Pourquoi "Lagrange Point" ? C'est une référence spatiale et vous en parlez dans le 1er morceau mais peut-on dire qu’il s’agit d’un album concept ?
C'en est un dans la mesure où le concept est la "collaboration", alors qu'habituellement un concept d'album influence le sujet des paroles ou le contenu musical et l'arrangement. La collaboration est au centre de notre façon de travailler en tant que groupe, dans tous les sens du terme, et cet EP nous a donné l'occasion de collaborer avec d'autres personnes extérieures au groupe d'une manière plus approfondie qu'auparavant.
Une fois que nous avons décidé de faire un EP collaboratif, cela a influencé notre choix de titre. Oui, c'est un concept ancré dans la mécanique orbitale, mais à un niveau plus profond, il s'agit de l'équilibre des forces qui créent quelque chose de séparé et distinct des corps en mouvement. Et comme nous sommes des nerds et des fans de science-fiction, "Lagrange Point" nous a semblé convenir parfaitement.
Pourquoi n'y a-t-il que 4 chansons, plus 2 instrumentaux ?
Il a toujours été question de faire un EP, car il s'agissait d'utiliser les chansons restantes de notre deuxième album, "Tourist Season". Nous avons enregistré les pistes de batterie de 12 titres lors de cette session, mais seuls 7 ont été retenus pour l'album, car nous devions limiter le tout à 42 minutes pour la sortie en vinyle, et certaines chansons n'étaient pas aussi fortes que nous le voulions. Cette sortie nous a donné l'occasion de terminer les 5 titres restants et de boucler la boucle sur le dernier album ainsi que cette période de notre évolution musicale.
Nous avons créé le morceau d'ouverture à partir de zéro une fois que nous avons choisi le titre de l'EP. Cela nous a permis de nous amuser un peu, de faire quelque chose de différent, tout en mettant en avant le concept de collaboration pour le public.
De plus, le fait d'être enfermés pendant la majeure partie de l'année 2020 nous a empêchés d’en faire trop, et le fait de s'en tenir à un EP était logique à tous points de vue.
Vous avez invité un chanteur différent sur chaque chanson, comment les avez-vous choisis ?
Tout d'abord, il s'agissait de choisir des personnes que nous apprécions vraiment, à la fois en tant que musiciens et en tant que personnes... un peu comme les conditions de base qu’il faudrait remplir pour rejoindre un groupe. Nous nous sommes donc limités aux groupes avec lesquels nous avons tourné et joué au cours des cinq dernières années, et plus particulièrement aux personnes que nous avons eu l'occasion de connaître un peu.
Au-delà de ça, il s'agissait de définir l'ambiance des instrumentaux que nous avions enregistrés et de décider qui correspondrait le mieux à chaque morceau. Heureusement, chaque personne à qui nous avons demandé a dit oui et nous avons donc eu notre premier choix sur chaque chanson. C'était assez incroyable, compte tenu du talent de ces personnes.
Comment avez-vous travaillé avec les invités ? Aviez-vous tout préparé à l'avance ou avez-vous collaboré étroitement avec eux ?
Un peu des deux. À quelques endroits, nous avons fait quelques changements pour mieux travailler avec ce que les chanteurs proposaient, mais dans l'ensemble, la musique était bien préparée.
Pour 'Holy Fire', nous n'avions pas grand-chose de prévu sur le plan vocal, alors
King Carrot (
Death By Carrot) est parti de zéro, a complètement renversé nos idées sur ce qu'était le refrain et ce qu'était le couplet, et a plus ou moins tout explosé tout seul. Le processus de collaboration s'est principalement concentré sur la façon dont la voix et les harmonies de Sullo influenceraient les prises de KC.
Je dois également mentionner que toute l'équipe de
Death By Carrot s'est impliquée et a ajouté des harmonies vocales supplémentaires, des guitares lead et des éléments de percussion que nous n'avions même pas demandés. La plupart de ces éléments ont été gardés. C'était une bonne surprise et cela a vraiment enrichi le morceau.
Pour 'Exit Planet', nous n'avions rien de valable sur le plan vocal, c'est donc
Diesel (
Doleman,
Duneeater) qui l'a écrite et qui a travaillé sur les détails avec Sullo.
'X-ray' était la chanson la plus complète de toutes et avait été testée en concert, donc c'était la situation inverse : La voix et les harmonies de
Georgie (
Cosson,
Kitchen Witch) ont influencé le travail de Sullo pour la terminer - elle a vraiment apporté un petit plus et une ambiance particulière.
'The Unofficial History of Babe Wolf' est le fruit d'une véritable collaboration d'écriture, rendue possible par le fait que Sullo et
Jimi (
Coelli,
A Gazillion Angry Mexicans) vivent à côté l’un de l’autre, et que les deux groupes sont très proches. Ensemble, ils ont élaboré un concept et une narration autour de nombreuses bières et de joints sur la terrasse de Sullo, en prenant ce qu’on avait, le début du premier couplet, et en le transformant en une chanson à part entière.
Le titre est "Lagrange Point Vol I", est-ce une vraie promesse ? Si oui, combien de volumes prévoyez-vous ?
Je n'appellerais pas cela une promesse écrite avec en lettres de sang, mais nous parlons déjà de ce qui pourrait arriver pour le Vol II. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que si nous en avons l'occasion, nous aimerions faire quelque chose comme ça à nouveau, et c'est la raison pour laquelle nous avons ajouté "Vol I" au titre.
En même temps, puisque cet EP est né pendant la pandémie, en espérant qu'elle s'arrête bientôt, doit-on s'attendre à ce que vous repreniez votre carrière discographique sans avoir un volume 2 ?
Nous avons déjà une autre sortie dans les tuyaux. Nous venons de signer les masters d'un split 12" avec un autre groupe australien qui sortira en 2022 sur un label indépendant bien connu (du moins dans notre milieu) de Californie. C'était la deuxième partie du travail qui nous a occupés pendant 18 mois d'enfermement et de vie restreinte. Et nous sommes actuellement en train d'écrire l'album n°3... donc non, il n'y a pas de reprise car nous ne nous sommes jamais arrêtés ! Je pense que s'il doit y avoir un Vol II, ce sera après le prochain album, car c'est notre objectif actuel.
Est-ce que cette façon de travailler avec des invités pendant cet EP pourrait changer votre processus d'écriture à l'avenir ? Ou est-ce que cet EP est à part dans votre discographie ?
C'est une excellente question. Je pense que grâce à cette expérience, nous sommes maintenant plus ouverts à l’idée de demander de l'aide dans le processus d'écriture de chansons, surtout si nous sommes bloqués ou si nous cherchons une vibe différente. Quand tu commences un groupe, tu veux t'affirmer tout seul, prouver que tu es capable d'y arriver tout seul... mais au fur et à mesure que le groupe acquiert sa propre identité et que tu as confiance en lui, tu cesses d’être aussi égocentrique. Nous avons déjà montré une évolution sur le deuxième album en invitant des gens comme
Bob Balch (
Fu Manchu) à jouer, mais ils n'ont pas été impliqués dans l'écriture.
Pour ce qui est de la place de cet album dans la discographie, ce que j'aime dans cette série potentielle de "Lagrange Point", c'est qu'elle nous donne l'occasion d'explorer d'autres façons de faire de la musique, avec d'autres personnes, sans avoir à consacrer notre temps et notre énergie, limités, à des projets parallèles. C'est comme avoir un projet parallèle au sein de son propre groupe. Nous considérons nos albums complets comme la pièce maîtresse de la déclaration musicale et de l'identité du groupe ; "Lagrange Point" nous permet de sortir des morceaux que nous ne considérerions pas comme convenant à 100% à un album de
Planet Of The 8s. Cela signifie qu'au lieu de se débarrasser d’un morceau autrement excellent, nous pouvons lui donner une vie dans un autre... monde ?
Pour te donner un exemple, pourquoi pas un "Lagrange Point" en mode fusion hip-hop avec certains de nos MCs préférés ? Combien de fois avons-nous dit que nous voulions collaborer avec
Cypress Hill ? Mais le sentiment de liberté que cela nous procure est immense et inspirant, et je pense que
Planet Of The 8s a un réel potentiel pour continuer à progresser au fil du temps, car nous savons que nous ne serons jamais enfermés et limités sur le plan créatif. Pour être honnête, c'est sacrément excitant.
Quelles ont été vos principales influences lors de l'écriture des chansons ?
En ce qui concerne la musique, nous sommes toujours influencés par ce que nous pensons être un bon riff, et il faut un groove imparable. Faire bouger les gens, que ce soit physiquement, émotionnellement ou spirituellement est un super pouvoir grisant.
Je pense que pour 'Holy Fire', il y a un fil conducteur clair : La frustration que 2020 a apporté dans nos vies de musiciens. Mais pas tellement comme une plainte, plus comme une réflexion sur les choses que nous aimons faire : prendre la route et partager de bons moments avec les gens.
'Exit Planet' était le reflet de la situation pré-Covid en Australie, qui était en gros "tout est en feu", et nous voyions beaucoup de choses que nous n'aimions pas dans les médias et sur le plan politique.
Diesel en a fait l'histoire d'un exode de la Terre détourné par le Peuple. C'est la déclaration la plus politique que nous ayons jamais fait, et un bon exemple de ce que nous ne ferions pas sur un album de
Planet.
'X-Ray' est l'un des morceaux les plus personnels, qui parle de réflexion sur soi et d'introspection pour pouvoir regarder vers l'avenir. Ensuite, il y a 'Babe Wolf' et je pense qu'il est plus facile de dire qu'elle est influencée par l'énergie créative entre Sullo et Jimi, et c'est pourquoi c'est une si grande collaboration : d'une certaine manière, elle résume l'intention de tout l'EP.
Prévoyez-vous de tourner avec l'EP, même si les chansons ont d'autres chanteurs ?
Les tournées sont difficiles en Australie en ce moment, donc il est difficile de dire si nous pourrons faire une tournée dédiée à l'EP. Cela dit, ces chansons apparaîtront certainement dans les futurs concerts, et c'est déjà le cas. Nous sommes capables de nous en sortir avec une version "Planets-only" dans la plupart des cas, mais ce que nous attendons avec impatience, c'est qu'à chaque fois que nous partageons un line-up ou que nous sommes en tournée avec les groupes de ces collaborateurs, nous pouvons les inviter à nous rejoindre sur scène pour une chanson, ce qui est amusant pour tout le monde et je pense que le public apprécie vraiment ce genre de choses, cela rend le spectacle un peu spécial. Nous avons joué 'Babe Wolf' avec Jimi à Melbourne en juin dernier, nous nous sommes éclatés et le public a adoré.
Qui seraient vos invités idéaux pour de futures collaborations ?
J'ai déjà mentionné
Cypress Hill. Je ne peux pas vraiment expliquer à quel point ce serait amusant pour nous. Nous montons souvent sur scène sur leur titre 'I Wanna Get High', ce qui est toujours un moment fort, surtout lorsque la foule chante avec nous.
Mark Lanegan serait génial. Il a participé à tellement de grands albums en tant que collaborateur ou invité, tout ce qu'il touche se transforme en or. Il en va de même pour
Alain Johannes. Je ne sais pas si nous serons un jour en mesure de tenter ce genre d’aventures, mais nous n'hésitons pas à poser les questions, et si nous pouvons trouver un label d'ici l'album n°3, les options s'élargiront.
Comment résumeriez-vous l'EP en un seul mot ?
Communauté.
Quelles sont vos attentes pour cet EP ?
Nous sommes juste une bande de mecs qui aiment faire de la musique, donc nos attentes sont assez terre à terre. Si nous pouvons gagner plus de fans et aider à faire connaitre les groupes des collaborateurs à un public plus large, alors l'EP aura fait son travail. Il a déjà dépassé nos attentes, qui étaient de nous garder sains d'esprit et heureux sur le plan créatif jusqu'en 2020/21, et de sortir une nouvelle galette que nous sommes vraiment fiers de partager avec le monde.