Pour l'occasion, seulement accompagné de la moitié de ses Anges -Paul Iron en l'occurrence- nous rencontré ce puits de science musical qu'est Julien Bitoun pour une passionnante interview en toute décontraction dans laquelle ils nous livrent notamment tous les secrets de la création de "Little Ones"...
Quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée et à laquelle vous auriez potentiellement marre de répondre ?
Julien Bitoun : Aucune ! Je pars du principe que si les gens prennent la peine de venir nous poser des questions, c’est qu’ils méritent qu’on essaie de leur répondre. Donc, non, il n’y a pas de mauvaise question !
Alors pourquoi Julien Bitoun & the Angels, comment vous êtes-vous formés ?
Julien : (Rires) Tu l’as très bien joué !
Non, on part du principe que nos lecteurs éclairés ont Wikipédia et autres. Julien, ce n’est pas tous les jours qu’on interviewe une encyclopédie vivante du rock. Alors notre première question sera celle-ci : sur quel plan mets-tu la composition d’un nouvel album par rapport à tes activités de pédagogue, podcasteur, youtubeur, écrivain, vulgarisateur, démonstrateur, testeur de matériel et enseignant de l’histoire du rock à Science Po ?
Julien : C’est vrai que je fais ça aussi effectivement (Rires) ! Je dirais que c’est une tâche de fond permanente, en ça que je n’ai pas de long moment où je me dis que je vais écrire un album. Cet album est un contre-exemple -confinement oblige : ça s’est fait pendant une période assez précise où en gros, pendant le premier confinement, j’avais mon fils de deux ans dans l’appartement. Donc forcément les journées étaient très longues et très fatigantes et le soir, à partir de 21 heures, je me mettais dans la cuisine qui était le plus loin possible de sa chambre et je ne grattais pas et ne chantais pas trop fort pour composer.
Tu parles de ton enfant, tu n’as pas pensé à nous faire une version française de ‘Ya-Yo Gakk’ ?
Julien : (Rires) Tu ne crois pas si bien dire : j’avais des enregistrements de mon fils en train de chanter des trucs débiles, j’ai même un enregistrement où il chante : "Girafe ! Girafe ! Girafe !" ce qui aurait été parfait avec la pochette…
… et pour ne pas aller jusqu’au bout ?
Julien : Parce que je protège mes enfants de manière un peu paranoïaque, c’est pour ça qu’il n’y a pas de photo d’eux sur le CD… Et je considère que même leur voix leur appartient suffisamment pour que ça soit eux qui décident : je veux que ça leur appartienne !
Julien, tu as analysé beaucoup d’albums dans ta vie, on peut donc dire que d’une certaine manière tu es chroniqueur. Le reproche que l’on fait le plus souvent aux chroniqueurs, c’est d’être des musiciens ratés qui critiquent les albums des autres. C’est un reproche qu’on ne peut pas te faire à toi. D’après toi, est-ce que le fait de maitriser la composition, la guitare et l’enregistrement te rend plus indulgent (ou moins) avec les albums des autres ?
Julien : Je pense que ça me rend carrément dégueulasse parce que je sais qu’on peut le faire et je ne comprends pas pourquoi les autres ne le font pas bien ! Je suis très, très exigeant par rapport aux albums que j’écoute, en ça que déjà j’exige qu’il y ait des chansons et de bonnes chansons dans un album et que ça ne soit pas juste des riffs avec des refrains à la con -j’attends des choses construites et intéressantes- et j’exige une production correcte…
... ce qui est de moins en moins le cas…
Julien : La prod n’est pas forcément une question de budget parce que tu peux tout faire à la maison. Et si tu as bien bossé ton truc, tu as besoin de deux jours en studio. Le problème de beaucoup d’albums, c’est quand ça a été fait instrument par instrument par facilité et qu’ils ont tenté de cacher au mix en mettant la même
reverb sur tout…
Justement combien de temps vous avez passé en studio ?
Julien : Pour le coup, l’album a été enregistré en trois jours…
C’est limite selon ton postulat…
Julien : C’est limite progressif (Rires) et il a fallu deux jours pour les autres musiciens pour le piano, les perçus et le violoncelle…
The Angels est un power trio. Est-ce pour toi la formule parfaite pour faire du rock ?
Paul Iron : Ouais ! On ne va pas se mentir ! Un des trucs supers du power trio -mais c’est aussi un peu sa malédiction- c’est qu’il y a de la place pour tout le monde. A trois, ça peut sonner très, très plein mais quand quelqu’un merde, ça devient très, très vide…
A propos de bassiste, je digresse, ça me fait penser à notre interview de Steven Wilson qui nous avouait que le nouvel album de Porcupine Tree venait de sessions entre Gavin Harison et lui à la basse.
Julien : Justement Steven Wilson est un bon exemple, toute proportion gardée, je n’ai pas son génie, je pense qu’on fonctionne de la même manière, Wilson a une image très précise de ce à quoi il veut arriver musicalement. Donc à partir de là, effectivement, s’il est capable de le jouer, un musicien extérieur ne ferait que ce qu’il a en tête…
Je suis un dictateur éclairé
Justement, pour l’enregistrement de cet album, tu as été plutôt en mode collaboratif ou en mode control freak ?
Julien : Je suis un dictateur éclairé (Rires) c’est-à-dire que j’ai des idées très précises de ce que je veux mais que je veux que Paul et Swanny bossent avec moi pour trouver la meilleure version possible de ce que je veux.
Paul : La plupart du temps, Julien arrive avec une maquette qui est déjà assez fournie. On commence par faire ce qui est sur la maquette, on le fait tourner une ou deux fois et ensuite, il nous demande si on changerait des trucs ou non. Parfois, ça nous permet de nous barrer dans une toute autre direction ou parfois, sa maquette était exactement ce qu’il fallait faire. D’ailleurs, c’est une des forces de Julien : savoir dire à un moment que ça va et passer à la suite. Et à contrario, sur ‘Laughing Gas’, il voulait une intro qui dénote complétement du morceau pour tromper l’auditeur et on est arrivés avec une idée qu’il a validée.
En gros, c’est Julien qui a les trames générales et nous, on bricole un peu autour et à un moment, il nous demande de ne plus rien toucher à rien parce que c’est bon !
Julien : L’album n’existerait pas sans Paul et Swanny et à plus forte raison, je n’aurais pas composé ces morceaux si je n’avais pas joué avec eux. Contrairement au premier album qui était composé de chansons dont la majorité existait déjà avant que le groupe ne soit monté.
Tu sous-entends que tu as composé ce nouvel album avec tes acolytes en tête ?
Julien : Ce ne sont que des chansons que j’ai composées en sachant que ce serait eux qui les joueraient.
Et penses-tu que si ça n’avait pas été le cas, ça aurait changé la couleur de cet album ?
Julien : Aucun doute là-dessus ! Il y a des parties de batterie où j’avais envie d’entendre Swanny jouer ça. Des parties de basse où je me disais que Paul allait les sublimer sans problème ou d’autres, à l’inverse, comme je connais très bien son jeu, je savais qu’il ne le ferait pas naturellement et donc l’amener là, ça lui ferait du mal et ça va être bien (Rires) !
C’est vraiment un album de groupe : il n’aurait pas pu exister sans eux !
Julien, toi qui es un spécialiste du matériel, il y a très peu d’effets sur cet album à part des overdrives (ou alors ils sont très subtils) et le son des guitares est souvent très sec. Est-ce que c’est un choix a priori ou est-ce que ce sont les morceaux qui l’ont imposé ?
Julien : Effectivement, de toutes façons, je compose débranché soit en acoustique soit en électrique pas branché. J’ai très rarement le son comme source d’inspiration et justement, c’est ce que je suis en train d’explorer pour le prochain album : d’essayer un peu plus ça dans mon processus. Mais cet album, typiquement, tout a été fait sans électricité. Donc effectivement, au moment de le jouer, je pense que c’est ce qui a déterminé ce son assez sec. J’aime bien un son assez sec aussi parce que ça permet de bien entendre ce que fait le musicien : il n’y a pas d’endroit où se cacher, pas d’arnaque possible… et du coup, quand j’ai des hésitations, j’aime bien qu’on les entende parce que ça fait aussi partie du morceau.
‘Cuddy Toy’ est un titre très original avec beaucoup de guitares différentes, des cassures rythmiques, des progressions d’accord qui changent pendant le morceau, du violoncelle. C’est presque du country prog dans l’esprit. Tu penses qu’il y aurait quelque chose à creuser dans ce style ?
Julien : J’aime bien cette étiquette de "country prog" : ça me plaît vachement ton idée ! Merci de l’avoir remarqué parce que c’est un morceau que j’aime bien et en termes de compo m’a donné pas mal de fil à retordre mais en fait, ce sont deux morceaux différents qui se sont imposés comme étant le même et où la greffe a pris au-delà de mes espérances. Ça s’est déroulé comme c’était dans ma tête tout simplement. Mais c’est sûr que ce peut être une direction à explorer, ce côté un peu plus sinueux et varié au sein d’une même chanson : ce n’est pas impossible qu’on continue d’enfoncer le clou dans ce sens.
Nos goûts musicaux sont fixés à 15 ans
Dans ton podcast "Guitare Obsession", il y a un épisode qui s’intitule "Peut-on aimer le rock progressif après l’adolescence ?" pendant lequel tu dis admirer Liquid Tension Experiment et Steven Wilson. Alors quelle est la réponse à cette question ?
Julien : J’irais même plus loin en ça que je pense que nos goûts musicaux sont fixés à 15 ans et que ce qui se fait après, on peut toujours continuer de découvrir des albums, des groupes, avoir des révélations… mais le cadre dans lequel ça va se passer sera fixé à l’adolescence. A savoir que je pense que pour beaucoup de gens, la musique devient quelque chose de moins important après l’adolescence et les cadres ont été posés à ce moment-là.
Toujours dans ton podcast, l’épisode "l’album qui a changé ma vie" parle de ton admiration pour l’album "Wildflowers" de Tom Petty. Sur "Little Ones", on retrouve cette influence sur des titres comme ‘Explore The World’, ‘Stolen Guitar’ ou ‘Lie To Yourself’…
Julien : (A Paul) Tu vois ça ? C’est un journaliste qui fait bien son boulot : regarde, parce que c’est rare (Rires) !
… Pour toi, ça reste la référence absolue ?
Julien : Référence absolue ? Je ne sais pas, en tous cas, c’est une exigence de qualité que j’essaie d’appliquer à tout ce que je fais en ça qu’il n’y a pas un seul titre qui est moins bon que les autres…
Tu es donc à contre-courant du business musical actuel dans lequel la plupart des groupes sortent des albums avec deux singles et le reste est du remplissage…
Julien : Exactement ! Et puis même pour dire les choses à l’envers, on a eu, dans les années 2000, pleins d’albums où tu avais deux singles intéressants et que des titres de merde tout autour, et après ça on s’est étonné qu’il y ait eu une crise du disque et que les gens n’en achètent plus… Effectivement, les artistes sont aussi en grande partie responsable de cette crise !
Effectivement, "Wildflowers", il n’y a pas une chanson moyenne, les arrangements sont parfaits et toujours au service de la chanson et toujours au service de la performance live.
Tu sous-entends donc qu’il n’y a pas un titre moyen sur "Little Ones" ?
Julien : En tous cas, il n’y en a pas que je saute pour le moment (Sourire)… Et pour revenir à "Wildflowers", au-delà de ça, c’est une production sublime : c’est Rick Rubin dans ce qu’il a fait de meilleur ! J’ai récemment vu un reportage sur l’enregistrement de cet album, il y a vraiment un côté
live dans la pièce, avec des arrangements par-dessus… Effectivement, en termes de démarche, je me pose régulièrement la question : "Est-ce que c’est à la hauteur de cette exigence ?".
Il y a une autre référence qui parcourt l’album et qui est moins évidente. C’est celle des Beatles, notamment sur ‘Little Ones’ ou ‘Cuddy Toy’, dont on vient de parler, ou même ‘Mermaid’ dans une certaine mesure. Est-ce une de vos références de toujours ou est-ce que tu vous vous êtes replongés dans leur discographie quand notamment Julien, tu as traduit en français le livre "Les Beatles – album par album" de Brian Southall ?
Julien : Je dirais que le bouquin de Brian ne m’a pas appris grand-chose par rapport à ma monomanie des Beatles. En gros, je devais être en 3e ou en 4e et un pote m’a passé l’intégrale des Beatles sur un CD mp3 et je crois que pendant une période de deux ans, je n’ai quasiment écouté que ça… Pour mes 18 ans, j’ai eu le coffret DVD "Anthology" qui doit faire 12 heures de reportage et que j’ai dû regarder ça un nombre inavouable de fois.
Mais de la même façon, il y a cette exigence de compo chez les Beatles, cette exigence d’arrangements, la prod est magnifique et au service des chansons… Même dans la chanson la plus évidente des Beatles, il y a toujours, à un moment, un accord qui n’était pas ce qu’il était censé être, une harmonie vocale qui amène le truc ailleurs…
… sauf quand c’est Ringo Starr qui chante…
Julien : (Rires) J’aime bien quand il fait de la country, quand il chante ‘Honey Don’t’ de Carl Perkins ou ‘Everybody's Trying to Be my Baby’, je trouve qu’il le fait vraiment bien…
En revanche tout le monde a en tête ‘Yellow Submarine’ et tu avoueras que le chant n’est pas légal…
Julien : Non, c’est sûr !
Et vous avez réagi quand j’ai cité le titre ‘Mermaid’…
Julien : C’est la chanson de Paul…
Paul : C’est moi qui l’ai composé…
Julien : … et qui la chante.
Paul : J’ai beaucoup connu les Beatles à travers mon père d’abord et avec Julien, ça ne s’est pas arrangé (Sourire) ! Pour l’anecdote, j’ai même fait une date où j’ai fait un
tribute à l’album "Revolver". C’est fou de constater qu’un album que je trouvais sympa : les dix premières écoutes, tu te dis que les Beatles, c’est cool et à la onzième écoute, tu réalises que ce n’est pas cool, ce sont des génies !
Et quelle a été la réaction de ton père, fan des Beatles, à l’écoute de "Little Ones" et ce titre en particulier ?
Paul : En vrai, je ne sais pas encore parce qu’il l’a écouté vite fait et il m’a dit qu’il l’écouterait avec une oreille attentive, le jour où l’album sortira…
A ce titre, le titre ‘Mermaid’ justement est très psychédélique. Est-ce que pour vous les années 1970 restent indépassables en matière de rock ?
Julien : Déjà pour moi, psychédélique, c’est plus années 1960…
Il n’y a jamais eu de meilleures époques que celle qu’on vit à l’heure actuelle
Nous sommes d’accord mais tu reconnais le côté psychédélique de ce titre ?
Julien : Oui, il est plus prog effectivement… Mais non, je pense qu’au contraire, on a la chance de vivre l’époque qu’on vit parce que déjà, il y a plein de musiques différentes, des propositions encore plus barrées peuvent trouver un public…
Non, je pense qu’il n’y a jamais eu de meilleures époques que celle qu’on vit à l’heure actuelle. Et à plus forte raison, on a souvent tendance à idéaliser le passé mais il ne faut pas oublier à l’époque que Emerson, Lake et Palmer se vendait mille fois plus que Robert Wyatt. A posteriori, les trucs géniaux sont remontés à la surface mais à l’époque, c’était quand même beaucoup des arnaques qui fonctionnaient.
J’assume d’être guitar-hero en ça que la guitare est le centre de ma vie et de mes préoccupations presque de façon maladive
Julien, tu es un excellent guitariste, pourtant tu sembles faire passer l’aspect chanson avant l’aspect guitare. C’est notamment le cas sur l’excellent ‘Laughing Gas’. Malgré ton savoir encyclopédique de la guitare, tu n’as pas l’âme d’un guitar-hero ?
Julien :
Guitar-hero est un terme compliqué parce que ça peut être plein de choses. Mes
guitar-heros sont Jack White… J’assume d’être
guitar-hero en ça que la guitare est le centre de ma vie et de mes préoccupations presque de façon maladive. Je dis "presque" parce que ma femme n’est pas là pour me dire que c’est "totalement" et pas "presque" (Rires) !
Mais pour revenir à ta vraie question, je ne compose pas autour de la guitare et mes compos ne sont pas une excuse pour jouer de la guitare.
Tu as la chance avec The Angels de pouvoir être épaulé au chant par les autres membres. C’est d’ailleurs Swanny Elzingre, ta batteuse, qui chante sur le titre ‘Wind at my Back’ dont le riff fait très Van Halen dans l’esprit. Comment attribues-tu les différentes parties vocales entre les autres membres du groupe ou à l’instar d’un ‘Mermaid’, ce sont tes acolytes qui chantent les chansons qu’ils ont composées ?
Julien : C’est ça ! Quand Paul est arrivé avec ‘Mermaid’, je ne me voyais pas la chanter, il n’en a jamais été question. ‘Wind at my Back’, c’est autre chose. En fait, on a toujours voulu que Swanny chante dans le groupe et elle, ça l’arrangeait bien d’être cachée derrière son
kit…
… elle chantait déjà sur le précédent…
Julien : Oui mais justement, sur le précédent, les voix féminines sont des choristes extérieures. Sur l’EP, on est arrivé à la faire chanter un tout petit peu dans les chœurs mais là, on y est arrivé. Du coup, c’est une chanson qui a été composée spécialement pour elle, où j’ai vraiment essayé de coller à sa tessiture, le texte a écrit de son point de vue et non pas du mien…
Et comment a-t-elle réagi vu la réticence dont vous nous faites part ?
Paul : On savait qu’elle chantait un peu et un jour, pendant le confinement, elle sort une vidéo où elle fait une reprise de Katy Perry en tant que chanteuse
lead : à partir de ce moment, on avait les preuves, il fallait qu’elle assume (Rires) !
Julien : Elle n’avait plus d’excuse !
Paul : Elle nous a répondu que Julien ne lui proposait pas de chanson. Julien lui a donné rendez-vous une semaine plus tard et elle avait sa chanson (Rires) !
Les Angels sont un support fabuleux de création !
Quelque part, était-ce un appel de sa part pour approbation ?
Julien : Sûrement, et je pense qu’on le fait tous. Mais effectivement, je pense qu’elle n’est pas encore sûre de ces capacités vocales et qu’il faut qu’on la pousse dans ce sens parce que j’adore sa voix et j’adore le fait d’avoir plusieurs voix sur un même album. De toutes façons, Paul a une voix plus aiguë que la mienne et moins fragile, en concert, c’est précieux pour cacher que ma voix est en train de se casser sur certains refrains et il y a certaines chansons où il harmonise magnifiquement : il a un sens de l’harmonie qui est génial !
Encore une fois, les Angels sont un support fabuleux de création ! Je sais que si j’entends une harmonie à la con, je sais que Paul sera tout à fait capable de la faire.
Mais si elle n’est pas à la con, tu ne peux pas la faire…
Julien : (Rires)
Paul : J’arrête de placer mon père ensuite mais il adore faire des chansons avec des harmonies à la con. Du coup, quand Julien me propose d’en faire une, ça me parle (Rires) !
Julien Bitoun & The Angels est presque une histoire qui tourne autour du confinement. Votre premier album "Big White Moon" est sorti juste avant…
Julien : … une semaine avant !
… et certains titres de "Little Ones" ont été composés pendant. Est-ce que ce deuxième album serait sorti si tôt s’il n’y avait pas eu cet épisode malheureux ?
Julien : Plus tôt je ne sais pas, parce qu’il aurait fallu de toutes façons le composer et les compos n’auraient clairement pas été les mêmes s’il n’y avait pas eu cet épisode.
L’album parle beaucoup de l’expérience d’être enfermé pendant deux mois
avec un petit qui ne sait pas s’occuper de lui tout seul
Pour quelles raisons concrètement ?
Julien : Ça m’a forcé à passer beaucoup de temps sur les compos tout seul. Et dans les thèmes abordés, en filigrane, l’album parle beaucoup de l’expérience d’être enfermé pendant deux mois avec un petit qui ne sait pas s’occuper de lui tout seul et donc à qui il faut lire des bouquins, sortir pendant une heure avec attestation et espérer qu’il fasse une sieste de plus de 50 minutes pour se reposer.
On réserve généralement ces questions pour les groupes progressifs qu’on rencontre. En gros, tu me dis que c’est un album concept autour du thème comment gérer son enfant…
Julien : C’est exactement ça ! C’est peut-être exagéré mais je pense qu’un bon album est un début de concept-album même si ce n’est pas une trame narrative cohérente ou un truc comme ça, mais il y a forcément une unité de lieu ou une unité de temps qui font que c’est un début de concept-album au sens large. Par exemple, pour moi, le dernier Orelsan est un concept-album même s’il n’y a pas une histoire du début à la fin mais dans la manière dont certains titres s’enchaînent, dont certaines préoccupations reviennent d’un titre à l’autre… : c’est un concept-album.
Donc, cet album n’aurait pas été le même sans le confinement et évidemment, il est prêt depuis un an, donc il serait sorti plus tôt s’il n’y avait pas ça.
D’ailleurs pendant ce confinement vous avez aussi sorti un EP en hommage à Hank Williams, "A Day With Hank Williams". Et le dernier titre de l’album, ‘Little One’ (sans "s") y fait aussi référence. Pourquoi admires-tu autant ce maître de la country pour devenir le créateur du country prog ?
Julien : (Rires) D’ailleurs, dans mon studio, il y a un grand portrait de lui en haut du mur un peu comme un sensei dans un dojo (Sourire). Pour moi, c’est un peu une figure mythologique à laquelle on peut se référer quelle que soit la situation. On retrouve du Hank Williams dans les Beatles, dans le hard rock, même dans le metal si on veut bien le chercher et évidemment, dans la country, la pop… Pour moi, quand on enlève toute la décoration, quel que soit le style, la substantifique moëlle c’est ça, c’est cette exigence d’écriture : d’ailleurs, il était surnommé le Shakespeare
hillbilly. Dans Shakespeare, il y a tout : toute la littérature future est contenue dans Shakespeare dans ce côté drame de l’Humanité. Et toute la musique future est contenue dans Hank Williams : il a déjà défini tout ce qu’il allait se jouer ultérieurement…
Paul, quand il est lancé comme ça, je me demande comment vit-on au quotidien en studio ?
Paul : (Rires) Tu comprends l’importance d’avoir une section rythmique solidaire (Rires) !
Julien : Ce n’est pas de la solidarité mais du soutien mutuel (Rires) !
Paul : Non mais c’est génial, on apprend pleins de trucs, des références auxquelles on ne penserait pas… C’est un peu une occasion d’apprendre à chaque fois parce que tu ne sais jamais quand il va te sortir une référence. J’ai découvert les Flying Burrito Brothers, un groupe de country rock des années 1970…
Julien : … avec les Eagles, Jackson Browne et Commander Cody…
Mais pour revenir à ta question, je m’empêche consciemment de raconter des anecdotes et des références qui me passent par la tête quand je suis avec eux…
C’est donc ta femme et tes enfants qui en subissent les conséquences ?
Julien : Non, le moins possible ! C’est pour ça que je suis obligé d’écrire des livres parce que sinon ça tournerait…
Paul : Et faire des podcasts, le micro ne peut pas s’enfuir (Rires) !
Julien : Ma femme joue de la guitare acoustique mais elle s’y connaît plus en matos électrique que n’importe quel guitariste électrique à cause de moi parce que je ne peux pas m’empêcher…
D’ailleurs, as-tu prévu d’inviter ton épouse sur un prochain album ?
Julien : Non ! Si elle ne me le demande pas, non !
Il faut que ça vienne d’elle. Donc madame Bitoun, si vous lisez cette interview, vous savez ce qu’il vous reste à faire…
Julien : Exactement ! Bien évidemment, j’adorerais ! J’ai déjà essayé de lui produire un album et pour être totalement exact, sur un album que j’ai fait il y a dix ans, elle fait les chœurs mais il faut bien les entendre…
Et finalement, quels sont vos attentes pour cet album ?
Julien : La même chose que chaque nuit, Minus, tenter de conquérir le monde ! (NdStruck : citation du dessin animé des années 1990 "Minus et Cortex")
Et avant le monde, des dates de concert à annoncer ?
Julien : Bien sûr, à commencer le samedi 21 mai au Zèbre de Belleville : on vous y attend avec plaisir ! Il y aura quelques dates en province et on jouera à Clichy en novembre dans le cadre de la Guitar Fest qui est un festival que j’organise tous les ans.
On a commencé par la question qu’on vous a trop souvent posée au contraire quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ou à laquelle vous rêveriez de répondre ?
Julien : C’est dur de répondre à cette question !
Vous avez l’air de sécher. Ce que je fais, c’est que je clos cette interview par cette question en suspens, je vous propose d’y réfléchir et nous commencerons la prochaine interview par cette question et sa réponse…
Julien : Ça me plait bien ça, comme une histoire à suivre… C’est très cool, rendez-vous est pris…
Justement, on a un agenda très chargé chez Music Waves, quand prenons-nous rendez-vous pour évoquer le prochain album ?
Julien : J’aime bien des EPs entre les albums parce que ça me permet d’explorer…
On prend donc rendez-vous quand exactement ?
Julien : On verra bien (Sourire) ! Pour l’instant, je suis encore en train de bosser sur des compos, à réfléchir à la couleur… et puis, bêtement, je m’empêche d’y aller trop vite parce que j’ai envie qu’on défende cet album sur scène le plus possible…
C’est tout naturel. Merci
Julien Bitoun & the Angel : Merci à toi !
Merci à Newf pour sa contribution...