19 ans après "Tyranny of Souls", Bruce Dickinson revient avec son nouvel album "The Mandrake Project", pièce d'un puzzle ambitieux avec notamment les bandes dessinées qu'il a développées... Dans cette entrevue exhaustive, il nous révèle tous les secrets de création de cet excitant projet un peu fou. Une rencontre riche avec un artiste authentique, intègre, qui se dévoile sans filtre comme les raisons de son aller-retour chez Iron Maiden à la fin des années 1990... Une telle interview de Bruce, ça se lit !
Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée et à laquelle tu aurais marre de répondre ?
Bruce Dickinson : Hum… Est-ce que “The Mandrake Project" est un concept-album ? Alors que ce n’en est pas un (Rires) !
Bon, eh bien, je n’ai plus de question à te poser puisque toutes nos questions étaient axées sur cet angle…
(Rires)
Plus sérieusement depuis ton retour dans Iron Maiden en 1999, ta carrière solo a été largement mise de côté…
C’est vrai…
… En effet, tu as sorti un album en 2005 et depuis silence radio quasi-total…
(Rires) Exactement !
Malgré tout ce temps, pensais-tu toujours à sortir un album solo ?
Bien sûr ! Je me disais qu’un jour, un jour (Rires)… cela arriverait ! Mais j’étais follement occupé avec Iron Maiden et finalement en 2014, nous avons décidé avec Roy de reprendre le processus…
A ce propos, est-ce qu’un tel album solo aurait pu voir le jour sans lui ?
Non, ou tout du moins pas de la façon dont nous l’avons fait : il a coécrit 50% des chansons ! Nous travaillons ensemble depuis 30 ans, c’est une âme très spéciale musicalement…
[Roy Z] est quelqu’un qui m’inspire et j’espère que je l’inspire également…
Comme toi…
Peut-être, je ne sais pas… C’est quelqu’un qui m’inspire et j’espère que je l’inspire également… Nous travaillons assez bien ensemble !
Une vraie alchimie se fait entre vous. Est-ce que cette relation spéciale t’a manquée - parce qu’on parle quand même d’absence d’album solo de 19 ans ?
C’est vrai que je n’avais pas réalisé que cela prendrait tant de temps (Rires) : ce n’était pas prévu de prendre tant de temps… Mais effectivement, plein de choses sont arrivées, des choses que nous n’avions pas prévues. Un an après que j’ai écrit la plupart des chansons de cert album avec Roy, on m’a diagnostiqué un cancer de la gorge (NdStruck : hiver 2014)… Il m’a fallu une année pour m’en débarrasser et pour que je puisse à nouveau chanter. Une fois rétabli, j’ai passé plus de temps que prévu avec Iron Maiden, notamment pour rattraper le temps perdu… Et dans la foulée, juste après, il y a eu le Covid qui aura pris trois ans de nos vies… D’ailleurs, j’ai passé mon confinement ici à Paris et pour l’anecdote, juste avant, j’avais pris la décision d’écrire et dans cette optique, je me suis acheté une imprimante laser à la Fnac. Et à peine installée, Monsieur Macron a fait son discours qui annonçait qu’à minuit, nous serions tous confinés ! Outre la tournée des pubs que nous avons faite juste après l’annonce, on a quand même eu le nez creux d’acheter cette imprimante qui nous a permis d’imprimer ces putains d’attestations chaque jour qu’on voulait sortir… Mais le reste du temps -outre le fait d’empoisonner la vie de ma conjointe qui continue de m’aimer- nous regardions Netflix -ce que je ne faisais jamais le reste du temps quand j’étais sur la route- et nous sommes devenus addicts de "Sons of Anarchy". C’était tellement bon que j’ai cherché qui avait écrit ce feuilleton, c’était Kurt Sutter. Au moment où j’écrivais le script de la vidéo de ‘The Writing on the Wall’, nous étions encore confinés, nous avons donc fait tout ça par en vidéoconférence sur Zoom. L’idée des quatre motards de l’Apocalypse vient directement de "Sons of Anarchy"…
Tu évoques le clip de ‘The Writing on the Wall’ qui a été élaboré pendant la pandémie pour Iron Maiden, est-ce à la suite qu’a germé l’idée de la bande dessinée qui illustre ton nouvel album solo ?
On a recommencé à zéro avec cette bande dessinée ! En fait, initialement, en 2014, j’avais l’idée de faire une bande dessinée, un seul épisode très simple en lien avec l’album et l’idée était que cet album devait être un concept-album.
Mais ce n’est pas le cas…
(Rires) Non, parce qu’il y aura douze bandes dessinées, douze épisodes : c’est ça le concept !
L’histoire du projet Mandrake s’étend sur douze bandes dessinées et
j’ai réalisé que je n’avais pas besoin de l’album pour faire un concept.
Mais ne prévois-tu pas de faire une bande originale pour les autres épisodes ?
Non ! La bande dessinée aura sa propre existence. Le premier épisode sort la semaine prochaine et ensuite, tous les trois mois pendant deux ans et demi, un nouvel épisode de 24 pages sera publié. Quatre bandes dessinées formeront un livre, il y aura donc trois livres… L’histoire du projet Mandrake s’étend sur douze bandes dessinées et j’ai réalisé que je n’avais pas besoin de l’album pour faire un concept.
Au moment où je commençais à envisager ce nouveau projet, un ami m’a conseillé de reprendre contact avec Sacha Gervasi, qui écrit des scénarios à Hollywood mais que je connais surtout depuis notre collaboration sur le scénario du concert que j’avais donné à Sarajevo avec mon groupe de l’époque, Skunkworks. Sacha est enfin connu du grand public par son film sur le groupe de rock Anvil mais aussi Le Terminal avec Tom Hanks et réalisé par Steven Spielberg. J’ai repris contact avec lui en lui disant que je faisais cette animation pour Iron Maiden mais également plein d’autres idées qui m’avaient été inspirées par "Sons of Anarchy". Sacha me propose de faire une vidéoconférence avec lui et Kurt Sutter vu qu’ils sont très proches. On a pas mal discuté et j’ai exposé l’intrigue du projet Mandrake à Kurt qui a tout de suite validé et m’a encouragé à le faire, mais plutôt sous forme de bande dessinée. C’était amusant parce que moi-même j’envisageais de faire une bande dessinée. Je me suis donc lancé en créant le monde de cette bande dessinée, les personnages, le synopsis de l’intrigue… Et j’ai contacté Z2 à New-York qui a tout de suite été emballé sachant qu’il avait déjà travaillé pour Maiden sur le livre "Piece of Mind". Z2 m’a rapproché de Tony Lee -connu pour être l’un des scénaristes des bandes dessinées dérivées de la série Doctor Who- en me conseillant de faire le script avec lui, sachant que la bande dessinée, c’est toute la vie de Tony et qu’il comprend parfaitement son format.
J’avais donc un partenaire pour écrire le scénario de cette bande dessinée, Tony qui m’a conseillé Staz Johnson pour dessiner. Et force est de constater qu’il avait raison, le travail de Staz est incroyable ! Et enfin, nous avions besoin de quelqu’un pour réaliser la pochette, on a essayé plusieurs personnes et finalement, on est tombé sur Bill Sienkiewicz, plusieurs fois récompensé dans le cadre de son travail, c’est clairement le haut du panier…
Mais finalement, tu te rends compte du talent de tous ces artistes ? Je me demande encore comment ils ont pu s’intéresser à moi qui n’avais jamais fait de bande dessinée jusqu’à présent, et pourquoi ils mettraient leurs noms sur ma bande dessinée ? Mais finalement, l’intrigue que je leur ai proposée les a emballés et on est parti pour douze épisodes (Sourire)…
L’interview est déjà bien entamée et on n’a pas encore parlé musique…
… On va en parler, on va en parler (Rires) !
… Mais on a l’impression que tout ce qui entoure cette musique est aussi important si ce n’est plus que cet album ?
C’est le cas !
Après une telle absence solo, c’était important pour toi de ne pas revenir avec un simple album ?
C’est vrai, mais j’ai toujours voulu faire plus que ça ! Dans un monde idéal, j’adorerais faire l’album, le livre, le film et probablement maintenant, la bande dessinée : c’est un monde complet !
Et qu’est-ce qui peut t’arrêter dans cette quête ?
Le temps (Rires) ! Si je suis vraiment concentré, je pourrais faire un album avec Roy assez rapidement mais je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose : personne ne le saura ! Mais il y a une chose que je sais, c’est que c’est très difficile de faire une bonne bande dessinée ou un bon film rapidement : il y a tellement de détails…
C’est excitant d’un point de vue créatif
C’est effectivement un tout nouveau monde, un nouveau travail pour toi…
C’est excitant d’un point de vue créatif : je peux tout me permettre comme aller sur Mars comme les Watchmen et Dr Manhattan (Rires) ! En fait, la bande dessinée est un art à trois dimensions… C’est assez similaire à la musique mais c’est légèrement différent dans la préparation… J’adore vraiment ça ! C’est un beau défi qui stimule mon cerveau…
Je fais ce que je veux !
Et c’est finalement ce que tu recherches : de la stimulation ?
Musicalement, le voyage musical n’est pas un concept album d’un point vue strict avec un mec qui t’explique l’intrigue et ce qu’il se passe… C’est trop restrictif, ça restreint la musique… Avec ce projet, il y a plus de liberté ! Que tu aimes ou non, tu n’as pas à te demander si le titre ‘Afterglow of Ragnarok’ par exemple est lié à la bande dessinée parce qu’il ne l’est pas (Rires) ! C’est le premier
single ? Oui et donc comment est venu la bande dessinée ? C’est juste un rêve (Rires) ! Et pourquoi pas ? Je fais ce que je veux !
Même si ce n’est pas un concept à proprement parler, le terme de puzzle sied pour l’évoquer le concept. On retrouve des pièces avec le clip, la bande dessinée donc, les titres et les paroles et tout cela donne un aspect théâtral, mystérieux et un peu ésotérique. C’était l’idée de faire ressentir cela avant même l’écoute ?
Tout à fait ! Nous voulions provoquer la curiosité : nous voulions que ce soit un puzzle, effectivement, et que les gens enquêtent sachant que plus ils creuseront, plus ils trouveront de choses comme une sorte de récompense : c’est génial ! Mais il faut avoir une vraie profondeur !
Il n’y a plus tellement d’innovations dans la musique qui est désormais
majoritairement divertissante, professionnelle, bien faite mais tu n’as
plus de surprise…
Malgré tout, penses-tu que la consommation actuelle de musique qui a changé depuis que tu es dans cette industrie permette cette profondeur ?
Eh bien, je me fous de ce que l’industrie musicale pense… Les gens supposent que comme il y a beaucoup de musique, qu’elle est superficielle. Il n’y a plus tellement d’innovations dans la musique qui est désormais majoritairement divertissante, professionnelle, bien faite mais tu n’as plus de surprise…
Sur l’album [...] il y a de charmantes surprises
Penses-tu qu’en proposant une bande dessinée, tu donneras ce frisson à tes fans qui n’en ont plus en écoutant seulement un album ?
La bande dessinée est une chose mais sur l’album en tant que tel, je pense qu’il y a de charmantes surprises (Sourire)… Par exemple, jusqu’au titre ‘Ressurection Men’, tu peux te dire que tu écoutes un gros album de heavy metal et d’un seul coup, tu te retrouves avec du Quentin Tarantino avec cette intro digne d’un western spaghetti avec cette surf guitare et ces bongos : c’est de la folie (Rires) ! Et le plus fou, c’est que ça fonctionne ! Tu as également ‘Fingers in the Wounds’ qui commence de façon très épique et heavy et d’un seul coup, tu te retrouves au Maroc avec des djembés… C’est improbable !
Tu cites ‘Fingers in the Wounds’, le côté théâtral de l’album ressort particulièrement de ce titre mais également sur ‘Rain on the Graves’, ‘Shadow of the Gods’ ou encore ‘Sonata’ avec un côté dramatique, mélancolique et grandiloquent, amené par le piano. C’était l'idée avec ces titres ?
Commençons par la fin de l’album et le titre ‘Sonata’. Ce titre a 25 ans ! Ce titre est inspiré par Beethoven. Roy venait de voir le film "Immortal Beloved" (NdStruck : "Ludwig van B." en français) et en revenant, il me dit qu’il était inspiré par Ludwig et à la base, il a fait une démo juste pour s’amuser avec des batteries programmées, un
sample de ‘Sonate au clair de lune’, des guitares et des claviers… Plusieurs années plus tard, nous venions de terminer "The Chemical Weeding" et nous parlions de faire quelque chose d’autre -je ne pense pas que j’étais encore revenu dans Maiden- ce devait être en 1999, il m’a passé le morceau, il m’a demandé ce que j’en pensais et effectivement, c’était différent : ce n’était pas heavy, rapide comme nous en l’avions l’habitude… Mais honnêtement, je ne savais pas comment chanter dessus : j’ai donc improvisé… 80% de ce morceau présent sur l’album est la première prise complétement improvisée que ce soit au niveau du chant mais également des textes !
Des textes également ?
Oui ! D’ailleurs, on peut se demander si je ne suis pas légèrement en retard sur le premier couplet… mais c’est le cas (Sourire) ! Si ça sonne ainsi, c’est que je ne savais quel mot j’allais utiliser… Il fallait que j’imagine l’image pour pouvoir ensuite chanter les mots ce qui explique que je sois toujours un peu en retard. J’ai donc fermé les yeux en me demandant où je me trouvais : "Dans cette forêt sombre où rien ne vit et je vois des yeux gelés… Peut-être que quelque chose peut exister ? Des gouttes gelées tombent des arbres de cette forêt sombre où un ange vit, où un ange dort"… J’ai juste construit cette atmosphère et puis, le refrain arrive dans lequel je chante "Save me, Save me now !"… Je ne pouvais croire que j’avais fait ça : c’était tellement cool ! Mais il fallait repartir sur le deuxième couplet, alors que pouvait-il y avoir dans cette forêt ? Une reine. Dans la chanson ‘Taking the Queen’ de l’album "Accident of Birth", la reine meurt et se retrouve dans les mondes souterrains, mais finalement, c’est elle comme dans la Belle au bois dormant… C’est tordu mais qui va la faire revenir ? Le prince ? Non… Le roi lui-même qui revient ! Mais pourquoi revient-il ? Parce qu’il l’aime ? Non… C’est juste qu’il a besoin d’elle parce que sans elle, il n’est plus le roi : c’est un roi sans couronne ! Et tout cela, c’est de l’improvisation !
Cette façon de procéder, de composer est un excellent exercice pour lutter contre Alzheimer, finalement…
Oui, mais c’était il y a 25 ans, je ne suis pas convaincu de pouvoir le refaire aujourd’hui (Rires) ! Quoique peut-être que si, il faudrait essayer mais pour cela, il faut être dans un le bon état d’esprit !
Tu nous indiques que le texte et le chant de ce titre sont majoritairement improvisés. As-tu essayé de refaire la prise malgré tout ?
Tu sais, on a mis cette chanson de côté et je l’avais totalement oubliée.
Mais vous l’aviez enregistrée ?
Oui mais elle n’était pas terminée… Et quand on s’est remis à travailler dessus avec Roy il y a quelques années, il m’a remis un CD avec toutes les pistes, tous les morceaux non finalisés… Je me vois en voiture à Los Angeles à écouter ce CD et quand est arrivé ce morceau, mon épouse qui a très bon goût m’a demandé quel était ce morceau. Je lui ai répondu que c’était un morceau que nous avions fait il y a longtemps et s’il ne figurait dans aucun album, c’est qu’il n’était pas assez
heavy. Mais pour elle, cette chanson procurait énormément d’émotions et pour elle, elle devait figurer dans cet album et que si je ne le faisais pas, elle me quitterait (Rires) !
Tu parles de heavy, à cet égard, cet album sonne plus hard rock que foncièrement metal, des titres comme ‘Afterglow of Ragnarok’ ou ‘Many Doors to Hell’ sont directs et accrocheurs et te permettent de ne pas forcer ta voix. Souhaitais-tu avoir des titres moins progressifs que dans Iron Maiden ?
Non ! Par exemple, ‘Sonata’ dure près de dix minutes (Rires)… Et ‘Shadow of the Gods’ est définitivement un titre progressif dans le genre grand morceau épique et ses différents mouvements, ‘Shadow of the Gods’ se pose là… La chanson la plus courte ‘Fingers in the Wound’ dure trois minutes et demie et qui me surprend le plus…
Justement, sur ‘Finger in the Wounds’, on retrouve la power ballade épique qui a fait ta force comme je pense à ‘Navigate the Seas of the Sun’ de l’album "Tyranny of the Soul"…
Oh oui, elle est magnifique, j’adore cette chanson…
... ou ‘Tears Of The Dragon’ de l’album "Balls of Picasso"…
Effectivement !
… Ce côté mélancolique à fleur de peau avec un côté Queen...
Ohhh ! Peut-être (Sourire) !
… pour l'idée épique théâtrale, c'est une de tes marques de fabrique ?
Bien sûr ! Si tu aimes le type de ballades mélodiques et acoustiques, ‘Face in the Mirror’ est faite pour toi, même s’il a des paroles sont très sombres : c’est une chanson à propos de l’alcoolisme et se regarder dans le miroir en se demandant qui on est réellement… L’idée est qu’on se dit qu’on ne sera jamais ce gars allongé sur le sol avec sa canette de bière mais finalement, il n’y a pas tant de différence que ça…
Dans cet esprit, ‘Shadow of the Gods’ peut évoquer à ‘Chemical Wedding’ du disque du même nom, on peut relier tes albums solo entre eux d'un point de vue musical…
Absolument !
… mais aussi philosophique autour de la vie, de la mort et la résurrection ?
C’est vrai que la majorité de mes chansons traitent de la vie, de la mort et la résurrection mais aussi de l’amour, même s’il y n’a pas tant de chansons d’amour. Mais ‘Navigate The Seas Of The Sun’ est une chanson d’amour, une chanson à propos de l’amour éternel, à savoir qu’un jour peut-être, nous serons réunis : c’est une belle chanson d’amour, une de mes chansons préférées que j’ai pu faire… Il y a plein de choses dans ce même album (NdStruck : "Tyranny of the Soul”) comme ‘River of No Return’ qui évoque une personne qui va mal à cause de trahison, de choses comme ça… Il y a pas mal de choses également dans "Skunworks" qui évoque des relations qui vont dans la mauvaise direction… Et des trucs comme ‘Tears of the Dragon’ qui est un peu mélancolique mais finalement, c’est la célébration joyeuse de la chance : prendre sa chance et voir ce que l’univers va nous offrir sachant qu’avons-nous à perdre ? Mais honnêtement, je ne sais toujours pas de quoi il s’agit, je ne sais toujours pas pourquoi j’ai chanté ‘Tears of the Dragon’, je ne sais toujours pas ce que sont ces fameuses larmes du dragon mais ce sont des paroles qui marchent… Quelle est la signification de "Wop bop a loo bop a lop bom bom" ? Je ne sais pas et personne ne le sait mais ça marche !
Tu dis ne pas toujours savoir ce que signifient tes textes, tu évoquais précédemment les paroles improvisées de ‘Sonata’. Es-tu habité d’un esprit qui te dépasse quand tu composes ainsi ?
Non ! La plupart du temps quand j’écris des textes, je commence avec une ou deux lignes et puis, je commence à écrire les paroles. En gros, je pense savoir ce quoi la chanson traite mais je me rends compte après coup, que ce n’est pas le cas. Le son des mots ensemble colle et inconsciemment, tu organises une histoire soudainement pensant savoir de quoi il s’agit. ‘Many Doors to Hell’ est un titre génial mais de quoi il s’agit (Sourire) ? La chanson commence par "All things in love and beauty lost in clouds and fire dust” ; ça sonne génialement mais putain qu’est-ce que ça veut dire (Rires) ?!! Mais de quoi cette chanson peut parler ? C’est à propos d’une vampire qui souhaite redevenir humaine et qui veut ressentir ce qu’est d’être faite de chair et pas boire du sang, ressentir la passion, être capable d’utiliser son corps comme un humain… Et finalement le seul moment où cette vampire devient mortelle est pendant l’éclipse : elle ne peut pas sortir la journée mais durant l’éclipse, elle peut être comme n’importe quel humain…
Et concernant cette chanson, finalement, quelles sont tes attentes pour elles et cet album ? Et j’irai plus loin, a-t-on encore des attentes quand on s’appelle Bruce Dickinson et qu’on a tout fait ?
Oh, merde (Rires) ! Je ne me suis jamais dit que j’avais tout fait… J’essaie de faire en sorte que la prochaine chose que je fais soit…
L’idée est de toujours être authentique !
… comme la première ?
Exactement ! Ce n’est pas toujours le cas mais l’idée est de toujours être authentique !
Je comprends que tu sois toujours passionné quand tu proposes un projet comme "The Mandrake Concept" ou même "The Book of Souls" le premier double album d’Iron Maiden, mais la plupart du temps, n’es-tu pas blasé ?
Blasé ? Non pas encore… Au contraire, avec cet album, je suis comblé ! C’est incroyable, j’ai passé une année entière à écouter cet album que nous avons terminé de mixer en avril dernier… Même le mixage brut sonnait incroyablement bien et on se demandait tous combien de temps il faudrait attendre avant de le partager ? Une année à vivre avec ce putain d’album que nous adorons ? Mais on voulait le sortir immédiatement et le partager avec tous nos amis (Rires) !
C’est amusant de constater que tu as gardé cette sincérité propre aux nouveaux venus…
Mais c’est le cas ! Pour moi, tu te dois d’avoir cet enthousiasme.
La seule chose que tu as en tant qu’artiste est ton intégrité !
Il est évident que sans cet enthousiasme, tu ne serais pas capable de t’investir pour sortir de tels projets…
La seule chose que tu as en tant qu’artiste est ton intégrité ! C’est la seule chose que tu as sinon tu es nu ! C’est juste moi et mon instinct créatif !
Si je restais, c’était pour de mauvaises raisons : je serais resté pour l’argent !
Mais n’as-tu jamais pensé perdre une partie de cette intégrité à un moment de ta carrière qui aurait pu justifier ton départ d’Iron Maiden ?
Je sentais que si je restais, c’était pour de mauvaises raisons : je serais resté pour l’argent ! Et ce n’est pas la bonne raison pour rester !
C’est exact, mais quand tu es revenu, ce n’était pas pour l’argent ?
Non, absolument pas !
Mon retour au sein d’Iron Maiden signifiait le retour d’Iron Maiden !
Alors qu’est-ce qui avait changé ?
Ce qui avait changé ? J’avais l’impression que Maiden et en particulier Steve (NdStruck : Steve Harris) serait plus réceptif, un peu plus ouvert à mes idées et d’autres choses… Mais j’en ai également parlé aux mecs avec qui je jouais -Roy et ce super groupe avec lequel nous tournions : c’était juste du plaisir !- à savoir que si je rejoignais Maiden, tout ceci prendrait fin… Il fallait que j’en parle avec eux, leur dire que Maiden m’avait demandé de revenir : c’est clair que ce serait super pour Maiden mais cela signifiait la fin de ce groupe que j’avais formé avec eux… Je leur ai demandé ce qu’ils en pensaient et ils ont unanimement répondu qu’il fallait bien évidemment que je rejoigne Maiden… Vraiment mais pourquoi m’avaient-ils répondu ça ? Et Roy m’a répondu que le monde avait besoin d’un putain d’Iron Maiden et que mon retour au sein d’Iron Maiden signifiait le retour d’Iron Maiden ! Présenté ainsi, je ne pouvais qu’accepter et pour mon retour, on a fait "Brave New World" qui marque un super retour !
Et finalement Steve Harris était plus ouvert ?
Oui !
Mais au travers de cette interview et cette dernière anecdote, il semblerait que Roy soit plus que ton acolyte préféré musicalement mais un frère…
C’est clair : nous faisons attention l’un à l’autre !
On va clôturer cette entretien fleuve mais avant de se quitter, on a commencé par la question qu’on t’a trop souvent posée au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ou à laquelle tu rêverais de répondre ?
Oh ! Mon Dieu, je ne sais pas…
Aurais-je réussi à te piéger et faire en sorte que tu ne puisses plus parler ?
C’est clair, tu m’as bien eu (Rires) ! On pourrait me demander quel est mon fromage préféré, c’est une question ridicule mais le fromage est ma faiblesse… Mais c’est vrai que les clichés ont la vie dure : les Anglais parlent du temps et les Français parlent de nourriture… mais c’est vrai (Rires) !
Mais pour en revenir à ta question, je ne sais pas quoi te dire….
Je te propose d’y réfléchir et nous débuterons notre prochaine interview par cette question et ta réponse…
Ok !
Merci beaucoup pour ce long échange
(En français) "Oh oui ? Merci à toi pour ça et bonne soirée monsieur" (Rires) !
Et merci à Noise pour sa contribution....