Il faut battre le fer tant qu'il est chaud ! A peine rentrée d'une tournée américaine aux côtés de Scorpions, l'année 2023 s'annonce déjà sous les meilleurs auspices pour Thundermother avec notamment un Hellfest qu'elle nous révèle en exclusivité... Rencontre avec Filippa Nässil -guitariste fondatrice du groupe- une artiste de caractère, une femme "avec des couilles" comme elle se définit elle-même, fière de la carrière qu'elle a construit pour son projet...
Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée et à laquelle tu aurais marre de répondre ?
Filippa Nässil : (Rires) C’est plus une déclaration : "Venez au Brésil !"… Nous la recevons très souvent (Rires) !
J’ai choisi de ne pas abandonner et continuer l’aventure
On a déjà posé la question à Guernica lors de notre rencontre en 2018, qui nous avait répondu que la question qui revenait la plus souvent était celle relative au line-up original. Continues-tu d’avoir des questions de ce type ?
Absolument ! Mais ça fait partie de l’histoire de Thundermother. Quand j’ai commencé le groupe en 2009, tu joues gratuitement bien évidemment au début puis tu travailles de plus en plus dur et l’ambiance s’est détériorée… Malgré tout, j’ai choisi de ne pas abandonner et continuer l’aventure. Ce n’est pas quelque chose dont j’ai honte au contraire, je pense avoir pris la meilleure décision parce que le
line-up actuel est en place depuis six ans aujourd’hui !
Excepté la bassiste...
Exactement !
Tu as dit ne pas avoir honte de ta décision d’avoir entièrement remanié le line-up au contraire, on peut parler de fierté quand on voit que le niveau de popularité atteint par Thundermother…
(Sourire) Je suis super fière !
Je suis super fière du groupe et des filles : nous avons fait un super travail !
Et pensais-tu pouvoir atteindre ce niveau de popularité ?
Absolument ! Même si nous n’avons pas pu jouer avec Whitesnake qui a annulé, nous avons tourné avec Scorpions pendant deux mois et demi et nous revenons tout juste en Europe !
Je suis super fière du groupe et des filles : nous avons fait un super travail ! Il y a beaucoup de journées de pause pendant ces deux mois et demi : les Scorpions ne peuvent plus jouer tous les jours, ils ne sont plus aussi jeunes (Rires) ! Nous avons donc vécu dans notre bus pendant deux mois et demi…
Non je suis super fière et surtout, le public américain a adoré nos prestations !
Tu as répondu en partie, vous venez de réaliser une tournée américaine avec Scorpions, qui est une sorte de rêve éveillé. Tu as dit que le public nord-américain a adoré vos prestations mais vous connaissait-il déjà ?
Non ! D’ailleurs, après les concerts qui étaient gigantesques -c’était notre première tournée des stades- nous avions des sessions signatures parce que nous avions dit aux fans que nous voulions tous les rencontrer comme nous le faisons en Europe. La queue des fans qui attendaient étaient interminable (Sourire), mais surtout chacun d’entre d’eux nous demandait où nous étions avant parce qu’ils n’avaient jamais entendu parler de nous (Rires) !
Et suite à cette tournée, as-tu constaté une évolution de votre popularité concernant par exemple le nombre de vues, écoutes sur les plateformes d’écoute ou encore sur vos pages ?
Bien sûr, rien que sur Instagram, nous avions des milliers de nouveaux
followers tous les soirs : c’est super !
En participant à cette tournée au parfum nostalgique et du fait de la nature même de votre musique, Thundermother nous replonge dans les grandes heures du hard rock d'autrefois, dans ce big rock fun et énergique.
Absolument ! Nous sommes un groupe très uni parce que nous avons joué énormément de concerts, nous avons tourné très longtemps ensemble… Nous n’avons jamais arrêté de tourner, même pendant la pandémie !
Le travail d’équipe est excellent, nous travaillons très dur et nous n’avons pas de management : nous faisons tout par nous-mêmes !
Et penses-tu changer ça à l’avenir ?
Tu sais, si tu concentres uniquement sur une seule chose, tu as du temps et comme nous ne jouons pas tous les soirs… Si chaque personne prend deux heures de son temps par jour, comme nous sommes quatre, ça fait huit heures de travail par jour ! Tu peux imaginer le travail qui peut être fait sur une semaine puisque nous avons divisé les tâches.
Nous sommes vraiment une très bonne équipe et ce dont traite notre nouvel album : "Black and Gold" est un bon travail d’équipe et n’importe qui peut rejoindre notre équipe qu’il soit noir ou blanc, qu’il soit un homme ou une femme, qu’il soit vieux ou jeune…
Nous avons eu cette vision et elle s’est… réalisée !
A ce titre, "Black and Gold" sonne plus encore classic rock US voire bluesy que ses prédécesseurs…
Personnellement, le blues a toujours fait partie de moi… Mais oui, définitivement, nous avons toujours rêvé d’aller jouer aux Etats-Unis et plus particulièrement pour une tournée des stades. Nous avons eu cette vision avant d’être
booké pour cette tournée : nous voulions jouer là-bas et jouer une musique qui collerait à ce public !
Nous avons eu cette vision et elle s’est… réalisée (Sourire) !
Et quelle a été ta réaction quand cette vision a commencé à se réaliser, quand on vous a proposé cette tournée avec Scorpions ?
C’était dur d’y croire ! Tout d’abord parce que nous n’avions juste qu’un e-mail pour commencer. C’était extraordinaire même si nous ne savions pas encore si ça allait se concrétiser… Ensuite, il a fallu demander nos visas qui prennent six mois. Mais finalement, nous n’y avions réellement cru qu'une fois assises dans l’avion (Rires) !
Et concrètement qui a eu cette vision ?
Nous nous sommes toutes demandé où nous souhaiterions aller par la suite et ce qu’on voulait faire en tant que groupe. Nous avons toutes répondu : "L’Amérique ! L’Amérique !"… On en parlait depuis des années !
Et finalement, ça tombe bien parce que "Black and Gold" est fait pour les Etats-Unis et semble davantage destiné au public américain…
Je vais t’expliquer comment ça s’est passé, un mec de Los Angeles a écouté notre album et a décidé de nous signer. Il n’avait aucun groupe inconnu et encore moins en provenance de Suède.
Mais vous n’êtes plus un groupe inconnu…
(Sourire gêné) Probablement, mais aux Etats-Unis nous le sommes, même si nous sommes plus connus désormais.
Il nous voulait et il en a parlé à Klauss et Rudolf (NdStruck : Klauss Meine et Rudolf Schenker de Scorpions) qui ont tout de suite répondu qu’ils nous adoraient sachant que Scorpions est un groupe allemand.
Le jour du premier concert, un membre de l’équipe de Scorpions est venu vers moi pour me demander un autographe pour sa femme qui nous avait entendues sur une radio en Allemagne (Rires)…
Album après album, nous avons développé un son même s’il a
particulièrement changé sur "Heat Wave" qui était encore plus puissant
En revanche, certains titres sonnent très AC/DC comme 'Loud and Free'. A ce titre, n’as-tu jamais craint pas qu'on vous réduise trop à une version féminine des Australiens ?
Bien sûr, sachant qu’à une époque, ça a été les fondations du groupe. Mais album après album, nous avons développé un son, même s’il a particulièrement changé sur "Heat Wave" qui était encore plus puissant. Nous avons gardé ce son et nous continuons à nous développer encore plus en essayant de nouvelles choses.
Mais c’est vrai que ‘Loud and Free’ est beaucoup plus Airbourne, AC/DC parce que je traîne ce riff depuis cinq ans lors des prises de son (Rires) et il fallait impérativement que nous fassions une chanson. Mais les autres chansons sont très influencées par les années 1960 -comme le titre ‘Looks No Hooks’ en particulier- et l’industrie et la société contemporaine…
Thundermother est plus un groupe de scène que de studio. Comment arrivez-vous à retranscrire l’énergie du live dans vos albums studio ?
C’est en grande partie grâce notre producteur Søren Andersen des studios Medley…
On peut parler de Søren Andersen comme le cinquième membre du groupe tant vos carrières sont liées…
Absolument !
N’avez-vous jamais envisagé de travailler avec quelqu'un d'autre qui pourrait apporter un regard neuf sur votre musique ?
C’est vrai. Mais j’adore Søren, il a contribué à façonner notre son et nous nous sentons très à l’aise avec lui dans ses studios. Mais si Rick Rubin venait proposer ses services, nous essayerions bien évidemment (Sourire) !
Nous ne sommes pas éternellement liés à lui, même si nous l’adorons, il est incroyable et nous lui devons énormément pour les super albums que nous avons faits !
Notre musique est destinée à tout le monde !
Le rock de Thundermother est simple et sauvage, sans aucune autre prétention que de botter des culs. Quel soin apportez-vous néanmoins aux textes ?
Je me répète mais notre musique est destinée à tout le monde ! Nous sommes un groupe de rock’n’roll mais nous voulons faire du rock’n’roll pour le monde peu importe que le sexe, l’ethnie… Nous constatons de plus en plus que toutes sortes de fans viennent à nos concerts. De plus en plus de gens écoutent Thundermother et pas seulement des mecs fans de hard rock que nous adorons parce que je serai pour toujours une femme hard rock dans mon cœur (Sourire) !
Je pense que tout le monde devrait jeter une oreille à nos textes qui sont intéressants parce que nous essayons de parler de notre société actuelle.
Je suis fière de pouvoir faire ce que je veux et être une femme
avec des couilles dans cette industrie dominée par les hommes !
Filippa, Thundermother est un peu ton bébé. Quel regard portes-tu sur celui-ci et le chemin parcouru depuis 2009 ?
Cela fait 14 ans de ma vie que je dédie au groupe : ça fait un bail ! Je suis fière de pouvoir faire ce que je veux et être une femme avec des couilles (Rires) dans cette industrie dominée par les hommes ! Nous venons de très loin et sommes arrivées à un niveau auquel nous ne rêvions pas : nous avons tourné aux Etats-Unis avec des légendes… Nous sommes bénies et chanceuses ! Mon rêve est de continuer à faire de la bonne musique…
Malgré tout "Black and Gold" donne plus encore que ses prédécesseurs, l'impression d'être le fruit d'un beau travail collégial avec notamment la performance de Guernica...
C’est effectivement un travail d’équipe…
… Ce qui n’était pas forcément le cas au début du groupe ?
Non ! Quand ça marche, le travail d’équipe fait que tu travailles dix fois plus vite et mieux. Depuis que je me suis ouverte et fait en sorte que toutes les filles soient impliquées dans le processus de composition et que nous sommes devenus une démocratie, tout est beaucoup mieux ! Mais tout cela est grâce à toute l’équipe que nous formons désormais ! Chacune d’entre elles est une super musicienne et me permet de devenir une meilleure musicienne !
La fierté qu’on évoque depuis le début de cette interview est multiple et compréhensible, à savoir avoir réussi à faire en sorte que son bébé atteigne un niveau de popularité assez conséquent mais peut-être plus encore avoir réussi à former cette équipe d’amies…
C’est vrai parce que c’est rare ! Cela fait six ans que nous sommes ensemble avec Guernica et Emlee, notre batteur. Nous formons une super équipe ! Et Mona, notre bassiste, est également géniale… Je suis très fière, je ne sais pas quoi dire de plus (Rires), je suis très fière et me sens extrêmement chanceuse même si c’est parfois difficile comme dans tous les groupes…
C’est la vie…
Exactement, c’est la vie mais nous travaillons ensemble de façon totalement dévouée : c’est rare !
Avec tout cela, Thundermother est désormais en passe d’entrer dans la cour de grandes au même titre Girlschool, Rock Goddess ou The Runaways…
Ouh, mais nous n’avons pas Lemmy sur scène avec nous (Rires) ! Mais nous allons jouer au Hellfest en France : c’est un rêve même si je n’ai pas le droit de te le dire car l’annonce sera faite jeudi prochain… Nous nous sentons vraiment chanceuses et je suis impatiente de rencontrer les membres de Girlschool et devenir amie avec elles ! C’est si agréable de pouvoir traîner avec ces personnes qui sont tes idoles…
Nous ne sommes pas ce genre de maigrichonnes que les médias voudraient qu'on soit…
Concernant les groupes féminins de rock, certains groupes féminins jouent surtout sur le physique. Ne penses-tu pas que ces formations nuisent à la crédibilité des formations féminines ?
C’est une bonne question ! Beaucoup de gens se concentrent sur cet aspect en particulier sur les réseaux sociaux je le vois notamment quand les gens commentent nos tailles mais ma réponse à ces gens est simple : "Allez-vous faire foutre !" (Rires)
Nous souhaitons inspirer les gens pour qu’ils restent eux-mêmes, nous ne sommes pas ce genre de maigrichonnes que les médias voudraient qu'on soit…
Nous faisons partie d’une nouvelle génération avec une nouvelle vision du rock’n’roll
Mais finalement les médias répondent à une demande. A ce titre, quel est ton avis sur le milieu du rock et du metal…
Nous faisons partie d’une nouvelle génération avec une nouvelle vision du rock’n’roll. Mais la question que je me pose est de savoir si on regarde les groupes masculins en se demandant s’ils sont minces et chauds (Sourire) ?
Nous n’avons pas cette responsabilité ! Nous sommes uniquement sur scène pour faire de la musique. Notre responsabilité est que le public prenne du plaisir, nous sommes là pour diffusion de la joie !
Les gens trouvent rafraîchissant de voir des filles normales monter sur scène !
Penses-tu que cette nouvelle génération est plus ouverte d’esprit et notamment en Suède ?
Clairement ! Nous avons toujours eu de bons retours quant au fait de rester nous-mêmes, et même aux Etats-Unis. Je pense que les gens trouvent rafraîchissant de voir des filles normales monter sur scène !
On a commencé cette interview par la question qu’on t’a trop souvent posée au contraire quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ou à laquelle tu rêverais de répondre ?
Hum… "Que devraient faire les lecteurs après avoir lu cette interview ?"
Ils devraient écouter notre nouvel album "Black and Gold" parce qu’il est tout simplement éblouissant, c’est le meilleur album rock de l’année 2022 !
Ah oui, carrément !
Oui, les gens le disent et je suis totalement d’accord (Sourire) !
J’adore ta conclusion malgré tout j’aimerais te faire réagir à la réponse de Guernica qui voulait qu’on lui demande avec quel groupe elle aimerait jouer. Elle avait répondu Guns N’Roses et Ozzy Osbourne…
Oh j’aurais cru qu’elle aurait répondu Prince qu’elle adore (Rires) !
Oui mais c’est compliqué de tourner avec lui désormais…
Oh oui, c'est vrai (Rires) !
En d’autres mots après avoir tourné avec Scorpions, quelle est la prochaine étape ?
Je voudrais tourner avec AC/DC (Rires) ! Ce serait vraiment amusant de tourner avec Aerosmith que j’aime particulièrement…
On croise les doigts mais qui sait ? Après Scorpions tout est possible et vous le méritez…
Merci (Sourire) !
Merci à toi !
Oh un grand merci à toi pour cette interview !
Merci à Childeric Thor et Loloceltic pour leurs contributions...