Music Waves a de nouveau rencontré Tim Chelsey, le musicien franco-américain, pour la sortie de son album "Rain And Blue Sky", fusion de ses 2 premiers EP. Nous évoquerons cet EP en parlant des chansons comme s'il s'agissait d'un nouvel album.
Nous nous étions rencontrés en 2021 pour parler du second EP "The Last Blue Sky" où tu nous avais dit que tu allais combiner les deux EPs Rain et Blue Sky en un seul album. À ce moment-là, tu avais dit que l'accord n'était pas sûr à 100%. Comment as-tu convaincu Revolver de concrétiser ce projet ?
J’ai la chance d’avoir un label, Revolver, qui me laisse une grande liberté. Je pense que ce qui est plus important pour eux, c’est la qualité globale du produit qu’on leur propose. Les chansons doivent être bien enregistrées, mixées, masterisées, pour le reste…
Tu es franco-américain, tu as auto-produit tes œuvres en Australie ou en France et tu as décidé de t’installer (probablement pas physiquement) à Wolverhampton où se trouve ta nouvelle maison de disques, qui comprend les Stone Roses et Jane's Addiction. Cela te donne-t-il l'impression de faire partie d'une grande famille?
Mon label, Revolver, est effectivement basé en Angleterre. Mais moi je suis basé en France, pour le moment. Je ne les ai en fait jamais rencontrés. Tout s’est fait au téléphone, par e-mail et par visio.
Le titre de l'album est basé sur l'antagonisme de deux éléments, titres des deux EPS ("Rain" et "The Last Blue Sky") mais qui peuvent coexister ensemble. Est-ce une façon de montrer que ta musique est insaisissable?
C’est une question intéressante. Pour moi, les deux sont liés. Vous pouvez en quelques minutes voir un ciel magnifique sans nuage après avoir essuyé une grosse averse, par exemple si vous vous trouvez au bord de la mer et qu’il y a beaucoup de vent. C’est une sensation à la fois étonnante et exaltante qui vous fait réfléchir sur la merveille que représente la terre et la vie. C’est ce genre de moment qui porte votre âme.
As-tu arrangé certains morceaux au moment de fusionner les deux EPS ou cet album est à 100% l'association des deux ?
Aucun arrangement. J’ai seulement demandé à l’ingé-son qui avait mixé les deux EP, Anthony Arconte, de remasteriser les titres de l’EP "Rain" pour qu’ils aient une qualité de son équivalente aux titres de l’EP le plus récent, "The Last Blue Sky".
La pochette montre ton visage un peu tourmenté sur un fond de ciel. Est-ce une façon d'annoncer visuellement le contenu de l'album?
La pochette de l’album a été réalisée par mon frère, David Passerat. C’est un grand photographe, un grand voyageur,et un grand artiste tout court. N’hésitez pas à aller voir sa page Instagram « davidpasserat ». Il a réalisé beaucoup de photos qui sont utilisées dans les livrets des CD physiques de mes deux EP. Il a réalisé un clip pour moi, celui de mon titre 'Dreamers', qui peut être vu sur YouTube, c’est magnifique et on y voit une sélection de certaines des plus belles photos de mon frère.
'Rainbow Song', avec un esprit mélancolique et contemplatif qui rappelle lointainement John Foxx (la piste 'The Garden' sur l'album du même titre), est un voyage tranquille pour commencer mais avec suffisamment d'éléments pour nous montrer qu'il ne sera pas sans heurts. La meilleure façon de commencer un album est de disséminer d'entrée quelques indices sur ce que l'on va entendre. Penses-tu que cela s'applique ici ?
Je ne connaissais pas John Foxx, mais je vais m’empresser d’écouter! C’est là qu’on s’aperçoit qu’il y a toujours des nouvelles choses à découvrir en musique, il y a tellement d’artistes intéressants et doués partout dans le monde! Pour revenir à 'Rainbow Song', c’est une de mes compositions les plus récentes. L’enregistrement de la démo était assez incroyable. Sans réfléchir, j’ai rapidement superposé les arpèges de guitare, le piano, la voix, et alors l’alchimie et l’ambiance du morceau se sont tout de suite mises en place. Je me suis vraiment laissé porter par le morceau.
'Heaven' est déjà plus menaçant, avec un esprit presque Cure ('Lovesong') et la voix déformée. Cependant, tu as essayé de retrouver la lumière avec un refrain plus clair. Une recherche d'équilibre?
Pour 'Heaven', c’est le producteur, Julien Vonarb, qui m’a suggéré l’effet sur la voix sur les couplets. Cela contraste en effet avec la clarté, la luminosité des refrains. C’était l’effet voulu.
Certains morceaux semblent orientés années 80 avec des sons synthétiques comme sur 'All I Want', c'est une décennie injustement vilipendée, mais qui semble t'inspirer. Quels sont les groupes (au-delà des deux références mentionnées ci-dessus) que tu revendiques comme inspiration?
Je suis plus inspiré par les années 70 que par les années 80. Pour moi, la qualité globale de la musique (celle qu’on entend à la radio et qui est commercialisée) commence à décliner à partir de 1985 et l’arrivée du CD. Adolescent, j’écoutais énormément de rock progressif des années 70 :
Rush, Yes, Genesis, Camel, Ange…Parmi les groupes des années 80 que j'amais bien, Il y avait par exemple
Tears For Fears (l’album "The Hurting"),
Art of Noise, Marillion…
Avec 'When Love Will Reign', il y a un changement de paysage, avec l'entrée en scène de chœurs féminins angéliques déjà présents sur ton premier album "Maybe One Day", cette ballade mid-tempo constitue une pause bienvenue après les précédents orages?
Bien vu. Mais ce n’est pas la même choriste (Céline Radlo, une superbe artiste, dont vous pouvez écouter son projet
Möön) que sur l’album "Maybe One Day". J’ai effectivement recherché une choriste dont le son et le timbre de voix était dans la continuité de celle qui avait chanté sur les titres de "Maybe One Day" (Sophie Gemin).
Qu'est-ce qui t’a inspiré pour les paroles de ce morceau?
Le thème de cette chanson, 'When Love Will Reign', est quelque part un peu bateau mais tellement important quand vous avez déjà vu dans votre vie des êtres chers très proches mourir devant vos yeux : l’amour triomphera de la mort, et nous retrouverons tous les êtres qui nous ont aimé dans l’au-delà.
Sur 'Dreamers', tu disparais derrière des mélodies féminines, mais n'as-tu pas paradoxalement peur d'une fin chaotique?
'Dreamers' est le titre qui termine l’EP "The Last Blue Sky". Le choix des voix féminines à la fin du titre était fait pour évoquer les voix qui pourraient vous accompagner lorsque vous arriverez au paradis. La fin de ce titre est fortement inspirée d’une chanson que j’aime beaucoup d’un super groupe de chanteuses américaines,
Boygenius, la chanson s’appelle 'Souvenir', je vous la recommande.
Tu as l'art de retomber sur tes pattes comme un chat rusé. 'Faith Without You', basse grondante, claviers en avant, solo de guitare est un véritable hymne. 'When You Found Me', qui lui succède, avec son piano et sa batterie asphyxiants, est contrebalancé par la voix féminine qui offre au morceau l'esprit d'un règlement de comptes intime. Cet album est un peu comme un laboratoire sonore mais comment fais-tu pour doser les bonnes proportions, pour ne pas devenir plombant et lugubre?
Pour rappel, j’ai intégré sur cet album les titres des deux EP "Rain" et "The Last Blue Sky". Délibérément, je n’ai pas mis les chansons des deux EP à la suite l’un de l’autre, mais j’ai mélangé leur ordre (un coup une chanson de "Rain", un coup une chanson de "The Last Blue Sky", etc.), pour que justement il y ait à chaque fois de la nouveauté et du changement avec le titre suivant.
'Into The Light' nous surprend, c'est un reggae très réussi avec un son remarquable qui s'apparente à un Clavinet. Était-ce une façon de te lancer un défi, de dire que tu as été capable d'utiliser plusieurs ingrédients différents et de réussir ? Savais-tu que ce morceau est également très addictif (on peut l'écouter facilement 10 fois d'affilée)?
Merci beaucoup pour le compliment ! J’ai effectivement beaucoup de retours positifs sur ce titre. Une des influences majeures sur ce titre est
The Police. J’ai toujours été impressionné par la manière qu’ils avaient d’intégrer des éléments reggae dans leur musique. J’adore Andy Summers, et ses parties de guitare : sans lui,
The Police n’aurait pas eu toute cette magie. Du coup, j’en ai bavé pour enregistrer la partie de basse : il faut être très précis sur le groove de la basse quand on fait un morceau reggae!
Alors que sur "Maybe One Day", nous avions découvert plusieurs titres en français ('Croire au Bonheur', 'Sans Histoire') pourquoi un seul titre en français, 'La Pluie'? D'ailleurs pouvons-nous revenir sur ton background franco-américain (parcours, de quel état américain es-tu originaire, apprentissage au quotidien, difficultés du français etc...)
Ouh là ! Difficile de répondre en quelques lignes ici. Je suis effectivement franco-américain, mais j’ai vécu la majeure partie de ma vie en France. Je suis né en France, mes parents ayant déménagé en France quelques années avant ma naissance. Je parlais exclusivement anglais jusqu’à ce que j’aille à l’école, vers 6 ans c’est là que j’ai commencé à apprendre à parler le français quand mes camarades apprenaient à lire et à écrire. L’état dans lequel j’ai passé beaucoup de temps aux États-Unis est la Floride, j’ai beaucoup d’attaches là-bas.
Le dernier titre est plus mélancolique et ambitieux avec de larges plages instrumentales et presque progressives. Tu nous avais dit être fan du genre mais nous avons l'impression qu'il y a une retenue sinon une pudeur face au rock progressif, n'as-tu pas envie de laisser la bride à des vignettes progressives (comme tu l'avais fait sur le délicat et subtil instrumental 'Newport' ou l'ambitieux 'Chinese Lady', sous le patronage de Mike Oldfield)?
J’aime qualifier ma musique de « pop-rock progressive », soit du rock mais avec des touches de rock progressif. Quand je crée des morceaux, je n’aime pas forcer le trait : si le morceau a un côté progressif, tant mieux ; mais si le morceau est plutôt pop-rock tout court, je ne vais pas par exemple rajouter un Mellotron pour le faire sonner comme du
Ange ou du
Opeth!
À ce titre, quelle est la signification du chiffre 73?
73 est une référence au numéro de département de la Savoie, ma vraie maison et mon vrai chez-moi, là où j’ai passé 10 ans de ma vie.
Comment vas-tu défendre cet album sur scène?
J’ai remonté un groupe récemment, un trio basse-batterie-guitare, on s’appelle
The MoonShaders. Le guitariste, Thomas Liard, fait pas mal de scène et compose également, moi je suis à la basse. L’idée est de repartir sur des nouvelles compos, au nom du groupe, je verrai si par la suite j’intégrerai certains de mes anciens titres. L’objectif est de commencer à avoir des concerts en région parisienne, c’est tout frais.
Qui sont les chanteuses qui t’entourent ? As-tu pensé à un vrai duo avec l'une d'entre elles?
J’en ai parlé plus haut. Un duo avec l’une d’entre elle? Oui pourquoi pas avec Céline Radlo ! Elle est top.
Un dernier mot à laisser aux lecteurs de Music Waves?
Merci pour votre intérêt et pour votre soutien à ma musique ! Et qui sait, peut-être à bientôt à un concert des MoonShaders…