En cette soirée du 19 avril nous retrouvons le chemin de l’Aéronef de Lille après la parenthèse sanitaire. Initialement prévu le 17 Septembre 2021 le concert de ce soir en compagnie d’
Amenra et
Jo Quail avait été reporté comme tant d’autres. Mais la patience est récompensée et le concert peut enfin avoir lieu avec un petit changement,
Envy ne faisant plus partie de la soirée remplacé par
BRUIT. La soirée se lance dans une salle encore peu remplie. L’Aéronef est loin d’afficher complet, avec 500 personnes annoncées la salle est en configuration réduite. Certes la date est en semaine mais il est dommage que la reprise des concerts n’ait pas motivé les gens plus que cela. Et les absents vont avoir tort...
Avec
Jo Quail le ton va se faire intimiste. Originaire de Londres, Jo est une violoncelliste qui évolue en solo avec juste son instrument et un ordinateur. Autrice de pas mal d’albums elle mixe un son classique avec des éléments modernes au travers de boucles enregistrées. L’atmosphère est donc feutrée et respectueuse quand elle s’avance sur scène. Après un souci technique rapidement réglé elle emporte le public dans un joli voyage. Derrière un violoncelle moderne et épuré elle s’impose de manière remarquable. Dégageant un charisme glacial elle balance un son grave aux allures funestes qui instaure une ambiance noire et attirante. Les titres alternent entre moments calmes à fleur de peau et passages plus puissants, donnant l’impression de conter une histoire. Le côté hybride est maîtrisé avec un équilibre entre son du violoncelle et parties programmées. Il en ressort un côté quasi indus expérimental et barré qui colle à l’esprit de la soirée. Au détour d’un speech habité elle se met le public dans la main avec aisance. Puis on retrouve des passages planants et hypnotiques prenants. L’élégance est le maître mot du concert, les arrangements sont soignés avec de belles montées en puissance dotés de moments martiaux intenses. L’alternance entre moments intimistes et moments forts quasi tribaux est remarquable, avec une grande profondeur d’âme et un côté spirituel envoûtant. Avec cette prestation
Jo Quail a séduit un public sous le charme et instauré une atmosphère particulière idéale pour lancer la soirée.
Après ce moment hors du temps c’est
BRUIT qui foule les planches de l’Aéronef. Le quatuor français propose une musique instrumentale avec pour ambition de ne se voir imposer aucune contrainte. Cela donne une musique qui mélange post rock, musique électronique et classique. Le groupe dispose d’un EP et s’est fait connaître un peu partout en France et en Belgique. Le public est plus nombreux et là aussi très calme. Il règne dans la salle une atmosphère particulière, loin des furies métalliques, avec un côté spirituel comme si une cérémonie secrète se préparait. L’entame dans la fumée renforce ce sentiment avec un côté aérien et planant. Puis le concert se lance en mode classique avec du violoncelle, imposant un côté cinématographique. L’esprit post-rock se fait avec l’arrivée de la batterie avec une pointe de doom qui ressort. Tout cela est chargé émotionnellement et ne laisse personne indifférent. Cette musique expérimentale exigeante a le pouvoir de sortir chacun d’un quotidien très terne. La suite va se faire prenante, les musiciens portent un message fort autour d’une société apaisée sans soucis de compétition. Il règne aussi un esprit progressif assez planant. L’alternance entre classique et rock est remarquable, une âme se dégage dans l’esprit d’un post rock habité. ‘The Machine Is Burning’ est scandé avec une rare puissance émotionnelle. Au détour d’un dernier speech le groupe remercie
Amenra avec une belle sincérité. On sent clairement que la formation belge a beaucoup compté dans son parcours musical. Avec ce concert
, BRUIT a fait son effet et fasciné un public resté calme et attentif. Il fait peu de doute que le groupe aura gagné de nombreux nouveaux adeptes.
Les premiers rangs se remplissent rapidement et l’espace alloué au public est plein pour accueillir
Amenra, comme il se doit. Cela fait bientôt vingt ans que les Belges fascinent avec un doom teinté de sludge et de post metal dans l’esprit de
Neurosis. En huit albums ils se sont construit un univers à part, empreint de spiritualité, allant chercher ses thèmes dans la mythologie avec une fascination pour le bien et le mal, la lumière et les ténèbres. Loin de toute considération commerciale le groupe a su se créer une
fan-base qui est là pour célébrer son art dans un esprit recueilli avec un silence qui va donner le frisson. Le concert se lance dans la fumée, l’intro est lugubre, minimaliste, et prend directement à la gorge. ‘Boden’ enchaîne, le titre est idéal pour débuter. Avec son côté lent et lugubre il prend aux tripes, Colin hurle un mal-être avec conviction puis avec ‘Razoreater’ le ton monde doucement. Plus violent, le titre semble droit venir des enfers et au détour d’un long break calme il transporte dans le lointain. En alternant passages calmes et violents le groupe envoûte son public.
‘Hit Gloren’ est un autre énorme moment, après un long passage entre doom et post rock le titre se calme, une douce voix se fait entendre et confirme le côté mystique d’
Amenra. Le final du titre remontant en pression avec le chant hurlé de Colin est d’une rare force. L’enchaînement avec ‘Plus près de toi (Closer to You)’ avec ses airs de fin du monde est une claque totale, le break mélancolique chanté en français enfonçant le clou niveau émotion brute. Et encore une fois le final puissant, méchant et sans espoir donne le frisson. Avec des
lights splendides et un écran faisant office de décor, la sensation d’assister à une représentation théâtrale est forte. Souvent dos au public Colin semble au plus profond du désespoir et porte le groupe avec une rare force d’âme. La deuxième partie du concert va être aussi prenante. ‘Terziele’ est une belle et longue complainte post metal toute en tristesse et mélancolie dotée d’un break doom qui colle au mur avec un chant venu droit des abysses. Plus méchante et nerveuse, ‘Am Kreuz’ est toute aussi intense, présentant un parfait mélange entre un doom ténébreux et un post rock explosif et émotif au travers d’un doux chant féminin qui contrebalance parfaitement les hurlements de damné.
Le final approche et
Amenra ne relâche pas son emprise sur un public toujours aussi calme - chacun semble figé, emporté par la musique. ‘De Evenmens’ est une longue complainte lente et sombre avec un break parlé d’une belle force mélancolique. Avec ‘A Solitary Reign’ le groupe enfonce le clou. Calme et porté par un chant clair mystique et quelques cris en arrière-plan, le titre est une perle doom pleine d’emphase. Enfin avec ‘Diaken’ la cérémonie s’achève de belle manière. Débutant lentement le titre monte doucement en puissance dans un esprit doom typique avec un riff bien lourd et un chant d’outre-tombe dans le lointain. Puis le rythme ralentit et le morceau continue en douceur avec du chant clair très mélancolique dans un pur esprit post rock. La fin abrupte avec un dernier moment de chant hurlé prend quasi par surprise mais est idéale pour faire retomber tout le monde sur terre. Passé ce dernier moment de grâce, les lumières reviennent et le public quitte doucement la salle dans le même esprit très calme.
Amenra a donne une prestation splendide dans des conditions idéales devant un public de passionnés. La soirée a été belle et prenante et il ne fait guère de doute que ce moment hors du temps restera dans l’esprit de chacun . Il nous reste à remercier l’Aéronef et notamment Danièle pour nous avoir permis d’assister à ce concert.