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TITRE:

SEVEN EYED CROW (03 FEVRIER 2022)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

METAL ALTERNATIF



Music Waves aime décidément la scène metal bordelaise en plein essor. Départ pour le sud Ouest pour rencontrer Seven Eyed Crow !
CALGEPO - 12.04.2022 -
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La pandémie a remis en cause les projets des artistes et Seven Eyed Crow n'a pas échappé à la règle. Devant sortir un album, le groupe a été bloqué dans son idée mais a pu peaufiner 5 morceaux pour aboutir à la sortie d'"Icarus". Aurélien nous en dit plus sur cet EP et l'évolution de la musique pour éviter de se bruler les ailes. Sevend Eyed Crow sait garder les pieds sur terre.  


Depuis le précédent album il s’est écoulé quatre ans pour réaliser cet EP. Qu'est-ce qui explique ce laps de temps long entre deux réalisations, alors qu'on est à une époque où l'industrie musicale demande de plus en plus de rapidité pour rester visible ?

Effectivement, c'est un temps qui est long et qui nous a paru à nous aussi long. La première chose, c'est que rapidement dans l'année qui a suivi  "Organized Chaos", notre bassiste de l'époque, Thomas, a eu des difficultés personnelles et professionnelles et a dû quitter l'aventure. D'abord, il a fallu trouver son remplaçant et ça a pris un petit peu de temps. Et quand son remplaçant est arrivé, il a fallu retrouver une méthode de travail. Il a fallu que chacun retrouve ses marques. On a commencé à composer et là, c'est allé vite. On a rapidement mis en place, en l'espace de presque un an, cinq morceaux. Et au moment où le train avançait bien, qu’on était parti sur l’idée d’un album, là, la crise sanitaire s’est installée. On répète sur Bordeaux, mais on n'habite pas tous dans cette ville. Moi j'habite à plus d'une heure de Bordeaux et c'est devenu très compliqué de se voir. Cela a engendré des difficultés puisqu'on a une méthode de travail où ou on part d'un morceau pensé par l'un d'entre nous pour le faire mûrir ensemble en répétition. Comme beaucoup de monde, on pensait que la pandémie allait rapidement se tasser. Du coup, on a beaucoup arrangé les morceaux qu'on avait enregistrés plutôt que se lancer dans de nouveaux morceaux. On les a rallongés, complexifiés, peaufinés. Une fois que ces cinq là avaient avait atteint un niveau de maturité, on s'est dit que la pandémie n’était pas finie. C'est vachement difficile de partir sur de nouveaux trucs. En conséquence on s’est dit tant pis pour un album, on sort ces morceaux. Au moins on réoccupe l'espace médiatique.




Et justement, cette méthode de travail, est-ce que ça va changer quelque chose pour vous à l'avenir ? Est-ce que vous allez plus maturer les titres désormais ? Ou alors effectivement vous allez repartir sur que sur votre manière de travailler précédente, c’est-à-dire avec plus d’instinct ?

J’ai envie de te de dire que, de fait, c'est devenu notre nouvelle méthode de travail. On est assez satisfaits de ce qu’on a fait sur ces titres. C'est vrai que sur les albums précédents, les morceaux étaient plus directs. Peut-être qu'on a manqué de recul aussi sur certains morceaux. Il y a des morceaux que j'aime bien, mais quand je les écoute, je me dis celui-là, il aurait mérité qu'on le peaufine un peu plus, plus d'arrangements. Donc je ne sais pas si on va continuer à travailler comme ça mais on en a envie. Tu parlais tout à l'heure d'une époque ou effectivement tous les gens vont vite. On reste somme toute assez imperméables à cette immédiateté actuelle. Là, on sort un EP, donc oui, on est présents, on réagit, on fait des clips, on communique. Mais le reste du temps, on ne ressent pas forcément une pression pour être présent tout le temps et donc, prendre un peu plus de temps.


Est que le nouveau label (Ndlr : M&O) vous offre le luxe de pouvoir le faire ?

Je remercie Alexandre de nous avoir signés. Ça a été l'occasion de renouer avec le milieu et c'est vrai que qu’avec tout ce qui s'est passé en 4 ans, le carnet d'adresses s'était un peu vidé. On avait l'impression d'être un peu hors-jeu. Cette signature est l'occasion de renouer avec des contacts, des attachés de presse. C'est vrai que sans Alexandre, on n'aurait pas rencontré Roger, notre attaché de presse. Donc il y a toutes ces choses là. A aucun moment il n'a mis la pression pour qu'on se relance toute de suite dans un autre projet. Je crois qu'il a à cœur que les choses soient bien faites plutôt que les choses soient rapidement faites. C'est quelqu'un qui privilégie la qualité et ne recherche pas qu’un  artiste soit rapidement productif. En l'occurrence, comme on ne peut pas tourner, comme on ne peut pas faire de concerts, on s'est remis à composer. Deux morceaux sont sur les rails. Peut-être que finalement, sans le vouloir, ça va aller vite et tant mieux !


Alors peut être un EP dans l'année pour être regrouper avec celui ci pour former un album ?

Alors pourquoi pas ? C'est une hypothèse. Mais peut-être que si on se sent bien, pourquoi pas un album aussi ? Je ne sais pas.


Une question qu’on peut se poser sur un EP. Le fait qu'il y ait peu de titres, est-ce que ça n’engendre pas plus de pression en termes de qualité, par rapport à un album où tu as peut-être plus le droit à l'erreur sur un ou deux titres ?

Je pense effectivement que quand on est dans la logique d'un album, on laisse plus facilement passer une chanson. Là, par exemple, sur EP, on n'aurait pas mis une chanson acoustique comme on avait pu mettre à la fin de l'album précédent, qui était une chanson qu'on avait hésité à mettre parce qu’elle tranchait clairement avec le metal progressif que l'on fait, cette espèce de ballade acoustique très grunge 90. Mais on s'était dit : “c'est notre chanson à nous, oui, on peut se permettre la mettre sur un album”. Là, c'est vrai que sur un EP, il y a peu de morceaux et on se dit qu'on va être jugé sur chacun des morceaux. Donc c'est vrai qu'il y a une pression. Tu as raison, il y a une pression sur un EP. Il y a peut-être un peu plus de liberté ou de souplesse, ou un peu moins de pression sur un album où on peut laisser des titres d'une minute introductifs ou des morceaux acoustiques, même s'ils ne sont pas dans l'unité du reste de l'album.


Cette humanité qui cherche à tout maîtriser et qui pourtant, en cherchant à s'élever, va peut-être finir par se brûler les ailes


L’EP s'appelle "Icarus". On imagine que c’est une allusion à Icare qui s'était construit des ailes pour voler très très haut dans le ciel, mais qui finalement a fini par se brûler les ailes et tomber. C'est un concept qui résonne un peu plus dans le contexte actuel où effectivement, il y a plein de projets qui ont été lancés et qui pour finir se sont brûlé les ailes à cause de la pandémie. C'est un peu une analogie que l’on pourrait faire avec cet album. Qu'est-ce qui se cache derrière justement cette EP ?

En fait, notre chanteur a un peu une façon propre à lui d'écrire des textes. Il a des textes très introspectifs, très biographiques, avec notamment notre premier single, qui est dédié à son papa qui vient de mourir. Et puis après, il y a d'autres textes qui sont plus narratifs, plus métaphoriques et résolument tournée sur des angoisses, sur l'avenir. On a 20 ans de rock dans les pattes. On a des enfants, on regarde un peu l'avenir maintenant avec un peu de recul. On est tous assez engagés dans des causes écologiques. Sans comparaison avec nos voisins de Gojira qui ont un investissement très fort, on est très investis personnellement et aussi un peu artistiquement sur ces questions, et il faut reconnaître que le défi climatique nous interroge. Et c'est vrai que "Icarus" parle un peu de tout ça. Cette humanité qui cherche à tout maîtriser et qui pourtant, en cherchant à s'élever, va peut-être finir par se brûler les ailes, compte tenu du défi climatique actuel et quelque part de la pandémie.

Cette période traduit aussi les failles des processus de mondialisation. De fait, on s'aperçoit que tout est fait en Chine. Tout d'un coup, il y a la pandémie qui arrive. Dans ma profession, j'ai vécu au début de la pandémie des ruptures de stock. Il y a des choses qu'on ne pouvait pas faire dans notre travail et c'est là où on se dit “mais, c'est quoi, cette mondialisation qui fait qu'à cause d’un virus, tout d'un coup, on ne peut plus travailler parce que toute la production se concentre dans un seul pays ?”. En bref, sans faire trop de politique, parce qu'on n'est pas non plus un groupe politique, c'est avec des paroles très premier degré qu’on arrive à une prise de conscience. On aimait bien la métaphore qu'elle posait parce qu'effectivement elle est terriblement d'actualité.


L'album a été enregistré, mixé et masterisé par David Tiers de Secret Play Studio à Bordeaux. Sauf erreur, il a travaillé avec beaucoup de groupes : Gorod, Lizard, Seeds of Mary, Altesia. C'était la première fois pour vous ? Et comment s'est passée cette expérience ?

C'était la première fois qu'on travaillait avec David Tiers. Mais ceci dit, il est très connu parce que c'est à la fois un producteur en studio, mais aussi un ingénieur de son live. J'ai travaillé plusieurs fois avec lui comme ingénieur de son live et notamment je l'avais fait venir pour le groupe Klone à Bordeaux que j'avais produit. Il n'y avait pas d’ingénieur du son et David nous avait dépannés. Donc, même si on n'avait jamais travaillé avec lui pour un album, je le connaissais déjà. Et surtout, on apprécie beaucoup son travail. Sur ce troisième album, parce qu'on avait une petite orientation différente, on s'est dit que, peut-être en changeant de personne aux manettes, on allait définir une nouvelle direction. Et David s'en est bien sorti. Il nous a fait un mix très très réussi.





C'est récurrent, mais on cite beaucoup les influences de Karnivool et Incubus qui vous collent à la peau. Visiblement, c'est un rapprochement que beaucoup font. Est-ce que c'est une fierté, qu'on vous le rappelle à chaque fois ? Ou est-ce que vous ressentez une lassitude derrière ces comparaisons ?

Non, on est fiers parce que ce sont des groupes qui comptent et qui ont une discographie très intéressante. Je dirais pour pour Karnivool, une discographie irréprochable et pour Incubus, les deux ou trois derniers albums m'ont laissé relativement de marbre, mais les premiers m'avaient considérablement influencé. Donc, c'est un honneur, c'est une référence. Cela fait sourire notre chanteur parce que lui, par contre, il a peu écouté Incubus et le peu qu'il a écouté, il n’est pas fan. Mais de fait, ses influences jazz / soul qui sont les siennes et son timbre de voix font que la comparaison avec Brandon Boyd lui est souvent rappelée.


C'est vrai qu'on avait l'impression aussi d'avoir déjà fait des morceaux très puissants, très directs et là on tourne la page


Il y a une autre influence qui ressort, que vous citez également et qui est peut-être un peu moins connue, il s'agit d'Oceansize avec leur rock alternatif un peu plus sophistiqué qui ressort justement de "Icarus". Cette sophistication, cette recherche de rock alternatif un peu plus recherché, ambient avec des breaks, c'est quelque chose que vous avez recherché spécifiquement ? Le tout pour sortir un peu de ces comparaisons qui vous collent un petit peu à la peau ?

Alors effectivement, comme je le disais tout à l'heure, après 20 ans à traîner un peu sur la scène bordelaise, un peu ailleurs aussi, on a voulu essayer de proposer autre chose, de gros accords sur un beat binaire. On voulait effectivement prendre des risques et c'est vrai qu'Oceansize fait l’unanimité pour nous. Vraiment, j'aurais adoré que ce groupe perdure et je continue d'écouter le projet solo de son chanteur qui a des fulgurances très intéressantes. Effectivement on a peut-être cette envie d'aller tâter le terrain de nos voisins anglais, sur de la recherche et sur une certaine pratique musicale autre. C'est vrai qu'on avait l'impression aussi d'avoir déjà fait des morceaux très puissants, très directs et là on tourne la page. Là, on recherchait un peu autre chose. Et c'est vrai qu'Oceansize, ça a été peut être un fil directeur dans cette direction.


A l'écoute de ‘Until’, surtout d’un pont de vue rythmique, on pense à Pain Of Salvation avec ce un rythme un peu un peu dissocié de la mélodie aussi. Vous avez pris un risque ?

Alors effectivement ‘Until’ est un morceau qui s'est imposé. On a hésité à le mettre. Il est un peu différent des autres, mais on s'est dit, bon quand même, il faut le mettre parce qu'il faut qu'il y ait un morceau qui drive un peu, pour pas qu'on se perde complètement dans des voies trop atmosphériques. On aime aussi Pain of Salvation, mais beaucoup moins que les groupes qu'on vient de citer.  J'ai écouté qu'un seul album et les autres connaissent un peu de loin aussi. Mais c'est vrai que c'est un retour qu'on a beaucoup et j'ai vu que mes amis Klone vont faire leur première partie aux États-Unis  avec eux. C'est vrai que ce groupe est très intéressant. Mais là, en l'occurrence, je ne citerai pas comme influence parce que c'est plus une coïncidence.


Klone qui a sorti l'album différent avec "Le Grand Voyage" plus atmosphérique. C'est intéressant de constater cette recherche et de ne pas s'enfermer dans un style unique. Pour vous, c'est un intérêt aussi en tant que musicien, cette recherche ?

Oui. Il y a des groupes qui sont capables de faire la même chose, mais c'est tellement leur identité... C'est tellement ce que les gens veulent entendre et ils savent se renouveler en étant toujours dans un créneau, je pense à AC/DC. Globalement, quand on veut écouter du AC/DC, on veut ce back beat, ce rythme lent et tout ça. Mais il y a des groupes qui sont incapables d'être innovateurs à l'intérieur de cette identité très propre. Et donc nous, on avait besoin, pour ne pas se lasser de notre propre musique, d'aller explorer d'autres territoires. Et c'est vrai qu'on a parlé de Klone pour qui j'ai énormément d'amitié et beaucoup de respect, parce que je les ai découverts il y a longtemps et que je me suis investi pour les faire jouer à Bordeaux plein de fois. J'adore ce groupe parce qu'il a été effectivement capable, tout en restant Klone avec une identité très forte, de passer d'une musique très metal limite proche du death à une musique extrêmement atmosphérique et pour autant avec toujours autant d'intensité, même si les guitares sont moins saturées, même le chant est plus planant, moins hurlé. C'est un exemple à suivre.


Et justement, au rayon des nouveautés, on constate une absence de chant guttural chez Jay sur cette EP. Il a peut-être fallu faire des concessions . C'est un choix délibéré d'abandonner ce chant ? Et est-ce que cette concession a été facile ?

Alors la concession, elle a été très facile parce que jusque là, il s'était beaucoup forcé pour le faire. Et c'était difficile pour lui, je crois. Il y a des chanteurs qui font ça facilement, il y a des chanteurs pour qui c'est un véritable effort. On avait même réfléchi à faire un stage de voix saturée le concernant pour éviter qu'il se casse la voix sur des screams. Et je crois qu'il arrivait à un stade de sa maturité ou il n'avait pas envie de se forcer à faire quelque chose qui n'est pas naturel et qui n'était plus lui. Pour cet EP, il a dit qu’il allait miser sur ses points forts, plutôt que se casser sur ses points faibles. Et donc voilà, on a mis ça de côté. Ça n'a coûté à personne. Moi, j'apprécie beaucoup les chants mélodiques. J'apprécie le scream dans des groupes ou il n'y a que ça, mais c'est leur identité propre. Je crois qu'à part quelques rares groupes qui ne sont pas capables de passer à des chants hyper mélodiques à du scream derrière, comme par exemple Jinjer, il  n'y a aussi pas que de la réussite dans des groupes qui mélangent les deux, donc ça ne nous a pas coûté.


Dans ce genre de musique, le metal au sens large, il y a un côté cathartique, un côté sublimatoire évident


Donc vous avez déjà composé des morceaux malgré cette période de pandémie, il ressort donc de ce que tu me dis que la musique pour vous, c'est quelque chose, même après 20 ans, quelque chose de cathartique. Vous en avez besoin pour exprimer quelque chose, faire ressortir peut-être une certaine frustration. Ils évoquent la mort du père de Jay. Est-ce que tu ressens qu'il y a un frein ou une frontière entre le fait de se livrer et de de garder quelques parties privés en tant qu'artiste ou pas du tout ?

Je crois que dans ce genre de musique, le metal au sens large, il y a un côté cathartique, un côté sublimatoire évident. On ne vient pas à ce genre de musique par hasard. On vient souvent par des chemins un peu torturés ou sinueux à ce genre de musique. Et si ça éveille quelque chose en nous, ce genre de musique, c'est parce que ça secoue des choses qu'on a besoin de secouer. Donc, je crois qu’on n’en vient pas à aimer ce genre de musique au sens large, par hasard. Et à partir de là, composer ce genre de musique, ça ne vient pas par hasard non plus. Je ne vais pas dire qu'on est mal dans nos basques. Non, ce n'est pas vrai, mais oui, il y a un besoin de faire cette musique parce qu'elle permet d'évacuer ou de transmettre des choses. Moi, je fais confiance à Jay pour l'écriture de ces textes, pour que si un texte doit être trop pudique, il le transforme en quelque chose de plus métaphorique. Il va induire une distance nécessaire pour pas se mettre en danger de manière personnelle. Soit il assume un propos et il va l'assumer, il va l'écrire. Soit il va le rendre un peu plus poétique, plus métaphorique, pour ne pas se mettre en danger. Donc je pense effectivement qu' il y a un bon compromis entre le fait de ne pas trop se dévoiler ou de dévoiler des choses trop intimes et le fait de quand même en dévoiler une certaine partie pour que ça aide la sincérité.





Du coup, comment vous appréhendez ça en tant que musicien, vous derrière ? Est-ce que vous vous adaptez aux textes ou est-ce que c'est lui qui s'adapte à la musique...

En fait, généralement, on amène une idée de mélodie, de musique avec lui. Il écoute et il nous dit si ça lui plaît, si ça lui évoque des choses ou pas. Il va commencer à griffonner des textes pendant qu'on élabore la musique et il va jouer le rôle de chef d'orchestre. Il va dire “là, vous avez prévu de faire un couplet, mais il faudrait que ça dure plus longtemps. J'ai des choses à raconter sur ce couplet”. On retravaille et pendant ce temps, il ne dit pas trop ce sur quoi il écrit. Par contre, il nous guide dans la composition, sur les structures couplets / refrains. Et quand le morceau commence à avoir eu une structure assez posée à 80 %, il commence à chanter et on découvre la mélodie et les textes. Et de manière générale, les 20 % restants, on va les faire ensemble. Mais c'est vrai qu'il vient se poser sur une musique déjà écrite mais qu'il a coordonnée, pour lequel il a fait chef d'orchestre. Et c'est pour ça que ça marche plutôt bien !


Vous n'êtes pas tentés par le fait de chanter en français parce que vous avez des messages à transmettre ?

En fait, il y a 20 ans, c'était le néo metal et on a fait partie tous à notre niveau de cette scène-là. Et certains d'entre nous ont eu des groupes avec du chant français et ça a été parfois extrêmement dur. Je me suis heurté à ce chant français dans la musique néo metal - ce qui a marché pour certains groupes de l'époque comme Pleymo. Pour moi, ça a été un franc échec. Du coup, je ne courais pas forcément après pour rechanter en français, même si je n'y étais pas opposé. Jay a une culture anglo-saxonne et une maîtrise de la langue universitaire qui fait que c'était une seconde nature que d'écrire directement en anglais. Et à partir de là, dès le début, cela a été clair qu'il fallait écrire, composer et chanter en anglais. Voilà, on est de Bordeaux. Nos voisins Gojira ont mené toute une carrière en anglais.


Seulement en France, on ne comprend pas trop le chant en anglais, n'est-ce pas un peu frustrant, avec des paroles si poétiques et importantes, de ne pas être totalement compris ?

On s'est posé la question, effectivement. Et c'est pour ça que nous avons fait un clip pour le dernier single où il y a les paroles qui défilent le long du clip. Pour ce morceau, on voulait que le message du clip soit clairement entendu. C'est vrai que de nos jours, il y a des gens qui ne parlent pas anglais. Mais si les paroles sont facilement accessibles via un coup de Google Traduction et une seconde après on a la traduction.  Effectivement, la barrière de la langue pour le public francophone, j'en suis conscient. Maintenant, il y a peut être des moyens de contourner ça et en tout cas, on est conscient de cette difficulté d'accessibilité au sens des paroles.


Mais tu penses que le public est prêt à faire cet effort supplémentaire à une époque où la façon dont la musique est perçue, comme un produit, comme quelque chose qui vient sans effort et quasiment maintenant de manière dématérialisée ? On a l'impression que cette musique metal qu'on aime constitue une sorte de niche où le public a encore un peu de respect pour la musique et l'œuvre en général ?

Moi aussi j'ai adoré l'époque ou acheter un CD à la Fnac et j’allais lire jusqu'à la fin le moindre remerciement des groupes que j'adorais.  Ça me manque un petit peu. Et cette dématérialisation de la musique ? C'est un état de fait, donc on ne peut pas faire autrement. Nous, on a quand même pressé des albums physiques parce qu'on s'aperçoit qu'il y a une demande. Effectivement, il y a, j'ai envie de dire, un fossé générationnel entre peut-être les gens comme toi et moi, où on aime découvrir tout l'univers d'un groupe, y compris les moindres remerciements, les moindres paroles, le sens de tout ça et peut-être aussi des gens peut être plus jeunes pour qui un morceau peut être quelque chose de consommation courante, comme peut l'être un resto ou quelque chose comme ça. On écoute un morceau, on l'aime bien, mais on va passer à autre chose. On va pas chercher à aller plus loin. Dans le public francophone, je vois des gens qui effectivement ne cherchent pas à comprendre le sens des paroles. Ils s'en fichent un peu. S'ils aiment la musique, ça s'arrête là ! Je ne porte pas de jugement sur la façon qu'ont les gens de consommer.


On voit qu'il y a des évolutions dans le milieu musical et malheureusement, elles ne vont pas toutes forcément dans le sens qu'on aimerait qu’elles aillent.


Pas forcément un jugement mais ça peut créer une forme de frustration cette playlistisation alors que vous avez mis du temps à mettre du sens aux paroles et à la musique ?

On voit qu'il y a des évolutions dans le milieu musical et malheureusement, elles ne vont pas toutes forcément dans le sens qu'on aimerait qu’elles aillent. La dématérialisation à outrance, l'essor de certaines musiques électroniques… Je ne veux pas dire du mal de la musique électronique. J'ai beaucoup de respect, mais tout n'est pas intéressant dans la scène électro. Il y a des artistes qui prennent des samples, des logiciels que j'ai moi aussi et qui font des morceaux entiers en mettant juste les sons en boucle. J’ai parfois un regard critique sur cette façon de composer et j'assume totalement ma critique de cette façon de composer chez certains artistes. Mais bon, le fait est que pour autant certains artistes qui composent comme ça ont du succès, sont consommés, ils vont proposer derrière peut être d'autres formes d'art visuel. Chacun y trouve son compte. Moi, je suis resté un peu old school sur sur la conception d'un groupe. Pour moi, il doit y avoir une unité entre la musique, les paroles, les graphismes, l'univers. Et j'aimerais aussi qu'il y ait une unité avec ce que les gens ressentent. J'ai grandi avec Rage Against The Machines, le grunge, ces gars qui jouaient ce genre de musique étaient les personnages qu'ils incarnaient. Les mecs ne faisaient pas semblant. Je n'aime pas quand un artiste dit noir alors qu'il pense blanc juste pour faire plaisir.





Tu parlais de retour et d'échange avec le public notamment. On arrive au bout du tunnel de cette période qui nous a gâché la vie pendant ces deux ans. Est-ce que vous avez des projets ? Déjà des dates ?

En fait, quand on a enregistré l'album l'été dernier, on a commencé à organiser des concerts pour la sortie au mois de janvier et au moment, on allait les annoncer, les annonces gouvernementales ont tout fait capoter, donc on se retrouve avec pas grand'chose. On en a repoussé trois ou quatre sur l’été, sur le printemps, et même sur la rentrée prochaine. Et là, dans l'immédiat, il y a de nouvelles propositions qu'on nous fait. Mais il faut bien comprendre que les salles sont en train de reprogrammer des artistes de décembre et de janvier, en mars et en avril, et que du coup, pour arriver à accrocher des concerts, maintenant, ce qu'on nous propose, c'est septembre ou octobre, parce qu'il faut reprogrammer ceux qui ont été déprogrammés et c’est pareil pour les festivals de cet été. La plupart des festivals reproduisent l'affiche annulée de l'année dernière. Il n’y a pas de place pour de nouveaux artistes. Donc on nous dit on verra l'année prochaine. J'ai envie de dire aussi que l'année prochaine, mon EP sera sorti il y a un an et demi, j'aurai plus d'actualité.

Donc c'est vraiment compliqué. Je crois qu'on n'a pas pris parti de ne pas se mettre la rate au court bouillon. Les dates qui viendront et qui pourront se faire, on va les faire. Et puis tant pis s'il n'y a pas une vraie tournée, tant pis s'il n'y a pas une multitude de concerts. C'est un EP, l'investissement a été plus limité que sur un album. Et puis tant pis s'il n'y a pas une énorme tournée ou ce genre de choses. On aurait bien aimé accrocher ce qu'on appelle une belle première partie, ou alors un tour support. Mais le tour support qu'on avait commencé à envisager de Soen a été annulé. On a bien fait de ne pas investir une somme considérable dans ce support pour une tournée qui s’est annulée de A à Z. Mais c’est comme ça.


On voit que certains groupes proposent des tournées ensemble : on a l'exemple du Gros 4, de Klone qui avait aussi invité des groupes à les suivre lors d'un mini festival notamment à Savigny le Temple... La scène bordelaise avec Seeds Of Mary, Altesia... ou d'autres pourraient envisager de mutualiser une tournée ?

Il se trouve qu'on se connaît tous bien. Et pour preuve, le prochain clip, qui sortira le 11 janvier, a été réalisé par le guitariste de Seeds Of Mary. Altesia, on a déjà fait un concert avec eux. Donc on se connaît bien et l'envie de jouer ensemble ne nous manque pas. Mais il faut reconnaître que même eux arrivent difficilement à trouver des dates.  Et c'est vrai que je pense qu'il va falloir qu'on se regroupe, c'est évident. On le pensait. Tu me le redis et ça rajoute une couche au fait que dans cette période difficile, il faut se serrer les coudes, il faut proposer des choses. Je pense effectivement qu'un plateau Altesia, Seeds Of Mary ça aurait du sens et ça pourrait être intéressant.


Merci beaucoup

Merci à vous !

Merci à Darialys pour sa contribution



Plus d'informations sur https://www.facebook.com/seveneyedcrow
 
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