Salut Alex, première question comment expliques-tu que tu doives encore présenter Otargos à nos lecteurs après plus 10 ans d’existence ?
Alex : Tout simplement parce que nous avons sorti plusieurs albums sous un label français qui s’appelle Rupture Music, et vu la conjoncture dans l’industrie du disque, nous ne pouvions pas refuser ce deal. Mais ce n’est pas pour cracher sur lui mais on ne peut pas dire que ce label soit un roi de la promo. Il n’a pas trop fait son travail et nous avons beaucoup souffert de ça ! Malgré quelques concerts en France, nous avons quand même souffert de la non-promotion qu’on aurait pu avoir dans les magazines…
On ne peut pas dire qu’on ait été faignant. On a fait pas mal de choses, tu vois. On fait tout par nous-mêmes, on a fait beaucoup de concerts, on essaie d’être présent, d’avoir une activité, d’avoir un site Internet à jour, d’avoir une image cohérente, de donner des shows intéressants. Donc je pense que c’est ça qui a fait évoluer le nom Otargos…
Après, certains pensent que qui dit black mental, dit pas de promo… Mais nous, nous n’avons pas envie de jouer dans notre cave ! On veut faire des grandes scènes… Si cette année, on a fait le Hellfest, c’est qu’on a travaillé dans cette voie-là !
Mais c’est quand même difficile pour nous d’avoir un regard extérieur sur le nom Otargos en France ou à l’étranger… Te dire pourquoi le groupe n’est pas arrivé jusqu’à tes oreilles, c’est que tout simplement –vous, les webzines- soit vos chroniqueurs se penchent d’eux-mêmes sur le groupe, soit vous recevez du matériel promotionnel et à ce moment-là, vous pouvez faire quelque chose. Mais si le label ne le fait pas, et bien c’est mort ! Et nous, nous ne pouvons pas brasser tous les webzines, nous ne pouvons pas tout faire !
Par exemple, sur l’avant dernier album –"Fuck God Disease Process" qui était d’abord sorti avec le DVD- notre label Rupture Music avait décrété qu’il ne ferait pas de promo, qu’il ne ferait pas de cd promo. Donc, nous avons fait un chèque et nous en avons fait faire une centaine par nous-mêmes pour les envoyer partout en France. Il y avait clairement une lacune de la part du label…
Alors quand tu passes chez Season Of Mist, les promos sont faites, sont envoyées partout sans que tu aies à t’en soucier…
Mais bon, la promo est simplifiée sachant qu’elle est dorénavant dématérialisée…
Oui mais tu te dois d’en faire quand même. Regarde Coca Cola, tout le monde connaît mais ils continuent de faire de la promo. Donc, je pense que pour montrer que tu es vivant, que tu es là, il faut passer par-là !
Et pour en revenir à la question initiale, tu peux te présenter aux lecteurs de Music Waves ?
Et bien, écoute, je m’appelle Alex, je fais de la basse dans Otargos. Je n’aime pas dire ça mais Otargos est un groupe qui a une étiquette black métal en raison du côté hyper agressif et rapide de notre musique. Mais à l’inverse, certains vont te dire que le black métal doit défendre le message pour le Grand Cornu, le Grand Diable… Depuis sa création, il y a dix ans, le groupe a connu pas mal de changements de line-up. Nous sommes originaires de Bordeaux à la base et nous nous sommes depuis exportés sur Paris… Nous avons fait beaucoup, beaucoup de concerts, c’est la plus-value du groupe ! Nous essayons de défendre à fond la musique d’Otargos sur scène parce que nous pensons que c’est là qu’elle prend toute son ampleur… Et entre-temps, nous avons fait pas mal de galettes, je ne sais pas combien, je crois que celle-ci est la sixième que l’on sort, enfin le quatrième gros album qui s’appelle "No God No Satan".
Justement "No God No Satan" apparaît comme un aboutissement pour le groupe, aussi bien en termes de son que de philosophie. Quel est ton avis sur cela ?
Et bien, je pense qu’il y a un certain aboutissement avec cet album parce que nous avons commencé la musique il y a dix ans, et nous avions créé un groupe de black métal un peu comme tout le monde. Mais au fur et à mesure, les années sont passées, nous avons commencé à mûrir, à réfléchir, avoir vraiment une réflexion entre nous pour savoir quel message nous voulions véhiculer. Et plus ça allait, plus on se disait que bien que n’étant pas athées, nous sommes un groupe qui veut lutter contre l’endoctrinement des religions, de toutes les religions… Donc, nous sommes entrés dans une nouvelle ère avec l’album précédent "Fuck God Disease Process" qui affirme ce message de manière un peu plus subtil. Et avec ce nouvel album, nous avons décidé de mettre les pieds dans le plat -quitte à emmerder tout le monde- en annonçant que nous avions beau faire du black métal, nous ne croyons ni en Dieu, ni à Satan ! C’était un parti pris à prendre, d’ailleurs, c’est ce qui nous fait un peu mousser, c’est ce qui fait un peu le buzz en ce moment : plein de gens ne comprennent pas qu’on puisse faire du black métal sans croire au Grand Cornu. Mais pour nous, le black métal ne s’arrête pas au message, ça s’arrête à la musique…
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… C’est effectivement le cliché de l’image du groupe black métal parce qu’à contrario, tu as des groupes de cette scène comme Enslaved qui ne véhiculent pas ce message…
Mais je suis très content que tu me dises ça ! C’est également le cas d’Immortal qui est plus branché pagan, voire Behemoth qui apporte un message pas à fond pour la glorification du diable. Ces groupes sont affiliés au black métal… Et nous, quand nous arrivons avec tous nos concepts et en plus, le titre de l’album, la plupart de ces cons-là voient une espèce de provocation contre le black métal alors que ce n’est pas du tout le cas ! Nous n’avons pas cherché à provoquer. Avec ce titre, nous voulons juste donner un sens hyper simple et général au message d'Otargos…
… et le fait que les gens réagissent, c’est plutôt une bonne chose pour la promo…
Bien sûr ! Quand tu sors un album, la pire des choses qui peut arriver, c’est qu’il passe inaperçu ! Qu’on dise du bien ou du mal de mon groupe, l’important c’est…
… qu’on en parle !
Exactement !
Et à contrario, tu n’as pas peur que certains ne voient pas dans votre message la volonté de provoquer mais plutôt de faire le buzz ?
Peut-être… Ceci dit, c’est quand même risqué sachant que nous allons tourner avec Watain et il y a beaucoup de polémiques autour de cela. Par exemple, j’ai beaucoup de respect pour Watain parce que leurs fans les ont menacés de les boycotter à cause de cette tournée… Tu vois, il y a une démarche artistique mais il y a également un enjeu commercial parce qu’il y a de l’argent en jeu…
Et c’est pareil quand nous avons signé avec Season of Mist. L’album que nous leur avions présenté leur avait plu, mais nous les avons prévenus que nous voulions l’appeler "No God No Satan". Et ils nous ont donné leur totale approbation en toute connaissance de cause et des conséquences qui pouvaient en découler. Donc, nous sommes fiers d’apporter ce message mais nous connaissons le revers de la médaille.
Le seul avantage que l’on ait, c’est que nous pouvons pleinement nous justifier. Je te parle du message d’Otargos, il est simple ! Je ne suis pas là en train de te dire : Voilà, nous faisons une messe noire à la gloire de Satan !. Je ne le connais pas ! Par contre, te dire que je ne crois ni au Diable, ni en Dieu, ça me paraît beaucoup plus logique et c’est super concret !
Si je te dis que plus le groupe vieillit et progresse, plus il devient noir et cataclysmique ? Es-tu d’accord avec cette analyse ?
C’est vrai que sur les deux derniers albums, et notamment ce dernier, notre musique est devenue beaucoup plus obscure et malsaine. C’est une direction qu’on a prise sur ces deux albums, mais cela ne veut pas dire que le prochain sera dans cette ambiance ! D’ailleurs, je te le dis, il ne sera pas comme ça, il sera beaucoup plus rentre-dedans. Nous sommes partis dans cet esprit-là de façon naturelle. C’est Ulrich -Dagoth qui compose la plus grande partie -95%- de la musique. Il est dans son trip, il nous a exposé des ambiances plus sombres et nous, nous avons validé vu que ça nous plaisait. Je suis d’accord avec toi quand tu décris la musique actuelle du nouvel album, mais ce n’est du tout la nouvelle voie que nous avons envie de continuer d’explorer…
Tu l’as un peu évoqué mais comment composez-vous ?
Et bien, c’est Ulrich qui compose toute la musique chez lui sous forme de maquette. Ensuite, il nous envoie les morceaux, on en discute en disant ce que nous aimons ou pas. Après chacun travaille chez soi en amont parce que nous sommes éparpillés un peu partout en France. Enfin, nous nous retrouvons, nous faisons une répét’, nous voyons les arrangements et nous reprenons ça en studio…
Et toi dans tout ça ? Notamment sur le dernier album ?
Moi ? Je suis celui qui travaille le plus en direct avec Ulrich, je réagis à ces envois… Et dans Otargos, je gère tout le graphisme, toutes les relations entre le groupe et les fans, le groupe et les labels… Je fais tout le panache et Ulrich fait toute la musique…
A propos de visuel. Quel est le lien entre le visuel et le message d’Otargos ?
Et bien, en fait, je travaillais avec le musée du Dupuytren qui est à Paris, à l’école de médecine. Et nous voulions avec ce visuel un peu bizarre, tous ces mort-nés… nous voulions montrer que pendant que l’humanité perd son temps à vouloir défendre la fatalité ou le malheur en priant, en se demandant quelle faute elle a pu commettre pour que Dieu s’en prenne ainsi à elle, nous voulions vraiment mettre en avant les vrais malheurs de la vie, la chair, le truc hyper concret… Donc, nous aurions pu mettre la photo d’un mec normal mais nous avons préféré mettre un truc de beaucoup plus controversé, de beaucoup plus malsain… en adéquation avec la musique…
Pendant longtemps, au jeu des comparaisons, la musique d’Otargos était liée à celle de Dark Funeral. Comment expliques-tu ce détachement progressif ?
C’est vrai qu’on a été comparé à Dark Funeral et quelque part, tant mieux parce que, quelque part, je préfère être comparé à un gros bonnet de la musique comme Dark Funeral qu’à Bézu ou Lagaf’… Enfin, tu m’as compris ! Et pourquoi ? Je ne sais pas. Parce que nous faisions une musique qui blastait, ça se rapprochait… Maintenant, nous avons mûri et notre style s’est détaché. Après, tu as aussi les gens qui disent qu’Otargos c’est Dark Funeral sans avoir vraiment écouté, sans être allé plus loin, tu vois ? Mais on s’aperçoit qu’avec les nouveaux albums, le rapprochement avec Dark Funeral a complètement disparu…
Mais bon, c’est aussi le jeu des étiquettes pour pouvoir classer un groupe…
Exactement ! Mais je veux bien qu’on dise qu’Otargos est le Dark Funeral français, surtout si c’est pour avoir le même succès, mais bon, quand tu jettes une oreille sur l’album, tu t’aperçois que ça ne se ressemble pas… Mais c’est le jeu, sachant que quand tu écoutes n’importe quel album, tu te diras toujours que ça te fait penser à un tel ou un autre.
"Cuiusvis Hominis Est Errare" sort du lot, tant par sa durée de 10 minutes, que son contenu qui part sur une sorte de prière cynique vers un au-delà inexistant, une partie black rythmée avec plein de blast-beat, et un final hypnotique oscillant entre atmosphérique et ambiant…
… Ouais c’est ça !
Si j’ai compris que tu n’avais pas fait la musique…
… J’ai fait les textes sur celui-là !
… qu’est-ce qui vous a inspiré ?
Bah là, c’est Deathspell Omega quand même qui a nous a inspiré sur ce titre-là avec des passages hyper ambiants et vides. Et c’est vrai que c’est le morceau un peu extra-terrestre parce qu’il fait dix minutes comme tu dis. Il est placé au milieu de l’album, il est écrit en français, et ce titre est un petit clin d’œil à une actualité qu’on a voulu mettre en avant avec des textes qui parlent d’un monsieur tout le monde, un prêtre qui du jour au lendemain découvre qu’il a perdu son temps à être un salarié de Dieu… Il se rend compte qu’il a raté sa vie, il a des envies irrépressibles et un jour, il pète un câble en commettant un acte horrible en violant et tuant une petite fille ! D’ailleurs, c’est le titre du morceau : "L’erreur est humaine".
Au contact de tels titres, on se rend compte que la musique d’Otargos est à mille lieues du black froid et linéaire à la mauvaise production scandinave. A cet égard, jusqu’où peut évoluer la musique d’Otargos vers le black progressif psychédélique d’un Enslaved ou celui symphonique d’un Dimmu Borgir ?
Ecoute, je ne sais pas trop jusqu’où nous pouvons aller ? Nous avons toujours essayé de travailler pour avoir des morceaux que nous puissions facilement reproduire sur scène. Même si sur le dernier album, il y a des morceaux de dix minutes comme celui que tu citais, c’est le type de morceau que nous ne pouvons pas faire sur scène, c’est trop long, ça blaste trop donc ce n’est pas possible ! Mais nous avons toujours minimalisé au maximum les arrangements. Nous ne pourrons pas faire du Dimmu Borgir où il y a de l’orchestration à mort, nous ne pourrions pas le reproduire sur scène…
Après, puisque Jess (NdStruck : manager d’Hacride, Como Muertos notamment) est là, ça me fait penser à Hacride où il y a de la polyrythmie à donf -au-delà du fait que ça ne soit pas notre kiff- ça demande une rigueur démoniaque impossible à reproduire avec nos boulots respectifs et la distance qui nous sépare. Donc, je pense qu’inconsciemment, nous faisons la musique que nous pouvons nous permettre de faire et nous essayons de la faire bien… Parce que nous voyons tellement de groupes qui veulent aller vite mais qui ne savent pas blaster, ou des groupes qui veulent être crados et c’est trop propre… Enfin, je ne sais pas vraiment où le groupe va aller en matière de composition. Pour le moment, ça reste comme ça, mais le prochain sera beaucoup plus rentre-dedans et catchy. Maintenant, enlever nos tenues, changer le message, je ne pense pas. Ajouter des synthés ou des gonzesses qui chantent, hors de question !
Penses-tu comme Robert Culat alias Padre Bob, qu’Otargos entre dans la catégorie des groupes du courants extrêmes du Metal sont en train de sortir de leur crise d’adolescence pour entrer dans l’âge adulte, avec une maturité plus grande ?
Ouais je pense. Et d’ailleurs, ça me fait plaisir que tu dises mental extrême parce que nous essayons de nous détacher de l’image black métal Et d’ailleurs, peut-être qu’un jour, tu liras métal extrême plutôt que black métal en dessous d’Otargos !Je pense que maintenant, nous sommes vieux, nous avons vingt-huit ans de moyenne d’âge, nous connaissons nos classiques, nous avons su évoluer, nous avons su faire la part des choses et analyser ce que nous voulions. Donc oui, on peut parler d’une certaine maturité. On peut dire que pour nous, l’œuf a éclos et nous arrivons à quelque chose de vraiment hyper intéressant.
Ne penses-tu pas que justement, le mouvement black actuel anti-chrétien est paradoxalement un prétexte commercial pour faire le buzz au risque de tomber dans le cliché trop souvent colporté dans nos médias les rares fois où ils parlent de métal ?
Je ne sais pas trop ? Alors par exemple, on parlait tout à l’heure de Watain. Je trouve que Watain, c’est hyper bien foutu, ces messes noires sur scène… Je ne les connais pas mais ils sont tellement à fond que quelque part, cette implication, le fait de défendre à 100% ce message anti-catho, anti-chrétien, glorification à Satan… Tu vois, ils y croient à mort et justement, je pense qu’ils mettent ça en avant pour "booster" leurs ventes et augmenter leur crédibilité. Après, tu as beaucoup de groupes qui font ça et qui sont hyper maladroits parce que c’est bien beau de dire : Gloire à Satan mais ils sont incapables de tuer une poule ! Donc nous, nous respectons totalement le message -même s'ils sont pro-adorateurs de Satan- du moment où c’est bien fait. Nous, nous ne pouvons trouver que ça bien, que ce soit pro-Satan ou pro-Dieu… Nous nous en foutons, ce n’est pas le problème !
Justement pendant qu’on est dans l’imagerie cliché, ne penses-tu pas qu’il soit temps, alors que votre musique évolue, de se détacher de ce visuel, masque… même si ça fait partie intégrante d’Otargos ?
Tu ne peux pas faire quinze milles trucs sur scène, tu vois ! On a toujours gardé le grime, ce qu’on appelle nos peintures de guerre parce que ça a impact visuel. Après, je t’avoue qu’on a essayé de trouver d’autres codes, on a essayé de personnifier nos maquillages afin qu’ils ne soient pas comme ceux des autres, qu’ils soient un peu plus crades. Maintenant, on travaille avec des lasers sur scène, ce que les groupes ne font pas. On essaie vraiment de sortir de ce "cliché", du folklore black métal mais ce n’est pas évident… On ne va pas se peindre en bleu, blanc, rouge pour faire différent !
… ou ne pas se peindre du tout ?
On a déjà fait ! Ca nous est arrivé deux/trois fois par le passé de jouer sans le grime et l’impact est moins fort, donc on le garde ! Après, oui, franchement, nous y pensons souvent, nous parlons de trouver autre chose pour que quand on voit la photo -si on ne connaît pas le groupe- on se dise que ce n’est pas forcément du black métal…
… ce qui permettrait d’aider à ce que le groupe ait une étiquette métal extrême et non plus black métal…
Le seul truc, c’est que si nous changeons, il ne faut pas changer pour changer. Il faut que ça colle au concept ! Nous avons des tenues plus modernes que les groupes de black habituels, maintenant, nous essayons de travailler avec des lasers… Nous voudrions apporter une touche un peu plus moderne… Mais c’est vrai que nous avons essayé d’autres peintures de guerre mais ça ne marchait pas ! Mais ce que nous voudrions maintenant -et tu as tout à fait raison- c’est que quand on voit une photo du groupe, on se dise : Ca, c’est Otargos ! . Par exemple, je ne connais pas du tout Punish Yourself, mais rien qu’avec une photo, je sais que c’est Punish Yourself !
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Otargos a joué au Hellfest 2010. Qu'as-tu pensé du concert ?
C’était super ! Franchement, nous étions conscients que jouer au Hellfest était vraiment une opportunité qui n’est pas donnée à tout le monde ! Nous avions un peu peur de jouer du black métal tôt le matin. Nous nous étions dit que nous jouerions devant personne et finalement, la tente était pleine, le concert était bien, même si nous étions pris par le temps. Tout allait trop vite, à peine nous étions montés sur scène que c’était terminé ! Moi, ça fait longtemps que je vise le Hellfest. Ca fait trois ans que j’essaie de nous y faire jouer et je m’étais dis que cette année, il fallait le faire pour franchir un cap et nous ouvrir à d’autres festivals.
Et l’impact de Season Of Mist dans votre programmation ?
Bah c’est difficile à dire parce que, par exemple, nous connaissons Hélène qui est la numéro quatre du Hellfest, et c’est vrai, Season Of Mist connaît très bien Ben Barbaud. Je ne sais pas trop quoi te dire ? Dans le mental, c’est comme dans tous les milieux, il y a des connexions qui entrent en ligne de compte, et c’est comme ça qu’il faut travailler de toute façon ! Maintenant, connaissant Ben Barbaud -qui est une vraie tête de mule que je respecte à fond- s’il ne voulait pas nous faire jouer, il ne nous aurait pas fait jouer, même si Season Of Mist lui avait graissé la patte derrière ! Mais en fait, cela ne s’est pas fait si facilement. Nous avons envoyé plusieurs courriers pendant plusieurs années et nous n’avons pas eu de réponse… Et un jour, j’ai reçu un e-mail de Ben Barbaud que nous disait qu’il pouvait nous faire jouer à telle heure… Et ça s’est fait ainsi, nous sommes entrés par la petite porte mais nous avons accepté.
Et selon toi, le black métal a -t-il sa place au sein d'un tel événement ?
Ah ouais ! Je pense que si c’est bien fait sur scène, le black métal peut jouer avec n’importe quel groupe, n’importe où… du moment que c’est bien fait !
Vous avez également joué au Brésil récemment. Comment était-ce ? Le public, là-bas, est-il aussi furieux qu'on le dit ?
Alors, je te l’annonce, les Brésiliennes ne justifient pas du tout leur réputation (Rires) ! Non, c’était vraiment super ! En fait, j’ai été mis en relation avec un promoteur là-bas. On nous a proposé le plan, en gros, c’était : Vous payez vos billets d’avion et moi, j’organise la tournée là-bas. … Et on a fait quelques clubs, et surtout des festivals où nous avons été accueillis comme les plus grands. C’était vraiment hyper impressionnant, c’était vraiment super bien ! C’était éreintant parce que ce ne sont pas les mêmes conditions qu’en Europe, c’est à dire que le concert commence à minuit ou 1 heure du matin et la tête d’affiche joue à 6 heures du matin ! Ca veut dire qu’à 9 heures, tu sors, tu reprends la route… C’était énorme parce que c’était une super expérience. Je pense que nous allons le refaire l’année prochaine. Et pour ce qui est du public, il tient cette réputation parce que, tout simplement, sans être salaud, je pense qu’ils ont dix ans de retard comparé aux Européens parce qu'ils ne téléchargent pas ! Ils sont encore à fond sur le produit… Je ne crache pas dessus, mais il n’y a pas beaucoup de concerts, c’est une sorte de rassemblement…
… c’est frais…
Ouais exactement ! Tu vois, tout le monde se fout sur la gueule, tout le monde picole, c’est une espèce de grande fête, une espèce de méga-célébration pour le métal Il n’y a pas du tout de poser… Contrairement à la France où il y a beaucoup de concerts. A Paris, les gens sont blasés : déjà parce que ça coûte très cher et les gens en ont marre de voir toujours les mêmes groupes… Alors que les Brésiliens, comme il n’y a jamais de concert, dès qu’il y a une manifestation, ils sont tous là !
Quelle est la place d’Otargos dans l’industrie du disque en France. Vous disiez, il y a quelques années, que Le Black Métal était difficile à assumer en France et les structures professionnelles ne sont pas nombreuses à s’impliquer sérieusement dans ce style. Nous envisageons de tester l’étranger pour la suite des événements. Que s’est-il passé depuis ?
Il s’est passé que tout simplement, quand tu fais de la musique extrême qui va très vite, tu te dois d’avoir de très bonnes conditions pour jouer. Par exemple, des monstres de guerre comme Behemoth sur des scènes diaboliques, c’est super, le son est énorme. Mais tu les mets dans une cave, ça ne sera pas pareil ! Donc nous, nous avons vu, nous avons fait nos classes, nous avons fait notre petit bonhomme de chemin, nous avons fait des petites, des moyennes, des grandes scènes et maintenant, nous nous apercevons que pour faire des grandes scènes en France en faisant du black métal, c’est difficile parce que je pense que les promoteurs perdent de l’argent. Alors qu’à l’étranger, c’est complètement différent. Le black métal est beaucoup plus enrichissant, les gens sont à l’affût… Donc, nous nous en avons plein de cul de la France avec tous ses détracteurs. Je ne sais pas ce que nous leur avons fait, nous ne sommes pas de gros méchants dans la vie de tous les jours mais les gens nous chient dessus. Donc, nous les emmerdons tous et nous sommes allés voir ailleurs et nous prenons beaucoup plus de plaisir à jouer à l’étranger. Sans compter le fait que c’est l’étranger, tu voyages, tu découvres de nouvelles cultures… Donc, c’est beaucoup plus intéressant à tous les niveaux, sachant que la France, nous y avons tourné pendant sept/huit ans… Il nous reste quelques festivals, quelques objectifs… mais en général, nous préférons voir ailleurs où nous serons reçus correctement. Tu vois, quand nous arrivons, nous disons que nous ne buvons pas trop de bière mais il nous faut à manger et du café… Et quand on nous répond qu’il n’y a pas que de la bière et qu’il n’y a pas de sono, pas de scène… Attends, nous ne jouons plus quand c’est comme ça ! Et là, on nous répond : Ouais mais Rock’n’Roll ! … Ouais mais non ! Si nous avons fait mille bornes, c’est pour jouer dans de bonnes conditions ! Donc moi, je trouve que les promoteurs devraient enlever ce côté métal, rock’n’roll, pour se concentrer sur la démarche artistique !
Etre plus pro ?
Exactement ! C’est ce que nous demandons. Maintenant, nous sommes assez sélectifs sur les promoteurs. Nous leur expliquons gentiment que si c’est foireux, ça se fera sans nous !
Vous avez également sorti un clip du titre "Cloning The Divine". Auriez-vous compris que la reconnaissance passait par ce biais ?
Ah bah écoute ! Le clip est sorti juste avant le Hellfest. C’est le label qui a voulu le sortir pour faire un petit buzz et nous, nous avons voulu faire ce clip parce que déjà, ça nous trotte en tête depuis un moment, et après, il faut dire ce qui est, les clips dans le mental sont souvent foireux. Tu prends dix clips dans le métal, il y en a neuf : c’est ridicule, c’est mal branlé… Même des groupes talentueux comme Belphegor te sortent des merdes. Même Dimmu Borgir, j’en ai vu un : c’est la fête à la saucisse, faut pas déconner quoi ! Donc, nous nous sommes dis que nous allions essayer de faire quelque chose pas de bien, mais de super bien ! C’est pour ça que nous avons essayé de faire un court-métrage de neuf minutes, même si ça n’a pas plu à certains. Nous nous sommes fait plaisir. Nous ne voulions pas faire ça par nous-mêmes. Donc, nous avons travaillé avec des professionnels. On a contacté un réalisateur, on a contacté une équipe de production, on a contacté des comédiens… Le truc a duré dix mois ! Mais ce clip est un petit plus pour nous. Nous nous sommes dits que ça serait une plus-value pour le groupe parce que c’est toujours bien d’appuyer la musique avec du visuel. Les gens sont plus réceptifs quand tu as une image et pas seulement le son. C’est l’exemple des teasers : les gens sont très friands de vidéos, et nous n’avions jamais fait ça auparavant -enfin, si mais c’était des petits clips, des extraits lives- nous n’avions jamais vraiment mis de gros moyens là-dedans et nous nous sommes dis que ça crédibiliserait peut-être le groupe, ça serait un outil promotionnel hyper important… Tu vois, la télévision nous a contactés pour diffuser le clip, mais ils nous ont dit qu’il fallait censurer des passages pour ne pas montrer d’injection… Donc, à ce moment-là, nous avons refusé mais nous étions contents que la télévision nous contacte. iTunes nous a prévenu que nous ne pouvions pas le laisser en l’état… Mais ce n’est pas grave : la télévision aujourd’hui, ce n’est pas ça : c’est Youtube !
Et dans le futur, si tu devais refaire un clip, ferais-tu des concessions afin d’être plus largement diffusé ?
Comme je te le dis, la télé d’aujourd’hui, c’est Youtube, ce n’est plus du tout la télévision comme nous la connaissions… Après, nous avons pensé que des télés comme Nolife sont friandes de trucs un peu bizarres. Mais bon, quand nous avons écrit le clip avec le réalisateur, nous n’avons pas du tout pensé que nous ne pouvions pas faire tel truc parce que ça serait censuré ! Quelque part, si le clip est censuré, il fera encore plus parler de lui… Après, il ne s’agit pas d’aller dans la provocation gratuite, bien sûr que non ! Mais je pense que si c’était à refaire, nous travaillerions exactement de la même manière sans nous soucier de ce que pense la télé !
Si tu devais choisir un titre de la discographie d’Otargos pour faire découvrir le groupe à quelqu’un qui ne le connaîtrait pas. Quel titre choisirais-tu et pourquoi ?
Oh putain ! Ca dépend… Je pense que pour la nouvelle vague Otargos proposée par les deux derniers albums, il y en a trois qui me viennent à l’esprit. Il y a "XXI" qui est un morceau hyper ambiant sur lequel se pose un texte parlé qui explique tout le concept Otargos. Pour comprendre le message, ce titre est hyper fort ! Pour ce qui est de la musique, il y a "Worship Industrialized" qui va très vite, ça blast beat avec des guitares hyper électriques, limite dissonant. Donc là, je pense que pour quelqu’un qui voudrait voir le côté extrême d’Otargos, j’opterais pour ce titre-là. Et après, pour avoir un mix des deux, je partirais sur "La Genèse de Dieu" qui est sur l’album précédent avec un message en français hyper fort et le côté musical assez branchant d’Otargos.
Que voulais-tu faire gamin ?
Je voulais faire du cinéma quand j’étais gamin.
Tu devais être comblé au moment du clip ?
En fait, nous n’étions pas trop acteur, nous ne faisions que du play-back. Mais c’est vrai que nous aimons bien nous mettre en avant, nous aimons bien monter sur scène…
Quel est ton meilleur souvenir de musicien ?
Je pense que l’un des moments les plus forts, c’est quand nous avons joué à Rio de Janeiro. Nous étions dans les coulisses, le président du festival est monté sur scène -il baragouinait en portugais. J’ai rien compris, mais au moment où il a crié Otargos, tout le monde s’est mis à taper partout au point que les coulisses tremblaient. Nous avons eu la chair de poule, c’était quelque chose de vraiment hyper fort. Après évidemment le Hellfest, c’est un évènement que nous ne pouvons pas dénigrer…
Tu as parlé de ton meilleur souvenir. Au contraire, quel serait le pire ?
Et bien, c’est un souvenir de promoteur, il y a quelques années quand j’ai voulu organiser Dark Funeral à Bordeaux. J’avais tout préparé et au dernier moment, le groupe a annulé et j’ai dû affronter les deux cent personnes qui m’ont insulté… J’ai perdu ma chemise, j’ai tout perdu parce que le groupe n’a pas voulu jouer… Donc, c’est un très mauvais souvenir !
Après au niveau d’Otargos, des mauvais souvenirs ? Il n’y a pas tant que ça, quoi ! Ce sont des souvenirs à côté du groupe, des conneries dans les coulisses, des trucs comme ça… A 98%, nous repartons contents !
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Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
La question la plus chiante, généralement, consiste à présenter le groupe (Rires), quand il faut retracer l’historique ! Après, c’est vrai comme tu dis, en ce moment, c’est la polémique sur "No God No Satan" et comment nous pouvons justifier de faire du black métal en ne mettant pas en avant le Diable… C’est une question qu’on nous a posée maintes et maintes fois…
Et n’est-ce pas frustrant pour un artiste de devoir plus parler du message que de musique ?
Bah finalement, là, regarde… Nous venons de faire une interview et je trouve que nous avons pas mal parlé de la musique ?
Mais est-ce toujours le cas ?
En fait, ça dépend de celui qui nous interviewe. Parce que, par exemple, au Hellfest, nous avons fait une dizaine d’interviews et sur les dix, il y en avait trois de professionnels amateurs ou amateurs professionnels qui ont vraiment fait un boulot sensationnel. Et nous nous sommes retrouvés devant des charlots qui posaient des questions sans même écouter les réponses et qui reposaient une question alors que la réponse était donnée avant… Pour en revenir à ta question, si je pense que c’est frustrant de plus parler du message que de la musique ? Bah, je pense que ça fait partie du lot aussi…
Ca fait partie du concept global ?
Complètement ! Mais il y a beaucoup de gens qui jugent Otargos par ces quatre mots "No God No Satan", sans avoir lu les paroles et qui ne connaissent pas vraiment en profondeur le concept… Et même s'ils sont adorateurs du Diable, ils pourraient être d’accord avec ce que l’on dit… Mais non, ils sont tellement cons qu’ils s’arrêtent sur ces quatre mots ! Donc, je pense que si nous avions juste changé le titre de l’album, nous n’aurions pas eu cette polémique…
Bon maintenant, je pense que si tu prends tous ceux qui écoutent du black métal, même si ce sont des pseudo-adorateurs de Satan, je ne pense pas qu’ils prennent toutes les paroles de tous les groupes qu’ils écoutent, qu’ils lisent et essayent de comprendre… Ils dressent les cornes et puis voilà, c’est génial ! Donc parler du message, d’accord s'ils veulent, mais il faut quand même qu’il y ait des arguments derrière. Quand tu as des arguments, quand tu essaies de comprendre avec une discussion, là, il n’y a pas de problème. En revanche, quand on te dit : Vous faîtes du black et vous dîtes : "No God No Satan", donc il y a un problème ! … Là, c’est vrai, c’est très frustrant !
On a parlé de la question qu’on t’a trop souvent posée. Au contraire, quelle est celle que tu aimerais que je te pose ?
Euh… c’est une bonne question ça ! Je n’en sais rien, nous avons brassé beaucoup de choses… Non, là, je t’avoue que je n’ai pas d’idée en tête !
Pour finir, un mot de la fin pour la route ?
Bah oui, j’ai un petit mot de fin. Je voudrais déjà te remercier parce que je pense que tu as fait un travail en amont pour préparer cette interview…
Donc, tu ne me classeras pas parmi les sept charlots du Hellfest ?
(Rires) Non, pas du tout, pas du tout ! Non, non, c’est ça que nous aimons bien, quand il y a une réflexion en amont et que nous pouvons discuter même si nous parlons et quelques fois, nous nous égarons… Donc, je te remercie d’être venu, je te remercie d’avoir travaillé en amont ton interview parce que je vois un minimum d’intérêt à ce que nous faisons, à notre travail… Donc, je tiens à te remercier et tous ceux qui nous soutiennent, mais aussi nos détracteurs sans qui nous ne serions pas là non plus !
Et pour terminer je dirais : La calomnie provient du succès ! …
Un grand merci Jess pour avoir rendu possible cette interview et à Childeric Thor pour son inestimable contribution !
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