Classic rock, rock FM, rhythm'n'blues, soul, rock progressif, gospel, rock sudiste, country... Ce dernier Robert Jon & The Wreck est aussi diversifié que les musiques écoutées par chacun des membres du groupe. Rencontre avec eux afin de discuter de ce dernier opus.
Nous aimons commencer nos interviews sur Music Waves par cette question traditionnelle : quelle est la question que l’on t’a posée trop souvent et à laquelle tu en as marre de répondre ?
Robert Jon Burrison : (Il rigole puis réfléchit) Eh bien… “Quelles sont tes influences ?”. Tout est une influence, la vie entière est une influence !
Henry James Schneekluth : Personnellement je ne dirais pas que j’en ai marre d’y répondre car j’y apporte toujours une réponse différente !
Robert Jon : Ou “Que veut dire Robert Jon & The Wreck” ? Je ne sais pas moi-même ! (Rires).
Vous avez sorti un album par an depuis 2018, sans jamais lésiner sur la qualité. Quel est votre secret ?
Robert Jon : On n’a pas de secret ! On aime écrire…
Henry James : Il faut dire qu’aussi, vu qu’on n’est pas partis en tournée l’an dernier, on serait devenus fous si on avait pas fait quelque chose de concret alors on s’est mis à travailler sur cet album.
Vous avez aussi créé un podcast (The Wreck Podcast) en plus de cet album pendant cette période de pandémie. Etait-ce un moyen pour vous d’exorciser votre frustration, ou est-ce que vous aimez être sur tous les fronts d’une manière générale ?
Henry James : On est comme ça ! (Rires).
Et depuis 2 ou 3 albums, vous avez atteint une certaine reconnaissance des médias et du public également. Etait-ce un choix de votre part, de construire une carrière “à l’ancienne”, à une époque où certains peuvent avoir des succès fulgurants, mais brefs ?
Robert Jon : Je pense que c’est la façon dont on fonctionne. On vise plutôt le long terme. On cherche à gagner notre vie de la sorte, plutôt que de se presser.
Si les groupes veulent survivre, il faut qu’ils tournent aujourd’hui
Vous êtes souvent comparés à Whiskey Myers à ce niveau-là. Est-ce que cela confirme que les groupes de rock sudiste sont les derniers à fonctionner de la sorte ?
Robert Jon : (Il réfléchit) Il y a une tonne de de groupes et une tonne de genres musicaux. Si les groupes veulent survivre, il faut qu’ils tournent aujourd’hui.
Henry James : C’est la seule stratégie à avoir.
Tu dis “aujourd’hui”. Est-ce que ça signifie que vous avez pu avoir une stratégie différente par le passé ?
Henry James : Dans les années 70 par exemple, on vendait plus d’albums qu’aujourd’hui, avant que le streaming n’apparaisse. Aujourd’hui, il n’y a pas d’autre choix que de tourner.
Pour un groupe comme le vôtre, laquelle de ces deux époques est la meilleure ?
Henry James : Je pense que le rock était plus populaire à l’époque. Beaucoup de très bons albums sont sortis dans ce genre-là. Aujourd’hui, ce style est moins porteur, mais le public est très loyal et très dévoué.
Je crois qu’on a envie de faire une musique unique qui ne se raccroche pas à un genre en particulier
Vous êtes un groupe californien, mais vous êtes devenus un standard du blues rock. Pour autant, vous limiter à cette étiquette serait un peu réducteur car vous avez des influences rhythm and blues ou soul comme on peut le voir sur les titres ‘Shine A Light On Me Brother’, ‘Everyday’, ‘Chicago’. Est-ce que vous pensez que vous vous situez au carrefour entre ces différents styles ?
Henry James : Je pense que c’est un mélange de tout ça.
Robert Jon : On est un groupe, donc on a tous des vies différentes, et ce son, c’est celui que l’on crée tous ensemble.
Henry James : Je crois qu’on a envie de faire une musique unique qui ne se raccroche pas à un genre en particulier. On aime que notre musique soit organique et naturelle.
Votre avant-dernier album “Last Night On The Highway” couvrait un certain nombre d’influences comme The Eagles, The Allman Brothers Band, voire du rock progressif. Peut-on dire que ce nouvel album, “Shine A Light On Me Brother”, est plus compact en termes de style ?
Robert Jon : Tu sais, je pense que l’on va toujours dans le sens que la chanson que l’on écrit nous impose. Si une chanson a besoin de rythme et de groove, on ne va pas l’amener dans une autre direction.
Henry James : Je pense que cela dépend aussi de l’état d’esprit dans lequel on est quand on entre en studio. On a pu écrire des chansons au même moment qui ne sont pas sorties sur cet album mais que l’on pourrait retrouver sur le prochain...
Le côté soul de votre musique peut aussi rappeler Marcus King. Est-ce que c’est un artiste duquel vous vous sentez proches ?
Robert Jon : Oui ! On aime la musique qu’il joue.
Henry James : Il est super.
On retrouve même un côté gospel sur le titre ‘Everyday’, alors que ‘Ain’t No Young Love Song’ est plutôt un morceau de classic rock à la Tom Petty. Est-ce que l’on peut dire que vous êtes une synthèse de plusieurs décennies de musique américaine ?
Henry James : Je pense, oui ! On est un mélange de tout un tas d’influences différentes. Je ne crois pas que l’on cherche à aller dans une seule direction en particulier. On écrit la musique qui nous semble naturelle, celle qui sort de nous toute seule.
Et ce titre, ‘Ain’t No Young Love Song’, a même un côté FM à la Bruce Springsteen. Vous assumez cet aspect-là ?
Robert Jon : Quand on a écrit ce morceau, on avait plusieurs idées. Avec une simple idée, on sait déjà dans quelle direction le morceau va partir.
En plus des chœurs assures par Mahalia Barnes et Juanita Tippins, vous utilisez des cuivres à plusieurs moments de l’album. Est-ce là une volonté de parfaire la production de vos albums ?
Robert Jon : Oui je pense. Sur tous nos albums, il y a toujours eu beaucoup de personnes impliquées. Mahalia et Juanita que tu mentionnes, ce sont de très belles chanteuses alors on a été très heureux de jouer avec elles.
Henry James : Tant que cela sert le morceau, on aime bien avoir un ou deux morceaux sur un album où l’on utilise des ingredients un peu différents. C’était le cas pour les cuivres, et il y a de fortes chances pour que l’on y ait recours sur le prochain album également.
Comment faites-vous pour jouer ces morceaux sur scène, et notamment pour combler l'absence de chœurs ?
Robert Jon : La scène et le studio sont deux choses différentes. On peut prendre des libertés sur scène quand on les joue en live, donc ce n’est pas gênant qu’elles soient différentes. On est 5 dans le groupe et il y a 4 chanteurs, donc on peut toujours s’arranger !
Henry James : On fait toujours de petits ajustements sur scène. Sur les morceaux qui ont des cuivres par exemple, on va rajouter des petits éléments ici et là à la guitare par exemple ou aux claviers, histoire de remplir un peu l’espace. De la même façon, on joue certains anciens morceaux de notre répertoire d’une manière très différente comparé à avant.
On essaye toujours de servir le morceau
On retrouve aussi des morceaux plus mélancoliques comme ‘Hurricane’. Je lui trouve une petite atmosphère country. Vous en êtes conscients ?
Robert Jon : C’est conscient de notre part car c’est l’aspect qu’on voulait lui donner. On essaye toujours de servir le morceau. Si on trouve que la chanson a un côté country, alors on va aller dans ce sens-là. On ne va pas en faire un morceau de rock si ce n’est pas nécessaire.
Sur la fin de l’album on retrouve le titre ‘Brother’ qui traite de problèmes mentaux. Qu’est-ce qui vous a inspiré cette thématique ?
Robert Jon : Il s’avère que nous avons certains proches qui souffrent de troubles mentaux et ce n’est pas un sujet dont les gens parlent beaucoup. C’est un des problèmes de santé les plus fréquents pourtant et parler de ça était un moyen de mettre ce sujet sur la table.
Henry James : Je pense que tout le monde rencontre des problèmes mentaux à un moment de la vie. Il y a pas mal de jugement autour de ça et je pense que c’est important d’en parler. Surtout depuis ce que l’on vit depuis maintenant un an et demi. On n’en parle pas assez, d’autant plus que la musique soigne. On espère que cela pourra apporter un peu de lumière dans la vie des gens, quel que soit le sujet abordé, pourvu que cela puisse aider les gens à travers les problèmes qu’ils rencontrent.
Et justement, le premier morceau de cet album, ‘Shine A Light On Me Brother’, a un côté très festif et dynamique. Comment faites-vous pour construire une setlist ?
Robert Jon : On veut amener tout le monde avec nous. Donc ce n’est pas 100% gai ou 100% triste. Ça aide d’avoir différentes dynamiques sur différents morceaux.
Henry James : On souhaite pouvoir toucher tout le monde, et pour ça il faut varier les ambiances.
Votre titre ‘Anna Maria’ alterne entre douceur et douleur. Est-ce un moyen de garder contact avec un aspect plus rock progressif ?
Robert Jon : Je pense que ça fait partie de nos influences. On a tous écouté du rock progressif et beaucoup d’autres choses encore. Il y a de nombreux aspects différents sur le plan musical dans nos têtes.
Et comment faites-vous pour que toutes ces influences soient cohérentes ?
Robert Jon : On est cinq dans le groupe et on fait en sorte que les morceaux soient bien agencés.
Henry James : On espère juste que ce sera cohérent ! (Rires).
On parlait tout à leur de votre lien avec la musique des Allman Brothers Band. Pour certains, vous êtes leurs héritiers. Comment vivez-vous cette comparaison ?
Robert Jon : Je trouve que c’est fou ! C’est un honneur si certains pensent ça de nous. On joue juste la musique que l’on aime, on voyage dans le monde et on cherche à partager cette joie que l’on ressent, transmettre cette énergie. On est très reconnaissants d’en être arrives là.
Et justement, quand vous dites que vous essayez de faire en sorte que votre musique soit cohérente, quand vous lisez ce genre de commentaires, j’imagine que ça vous conforte dans l’idée que vous êtes dans la bonne direction ?
Henry James : Oui ! Si certains disent ça, alors il doit y avoir une part de vrai ! (Rires).
Parmi tous les grands artistes avec lesquels vous avez tourné (Joe Bonamassa, Eric Gale, Walter Trout, Rival Sons, Chris Robinson, etc), quel est celui dont vous vous sentez le plus proche, et pourquoi ?
Robert Jon : On a tourné avec Rival Sons il y a quelques années et on est copains avec eux depuis un moment. Plus récemment, on a joué avec Joe (Bonamassa, ndlr) et lui et sont équipes ont été super avec nous. Jouer avec eux a été une très bonne opportunité pour nous. Ce sont des gens à qui l’on peut faire confiance.
Henry James: Pour moi, Walter Trout est un ami très proche. J’ai été à l’école avec ses enfants. Je jouais de la musique dans son garage et des fois il venait pour nous dire : “les mecs, baissez le volume !”. Et moi je me disais : “Oh mon Dieu c’est Walter Trout !”. Je le connais depuis très longtemps, bien avant que l’on ouvre pour lui et qu’on partage la scène avec lui. Je le considère comme un très bon ami, et quand j’étais un jeune guitariste, il m’a beaucoup encouragé. J’espère que l’on jouera davantage avec lui. On n’a ouvert pour lui qu’une ou deux fois, mais c’était vraiment un privilège et un honneur pour nous.
Et quand vous avez joué avec lui, est-ce qu’il est venu sur scène pour vous dire de baisser le volume ?
Henry James : (Rires) En réalité il m’a demandé de me monter ! (Rires).
Vous allez jouez demain en France. Vous venez d’ailleurs souvent jouer en Europe. C’est une destination qui vous est chère ?
Robert Jon : Les États-Unis et l’Europe sont très différents en tournée. On aime beaucoup jouer en Europe.
Henry James : Et je pense que le fait de jouer en Europe nous a aussi aidés à développer notre présence aux États-Unis.
Et les Français, comment accueillent-ils votre musique quand vous venez jouer ici ?
Robert Jon : Très bien !
Henry James : La dernière fois qu’on a joué ici c’était il y a deux ans.
Et avez-vous été surprise la première fois que vous avez joué ici ? Car la France n’est pas un pays de rock.
Robert Jon : On est surpris partout où l’on va, et on est très reconnaissants de tous nos fans de venir à nos concerts.
Henry James : C’est irréel pour nous, c’est génial. On joue dans des villes dont on n’a jamais entendu parlé et dont on n’arrive pas à prononcer le nom. On a l’impression qu’il n’y a que cent personnes qui y habitent et il y a 300 personnes aux concerts qui chantent nos paroles !
Robert Jon : Il y a certaines villes où on a joué 6 fois, et où on croirait savoir à quoi s’attendre. Mais le public nous surprend quand même !
Nous avons commencé cette interview en vous demandant quelle était la question que l’on vous avait posée trop souvent. Au contraire quelle serait celle que vous aimeriez que je vous pose ?
Robert Jon : Je crois que tu les as toutes posées ! (Rires).
Merci beaucoup !
Robert Jon : Merci !
Henry James : C’était avec plaisir !
Merci à Loloceltic pour sa contribution...