on ne voyait plus jamais mon visage à la TV ou autre, ça ne me poserait pas de problème.
Sur le titre ‘Look What You’ve Done’, il y a des influences de The Pretenders. Est-ce que ce groupe signifie quelque chose pour toi ? Et en particulier la chanteuse, Chrissie Hynde ?
Sharleen : C’est marrant car c’est une amie à moi ! Je l’adore. On s’est foutu d’être connues, toutes les deux. Ce n’est pas ça qu’on cherche. Si l’on ne voyait plus jamais mon visage à la TV ou autre, ça ne me poserait pas de problème. Ça ne me dérangerait pas. Pour moi ce qui compte, c’est notre musique. Quand je mourrai, je veux que les gens se disent : "c’était une très bonne compositrice !".
‘Moonstar’ est très country. Est-ce un hommage à votre premier single ‘I Don’t Want A Lover’, avec cette guitare slide ?
Sharleen : C’est mon morceau préféré du disque. Mais non, on ne fait pas des morceaux hommages. Rendre hommage c’est revenir dans le passé. Je ne veux pas me rendre hommage. Cette musique fait partie de moi. Ici, c’est plus une chanson folk à la Bob Dylan avec une touche de gospel. "Hi" est sûrement l’album le plus cinématographique que l’on ait enregistré.
Vous avez aussi fait un featuring sur le titre 'Hi' en compagnie du groupe de rap Wu-Tang Clan !
Sharleen : Ils font du hip-hop et viennent de New York. On a rencontré RZA de manière totalement aléatoire, ça a matché directement. On est restés amis depuis. On avait beaucoup de choses en commun et on s'est très bien compris, même si on ne vient pas du même endroit. RZA est venu à Glasgow et il a compris la philosophie de cette ville, il a compris qu'il y avait un quartier ouvrier et un quartier plus romantique. Ça lui a parlé car il vient d'un endroit similaire. Je pense que c'est pour cette raison que cela a aussi bien marché entre nous.
Vous êtes un groupe écossais. Clare Grogan qui est aussi écossaise et qui chantait dans Altered Images est en featuring sur votre titre ‘Look What You’ve Done’. On retrouve aussi Tommy Flanagan dans le clip de ‘Mr Haze’. Est-ce un moyen de montrer votre engagement auprès de l’Ecosse ?
Sharleen : Quand on a fait cet album, il n’y avait pas de règles. On a écrit ce que l’on avait envie d’écrire, donc il y a de tout. Je connais Tommy depuis que j’ai 14 ans ! On avait besoin de quelqu’un pour incarner Mr Haze et on a pensé à lui. Il était très heureux d’incarner ce rôle. On a joué quelques concerts à Glasgow il y a plusieurs années et Clare est montée sur scène avec nous. On a voulu faire quelque chose de spécial pour notre public. On est très fiers de là d’où on vient et de l’histoire de la musique écossaise.
C’est un album avec de très bonnes vibes, mais il y a un morceau un peu à part, ‘Falling’, qui lui est plus sombre, comme s’il avait été écrit peut-être pendant le confinement ?
Sharleen : Je ne me rappelle pas si je l’ai écrit avant ou après le confinement. En fait, on a fini d’écrire l’album fin 2019. Et puis je suis rentrée chez moi en Ecosse en janvier 2020. Ma mère n’était pas bien, et elle est décédée une semaine avant le confinement. Donc à partir du mois de janvier, j’ai mis la musique entre parenthèses. J’ai demandé à ce qu’on ne m’appelle plus, je devais être auprès de ma famille. Rien d’autre n’avait d’importance. L’album a été mis en attente. Et puis on est entrés en confinement, on n’avait aucune idée de combien de temps ça allait durer. Je n’avais envie de parler à personne, juste d’écouter les oiseaux chanter dans mon jardin. Deux mois plus tard, ça allait mieux. On a écouté l’album, on voulait relancer la machine, mais avec tous les morts qu’il y avait dans le monde entier, on ne se sentait pas très légitimes de sortir un album à ce moment-là. On en a profité pour peaufiner l’album. On a écrit trois nouvelles chansons car il y avait des choses que j’avais envie de dire suite à tout ce qui s’était passé. Quand on a été reconfinés, on a enregistré le duo avec Clare (Grogan, de Altered Images, ndlr). On a fini par sortir l’album, quand on a senti que c’était le moment.
Nous avons commencé cette interview en te demandant quelle était la question que l’on t’avait posée trop souvent. Au contraire, quelle serait celle que tu aimerais que je te pose ?
Sharleen : (Elle réfléchit). J’ai toujours beaucoup de choses à raconter ! Je suis passionnée. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles Texas a marché. Les gens savent que je suis authentique. Ils savent que je m’en fous de la célébrité, ils connaissent ma passion pour la musique.
Merci beaucoup !
Sharleen : Avec plaisir !
Merci à Loloceltic pour sa contribution...