MELECHESH (30 NOVEMBRE 2010)

Salut Moloch ! Ravi de te rencontrer à l'occasion de cette mini-tournée. Heureux d'être à nouveau sur la route ?

C'est vraiment super de retrouver la scène. On a eu très peu de temps pour se préparer à la tournée, mais on est impatients de jouer les nouveaux morceaux.

En parlant de ces nouveaux morceaux, comment allez-vous faire pour les reproduire en live ? Je pense notamment à l'emploi des instruments traditionnels.

Malheureusement, c'était impossible pour nous de tout reconstituer en tournée. D'une part, on ne pouvait tout simplement pas emporter tout notre matériel, et d'autre part, nous ne jouons pas nous-mêmes de tous les instruments présents sur l'album. On a eu la chance de travailler avec des musiciens incroyables en Turquie, mais ici nous sommes seuls, et on doit donc se débrouiller pour que ça sonne malgré tout. On utilise des samples notamment, pour certaines parties qu'on ne pouvait ni reproduire nous-mêmes, ni supprimer.

Votre nouvel album, The Epigenesis, a été enregistré à Istanbul. J'ai pu lire dans plusieurs interviews que vous gardiez un souvenir impérissable de ces sessions d'enregistrement en Turquie. Pour quelles raisons en particulier ?

Disons que jusque-là, si je devais choisir mon endroit préféré pour faire un disque, ce serait Istanbul. Le studio est hyper pro, l'ambiance est super, et on a accès facilement à des musiciens qui jouent des instruments orientaux... Il y a vraiment tout pour Melechesh, c'est parfait pour nous. En fait, on y a retrouvé l'ambiance qu'on avait à Jérusalem, sans la merde qu'il y avait à Jérusalem, c'est vraiment super.

A propos, quel regard portes-tu sur vos débuts là-bas, avec le recul que tu as aujourd'hui ?

Pour prendre un mot que je n'apprécie pas trop, c'est culte. Il y a une espèce de nostalgie liée à cette période... Et puis j'ai encore ma famille là-bas, tu sais, donc j'y vais assez souvent, et plus j'y retourne, plus je me dis mais comment on a fait pour sortir de ce truc ! (rires) Aujourd'hui, si tu me demandais si j'ai la force de monter un groupe de black-métal à Jérusalem, je te dirais non !

A cause du contexte actuel ?

C'est ça ! Avant on avait la pêche, et on se foutait royalement de tous les problèmes autour de nous... C'est ça la différence, cette énergie de la jeunesse, on ne la ressent plus de la même manière. A l'époque on était vraiment motivés, on voulait tout déchirer, mais aujourd'hui on est plus posés, et on a un regard plus adulte sur la situation. C'est bien, d'ailleurs, c'est une évolution assez naturelle.

On perçoit bien cette évolution dans vos derniers albums, vers une musique plus travaillée, de plus en plus réfléchie.

Le premier était très instinctif, oui... C'est ça la beauté de composer des albums ! Plus tu en fais, plus tu te prends conscience que chacun d'eux n'est qu'une étape dans un parcours. Avant, à chaque fois qu'on rentrait en studio, notre état d'esprit c'était cet album ou rien. On savait déjà qu'on en ferait d'autres après, mais on avait tellement envie de faire nos preuves... Aujourd'hui je trouve que nous avons un peu plus de recul, on se permet de nouvelles choses sans forcément stresser autant.

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The Epigenesis est pour moi votre album le plus abouti. On sent en permanence cette volonté d'aller vers des compositions plus travaillées, vers un style plus affiné. C'est un peu la continuation de la démarche entamée sur Emissaries sur lequel il y avait déjà plus de boulot sur les arrangements, sur les parties instrumentales, etc..

Tu sais, je suis sûr que ça doit déplaire à certaines personnes aussi, qui regrettent la brutalité de Emissaries... Mais bon, nous sommes très satisfaits, et je pense que, comme pour tous les albums de Melechesh, il faut prendre un peu de distance et bien l'écouter plusieurs fois. Quand l'album est sorti, on avait des gens qui postaient des commentaires le jour même, et on se faisait la réflexion: merde, ils ont le disque depuis deux heures et déjà des remarques ! Cette mentalité-là, elle ne marche jamais pour nous, il faut digérer notre musique. C'est comme un bon vin... Il y a énormément de choses dans cet album, on est très méticuleux, on apporte beaucoup de soin aux détails, musicalement et dans les thématiques – on ne peut pas l'assimiler en une ou deux écoutes. Personnellement j'adore ce genre d'albums, ceux que je remets de temps en temps, en voiture ou ailleurs, et dans lesquels je découvre à chaque fois de nouvelles petites choses...

Comment vous faites pour gérer le fait de vivre dans des pays différents ?

En fait, en ce moment il n'y a que moi qui suis vraiment à l'étranger, je vis aux Etats-Unis pour mes études (je fais une thèse en philosophie). Pour cette tournée par exemple, j'ai pris l'avion direction les Pays-Bas, et une fois sur place, c'était répèts, répèts, répèts toute la journée... Pas vraiment le temps de me reposer. Mais bon, j'en profite autant que je peux. C'est pas toujours possible de se déplacer autant, surtout pour des concerts isolés... J'y suis allé souvent pour bosser sur l'album, avec Ashmedi on prenait des semaines pour travailler. Donc j'essaie de combiner les deux, mes études aux Etats-Unis, et la vie du groupe en Europe. Ca demande des sacrifices à tous les niveaux, mais il y a toujours des moments où je suis rassuré, où je me dis que ça en vaut vraiment la peine. Je suis prêt à ne pas dormir pendant des jours, à me trimballer dans toute l'Europe avec des montagnes de valises et quatre guitares sur le dos...

Cette tournée est une bonne expérience pour vous ? Comment vous vivez la cohabitation sur la route avec les autres groupes ?

Comme tout le monde, on aimerait une atmosphère un peu plus intimiste, pour pouvoir se concentrer sur la musique... Mais bon, voilà, si tu es Metallica, tu peux te le permettre, pas nous. Et puis dans une tournée comme celle-ci, tu as un cadre assez bohème, tu vois ? Tu es sur la route, tu n'as pas d'endroit fixe, ta notion de l'espace-temps change complètement. C'est vraiment bien. Tant qu'il y a une petite douche à peu près chaude, et à manger, on n'a pas à se plaindre. On a pas mal de tournées en ce moment, celle-ci d'abord et puis la tournée avec Nile en 2011, puis la tournée aux Etats-Unis... Je me demande si vers la fin, je n'aurai pas envie de mon propre lit ! (rires) Mais là, ça vient de commencer, donc tout va bien.

Est-ce que des collaborations sont prévues sur scène avec les groupes qui vous accompagnent ? Je pense à Nile par exemple...

Pour le moment, non. Tu sais, ce qui est chiant avec les tournées, c'est que ça demande une telle organisation qu'on n'a finalement pas le temps de penser au côté artistique de la chose... Donc non, on n'y a pas réfléchi pour le moment. En revanche, quand on passera au Texas, on retrouvera Proscriptor, qui a bossé avec Melechesh pendant des années quand Absu était inactif, et on se connaît tellement que je suis sûr qu'il passera sur scène avec nous... De la même manière, quand Absu passe aux Pays-Bas, Ashmedi n'est jamais très loin. Mais ça vient surtout du fait qu'on est super potes. Avec Nile, malgré le fait qu'on se connaisse et qu'on se respecte beaucoup mutuellement, on n'a pas cette relation.

Petite question matos : j'ai vu que tu as fait customiser ta vieille Gibson aux couleurs de Melechesh, et je me demandais si vous songiez à appliquer le même procédé au reste de votre équipement ?

Oui, c'est très cool ! On voulait faire customiser des guitares douze-cordes pour Melechesh, et on est toujours en train de chercher la bonne personne pour ça, mais jusque là, les retours qu'on a eu n'étaient pas très convaincants. Et c'est très compliqué à mettre en place pour nous, mais pour te répondre, oui, sur le côté esthétique, pourquoi pas ? On a plein d'idées ! Par exemple, faire peindre nos guitares par des iconographes, avec de la feuille d'or et tout... On a vraiment beaucoup d'idées, mais c'est toujours pareil, les réaliser c'est autre chose. Pour ma Gibson, c'est une artiste allemande qui m'a fait ça. C'était un coup de tête, j'ai fait ça tout seul de mon côté. Mais à l'avenir, oui, on pense à inclure ce genre d'éléments dans notre show. Tout prend du temps...

Tu réfléchis déjà à ce que tu feras après tes études ?

Tu sais, depuis que je suis parti de Jérusalem, jusqu'à maintenant, je n'ai fait que voyager. J'ai vécu sept ans en France, là j'habite aux Etats-Unis, ma copine est en Norvège et ma famille est toujours à Jérusalem... Avec les trajets que je fais en plus pour Melechesh, entre les Pays-Bas, la Turquie etc., ma vie est complètement dispersée, donc c'est pas facile de penser à l'après. Et tout ça avec un passeport jordanien, je t'explique pas ! C'est très compliqué. Pour le moment je préfère ne pas trop y réfléchir.

Merci pour tes réponses. Bon concert ce soir et à bientôt !

Merci, à bientôt !

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Entretien réalisé le 30 novembre 2010 à Paris.
Merci à Garmonbozia et à Roger de Base Productions !