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TITRE:

IXION (17 DECEMBRE 2024)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

DOOM



Toujours aussi passionné et passionnant, Ixion évoque pour Music Waves "Evolution", voyage ambitieux en trois parties qui questionne l'avenir de l'humanité.
CHILDERIC THOR - 22.01.2025 -
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"Evolution", votre nouvel album, a été élaboré comme un ensemble divisé en trois parties que vous avez d’abord diffusées séparément. Pourquoi un tel choix ? Est-ce que dès le départ, vous souhaitiez procéder de cette manière ?

Ce choix n’était pas présent au tout début du travail sur "Evolution" mais il est quand même vite apparu. A partir du moment où j’avais calé le concept des trois parties et commencé à les composer et pré-produire, avec leur identité propre, nous avons pensé que chacune mériterait d’exister en tant que telle, comme un EP, avec son propre artwork… même si l’ensemble de l’album apporte quelque chose de plus, bien sûr. D’où l’idée de sorties séparées en numérique, mais d’une sortie physique groupée en tant qu’album. Au final cela fait deux manières possibles d’appréhender et d’écouter "Evolution".

Pouvez-vous présenter chacun des trois EPs qui le constituent ains que le concept qui les structure ?

"Extinction" s’intéresse à l’humanité, notre condition d’êtres mortels, confrontés au vieillissement, au deuil… une situation qui devient d’autant plus insupportable dans le futur, alors que les androïdes, eux, ont une longévité et une forme de « perfection » bien supérieures. Face à eux, les humains sont partagés entre peur de l’étranger et rêve d’une autre vie. Musicalement, l’idée était d’illustrer cette humanité par un doom ‘acoustique’ – sans renier notre dimension atmosphérique – d’où l’emploi de cordes, de cuivres, de l’orgue, du piano, de la guitare acoustique. Je me suis interdit d’utiliser des sonorités électroniques !

Pour "Restriction" c’est tout l’inverse : il s’agissait de mettre en musique la vie des androïdes, comme un hommage à l’imaginaire de "Blade Runner", et donc d’assumer un doom très électronique. Je pense que nous n’avions jamais intégré autant de sons de synthétiseurs, sans oublier le Vocoder mélangé aux voix claires et aux growls ! Les androïdes sont fondamentalement contraints par les lois de la robotique et certains cherchent à s’en émanciper, à expérimenter la conscience et les sentiments comme les êtres humains, et l’un d’entre eux va y parvenir, ouvrant la porte d’une nouvelle ère !

"Regeneration" se projette dans cette nouvelle époque justement, avec la possibilité pour les êtres humains de transférer leur conscience dans une nouvelle enveloppe biotechnologique. Une fusion des deux mondes, en somme. Et cela pose un tas de questions… Comment supporte-t-on une forme d’immortalité ? Que fait on de nos corps organiques abandonnés ? etc. Pour la musique assez logiquement nous avons regroupé les sonorités des deux premières parties afin de faire ressortir cette idée de fusion. Et nous avons aussi essayé de jouer sur les structures des morceaux ou les signatures rythmiques, pour apporter une forme d’étrangeté qui colle avec ce ‘post-humanisme’.

Au global l’album imagine donc une évolution possible de l’humanité et de ses créations, d’où le titre "Evolution", avec la particularité de présenter trois ‘combinaisons musicales’ bien particulières – comme un exercice de style !



L’album questionne l’évolution du genre humain. Le sujet est propice à une réflexion sombre et inquiète. Pourtant, comme toujours avec Ixion, le propos semble plus positif… Ne faut-il pas avoir peur des machines ou du transhumanisme par exemple ?

Je dirais que notre propos est contrasté… d’un côté il est question d’une humanité qui vainc la mort, la maladie, mais au final cette nouvelle vie très longue se révèle grise, sans contraste au bout d’un moment, et il faut à nouveau se battre pour retrouver ‘l’étincelle’ – c’est la thématique du morceau final 'In Search of the Absolute'. Et le rapprochement des humains et des androïdes ne se fait pas sans douleur : il est question de bûchers de robots, d’abandon des humains par les androïdes… Dans le fond, on en revient à l’idée des évolutions technologiques qui ne sont ni bonnes ni mauvaises – tout dépend ce que l’on choisit d’en faire.

Et puis musicalement il est vrai que notre doom a la particularité d’apporter une part de lumière à côté de la facette dark et mélancolique. Pour en revenir à ce que je pense, dans le monde réel, je suis à la fois fasciné par ce que les biotechnologies sont en train d’apporter (pour les personnes paralysées, malvoyantes, etc) et très inquiet par l’IA : si on ne stimule plus notre cerveau j’ai bien peur que l’on régresse – c’est un super outil d’assistance, mais à condition qu’il y ait une vraie discipline de continuer à réfléchir, imaginer, utiliser nos mains – pas forcément gagné !

Peut-on déceler une dimension philosophique dans le concept d’Evolution ?

Il y a un questionnement sur l’humanité, notre futur, effectivement... Mais j’aborde nos albums avant tout comme un échappatoire musical, imaginaire, fictionnel. Globalement je ne lie pas nécessairement les univers de science-fiction que j’affectionne à des réflexions de tous les jours sur l’humanité ou notre monde. Et d’ailleurs quand la réalité rejoint la fiction cela me fait bizarre, c’est comme si on perdait un espace de rêves.

Cet album a-t-il été plus ardu à concrétiser que les précédents ? Si tel est le cas, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?

Cela a été un joli défi, pas toujours évident. Déjà c’est un album d’un peu plus d’une heure, avec 16 morceaux : chaque étape se retrouve démultipliée. Et le choix d’ambiances musicales différentes entre les trois parties a aussi généré une complexité : il fallait trouver la palette sonore, trois fois, presque comme s’il s’agissait de trois albums – et ce, à différents stades : composition, enregistrement, mixage. Heureusement nous avions trouvé avec l’album précédent "L’Adieu aux Etoiles" un process qui avait bien fonctionné et que l’on a donc reconduit : je compose / pré-produis puis enregistre les instruments dans mon home-studio, nous nous retrouvons ensuite avec Yannick pour enregistrer les voix, puis retour dans mon studio pour éditer et mixer, avant envoi au Fascination Street Studios pour le mastering. Le fait d’avoir nos marques comme cela a permis d’appréhender plus sereinement la masse de travail pour 16 morceaux.

Le titre ‘In search of the absolute’, qui conclut l’album, a fait l’objet d’un clip, très réussi par ailleurs. Pourquoi avoir choisi ce morceau en particulier ? Pensez-vous qu’il est celui qui reflète le mieux l’essence de l’album ?

Chaque partie a eu son clip : 'The Withering of the Flesh' pour la première, 'The Advent' pour la seconde et enfin 'In Search of the Absolute'. Ravi que vous l’ayez trouvé très réussi ! Le choix pour ce morceau a été assez rapide : d’une part car il inclut pas mal de composantes de l’album, avec une combinaison d’électronique et d’acoustique, des passages mélancoliques et atmosphériques, un autre plutôt doom/dark electro, et d’autre part car il est assez fort émotionnellement, avec une montée en puissance et une vraie envolée vocale de Yannick sur la fin puis le lead de guitare. Je suis un grand fan de Pink Floyd ou dans les groupes plus ‘contemporains’, Archive avec ces morceaux épiques qui vont crescendo.

Comment s’est déroulé sa réalisation et la collaboration avec Hugo Le Beller ?

J’ai pris contact avec Hugo suite à une recherche toute bête sur Google, du type réalisateur+clip+métal+Bretagne… et là je suis tombé sur un clip qu’il avait réalisé pour le groupe Black Bile, et j’ai creusé pour voir son univers, que j’ai adoré, très cinématographique. Or ce côté cinématographique c’est exactement ce que je cherchais ! Je l’ai contacté et nous nous sommes rencontrés chez moi pour une session d’écoute et faire connaissance. Le courant est bien passé et nous nous sommes vite rendu compte que nous parlions le même langage, utilisions les mêmes mots, mêmes références, pour exprimer ce que la musique nous faisait ressentir, visualiser. Et nous avions la même envie pour des clips plutôt de type court-métrage.

On a donc validé le principe d’un premier clip, en se disant que si nous étions satisfaits des deux côtés on enchaînerait sur les deux autres… et c’est ce qu’il s’est passé ! L’expérience a été superbe !

Pour chaque clip nous avons échangé sur un scénario et un mood-board, puis Hugo réalisait un story-board et se lançait dans la recherche des actrices et acteurs – de mon côté j’ai plutôt repéré et réservé les lieux. Le tournage venu, nous avons fonctionné en très petite équipe (3 à 6), une sorte de ‘petite opération commando’, sur un jour ou deux. 

Du début à la fin tout a été fluide, dans le respect des rôles et envies des un.e.s et des autres, et en même temps avec beaucoup d’échanges, de propositions, d’interactivité, parce que nous avions cette vision commune justement. Ca a été une très belle expérience et de chouettes rencontres ! 



L’humain semble être au coeur d’Ixion, qu’il s’agisse de votre fidélité dans le métier (même label, même collaborateur, amitié entre vous deux) que dans les thématiques que vous abordez. De là peut-être la dimension finalement très positive de votre travail.  Etes-vous d’accord ?

Il y a un paradoxe que je trouve amusant dans notre parcours : d’un côté notre public est très spécialisé (il faut peut être une combinaison de goûts assez particulière pour apprécier IXION du début à la fin) et en contrepartie est très international, très éparpillé ; et de l’autre notre fonctionnement est très local, avec des profils très éclectiques sans aucun esprit de chapelle (par exemple je suis le seul à être véritablement fan de doom)  – il y a ce côté petite équipe, humain, dont tu parles. Yannick est au nord de Rennes, Vincent (les artworks) habite du côté de Quimper, Hugo sur Nantes, Madeleine, qui a joué sur deux clips à Brest… Je suis très heureux d’avoir trouvé localement des collaborateurs de cette qualité, tant artistique qu’humaine !

Est-ce que cela joue sur la musique ? Bonne question. D’un autre côté le personnage principal dans notre musique est souvent l’espace, qu’il s’agisse de l’espace en tant que tel, des abysses, du ciel… La musique d’Ixion offre un voyage fictionnel, quand bien même il peut être dark, mélancolique, froid, il n’y a pas de lien avec une vision nihiliste de la vie réelle (que nous n’avons pas) – c’est peut être ça qui transparaît ?

Au-delà du concept de chacun de vos albums, le thème du voyage paraît récurrent. Qu’en pensez-vous ?

Oui il y a ce côté, voyage, épopée, qui est directement lié à la notion d’espaces que j’ai évoqué juste avant – il s’agit d’explorer, d’évoluer dans ces paysages sonores, vastes et mystérieux. Cette notion de paysage sonore, je l’ai découverte post-ado avec Jean-Michel Jarre, et je crois que je l’ai vraiment fait mienne.

Quelles sont vos influences dans la science-fiction, livres ou cinéma ?

J’adore la SF contemplative et descriptive : les paysages, mondes et questions métaphysiques, plutôt que l’action. Pour les romans ma première claque avait été "Hypérion" de Dan Simmons, puis j’ai beaucoup lu Stephen Baxter, notamment le cycle des Xeelees, récemment pas mal d’auteurs français : Pierre Bordage, Romain Lucazeau par exemple. En BD Denis Bajram, Enki Bilal, le cycle multi-auteurs Androïdes…  Et côté cinéma "Interstellar" bien sûr, 2001, "Sunshine", "Oblivion" pour en citer quelques-uns. Je suis aussi un fan inconditionnel de HR Giger ! 

A l’avenir, pourriez-vous vous éloigner du thème spatial / SF  ? Mais ne serait-ce pas alors rogner une part de l’identité d’Ixion ?

Notre musique est directement liée aux mondes imaginaires, aux espaces, comme une bande sonore – mon inspiration est à la fois musicale et visuelle – donc je ne nous vois pas sortir complètement de cet univers – ce serait comme tu le dis rogner sur notre identité. Par contre on pourrait imaginer être un peu plus du côté fantastique que science-fiction, ça peut être que ça arrivera. 



Est-ce que vous travaillez toujours avec Finisterian Dead End ? D’une manière plus générale, pensez-vous qu’aujourd’hui, à l’heure des plateformes qui influencent notre façon d’écouter et de s’approprier la musique, les labels ont encore une raison d’exister ?

Nous sommes en plein questionnement sur le sujet, et sommes loin d’être les seuls dans ce cas ! En plus le côté ‘administratif’ ne me rebute pas donc ça renforce cette question de se prendre en main soi-même. Pour autant un label peut être facilitateur pour la promo, la distribution, et amener une visibilité évidemment. Notre schéma pour sortir Evolution reflète ces tendances un peu contradictoires : un mélange d’auto-production, d’auto-distribution et de fonctionnement en label. Concrètement nous avons auto-produit l’album, assurons directement la distribution digitale. Finisterian Dead End (qui par ailleurs est un label en pause) nous a aidés pour la distribution physique internationale et la promo. Et nous avons complété par un autre contrat de distribution en France. Ce qui est sûr c’est que c’est plus libre, mais plus complexe. Mais il est trop tôt pour en tirer un bilan en termes de retombées pour l’album.

Né il y a quinze ans déjà, êtes-vous satisfait de la situation du groupe en termes de succès et d’exposition ?

Nous aimerions être plus visibles, toucher plus de monde – mais comme je le disais il faut peut être une combinaison un peu spéciale de goûts pour être fan d’Ixion – donc peut-être que c’est un facteur limitant. D’un autre coté le terrain de jeu c’est le monde entier et notre musique apporte ce côté voyage musical qui peut séduire.

Quoi qu’il en soit nous sommes tellement reconnaissants envers tous ceux qui nous écoutent, dont certains sont vraiment hyper fans ! Sans oublier les chroniqueuses ou chroniqueurs – c’est très gratifiant de lire des chroniques où l’on découvre que notre travail a été compris ! Mais bien sûr ça nous ferait plaisir d’embarquer plus de monde !

Ixion ne se produit pas sur scène. Avez-vous définitivement renoncé à faire des concerts ?

Renoncé définitivement non – l’envie est bien là. Mais trouver la formule (line-up et répétitions ; scénographie adaptée à la musique) reste un vrai défi ! Sans oublier que Yannick et moi avons une vie professionnelle et personnelle à côté bien sûr, et sommes plus loin géographiquement qu’à nos débuts. Il n’y a pas eu de contexte ou d’alignement de planètes vraiment favorable pour le moment.

Quels sont vos projets maintenant ?

J’ai énormément de bribes de composition à disposition, et d’un point de vue conceptuel sans doute de quoi faire trois ou quatre albums ! Donc il va s’agir de digérer tout ça et voir par quoi commencer. Il y a donc plusieurs nouveaux opus qui se profilent, avec différentes directions musicales au sein de notre univers !



Plus d'informations sur https://ixion.bandcamp.com
 
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