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TITRE:

MY OWN PRIVATE ALASKA (27 SEPTEMBRE 2024)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

METAL ALTERNATIF



Retour dans la lumière pour M.O.P.A. qui revient aux affaires avec son pianocore unique et "All the Lights On"...
STRUCK - 08.11.2024 -
10 photo(s) - (0) commentaire(s)

Il aura fallu attendre quatorze ans pour que M.O.P.A. donnent suite au remarquable "Amen". Avec un line-up remanié, les tenants du pianocore reviennent avec leur recette unique et un "All the Lights On" tout aussi envoutant...


Quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée et à laquelle vous avez marre de répondre ?


Matthieu "MiLKa" Miegeville : Pourquoi nous nous appelons My Own Private Alaska (NdStruck : le nom du groupe fait référence au film "My Own Private Idaho" de Gus Van Sant avec "Alaska" qui évoque les grands espaces, le froid… ).


On avait vraiment une énorme énergie pour refaire de la musique ensemble




Et on ne vous la posera pas ! Votre nouvel album "All The Lights On" arrive 14 ans après "Amen", même si entretemps, sont sortis l'EP "Let This Rope Cross All The Lands" sorti en 2021 et "Red Session" en 2011. Est-ce que l’accueil de cet EP a été un catalyseur pour ce retour en force avec ce nouvel album ?

MiLKa : Le premier catalyseur a été à la force de la musique et de l'humain qui nous lie et qui a fait qu'on avait vraiment une énorme énergie pour refaire de la musique ensemble. Et quand on a parlé de notre reformation, on a halluciné en fait des retours de beaucoup de gens, de l'excitation qu'il y avait. Évidemment, ça nous a fait plaisir.


Vous ne vous y attendiez pas ?

MiLKa : Pas à ce point !


Pourtant, vous avez toujours été un petit peu en marge de la scène metal avec votre musique à part. Vous n’êtes pas un groupe comme les autres…


MiLKa : Tu dois avoir raison… Je peux juste te dire ce que les gens nous ont rapporté que c'était important pour eux qu'on revienne parce qu'on a marqué certaines personnes sur un plan émotionnel, psychologique… ce qui est différent d'un groupe aussi bon soit-il dans le metal, le punk ou le hardcore…


Effectivement, parce que quand on parle de My Own Private Alaska, on ne parle pas seulement de musique mais d’émotions avant tout...

MiLKa : C'est effectivement comme ça que Laure a réagi au tout début du process en fait. Je ne sais pas si c'était au début quand on a évoqué le fait qu’elle rejoigne le groupe ou avant, quand tu as écouté "Amen".

Laure Muller-Feuga : Je me suis pris une claque. En fait, j'ai trouvé que c'était inclassable, vraiment très différent de tout ce que j'avais pu écouter jusqu'à présent. Et plein de contrastes, très troublants. Le piano hyper mélodique qui me parlait beaucoup parce que j'ai joué du classique. Et puis par-dessus la voix de Milka qui crie, qui balance toutes ses tripes. Du coup, j'avais trouvé ça assez hallucinant.
Et ce que je ressens de ce retour, c’est que les personnes qui connaissent "Amen" sont très heureux de pouvoir entendre à nouveau My Own Private Alaska parce que c'est justement super différent, quelque chose qu’ils ne retrouvent pas ailleurs...


On avait envie aussi de développer ce côté un peu numérique, un peu électro, un peu moderne par rapport au M.O.P.A. original




Tu évoques l’intronisation de Laure. A ce titre, quel a été l’impact du changement de line-up sur le projet ?

MiLKa : Alors du coup, on peut parler de deux impacts parce qu’il y a Laure aujourd'hui. Laure n'a pas composé l'album, elle est venue ensuite. C'est Mathieu Laciak -alias Galak- qui a composé, mixé et également produit cet album.
Et en termes de son, ce qu'a amené Galak était ce qu'on recherchait, une plus grande profondeur, une plus grande richesse au niveau fréquences. On avait envie aussi de développer ce côté un peu numérique, un peu électro, un peu moderne par rapport au M.O.P.A. original. C'était un pari qui n'était pas évident parce qu'on n'avait surtout pas envie que ça fasse artificiel. On a beaucoup travaillé sur le son et quand Galak est arrivé avec ses propositions de son qui se fondaient très bien c'est-à-dire que ça apporte sans dénoter. Ce n'est pas comme si on avait l'impression que c'était un remix de M.O.P.A. dégueulasse, pas du tout.

Laure : … Ça vient en appui de la main gauche de Tristan au piano.


Laure n’a pas composé l’album. Malgré tout, avez-vous déjà réfléchi à ce que va être la suite et spécialement toi, qui dois être impatiente de pouvoir mettre ta patte ?

Laure : Je suis tellement impatiente ! Ca fait déjà plus d'un an que j’ai intégré le groupe. Mais on n’a pas eu le temps de se mettre à une compo pour un futur album parce qu'il y a déjà pas mal de choses à défendre. Et puis en plus, je fais aussi de la vidéo -je suis réalisatrice- et ça fait aussi pas mal de boulot de faire des clips et des vidéos pour nos groupes. Et ça, ça me plaît trop parce que c’est une continuité de mettre en image cette musique-là.


A ce propos, concernant l'image, on va évoquer le visuel qui semble moins envoûtant que les précédents et sur lesquels on ne trouve pas les initiales du groupe. Pourquoi ces choix ?

Tristan : On nous a conseillé de ne pas oublier que M.O.P.A. c’est quand même My Own Private Alaska. C’est la raison pour laquelle c’est écrit en toutes lettres et tu le lis de haut en bas, tu retrouves l'acronyme et puis il y a le logo où on voit également cet acronyme.
Et puis au niveau du visuel, on cherchait ce côté conceptuel avec la lumière et on a voulu creuser dans cette direction avec également peut-être un côté moins show-off. Je peux tout à fait l'entendre mais c'est parce que justement on a souffert d'une image qui nous a collé à la peau du fait d'être allé chez Ross Robinson, un très gros producteur (NdStruck : qui a notamment produit Fear Factory, Deftones, Korn, Limp Bizkit, Slipknot, Sepultura, Soulfly ou plus récemment The Cure).


On parle de la production du premier album sur laquelle on a peut-être trop communiqué…


MiLKa : C'est peut-être vrai…


… mais ça a contribué au succès initial du groupe.

MiLKa : Tout à fait ! Et dans le cas présent, nous avons voulu travailler la pudeur. Ça paraît peut-être antinomique avec une musique qui tape et crie très fort mais pas tant que ça… C'est-à-dire qu'il peut y avoir beaucoup de vulgarité dans le metal ou dans les musiques violentes, et même jusque dans leur traitement visuel, et on essaie vraiment d'éviter ça. Et Laure est également présente pour ça…


… Et ce sera encore plus le cas demain…

MiLKa : Oui, parce qu’outre la musicienne, elle est réalisatrice et on cherchait quelqu'un qui avait une vision sensible et féminine.


On parle souvent de la fusion entre le classique et le post-hardcore dans votre musique, mais pensez-vous que cette description est réductrice ? Peut-on citer parmi vos influences des artistes comme Iamthemorning ou Tori Amos, qui utilisent le piano comme vecteur d’émotions profondes ?

Tristan Mocquet : Je comprends complètement la question mais je ne me positionne pas comme ça. À la rigueur, s'il fallait répondre, je serais plus sur la première partie de question, sur le côté post-hardcore, romantico, classico, pianistico… on a trouvé un truc qui était assez court et qui me parlait, qui était plutôt évocateur, qui était piano-core comme tu vas faire du hardcore, du hardcore, du metalcore…


… de l'autruche-core…

Tristan : Exactement mais le problème, c'est que piano-core ne rentre pas dans les cases de quand tu fais rock, metal, alternatif…


… Effectivement une des caractéristiques du groupe et c'est peut-être aussi une des raisons qui explique cette attente du public, c’est que vous aviez une particularité qu’on ne retrouve nulle part ailleurs…

Tristan: C'est clair ! Après, on ne peut pas se targuer de proposer quelque chose de différent et définir notre musique. Mais est-ce notre rôle de définir notre musique ? On la joue et le public se l’approprie.


On est plus dans l'émotion et dans l'humain avec tous les défauts qu'il a




A cet égard, votre univers musical est vaste, avec des éléments de metalcore dans le chant, du metal pur, et des touches mélodiques empruntées à la pop, comme on peut le sentir dans des titres comme ‘Burn, and Light the Way’. Comment parvenez-vous à concilier ces différentes influences qui peuvent paraître antinomiques dans votre processus créatif et rendre le tout si fluide ?

Tristan : Franchement, ce n'est pas antinomique. Ce n'est pas parce que c'est très peu proposé, que ça n'a pas lieu d'être. Si ça fonctionne, on n'a rien fait de particulier !

MiLKa : Quand tu dis que c’est fluide, pour moi, c'est le meilleur compliment qui puisse exister parce que ça veut dire -selon l'adage de Ross Robinson- que tu le perçois comme vrai.

Tristan : Notre musique ne met pas la technique au premier plan. Et même si je suis pianiste, c'est là où je me réclame plus de la veine grungy où on ne fait pas ultra attention aux fausses notes. Je ne dis pas que je fais le culte de la fausse note, mais on est plus dans l'émotion et dans l'humain avec tous les défauts qu'il a… Et je pense que ça se ressent et ça permet de mettre en avant le côté humain avec toutes ses composantes.

Laure : Le public n'est pas dupe : il veut de l’authenticité, de l'émotion.


L’ambiance cinématographique est très présente dans votre musique, et on pourrait citer des influences comme Danny Elfman. Lorsque vous composez des morceaux comme ‘Ka Ora’ ou ‘Innocent Innocent’, qu’est-ce qui émerge en premier : les images ou le paysage sonore ?

Laure : Je ne sais pas quand MiLKa a écrit les paroles, mais en tout cas, le clip de ‘Ka Ora’ a été réalisé après. J'ai fermé les yeux, j'ai lu les paroles de MiLKa, j'ai écouté la musique et puis voilà on a...


On n'est pas du tout dans le metal avec des pianistes verbeux jusqu’à l’overdose comme dans Dream Theater.


… Mais demain, avec ton vécu dans le visuel, est-ce que la démarche de composition du groupe ne risque pas de changer un petit peu, c'est-à-dire que le visuel va peut-être devancer l'aspect composition musicale ?

MiLKa : On ne le sait pas encore ! En tout cas, on est un groupe qui essaie de voir des portes ouvertes plutôt que des portes fermées… donc tout est possible ! Il est évident que quand la base pianistique apportée par Tristan arrive, nous, en l’écoutant, je pense que -comme tout le monde- on a des images.
Donc oui, je suis d'accord pour Danny Elfman parce qu’il y a quelque chose de la musique contemporaine minimaliste chez Tristan. C’est quelque chose que j'adore : il y a du Elfman, il peut y avoir du Michael Nyman… Guillaume Aldebert -chanteur pour enfant- on a cité Steve Reich avec des motifs qui reviennent. Et ça me parle beaucoup. On n'est pas du tout dans le metal avec des pianistes verbeux jusqu’à l’overdose comme dans Dream Theater.

Laure : Ce qui est toujours un peu délicat, c'est que la musique, le piano de Tristan est hyper universel, il va toucher les cordes sensibles mais de manière différente chez chacun. Donc imposer une image là-dessus, c'est toujours un peu compliqué, mais en même temps, c’est ce qui est beau dans la musique -qui a ça en commun avec le cinéma- c'est que tu crées de l’image et dans la musique, c'est l'image mentale et donc chacun va se créer sa propre image… Il faut donc faire attention de préserver l'imaginaire de chacun…

Tristan : Après, est-ce qu'il faut faire attention de préserver l'image de chacun ? Parce que franchement c'est ce qui est cool aussi quand tu proposes une vision. Après est-ce qu'elle est partagée et appréciée, c’est une autre question…

MiLKa : Dans les paroles, j'essaie justement de préserver l'image mentale des gens. J'essaie toujours d'écrire des paroles les plus universelles possibles : tu ne verras donc jamais un prénom dans mes paroles, même si je pense vraiment très fort à quelqu'un quand je l'écris. L'idée que les gens fassent leur propre interprétation me va parfaitement. L'idée est que les gens puissent s'approprier mes textes…


Malgré tout, les textes sont particulièrement littéraires et souvent très personnels. Dans un contexte où de moins en moins d’artistes s’attardent sur les paroles, est-ce important pour vous de maintenir cet aspect au cœur de votre projet ?

MiLKa : Si je ne le maintiens pas, il n'y a rien qui me porte pour crier : il faut qu'il y ait du sens ! Je ne pourrais pas crier des onomatopées, il faut donc que je dise quelque chose. Donc déjà, je le fais pour moi, pour que ça puisse me porter et que je puisse transcender l'émotion...

Tristan : On touche à un sujet qui est plus vaste. Il y a deux écoles de crieurs. Il y a ceux qui crient, parce que c'est chouette, il y a un côté technique puissant…  Et il y a ceux qui crient parce qu'en fait c'est la forme qui transmet le fond et dans cette école-là, effectivement, tu ne vas pas crier une banalité, tu vas crier un truc qui résonne une émotion.


… Un côté cathartique, de viscéral dans les paroles… on revient à l’authenticité dont vous parliez…

Tristan : Et maintenir la vérité et l'authenticité du cri tous les soirs en live, au bout d'un moment, tu rentres dans une espèce de routine. Je ne sais pas si tu y penses MiLKa au moment où tu écris en te projetant, à savoir que tu vas quand même le dire, le crier un certain nombre de fois et il faut que ce soit robuste et qu'il y ait une sorte de vérité d'universalisme là-dedans pour pouvoir y croire tout le temps.


J'ai dû me préparer beaucoup plus pour cet album




Le chant -entre clair et cri justement- joue un rôle central dans votre projet. Est-ce que cette alternance entre ces deux styles vocaux demande une préparation ou un entraînement particulier ?


MiLKa : M.O.P.A. est groupe très exigeant vocalement. J'ai dû me préparer beaucoup plus pour cet album, c'est-à-dire que je vais chercher les choses plus loin que ce que j'allais chercher sur "Amen". J'ai repoussé mes propres limites, ce qui n'est pas évident. Ça signifie une certaine hygiène, pas mal de préparation et de travail en amont, justement pour être dans le lâcher-prise. Et l'idée c'est que sur scène, je ne pense plus du tout à ce que j’ai travaillé. Ça rejoint un petit peu le travail dans les arts martiaux où tu vas mettre des grosses pêches mais il faut que le bras soit souple sinon tu te claques en deux secondes.


Et tout ça c'est de l'entraînement…

MiLKa : De l'entraînement, réfléchir la chose, travailler et en même temps, quand on a travaillé sur Ross Robinson, je suis arrivé à développer des techniques de façon complètement viscérale, de façon empirique et naturelle… C’était incroyable, mais Ross ne m'a jamais donné aucune technique sur ça.
On en revient d'être dans la vérité parce que si tu es aligné avec ton énergie, ta colère, ta haine, ta joie… tu n’auras pas mal : c’est uniquement quand tu es en contradiction avec toi-même que tu vas avoir mal !


On en revient encore et toujours à l’authenticité…

MiLKa : Mais ce n'est pas évident : je n'y arrive pas tous les jours !


Cet album est le plus facile qu’on n’ait jamais fait !


Cet album est plein de contrastes, avec des morceaux comme ‘Question Mark’ qui abordent des thématiques fortes comme la religion. Cet équilibre entre passages explosifs et moments plus calmes peut rendre l’album difficile d’accès à la première écoute. Pensez-vous qu’il s’adresse surtout à un public averti et curieux, prêt à dépasser une première impression ?

Tristan : Je considère que cet album est le plus facile qu’on n’ait jamais fait ! Je m'inscris en faux par rapport à ce que tu viens de dire…


… Tu parles de ce que vous avez fait précédemment mais ce n’est pas le cas par rapport à la musique qui inonde les ondes ?


Tristan : C’est difficile de répondre à cette question en toute humilité. On est tellement dedans que je ne vois plus en quoi notre musique est particulière.


M.O.P.A., c'est un peu comme une balade dans la montagne : il faut aller tout en haut pour savoir savourer.




Comment vous situez-vous dans une industrie musicale qui met en avant tout ce qui est immédiat et moins ce qui nécessite un effort pour être totalement apprivoisé ?

MiLKa : Nous faisons partie des groupes qui ne sont pas dans le sens du poil de 2024…

Laure : … dans la facilité !

Tristan : Pour autant, je trouve que c'est vrai pour tout le metal. Tu ne mets pas de metal en fond sonore.

Laure : M.O.P.A., c'est un peu comme une balade dans la montagne : il faut aller tout en haut pour savoir savourer. C'est agréable et il y a un public qui aime ça.

Tristan : J'espère qu'il n'y a pas besoin de faire un effort pour aimer M.O.P.A., mais peut-être que je ne me trompe pas.

MiLKa : Je le constate étrangement c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de gens qui n'écoutent pas de metal mais on est le seul groupe "bourrins" qu’ils écoutent. Et ça, c'est une belle fierté ! Ils vont me dire qu’ils aiment le titre ‘Ka Ora’, qu’ils le trouvent beau alors que je n'ai jamais crié aussi fort de ma vie.


A cet égard, même si Gojira fait office d’exception avec sa participation à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, comment expliquer que malgré le nombre de groupes français talentueux, le metal n’ait pas le droit de citer ?

Tristan : Tout simplement parce que ceux qui ont encore les rênes des médias mainstream par exemple sont très vieux et n’ont pas encore donné la main aux plus jeunes mais ça va changer, c'est sûr. Mais je pense qu’il y a un avant et un après cérémonie des JO.


Je fais de la musique pour me soigner !


L’album explore des thèmes sans doute personnels (‘Touch Again’ qui use de moment assez bruitiste tout comme ‘Burn, And Light The Way’). Cet album est-il pour vous une sorte de catharsis libératrice peut-être plus que ne l’était "Amen" et comprenez-vous ce ressenti ?

MiLKa : Si c’est ce que tu ressens, alors c'est gagné et je suis très heureux… C'est juste que je fais de la musique pour me soigner ! Si je n'avais pas fait le metal, je pense que je brûlerais des voitures. Donc quelque part, ça m'aide à me stabiliser. En fait, moi mon côté sombre, il est sur scène : je hurle à mort, parfois, je me tape la tête -je me suis ouvert la tête sur scène la dernière fois- … je peux aller dans des extrêmes comme ça. Et donc oui, il y a un côté catharsis, le fait de soigner des choses dans le fait de faire de la musique…


Sur "Amen", je criais les blessures et sur cet album, je crie les cicatrices de ces blessures…


Tu parles de catharsis au travers de la musique mais est-ce que l’âge, ta vie personnelle et tes enfants font que tous tes démons sont moins présents ?


MiLKa : En fait, sur "Amen", je criais les blessures et sur cet album, je crie les cicatrices de ces blessures… Bien évidemment le fait de gagner en âge fait que tu as plus de distance.


Tu me dis que tes blessures à vif se sont refermées mais quand tu y touches, tu as toujours mal ?

MiLKa : Oui, et tu peux également rencontrer de nouvelles merdes : on n'est pas à l'abri ! Et c'est cool parce que ça fait des nouvelles histoires à raconter (Rires) ! Mais j'arrive à beaucoup mieux vivre tout ça : j’espère que c’est le cas de tous mais quand on gagne en âge, on est plus équilibré. C'est l’album de la maturité, enfin (Rires)!


La structure de l’album semble très réfléchie, évoluant vers des morceaux plus tendus, avant de conclure avec ‘Question Mark’ presque progressif et un final plus mélancolique avec juste avant avec un ‘Burn’ explosif. Cette montée en tension et cette libération sont-elles des éléments essentiels de votre démarche artistique ?

Laure : Cet album est comme un film, c'est-à-dire que tu viens de parler de ‘Burn’ qui est explosif, c'est le climax du film juste avant la fin et la résolution.

MiLKa : Et effectivement les morceaux dont tu parlais sont allés encore plus loin, c'est-à-dire que ‘Question Mark’ allait loin dans une certaine complexité, une certaine explosivité avec ‘Burn’.

Laure : Mais peut-être que tout le monde n'est pas touché de la même manière par chacun des morceaux. Quand tu dis que ‘Burn’ est hyper explosif, pour nous : c’est un morceau cool, c’est plus groovy, je ne sais pas mais ce n'est pas pour moi le plus explosif de l'album.


J'avais le tort de peut-être beaucoup discuter avec les doigts…




Dans cet album, la dimension instrumentale est particulièrement mise en avant, que ce soit avec le piano ou la section rythmique. Aviez-vous l’intention de laisser à l’auditeur la liberté de se plonger totalement dans la musique, sans être guidé uniquement par les paroles ?


Tristan: Je ne sais pas…

MiLKa : En tous cas, ça a été une volonté de ma part de fermer ma gueule sur des passages pour justement "Let the music do the talk" comme le disait Ross Robinson. Et je suis fan de ce qui est écrit au niveau des claviers et j’ai envie que les gens se concentrent là-dessus.

Tristan : Peut-être effectivement le fait qu'il y ait cet apport de clavier-basse -vu que c'est une nouveauté- tu as envie de lui laisser un petit peu plus de place. Donc oui, c'est sûr que ça oriente les morceaux différemment. Sur un morceau comme un ‘We'll All Die (But You'll Die First)’, c'est un morceau où il y a moins de piano, ça exprime plus ce côté un peu électro parce que c'est le bruit d'une machine quand même derrière. Ça permet d'explorer d'autres choses. Et pour le coup, tu parlais de ne plus trop chanter, de mon côté, c’est la même chose, ne plus trop jouer... Quand tu es le seul instrument, le piano est l’instrument qui fait tout l'harmonique -il n’y a pas de guitare, pas de basse- peut-être que parfois, j'avais le tort de peut-être beaucoup discuter avec les doigts… et au bout d’un moment, tu en as un peu marre !


Créer des silences à l’inverse de Devin Townsend…

Tristan : Mais ça créé des styles ! Tu vois, ça me fait penser un album de Meshuggah : je n’arrive pas à aller jusqu'au bout. "Chaosphere", c'est impossible d’aller jusqu’au bout pourtant j’adore ça !
Dans un autre registre, tu as Tool, c’est des maths ! Après, on s'étonne pourquoi il faut 14 ans pour qu'on fasse un album comme ça : je n’écoute que ça et le dernier en particulier, c'est le meilleur album de tous les temps après "Ænima". "10,000 Days", c’est l’album pop de Tool. Mais j’aime tous leurs albums, je ne suis pas objectif quand je parle de Tool. Enfin non, le dernier, on dirait que c'est un long album solo de batterie je me suis demandé si Maynard était moins bon mais j'ai réfléchi et finalement, tu te rends compte que tu ne peux pas bien chanter là-dessus, ce n'est pas possible, tu n'as pas de place, c'est trop compliqué… Ils ont poussé le concept math à fond et pour trouver des mélodies là-dessus, ce n'est pas facile. Et pour terminer sur le sujet, déjà ils n’ont plus rien à prouver et ensuite, on est dans une forme d'art qui existe à part entière. En gros, quand tu parles de Tool, soit tu fais une thèse sur eux comme Amélie Nothomb soit on n’en parle pas…

MiLKa : Mais bon, Tool, c’est la Ligue des Champions et tu as les autres…


A ce titre, dans quelle division, classeriez-vous M.O.P.A. ?

MiLKa : En fait, il y a une règle : nous sommes sur scène, ce n'est donc pas nous les juges !


Tu tapes en touche…

MiLKa : Et si je dois ajouter de l'humilité : le jour où nous serons en Ligue des Champions, ce sera aux gens de le dire !


Finalement, M.O.P.A. sonne assez facilement !




On parlait de scène. Votre musique est riche d’arrangements pour équilibrer l’électrique et l’organique, cette richesse demande certainement un énorme travail pour être retranscrite sur scène ?

MiLKa : A la base, notre musique sonne comme ça : un piano, une batterie, une voix. Ce trio sonne et maintenant, on a cet apport du synthé-basse qui va apporter toutes ces fréquences supplémentaires. Finalement, M.O.P.A. sonne assez facilement : il n'y a pas d'ampli à régler sur scène, le son est déjà calibré, pré-pensé… En revanche, c’est vrai qu’il y a beaucoup de travail en amont au niveau du son.

Laure : Le synthé-basse n'est pas omniprésent non plus : la part belle est toujours au piano parce que c'est vraiment l'identité, l'ADN de M.O.P.A. et c'est tant mieux !

MiLKa : Laure est devenue Krist Novoselic et Tristan est notre petit Kurt Cobain. Si tu enlèves les parties basses de Nirvana, tu entends encore la guitare mais quand Novoselic n’est plus là, tu te rends compte que ça envoie moins…

Laure : C’est exactement ça : c’est en soutien et ça vient lier. Mais l'idéal c'est qu'on ne l'entende presque pas parce que ça signifie que c'est naturel.


Enfin, l’album s’intitule "All The Lights On" que l’on peut traduire par "Toutes les lumières allumées". Est-ce là un titre qui coïncide au renouveau de My Own Private Alaska et un retour dans la lumière ?

Tristan : C’est génial !

MiLKa : Ça s'appelle "All The Lights On" parce qu'il y a un morceau qui s'appelle ‘All The Lights On’ et ce morceau était en effet une volonté de quitter les pardons qu'on peut avoir. Et donc ce concept de lumière me plaisait parce qu'il peut y avoir quelque chose d'assez sombre, un côté mortuaire aussi avec ce tunnel… Là où tu as raison, c'est que nous apportons de la lumière à notre propre musique mais je pense que n’importe qui va écouter l'album va très vite comprendre qu’on est sur le même registre émotionnel que "Amen" : il y a une filiation tout à fait cohérente mais on a envie de tendre vers quelque chose et ne pas se recroqueviller sur nous-mêmes.


Si on arrive à retoucher notre public, ça sera déjà bien !




Et finalement qu'est-ce que vous attendez cet album ?

Tristan : Beaucoup d’argent (Rires) ! Non, franchement, si on arrive à retoucher notre public, ça sera déjà bien !


Tu peux d’ores et déjà considérer cet objectif comme réalisé…

Tristan : A voir ! Tu sais, on a beau proposer quelque chose de différent sur la forme, sur le fond, on est dans une société qui va super vite, une culture aussi de l'instantané… On a à cœur de reprendre là où on a arrêté parce qu'on vivait quand même des chouettes choses.


Vous êtes en train d’avouer à demi-mots qu’il ne faudra pas attendre 14 ans avant avant le prochain album ?


M.O.P.A. : Ah non !

Tristan : On a beau être fans de Tool, ce n’est pas notre objectif de sortir un album tous les dix ans (Rires) !


Nous voilà rassurés ! Et pour boucler la boucle, on a commencé cette interview par la question qu'on vous a trop souvent posée, au contraire quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ou à laquelle vous rêveriez de répondre ?

MiLKa : J’aimerais qu’on me demande quelle est mon équipe NBA préférée ? Les Denver Nuggets, évidemment !


C’est votre dernier mot ?

Tristan : Elle est super cette question ! Ce qui fait chier, c'est que justement, c'est une si bonne question que j'ai envie de bien répondre et j'hésite entre plein de trucs. (Silence) Ça va forcément être un truc un peu philosophique ou je ne sais pas trop quoi parce que j'aime bien intellectualiser les choses mais par exemple, "Quelle aurait été ta vie sans la musique ?"

MiLKa : Bravo !


MiLKa y a répondu en disant qu’il serait en train de cramer des voitures et toi, que cramerais-tu ?

Tristan : Des gens ! Attention, je parle au second degré c’est-à-dire en leur parlant mal…


Et toi également ?

Laure : Oui, mais c’est aussi se surprendre, aller chercher la lumière, mais pour qu'elle brille au mieux, il faut retourner dans les endroits bien sombres.

Tristan : Mais la question était de savoir si en tant que femme, tu as une colère en toi ?

Laure : Evidemment, mais comme tout le monde...


Ce qui va nous marquer, ce qui va nous faire progresser, ce sont les épreuves difficiles !




Mais justement, faut-il être malheureux, torturé pour faire une musique émotionnelle ?

MiLKa : Plus que d’aller bien ou pas, c'est de vivre tout simplement des choses importantes dans sa vie. Elles peuvent être aussi bien positives que négatives mais ce qui va nous marquer, ce qui va nous faire progresser, ce sont les épreuves difficiles ! Et les gens qui vivent des épreuves difficiles vont transcender ça dans l'art. A l’inverse, heureusement qu'il y a des gens qui parlent de choses magnifiques et qui en font des belles choses : une des plus belles chansons de Jacques Higelin, par exemple, c'est sur la naissance d'Izia sur l'album "Illicite" et le titre ‘Ce qui est dit doit être fait’, il chante : "Le 24/09/90, ma p'tite gonzesse a vu le jour dans la nuit…" Il chante la vie…


Très belle conclusion… Merci !

M.O.P.A. : Merci beaucoup !

Et merci à Calgepo pour sa contribution...


Plus d'informations sur https://myownprivatealaska.bandcamp.com
 
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