Bien qu'ayant déjà un album -le prémonitoire "Pandemia"- au compteur, Magoyond a trouvé sa voie et réellement fait son entrée dans la scène metal avec "Kryptshow". Trois ans plus tard, le quatuor revient plus fort, plus intense que jamais avec "Necropolis" avec la ferme intension de pouvoir enfoncer le clou...
Lors de notre dernière interview, Le Mago, nous t’avions demandé quelle était la question que tu aurais aimé que l'on te pose, tu n’avais pas su répondre et nous avons convenu de commencer notre prochaine interview par cette question et sa réponse… Séquence devoir…
Le Mago : (Rires) Je sais par quelle question, on aurait pu terminer la précédente interview… "Est-ce pour le prochain album, vous auriez imaginé une telle réussite pour le
crowdfunding ?". Et la réponse aurait été "Non !" (Rires) !
Justement, comment avez-vous promu votre précédent album "Kryptshow" alors que le virus est venu nous dévorer début 2020 ?
Aspic : Un petit peu, on a dû faire quatre ou cinq
lives à tout casser et on a été confinés !
Nobru : On avait un an de dates prévues à raison d’une date par mois en gros…
Le Mago : Tout s’est stoppé et c’est un peu dommage… Après, on a essayé de rebondir en créant du contenu sur Internet pendant les confinements mais évidemment, il fallait jouer avec les humeurs de chacun…
"Kryptshow" a vraiment été coupé dans son envol !
Et avez-vous un goût d’inachevé au niveau de la vie de "Kryptshow" ?
Le Mago : "Kryptshow" a vraiment été coupé dans son envol ! Surtout qu’il avait démarré à rebours : l’album est sorti en avril, on a fait la promo avec Replica qu’en septembre et peu de temps après, on était bien (Sourire)… Il y a eu un grand goût d’inachevé avec "Kryptshow" pourtant l’album a bien vécu sur Internet : il a rameuté les gens…
Dans ses conditions, la déception a dû être plus grande à savoir que jamais un de vos albums avait été si bien accueilli et vous n’avez pas pu le défendre sur scène…
Vito : Exactement : c’était frustrant !
Le Mago : Mais en même temps, on avait tellement bossé, on était tellement rincés à la fin de "Kryptshow" que c’était difficile pour nous de continuer et pourtant, il fallait continuer à ce moment-là… C’était peut-être un mal pour un bien ? En tous cas, il a été coupé dans son élan mais ça nous a permis de travailler sur la suite.
Vito : Il a été coupé mais je n’ai pas l’impression qu’il n’a pas eu de vie ?
Le Mago : Non, il a été freiné…
Et il n’a pas eu la vie qu’il méritait sur scène…
Vito : C’est probable mais quand même l’impression qu’il a fait son petit effet et son petit chemin, même s’il aurait faire mieux…
Le Mago : En fait, on a utilisé "Kryptshow" comme un premier album : on l’a envoyé à plein de gens, plein d’influenceurs, on l’a fait découvrir à des gens… "Pandemia" était plus difficile d’accès si bien qu’avec "Kryptshow", on a pu donner un premier accès à notre univers…
Et effectivement la promo que vous avez faite qui vous a permis de toucher son public…
Le Mago : Complétement ! Le
live est toujours un gros hameçon mais dans le cas du Covid, tout le monde a été logé à la même enseigne : il fallait qu’on soit patients !
C’est très bizarre de se dire qu’on est un peu rattrapés par notre histoire !
D'ailleurs à ce sujet et avec rétrospection, on se rend compte que vos paroles étaient prophétiques. On entend ''Nous sommes le virus, vous êtes le vaccin'' dans ‘L'Armée des Damnés’. Votre premier album sorti en 2012 s'appelle également "Pandemia". Avez-vous un alibi en béton ?
Le Mago : Pour notre promotion, il faut dire que nous ne sommes pas en lien mais en réalité, les premiers mois de confinement, on a eu une explosion des
streams sur le web… Et du coup, oui, on peut le dire maintenant : tout était orchestré (Rires) ! Non, c’est faux…
Non, c’est faux… mais c’est très bizarre de se dire qu’on est un peu rattrapés par notre histoire ! A la base, on voulait faire de la fiction et raconter des trucs mais c’est vrai que depuis, c’est devenu un peu trop terre à terre…
Ce nouvel album s'intitule "Necropolis" ce qui signifie en grec la cité des morts, ce n'est pas celle dans laquelle Magoyond veut s'enterrer. Ce concept album semble très inspiré par une triste réalité épidémique comme on peut l'entendre sur le titre éponyme ? Etait-ce difficile d'écrire en omettant l'actualité ?
Le Mago : Ça fait quand même dix ans qu’on est un peu dans cette actualité de fin du monde donc, du coup, pour nous, c’était une continuité même si ça n’a pas été simple… En fait, ça a plus été un levier pour faire connaître le groupe mais il ne fallait pas que ça entrave notre écriture…
On s’est un peu détachés de l’actualité justement pour parfaire notre histoire, créer notre ville… parce que tout le sujet de la fin du monde, du virus… on l’avait déjà abordé.
L’idée était de prendre un peu un contrepied, prendre les choses un peu différemment, à savoir que la fin du monde est désormais actée -on la vit au quotidien- maintenant, on va créer notre ville des morts !
Dès le ‘Prélude’ qui déborde sur ‘L'Ordre de l'Ombre’, vous plantez le décor qui sera peu ou prou le même. L'album est plus sombre que "Kryptshow" et prend son contrepied. Nous sommes loin d'une ambiance Disney musclée ou avec des morceaux plus légers d'Alice Cooper. Y avait-il une volonté de prendre une distance avec le précédent album ?
Aspic : Non ! Sans prendre de distance, nous voulions le faire évoluer… On est déjà très tatillons sur la qualité de ce qu’on veut produire. Comme tu l’as dit, on avait ce sentiment d’inachevé, on a donc voulu prendre le temps de peaufiner tout ça et de proposer quelque chose de plus abouti !
Vito : Une autre petite différence c’est que "Kryptshow" est une synthèse de tous les EPs et de nouvelles compositions de l’époque : on en a fait un double album. Du coup, c’est un peu moins cohérent que "Necropolis".
On a fini par trouver notre style avec "Kryptshow"

Nous avions abordé ce point lors de notre précédente interview à savoir que la variété de "Kryptshow" pouvait déstabiliser…
Le Mago : Tout à fait !
Vito : "Necropolis" a vraiment été composé dans sa globalité. Ce n’est pas du tout la même démarche pour autant : je pense qu’on a fini par trouver notre style avec "Kryptshow" à savoir cet équilibre entre le côté metal, le côté production symphonique / orchestral et les paroles en français, ce qui était une bonne base pour faire ce qu’on a fait avec "Necropolis".
Le Mago : Du coup, "Necropolis" est la suite directe de "Kryptshow" parce que la dernière chanson ‘Les Fossoyeurs’
tease déjà et sur ‘Prélude’, on est vraiment dans la suite logique.
Aspic : C’était prévu, l’idée était que les titres s’enchaînent…
"Necropolis", c’est "Kryptshow" en mieux !
On retrouve un peu de la légèreté de "Kryptshow" sur ‘Goliath Paradise’ et ‘Monstapark’ mais sur cette dernière piste, les sonorités de fête foraine sont balayées par un son lourd, comme si vous souhaitiez dire que "Kryptshow" était piétiné et bien aplati. N'avez-vous pas peur de voir les fans du précédent album se détourner de vous ou est-ce une manière de tendre la main vers les metalleux en montrant que votre metal est maintenant pur ?
Aspic : On a moins ce décalage qu’entre "Kryptshow" et "Pandemia" où il y a un énorme fossé ! "Pandemia", c’est rigolo, c’est très varié et "Kryptshow", c’est déjà beaucoup plus metal. En fait, "Necropolis", c’est "Kryptshow" en mieux ! On est beaucoup plus satisfaits de "Necropolis" qu’on l’a été de "Kryptshow" ou du moins, on le reste plus longtemps… On avait pensé qu’on avait beaucoup bossé sur "Kryptshow" mais sur "Necropolis", c’était cinq fois plus (Sourire) !
Le Mago : Il y a un côté métaphorique sur "Necropolis" : avec ‘Le Charnier des Epouvantails’, on brûle joyeusement tout ce qui avait eu avant pour reconstruire quelque chose de nouveau. Ça nous fait plaisir parce qu’on se reconstruit, on fait quelque chose de nouveau sans enterrer forcément ce qu’il avait avant. Tout ce qui vient est la continuité, la suite logique de Magoyond sans pour autant dénigrer le boulot qui avait été fait auparavant…
Sans parler d'album de la maturité, on a l'impression que vous passez des zombies rigolos et quelque peu exaspérants de "Shaun of the Dead" à l'armée des morts de Tolkien ou les zombies de Romero. Vous y avez en partie répondu, mais est-ce que ce changement de cap pourrait s'expliquer par un changement d'inspiration ou une volonté de vous focaliser sur un concept mieux construit que sur "Kryptshow" ?
Le Mago : Il y a effectivement une évolution logique pour nous. Au départ, c’était le zombie série Z, un peu rigolo, un peu fait de bric et de broc avec la vieille cicatrice dégueu et aujourd’hui, on est sur quelque chose de plus propre, de plus grandiloquent…
Aspic : Le zombie a envahi tous les vivants…
Le Mago : C’est le monstre plus que le zombie. On s’est un peu détachés du zombie même en englobant plus de monstres parce qu’on a plus de références grandiloquentes : c’est moins grotesque que le simple zombie. En revanche, c’est une évolution qu’on a souhaitée dès 2014 : on s’est dit qu’il fallait qu’on voie plus grand, plus large…
"Necropolis" est un peu l’album dont on rêvait depuis longtemps !
Comme les films qu’on a évoqués dans notre précédente question. Mais à ce titre, il y a des amateurs de films de zombie de série Z et d’autres qui ne le sont pas. L’évolution de votre musique va dans le sens de cette évolution : ne craignez-vous pas de vous couper des fans du Magoyond rigolo de série Z ?
Le Mago : J’ai eu peur d’avoir un accès moins rigolo, plus sérieux, plus violent et puissant mais les gens nous suivent parce qu’ils retrouvent l’univers qu’on a construit et que ça s’inscrit dans une évolution.
Aspic : Les gens grandissent avec nous… Après le Covid, c’est dur de sortir un truc sur une pandémie, sur des monstres en mode rigolo sachant qu’on le fait déjà depuis dix ans… A un moment, surtout pour un troisième opus : généralement dans les trilogies, le troisième opus est le plus sombre c’est donc logique que cet album soit plus sombre. Mais si on fait un quatrième album, ça sera peut-être très différent !
Le Mago : Probablement. Il y a ce petit côté dégringolade… Tu parlais d’album de la maturité : je pense qu’on a évolué musicalement, on sait vraiment ce qu’on veut faire alors qu’au départ, on ne savait pas trop, on expérimentait… Aujourd’hui, on a clairement placé notre barre qui est plus haut que ce que nous avions imaginé !
Aspic : Le Magoyond de 2012 aurait adoré entendre "Necropolis" : on aurait été très émus ! "Necropolis" est un peu l’album dont on rêvait depuis longtemps !
Je suppose comme vous l’avez été avec "Kryptshow" qui était le premier gros palier franchi ?
Le Mago : C’est vrai !
Aspic : "Kryptshow" était moins apprivoisé, c’était un peu compliqué… Et on a eu tout le Covid pour réfléchir et faire mûrir le concept…
Le Mago : En revanche, tout est assumé… Si "Pandemia" était de bric et de broc, dès "Kryptshow", on savait vers où on voulait aller et terminer… Avec quels moyens ? Nous en avions strictement aucune idée parce que ça nous est tombé dessus…
Mais finalement, il suffit de juste regarder les visuels entre celui de "Pandemia" fait avec les moyens du bord et ce dernier…
Aspic : La pochette ne devait pas être celle actuelle. La pochette de "Necropolis" devait être celle qu’on retrouve désormais à l’intérieur mais on a vu le "N" et on s’est dit que ce "N" était évident : "Necropolis", c’est le "N", l’emblème !
Le Mago : Et le concept de l’album s’est fait avec le nom, on a fait le visuel, imaginé l’emblème de la ville avant même de vraiment avoir fait les chansons ! Avec cet emblème, on s’est dit qu’on avait un truc (Sourire) !
On retrouve une ambiance anxiogène sur ‘Le Village’ avec une voix beaucoup plus calme et une tension qui plane de façon menaçante mais qui n'explose pas véritablement. Le titre pourrait-il être inspiré par la célèbre série anglaise avec Patrick McGoohan auquel vous auriez substitué ''Je ne suis pas un numéro, je suis un zombie libre.''
Le Mago : Je ne vois pas du tout la référence…
La série "Le prisonnier"…
Le Mago : A la base, le concept de la chanson ‘Le Village’ était de coller avec le jeu des loups-garous de Thiercelieux. Initialement, je voulais que la chanson se déroule comme une partie : qu’on ait tous les intervenants, toutes les cartes et qu’ensuite le tour des loups-garous arrivent… Mais lors de la composition et de l’écriture, il y a eu cette dégringolade vers la violence qui me paraissait naturelle mais jamais vue pour nous. Cette chanson a été une expérience à mettre en place.
Aspic : C’était étonnant parce qu’en écrivant, on se demandait où on allait, qu’est-ce qui se passe (Rires) ?
Le précédent album avait deux disques mais celui-ci avec un seul disque et une durée d'écoute de 42 minutes semble plus digeste. Est-ce que vous avez écrémé les titres en studio pour obtenir ce résultat moins généreux mais plus efficace ?
Aspic : C’est une fausse impression parce qu’il est extrêmement dense, chaque seconde est complexe, complète et importante ! On a préféré faire 42 minutes très intenses plutôt que 55 minutes plus diluées… Et c’est rigolo parce que ça devient un peu du metal progressif alors que ce ne sont que des chansons de trois ou quatre minutes…
Le Mago : Chaque chanson a son style affirmé qu’à part dire que c’est un album cinématographique, cinématique parce que c’est concrètement une bande originale de film à la sauce metal… mais ça a toujours été notre cas…
On travaille chaque chanson comme une nouvelle, comme un petit univers…
D’ailleurs, est-ce une volonté de votre part ?
Vito : C’est clairement quelque chose de différent, même si on retrouve certains
gimmicks notamment chez moi -de guitare- qui peuvent se retrouver dans plusieurs compos mais ça ne se ressemble jamais… On part parfois du sujet pour arriver à la compo…
Aspic : On a parfois dû changer des mots parce que ce mot français était déjà présent dans une chanson pour éviter la redondance…
Le Mago : On s’est cassé la tête pour trouver des choses uniques à chaque chanson, des univers à chaque chanson et c’est aussi pour ça que les gens peuvent découvrir Magoyond de plein de manières différentes parce que s’ils rentrent par une chanson où le style ne leur convient pas, ils peuvent très bien en trouver une autre qui leur parle… On travaille chaque chanson comme une nouvelle, comme un petit univers…
Et ça correspond finalement très bien au mode de consommation de musique actuel en mode playlist…
Le Mago : Un petit peu…
Vito : Et il faut aussi noter qu’en faisant toutes ces musiques différentes, on se fait plaisir. C’est quelque chose qu’on souhaite faire, on ne se force pas à le faire : c’est vraiment quelque chose qui nous plaît !
Le Mago : C’est une vraie originalité qu’on a : on n’a pas peur de se classer en fusion parce que nos influences sont partout. Et si on a déjà fait une chanson dans un style, il faut qu’on trouve une nouvelle manière de le traiter parce qu’on ne veut pas refaire systématiquement la même chose : on n’est pas les Airbourne, les AC/DC ou autres où les albums se ressemblent...
Vito : Il y a des petites exceptions, bien sûr. On a voulu un nouveau ‘Vegas Zombie’ qui était sur "Kryptshow", on a fait ‘Goliath Paradise’ mais avec un accordage différent ! C’était notre volonté de tendre vers un nouveau ‘Vegas Zombie’ : il n’est pas similaire mais il y a une filiation !
Le Mago : Et ça rend notre univers cohérent parce qu’on retrouve les mêmes codes…
Aspic : On va dire que concernant ce titre, le cahier des charges de la chanson était à peu près le même c’est-à-dire une chanson avec des cuivres. Et c’est la même chose entre ‘Le Croque-mitaine’ du précédent album et ‘Le Village’, c’est-à-dire une chanson qui monte en intensité mais avec un traitement différent qui fait que ce sont deux chansons différentes.
Vito : Effectivement, j’essayais de me dire “si on faisait un nouveau ‘Croque-mitaine’ ”, mais en fait, on l’a plus ou moins déjà fait avec ‘Le Village’ et pourtant, ce sont des structures, des gammes, des instruments totalement différents… mais il y a une filiation !
Aspic : Et ‘L’Eveil des Titans’ est un peu un nouveau ‘Qu’Allons-nous Faire ?’ de "Pandemia" : il y a des grosses similitudes planquées un peu partout et quand on soulève un peu, on les voit… Mais c’est le cas de ‘Necropolis’ qui est aussi la suite de ‘Hector Zam’ à l’envers : les deux chansons sont en miroir…
Vito : Et pourtant, on a l’impression d’écouter un nouveau truc alors que c’est le même thème…
On est aussi là pour casser des codes et surprendre : c’est qu’on aime faire !

On retrouve une piste parlée sur ‘L’avènement du Nécromant’. Même si celle-ci possède une mise en son grandiose, n'avez-vous pas peur que le concept empiète un peu sur la musique ? Est-ce que le packaging et un livret n'auraient pas été suffisants pour exposer les principaux points de votre concept ou est-ce que finalement Naheulbeuk, dont Le Mago, tu fais partie, n'est pas venu contaminer Magoyond ?
Le Mago : Ce n’est pas vraiment Naheulbeuk mais on a eu envie -après avoir enlevé les guitares et la basse de la piste du ‘Chapiteau des supplices’ de "Kryptshow"- de faire une chanson orchestre / voix.
Aspic : Surtout qu’on avait un vrai orchestre et ça aurait bête de systématiquement mettre des guitares devant : on avait l’occasion de faire une piste narrative comme l’intro de "La Belle au Bois Dormant" de Disney…
Le Mago : … ou de Tolkien du "Seigneur des anneaux"…
Aspic : De n’importe quelle intro finalement ! Il se trouve qu’on avait la voix et l’orchestre : on s’est fait un kif !
Le Mago : On s’est fait un vrai kif mais ça a été difficile à écrire parce qu’on voulait que ça reste cohérent… On trouvait que dans le côté narratif et cinématographique, ça avait tout à fait sa place. C’était osé mais finalement, je suis très, très content !
Aspic : C’est osé parce que personne ne le fait…
Le Mago : Souvent, c’est au début : Hollywood Vampires a commencé son album avec Christopher Lee mais c’est en introduction. Dans notre cas, c’est osé parce que c’est au milieu de l’album… Pourquoi pas finalement ? On est aussi là pour casser des codes et surprendre : c’est qu’on aime faire !
Il n’y avait pas de choix, il fallait que je sois à la hauteur !
Le Mago, alors que tu disais dans la précédente interview que tu n'étais pas un chanteur à l'origine, comment cette fois-ci as-tu rempli ton pari de devenir un vrai chanteur de metal -on soulignera la belle performance sur ‘Monstapark’- on te sent beaucoup plus confiant et tu as gagné de la puissance vocale, quel est ton secret ? D’ailleurs, au niveau du chant, on retrouve quelques accointances avec Till Lindemann, est-ce une référence ?
Le Mago : Oui, j’aime beaucoup Rammstein. Mais dans mon cas, il n’y a pas de secret et de la remise en question constante : Aspic m’a fait sortir des choses dont je ne me sentais pas capable. Déjà au temps de "Kryptshow", je ne pensais pas être capable de faire ce que j’ai fait…
Aspic : Mais pour cet album, on a passé trois fois plus de temps…
Le Mago : On a fait la musique et à un moment, on est arrivés sur la voix et il fallait que ça soit à la hauteur de ce que nous avions composé. Il n’y avait pas de choix, il fallait que je sois à la hauteur ! On a travaillé, travaillé, travaillé pour sortir ce que je pouvais et on a vu que ma voix était capable de telles choses…
Aspic : Mais de toutes façons, on n’avait pas le choix : on ne pouvait plus transposer les chansons, on ne pouvait plus changer de tonalité, changer de structures, l’orchestre avait déjà été enregistré…
Le Mago : Il fallait y aller ! Donc à part du boulot… Et quand je parle de remise en question, j’en étais presque à chialer parce que je me disais que j’étais incapable d’assurer sur cet album !
Aspic : Etonnamment, tu cites ‘Monstapark’ alors que ça a été l’une des plus faciles, l’une des plus réussies et spontanées…
Le Mago : C’est vrai !
Aspic : En revanche, ‘Necropolis’ a été un casse-tête parce que 99% des choix de chant et de textes étaient complétement nazes. C’était à la fois français et sérieux sur un rythme d’un titre de Johnny (Sourire) et très vite, on allait dans une direction qui ne fonctionnait plus…
Le Mago : Et il fallait garder le personnage, il faut garder les intentions… Il y a un
step-up, c’est certain mais sans Aspic et sans notre ouverture d’esprit qu’on a pu avoir sur les textes en ne s’enfermant pas et en n’ayant aucun ego en se disant qu’on allait changer jusqu’à ce que ça nous plaise à tous, on n’aurait pas pu y arriver.
Aspic : Et c’était marrant parce que les textes rendaient bien à l’écrit, on les chantait, c’était ridicule. On changeait l’écrit pour qu’il sonne mieux une fois chanté, on relisait la nouvelle version, c’était complétement ridicule, ça n’avait plus de sens… C’était terrible !
On se casse le cul sur les paroles et sur la voix !
C’est toute la difficulté de faire sonner le français dans du metal ou du rock de façon générale…
Vito : Tout à fait ! La langue maîtresse reste l’anglais mais c’est d’autant plus intéressant…
Aspic : On a réussi à trouver des mots qui n’ont pas un énorme contenu mais qui passent bien quand c’est chanté… On peut avoir trois ou quatre mots ridicules mais une fois chantés, hurlés à 130 décibels, ça marche ultra bien alors que sur le papier, c’est ridicule !
Le Mago : Là est notre particularité, on se casse le cul sur les paroles et sur la voix ! Il y a plein de groupes français qui peut-être abandonnent parce qu’ils estiment que c’est peine perdue…
L'influence du cinéma est très prégnante sur le titre éponyme -on y retrouve une partition de piano mélancolique associée avec des orgues démentiels et des chœurs-, est-ce que vous êtes en train de créer une passerelle vers un autre format ?
Le Mago : C’est la première fois qu’on nous pose la question…
C’est la première fois ?
Le Mago : De cette manière. On fait de la musique qui est cinématographie et l’idée est que dès les trois premières notes, un film se joue dans la tête de l’auditeur.
C’était le cas sur "Kryptshow" mais c’est encore plus marqué sur ce nouvel album…
Le Mago : Exactement !
Aspic : Dans beaucoup de films qui sortent au cinéma, il n’y a virtuellement plus de musique. Quand tu cites de la musique à l’image, tu cites "Star Wars", "Pirate des Caraïbes" vite fait parce qu’il y a un thème… La série "Obi-Wan", c’est désastreux, ce n’est pas du "Star Wars", tu n’as plus du tout la patte…
Le Mago : Alors que nous avons cet amour du thème musical, cet amour de la musique de film et de l’image forte… du coup, on se bat sur des stéréotypes du cinéma et de la musique de cinéma, la grande musique des films des années 1990… On a fait un travail de fond comme si on devait faire une musique de film…
Vito : Et encore une fois, c’est kiff pour nous de faire ça !
Aspic : Et on aimerait bien aller voir un film qui nous transporte autant…
Vito : La question sur un potentiel long-métrage n’est pas une mauvaise question mais la manière dont tu poses la question est un peu mieux amenée pour savoir sur quoi on peut déboucher par la suite, sur quel média on peut étendre notre univers.
Le Mago : Le long-métrage, c’est très bien mais c’est un boulot colossal et un budget inatteignable ! Avec le budget qu’on a eu, on a réussi à faire un clip pour ‘Goliath Paradise’ qui à l’image est très proche de nos attentes mais c’était la chanson la plus simple à rendre à l’image…
Pour la suite, on a envie des choses qui sont plus portés sur la collaboration…
Dans ‘Goliath Paradise’ justement, on entend une voix féminine sur l'introduction ‘Memento Mori’. Qui est cette personne ? Sur ce morceau qui évoque ‘Vegas Zombie’, paradoxalement nous ne retrouvons pas d’interprète féminin. Sans entrer dans un débat féministe, pourquoi avez-vous fermé la porte à un duo masculin/féminin qui était plutôt une réussite sur le précédent album ?
Vito : On n’y a juste pas pensé, tout simplement…
Le Mago : On s’est malgré tout posé la question de la collaboration mais on était tellement dans le
flow que ça ne s’est pas présenté…
Aspic : Mais on s’est rattrapé dans le clip où il y a une mixité.
Le Mago : C’est vrai : il y a beaucoup de personnages féminins… Mais peut-être un jour, on prendra plus le temps de faire de la collaborations…
Vito : Bien sûr ! C’est bien de poser ces questions mais parfois, on ne peut pas tout faire. Il y avait une question très pragmatique à savoir qu’on n’a pas forcément eu le temps d’y penser jusqu’au bout et on n’avait pas les personnes…
Aspic : En revanche, je tiens à dire qu’il y a dix-huit filles qui chantent sur l’album.
Le Mago : C’est vrai !
Aspic : Et dans l’orchestre, il y a la moitié c’est-à-dire une vingtaine… Mais en fait, on n’a pas eu le temps, même dans le refrain de ‘Goliath Paradise’, on voulait faire chanter deux ou trois filles mais on n’a pas eu le temps… Et ça n’aurait pas changé grand-chose, il aurait fallu créer un premier rôle féminin ce qui n’était forcément pertinent…
Le Mago : On était dans la réalisation de la ville. En revanche, pour la suite, on a envie des choses qui sont plus portées sur la collaboration…
… Vous avez déjà sur la suite ?
Le Mago : Il y a des idées. On commence à envisager la suite mais elle est déjà un peu
teasée à la fin de l’album. Je pense que quand on aura pris un peu de recul -parce qu’on a passé littéralement dix ans sur le même endroit de la carte qui a évolué- on va aller voir ce qu’il se passe ailleurs dans le monde et on va forcément rencontrer des personnages atypiques et ces personnages atypiques seront des femmes, des hommes, des créatures dont on ne sait pas encore ce que ce sera exactement mais on va essayer de s’ouvrir sur ce genre de collaborations…
Sur ‘L'éveil des Titans’, on a l'impression d'entendre la célèbre musique crispante des "Dents de la mer" qui se propage et vient nous inquiéter. En somme, sur "Kryptshow", Magoyond nous faisait rire d'effroi et désormais sur "Necropolis", Magoyond nous effraie sans rire.
Le Mago : Complétement ! ‘L’Eveil des Titans’, c’est la métaphore de notre situation actuelle, c’est le jugement des Titans…
Aspic : En fait, c’est ce titre qui est relié à l’actualité. On disait qu’on ne faisait pas tant de choses que ça d’actualité ou politique, mais c’est quand même la seule chanson où on envoie un message qui dit qu’on détruit notre planète.
Le Mago : Il y a ce côté "Dents de la mer" et ce thème avec cette menace qui tourne tout autour de nous. Je trouve la chanson faite de façon admirable parce que l’orchestre ajoute un truc tellement sombre et le fait d’avoir un
fade out à la fin et qu’on s’éloigne un petit peu de cette scène qui est en train de se passer laisse penser ce qu’on veut : il y a une ouverture possible ! On prend un peu de recul sur l’horreur (Sourire) !
Votre perversion métallique des dessins animés de notre enfance se poursuit avec cette fois-ci "Le Roi Lion" comme victime de vos expériences. Pourtant, petite déception, le morceau semble se prêter plus facilement au metal que ‘Le Pudding à l'Arsenic’ en particulier le chant. Est-ce que finalement ce n'était pas une solution de facilité ou au contraire souhaitiez-vous coller à votre concept et ne pas vous en écarter en utilisant un texte qui s'insère sans problème aucun dans "Necropolis" ?
Le Mago : Quand on a écrit le
pitch de "Necropolis", ça revenait dans les discussions et on s’est dit que ça faisait étrangement écho à l’album. Donc pour attirer de nouvelles personnes -parce qu’il y a aussi une démarche de promotion mais aussi de se faire plaisir- et
teaser avec 'Soyez prêtes' qui en dit vraiment long sur l’année qui allait se dérouler : c’était la chanson la plus appropriée dans ce projet et par rapport au propos… Donc, c’était un peu une aubaine et ça s’y prêtait bien mais initialement, on ne s’était pas dit qu’on allait faire une reprise, vraiment pas ! Mais quand c’est arrivé sur la table, on s’est dit que c’était la meilleure des solutions.
En termes de reprise, avant de l’écouter, je pensais que ‘L’éveil des Titans’ allait en être une de "L’attaque des Titans" dont les génériques des premières saisons sont très metal symphonique et la dernière tout simplement avec du chant hurlé, là où nous avions Bernard Minet en France…
Le Mago : C’est ça (Rires) !
Nobru : C’est vrai que l’intro est très cool !
Le Mago : Ça parle de la même thématique mais on la traite différemment mais il n’y a que toi, Nobru, qui a regardé la série…
Nobru : C’est ce que je disais à Le Mago, il a composé ‘L’éveil des Titans’ sans connaître l’animé mais en voyant la fin de la dernière saison, il y a des scènes où justement il y a cette fameuse marche… mais je ne vais pas en dire plus pour ne pas
spoiler ceux qui n’auraient pas vu la fin (Sourire)… Mais effectivement, en regardant la série après avoir composé la chanson, je me suis dit qu’il y avait dit qu’il y avait des liens…
On utilise des stéréotypes de genre de cinéma donc forcément dans
l’écriture, on est proches de tas d’œuvre dont on n’a pas conscience !
Mais ne faudrait-il axer votre communication sur ce point même si ce n’est pas délibéré pour vous ouvrir un nouveau public fan de cet animé ?
Nobru : C’est vrai que ça peut plaire à ce public !
Le Mago : En réalité, on utilise des stéréotypes de genre de cinéma donc forcément dans l’écriture, on est proches de tas d’œuvre dont on n’a pas conscience !
Après un "Kryptshow" qui n’a pas été défendu comme il aurait mérité de l’être, qu’avez-vous prévu pour cet album : une tournée en enfer ?
Le Mago : On travaille sur la tournée (Sourire) ! On a déjà fait deux dates au Zèbre de Belleville, on a fait notre
release party à Paris qui était
sold out. Le samedi 12 novembre, on joue à Rennes. On va jouer à Bordeaux, à Lyon et à Toulouse…
Des dates calées avant même la sortie de l’album, sans la promo que vous faites aujourd’hui montrant qu’il y a une vraie demande…
Le Mago : Mais on a besoin de l’aide des médias parce que ce que nous avons calé jusqu’à présent, c’est avec notre réseau. Mais on manque cruellement de dates et de supports de la part de tourneurs, il faut qu’on avance là-dessus parce qu’on a envie de plus jouer, de plus se faire connaître et surtout de plus défendre notre musique sur scène…
Je ne doute pas que ce sera le cas avec un tel album sous le bras. Merci !
Magoyond : Merci beaucoup à toi !
Merci à Adrianstork pour sa contribution...