A l’occasion du passage de Weend’ô au Pub Rock « Chez Paulette », haut lieu de la musique en Lorraine, nous avons eu le bonheur d’interviewer Robert Hancock, le régional de l’étape juste avant qu’il ne monte sur scène.
Robert, c’est la première fois que tu joues chez Paulette. Est ce que tu as quelques appréhensions ?
Il y a toujours quelques appréhensions mais ce n’est pas lié au lieu. C’est une drôle de sensation avant chaque concert. C’est un peu comme un grand 8, je me demande ce que je fais là mais je sais que c’est une réaction naturelle et que je vais ressentir cela. Mais ensuite une fois que j’ai ma guitare en main cela passe.
Comment définis-tu ton style de « pop expérimentale ». Les termes me paraissent un peu opposés.
Je sais qu’il faut tout ranger dans des cases mais je n’aime pas chercher des définitions. C’est Pop dans le sens où les mélodies que j’écris sont relativement plaisantes. Ce sont des mélodies à la limite accrocheuses que l’on peut même chanter ensemble si on le souhaite et pour moi c’est vraiment la particularité forte du style pop. Expérimentale c’est parce que ce n’est pas que cela. Ces éléments sont toujours présents mais après on part dans des directions différentes. En fait ce sont deux idées opposées à la base mais qui se marient bien au final. J’espère que c’est ce que l’on va ressentir dans la musique ce soir.
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N’as-tu pas fait peur à Weend’ô en te présentant sous cette appellation
(Rire) il faudra leur demander.
NDR : La question a été posée à Weend’ô quelques minutes plus tard …
Les as tu un peu écoutés ?
Oui c’est très beau, je pense que cela se marie bien... On verra cela ce soir.
On va faire un petit retour en arrière, tu es connu pour avoir joué dans « June Frost » à Nancy et vous avez représenté la Lorraine pour le « Printemps de Bourges ». Quelles ont été les retombées suite à cela ?
C’est une période assez compliqué que l’on a eût car nous avions joué avec un australien qui jouait du Didgereedoo. C’est rigolo car ensuite j’ai rencontré Cyrille (Lecocq) qui va en jouer ce soir. A l’époque le Didgereedoo faisait une grande partie du groupe et ce musicien est parti en Australie, avec un billet de retour, mais il n’est jamais revenu et c’était justement avant « Le Printemps de Bourges ». A ce moment là on se demandait ce que l’on allait faire même si l’on avait un répertoire pas uniquement appuyé sur cet instrument. Nous y sommes allés, mais je pense que cela aurait été quand même mieux avec la formation datant de deux ou trois mois précédent le festival. On était un petit peu en reconstruction.
Tout ce qui est contact avec les label ne nous à pas trop concerné parce que nous avions toujours produit nos disques nous même et créé un petit label en écosse. Cela aurait peut être été utile pour le coté distribution. Ca été une bonne expérience mais cela n’a pas changé notre vie.
« June Frost » utilisait fréquemment le didgereedoo (prononcer didjéridou) pourquoi pas Robert Hancock seul ?
Au début Cyrille était là juste pour jouer des percussions et de la batterie. Quand on regardait dans le répertoire de chansons je lui disais qu’il y avait tout de même quelques titres qu’il serait bien de reprendre avec le Didgereedoo.
Mais j’en avais un peu marre de cet instrument. C’est chouette mais c’est vraiment toujours la même sonorité, tu ne peux pas changer la tonalité. J’avais peur de replonger dans cet univers là mais en fin de compte si c’est bien dosé c’est agréable.
Toujours concernant « June Frost » est ce que l’aventure est définitivement close ou peut-on caresser l’espoir de voir le groupe de nouveau sur scène ? As tu des nouvelles des anciens membres du groupe ?
Oui je suis en contact avec quasiment tout le monde par mail. Je ne voudrais pas passer pour prétentieux mais je pense que comme c’est moi qui avais écrit les musiques, c’est moi qui porte la flamme toujours quelque part. Dès le départ il n’y avait pas vraiment un seul groupe, les musiciens ont changé deux ou trois fois et je pense que je continue de porter ce projet.
Nous allons laisser « June Frost » de coté et nous intéresser à ton actualité. Pour assurer la production de ton nouvel album « You are Here » Tu as utilisé le site Kisskissbankbank pour trouver le financement. Comment en as tu eu l’idée ?
C’est un copain qui m’avait parlé de cela lors d’une soirée un petit peu arrosée et après on a commencé à délirer en essayant d’imaginer des contreparties rigolotes. Et en fin de compte cela a bien fonctionné parce que après deux jours j’étais déjà à 80% de l’objectif (NDR : 1500 €). En huit jours l’objectif était atteint et c’était quand même incroyable.
C’est aussi lié à une histoire assez triste qui est le décès de mon grand copain (Jean-Christophe Massinon) et je pense que les gens greffés à ce projet étaient aussi ses proches. Il y avait quand même un désir collectif de faire quelque chose de bien et ce disque lui est dédié. Toutes les pochettes des albums c’était lui depuis 1996.
Par ce biais tu as vendu plusieurs concerts privés. En as-tu déjà fait ? Si oui, peux tu nous parler de l’ambiance et de l’atmosphère qui y régnait ?
Je n’en ai pas encore réalisé mais cela va être merveilleux. Ce sera assez cool est assez relax.
Est-il prématuré de faire un état des lieux des ventes de « You are here » ?
Il y avait déjà pas mal de préventes, environ une centaine mais bon c’est assez frais. Et tu le sais très bien, la vente de disques c’est de plus en plus difficile. Je pense qu’aujourd’hui c’est vraiment des gens qui s’intéressent à la musique et veulent approfondir leurs connaissances qui achètent des albums. Ensuite on le sait très bien il faut jouer, jouer et encore jouer pour se faire connaître d’avantage et lancer la machine.
Tu as beaucoup voyagé (USA, Ecosse, ..), tu es NéoZélandais, finalement pourquoi, es tu resté en France ?
Ma femme est française, mes enfants sont bilingues mais Français aussi. On a également vécu un an en Nouvelle Zélande mais pour des raisons multiples et personnelles, ils est plus simple pour nous de vivre en France.
Tu habites dans la campagne Vosgienne, est ce que cet isolement a favorisé ta créativité ? Si oui peux-tu nous en donner un exemple concret ?
Je ne suis plus à la campagne, je suis à Mirecourt (rires collectifs). Juste une petite information sur Mirecourt. Je n’étais pas forcément enchanté au départ mais il y a en ce moment un concours international de violon. Et c’est quand même très bien pour une petite ville comme cela d’avoir une telle manifestation.
Tu n’habitais pas une maison de garde barrière au milieu de nulle part ?
Avant. Et c’est vrai que pour la créativité cela avait été formidable surtout pour l’album « Microclimate » (2002). J’ai beaucoup travaillé et c’était assez hallucinant surtout avec la neige ou le vent. Je sortais parfois mon ampli et ma guitare dehors et je jouais avec le bruit du vent. J’ai sorti finalement quelque chose qui était très inspiré des animaux, du milieu naturel et tout cela. Pour moi c’était vraiment nul part, il n’y avait rien sur deux kilomètre à la ronde.
Il y a une particularité que j’adore ce sont toutes ces photos délirantes retouchées que tu postes sur Internet ? Tu les fais toi même ? Qui en est l’inspirateur ?
Oui c’est moi, c’est fait sans Photoshop, vraiment à la main. C’est découpé et collé parce que j’avais envie de faire cela à l’ancienne comme un collage. Et la raison c’est que dans la musique je suis assez sérieux, plutôt nostalgique et parfois triste ou joyeux, alors que j’ai beaucoup d’humour dans la vie. C’est une façon de l’exprimer.
Dans le même ordre d’idée j’ai bien aimé le clip que tu as fait sur ton site. C’est également toi qui l’as réalisé ?
Oui avec ma femme sur la table de la salle à manger et les poupées Barbie de ma fille. Elle a pleuré quand elle a vu Ken bruler (rires). Mais bon c’est bientôt Noël, il y a d’autres Ken.
Peux-tu nous parler de « Live in the garden » ? Serait-ce quelque chose que tu souhaiterais refaire ? Car nos jardins t’attendent à bras ouvert.
C’est possible mais c’est le lieu qui était génial et très isolé. C’était un cadre exceptionnel. Si vous avez un cadre exceptionnel ce sera avec plaisir.
As tu finalement trouvé un acheteur pour ton offre à 1500 € ? (NDR : une fiole de son sperme congelé pour une insémination artificielle).
Mais c’est toi petit coquin, tu le sais bien ! Tu n’en as rien dit à tes camarades (rires). Non malheureusement pas. J’étais près à le faire mais ce lot n’a pas trouvé d’acheteur.
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La question traditionnelle de notre Grand Maître des interviews : « Quelle est la question que l’on t’a trop souvent posée ? »
C’est toujours lié avec la Nouvelle Zélande. Car je suis un Néo-Zélandais qui fait de la musique en France. Et cela m’énerve un peu car bien sur c’est un peu étrange mais je préférais que l’on fasse abstraction de cela pour que l’on parle un peu plus en profondeur de la musique.
OK. On va donc se focaliser un peu plus sur ce dernier album. Il y a l’utilisation de voix parlées en français puis traduites en arabe et en hébreux (du moins je crois) pour l’introduction et le final ainsi que sur Ray. Pourquoi ?
En fait ce n'est pas de l'arabe ou de l'hébreu mais du Kabyle. Ma femme est Kabyle d'origine et donc mes enfants sont un petit peu français, pas mal Néo Zélandais et en plus pas mal Kabyle. Le chant à la fin de la première chanson c'est leur arrière grand mère que j'avais enregistré en Kabylie. On a eu la chance de la rencontrer et de vivre un petit peu à coté d'elle deux fois en Kabylie. Malheureusement elle est décédée l'année dernière alors c'est juste une petite façon de garder son souvenir et sa mémoire.
« Aurélie (Jung) » chante sur Ray. A ma connaissance c’est la première fois que tu laisses le lead à une autre voix que toi. Quelle est la genèse de cette décision ? De plus à partir de ce titre Aurélie apparaît presque systématiquement dans les chœurs et pas avant, est-ce un hasard ?
Aurélie qui chante sur Ray. Oui c'est vrai que c'est la première fois que je laisse en quelque sorte la voix principale parce que j'en ai eu marre d'entendre ma voix tout le temps. J'aimerai bien écrire d'avantage pour les autres et je pense que c'était une bonne chose de remplacer ma voix habituelle par une autre. En plus, elle chante extrêmement bien, elle a une sacrée technique. Le fait qu'elle fasse des chœurs ensuite c'est un petit peu le hasard. C'était plus la suite des chansons qui m'intéressait que la suite des chansons avec la voix d’Aurélie. J'ai essayé de chercher une progression naturelle.
J’ai trouvé ce disque plus clair que le précédent en termes de production et aussi moins pop, plus triste. Je suppose que la disparition de « Jean-Christophe (Massinon) » en est la raison principale mais, bizarrement le titre le plus joyeux est 12 propositions, pourquoi ?
C'est rigolo que tu dises que la production est plus claire. L'album précédent était quand même fait dans un vrai gros studio. Là nous avons travaillé dans notre propre home studio. C'est surtout grâce à Cyrille notre percussionniste qui est vraiment fort en production aussi. On a mixé ensemble mais il a vraiment plus de connaissance que moi et c'est grâce à lui que le son de l'album est ainsi parce qu'il a fait un sacré boulot.
Triste oui et non. Forcément il y a des chansons et surtout la dernière qui sont tristes. J'avais effectivement souvent Jean Christophe en tête mais lui était incroyablement généreux, joyeux, rigolo. Et 12 propositions est basée sur une série de dessins qu'il a fait. Et pour lui rendre hommage je voulais absolument faire quelque chose à son image c'est à dire joyeux, vraiment positif et plein de lumière. Quand je pense à lui, maintenant je ne suis même plus triste car comme le dit le titre de l'album, il est toujours là. « You are Here » -tu es là-, il est toujours à coté de moi, alors je n'ai pas trop l'impression qu'il est parti. C'est la positive attitude...
Qui sont ces Marie et Tanya de Marie Vanini ?
Marie Vanini et Tanya ce ne sont pas tes oignons (rires) ! En fait, ce sont des filles que j'ai connu quand j'étais beaucoup plus jeune. Voilà c'est tout.
Il y a peu d’électricité dans les instruments, seul Hiking possède quelques riffs. Cette direction confirme le virage pris avec « 2+2 = 22 ». Doit-on s’attendre à un album encore plus acoustique pour le prochain ?
(rires) Je trouve au contraire qu'il y a beaucoup d'instruments électriques. Il y a de la guitare électrique, de la basse, des synthétiseurs. Ils ne sont pas toujours mixés devant mais ils sont toujours présents. Mais si tu prends Marie Vanini ou 12 propositions c'est quand même vachement électrique. Donc finalement, je trouve que c'est relativement bien dosé.
Pour le prochain album, je ne sais pas. Parfois je me dis que cela va être vraiment plus bruyant, plus électrique et il y a aussi une partie de moi qui veut faire quelque chose qui sorte vraiment des albums précédents. Parfois, j'ai l'envie de faire un album de disco (rires). Quelque chose qui fera danser les gens. Une autre partie de moi voudrait faire quelque chose qui se rapprocherai de la musique classique. Enfin qui sait ce sera peut-être dans la continuité, j'ai quelques idées et même deux ou trois titres qui se dessinent déjà. On verra bien, de toute façon ça va être intéressant. J'adore la partie composition car on contrôle tout. En concert il y a des choses que l'on ne contrôle pas, comme le son sur scène mais chez nous, dans notre propre studio, on gère tout et on n'a pas d'excuses.
Ce disque est majoritairement celui d’un binôme, Cyrille et toi. Comment intervient Cyrille dans le développement des compositions sachant que tout t’est crédité ?
Hum. L'album est joué quasiment exclusivement par Cyrille et moi. Moi j'amène quand même les chansons. Elles sont bouclées quand je les présente à Cyrille. Elles tiennent debout et je peux quasiment toutes les jouer tout seul avec juste une guitare sèche et ma voix. L'implication de Cyrille est importante car quand je lui présente les maquettes et c'est sa partie de percussion qui déclenche quelque chose. On se dit qu'alors oui il faut continuer sur cette chanson. Après on cherche, on trouve d'autres choses mais les chansons sont déjà là. Par contre c'est lui qui déclenche le déclic qui dit qu'il faut que l'on greffe une partie de basse ou ceci ou cela. Il apporte un petit peu de magie qui nous donne la pèche pour poursuivre.
After all this time est pour moi une composition qui aurait pu se retrouver sur la compil d’ « Obscure recordings » de June Frost au niveau des sons et de l’ambiance. Es tu d’accord avec moi ? Qu’y a-t-il derrière cette répétition d’une seule phrase ?
After all this time, je ne sais pas, je ne trouve pas que c'est spécialement June Frost. C'est une chanson qui date plus de la période « Microclimate (2002) » que de June Frost.
Pourquoi répéter toujours la même phrase ? Moi je me dis que si l'on chante des textes, il faut déjà qu'il y ait une vraie signification. Il ne faut pas chercher trop, trop loin. Juste assez pour trouver des choses qui riment, pour faire bien. Une seule phrase peut dire plein de choses, c'est tellement ouvert, tout le monde peut alors tirer plein de conclusions et se projeter dedans. La répétition fait partie de la musique Rock et Pop. Souvent on travaille sur des qualités répétitives et je n'ai pas senti la nécessité de chercher plus loin que cela pour cette chanson. Pour d'autres oui mais pour celle là non. En plus c'est une phrase qui veut tellement rien dire ou tellement tout dire que c'est aux autres de chercher.
Je t’ai demandé quelle était la question que l’on avait trop posé, à contrario quelle est la question que tu souhaiterais que l’on te pose ?
J’aimerai bien parler des chansons spécifiques. Tu vois j’aime bien expliquer à quelqu’un qui apprécie un titre, d’où il vient comment il a été écrit, ce qu’il raconte. Parce qu’il y a de plus en plus de réflexions pour chaque chanson. Je veux vraiment dire dans mes chansons quelque chose qui ait une résonance pour moi en espérant ensuite qu’elles aient des résonances pour les autres.
Nous allons réaliser une chronique de ton (tes) albums sur musicwaves.fr, quel est ton regard sur les webzines ? Qu’écoutes tu en ce moment ?
Les webzines sont indispensables car on voit bien qu’il y a tellement de choses qui passent par le web que l’on n’a même plus besoin de passer par les moyens traditionnels pour se faire connaître. C’est une alternative aux labels car ce sont des supports qui sont créés et animés par des gens passionnés.
En ce moment, je viens juste de sortir du mixage et quand je suis à fond dans ma production musicale, je n’écoute pas grand chose parce c’est très prenant. Je vais quand même parler d’un trompettiste Franco-Libanais Ibrahim Maalouf qui est incroyable. Lui il part vraiment dans tous les sens. Il a un titre qui s’appelle Beyrouth sur lequel il joue avec une trompette exceptionnelle fabriquée par son père et il joue des notes sur les gammes orientales qui n’existent pas dans le monde occidental.
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Cette interview a été réalisée en deux temps :
- Le 23 novembre 2012 chez Paulette par Arnaud et Phénoména.
- Quelques jours plus tard par voie électronique via Pete_T (compléments d’informations spécifiques au nouvel album).
Merci à Pete_T pour ses questions éclairées et pour nous avoir fait découvrir cet artiste si attachant.
Merci à Robert Hancock pour sa gentillesse et sa disponibilité
Photos : Laurent PHIALY
Plus d'informations sur http://roberthancock.bandcamp.com/