Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
Alex Staropoli : De nombreuses ou de trop nombreuses fois (Rires) ? Les questions qui reviennent actuellement concernent la séparation et je pense que c’est quelque chose de normal !
"J’ai fait la musique que je voulais faire, j’ai fait du mieux que je pouvais et c’est pour ça que je suis vraiment fier de ce nouvel album."
Ton actualité est la sortie du nouvel album de Rhapsody of Fire "Dark Wing of Steel". Comment te sens-tu à quelques jours de la sortie ? Une sorte de pression liée au fait que c’est le premier album sorti sans Luca Turilli ?
Hum, il n’est pas question de stress mais plutôt d’excitation ! En effet, j’ai fait ce que je voulais le plus : j’ai fait la musique que je voulais faire, j’ai travaillé avec mon frère, avec tous les membres du groupe… J’ai fait du mieux que je pouvais et c’est pour ça que je suis vraiment fier de ce nouvel album. J’ai confiance en lui, je l’aime beaucoup et si les fans pouvaient également l’aimer, je serais très content.
Tu as dit faire sur cet album ce que tu voulais faire, ce n’était pas le cas précédemment ?
Si bien sûr ! C’est juste que je travaille seul, j’ai une totale liberté pour faire ce que je veux… Aujourd’hui, nous travaillons qu’entre nous, c’est une grande sensation.
Luca a sorti un très bon album l’an dernier. Même si vous vous êtes quittés en bons termes, est-ce que ça créé une sorte de compétition/émulation entre vous à savoir que les fans vont comparer et risquent de trouver un album décevant ?
Bien sûr, je pense que personne ne veut que son album ne donne pas 100% de satisfaction aux fans mais ce n’est pas possible.
Malgré tout, je ne pense pas qu’on peut parler de compétition dans notre cas parce que nous faisons une musique différente : le son est différent, les chanteurs le sont aussi… Le fait est que nous sommes deux groupes vraiment différents même si nous avons le même surnom, le même nom Rhapsody. J’ai vraiment le sentiment qu’avec la sortie de cet album, les gens comprendront la façon dont nous aimons composer et faire de la musique.
Luca est plus axé sur les arrangements alors que je préfère mettre le groupe en avant : je voulais des guitares très puissantes afin de se sortir de ces orchestrations surproduites qui étaient mises en avant. Je considère que c’est l’inverse qui doit être fait : d’abord le groupe, ensuite les orchestrations.
Après toutes ces années de collaboration avec Luca, n’est-ce pas une sorte de démarrage à zéro ? Est-ce que le processus de composition est différent avec Manuel Staropoli et Roby de Micheli ?
Non, finalement, le processus était le même parce que tout part d’idées que ce soit de refrains, de riffs de guitares, d’une mélodie, d’un rythme… Mon frère a écrit des parties de basse très intéressantes pour les chansons, pour les mélodies… J’ai collecté toutes ces idées, j’ai arrangé les chansons et j’ai demandé à Roby de faire des riffs et il a également apporté de très bonnes idées et de très bons soli. La seule différence dans ce processus était que j’étais le seul responsable de la production…
Tu as produit mais également composé comme jamais : est-ce que cela a une influence sur le son de cet album qui pourrait donner l’impression d’être plus axé sur les claviers ?
Non, je ne pense pas parce que comme je te l’ai dis, le but était d’avoir une batterie puissante, de grosses guitares et basses mais aussi des très belles lignes vocales.
Non, non, non… Je dirais plutôt que cet album est plus axé sur l’aspect chanson : par exemple, il ne comporte pas de morceau de 20 minutes. Il est définitivement axé sur les chansons qui sont différentes les unes des autres et qui sont massives. Il n’y a rien de calculé dans cet album, il est vraiment spontané. J’ai juste commencé à composer, les idées se sont succédées et j’ai collecté toutes ces chansons pour savoir ce que nous pouvions en faire…
Fabio Leone a écrit les paroles…
Oui je lui ai demandé de le faire…
N’était-ce pas trop dur de lui donner ce qu’on peut considérer comme ton bébé ?
Oui, on peut dire ça… Quoi qu’il en soit, on ne peut pas dire que cet album soit un concept, ce sont des chansons avec un accent particulier sur des paroles émotionnelles et poétiques. Fabio est dans le groupe depuis le tout début, c’est donc très simple pour lui de savoir ce qui est bon pour Rhapsody of Fire et de le dire dans ses textes. Nous avions deux semaines pour enregistrer l’album. Il est venu chez moi, dans mon studio, afin d’enregistrer les lignes de chant sauf que ses textes n’étaient pas prêts. Si bien qu’il les écrivait les textes et on les enregistrait la journée. C’était vraiment un processus complexe…
Une autre raison expliquant la spontanéité que tu évoquais.
Oui ! Et il y a également pas mal de conflits sur les idées. Nous avons participé à la déforestation avec toutes ces piles de papier consommées (Rires). Mais au final, j’ai confiance en lui et il a écrit de bons textes qui collent parfaitement à la musique.
Tu as composé avec ton frère, Roby, Fabio a écrit les paroles… il semblerait que Rhapsody of Fire travaille comme une équipe pour la première fois ?
Oui ! On peut dire ça d’une certaine façon !
Tu parlais de mettre en avant la puissance du groupe, est-ce que ceci explique cela ?
Oui, bien sûr ! Mon frère et moi sommes sur la même longueur d’onde pour écrire une musique que nous aimons et qui est bonne pour le groupe. Roby de Micheli est très important parce que c’est un guitariste fantastique qui a eu plus de bonnes idées de riffs, de soli… qui marchaient vraiment bien. J’aime impliquer les autres membres du groupe… mais pas trop (Rires) : j’aime avoir le contrôle de la majorité des choses ! Mais finalement cette implication est une bonne chose parce qu’ils se sentent en confiance.
"Nous ne ressentions plus la magie des débuts ; je pense que c’est la principale raison de notre séparation avec Luca"
Luca nous a avoué avoir quitté le groupe parce que la saga était terminée. Dans ces conditions, comment as-tu pu réussir à renouveler Rhapsody of Fire ?
Et bien, nous essayons de ne pas trop parler du passé.
Nous avons une carrière professionnelle de 15 ans, ça fait 20 ans que nous nous connaissons, nous avons sorti 10 albums, une saga, travaillé avec Christopher Lee… nous avons fait beaucoup de choses et nous ne ressentions plus la magie des débuts ; je pense que c’est la principale raison de cette séparation.
Nous aurions pu continuer à travailler ensemble mais cela aurait dans des conditions plus tendues… Nous nous sommes donc dits qu’il était peut-être temps de faire quelque chose de différent et avons décidé d’être honnêtes vis à vis de nous mêmes.
Malgré tout, le titre est en latin, il y a une chanson en italien… Finalement, on a l’impression que Rhapsody of Fire continue de vivre sur ses acquis : était-ce délibéré pour continuer à donner des bases connues aux fans ?
Certains éléments sont très importants et il faut garder ceux qui caractérisent Rhapsody of Fire. Si j’ai décidé ne pas faire de chanson baroque ou longue, en revanche, j’avais besoin d’une intro qui à la base ne devait pas forcément être une intro en latin. Cette idée est venue plus tard.
En fait, cette idée du latin vient de moi lorsque nous étudions cette langue à l’école avec Luca. Je lui ai dis pourquoi ne pas l’utiliser dans notre musique, il était d'accord et au final le résultat était convaincant. Ce n’était pas planifié comme les principales orientations de cet album et qui sait, sur le prochain, nous aurons peut être un titre long par exemple…
Et comme tu l’as dit, tu fais de la musique sous Rhapsody of Fire depuis presque 20 ans, tu ne vas pas changer fondamentalement une recette qui est finalement une partie de toi…
Tout à fait, c’est inévitable !
Luca nous a également dit que son album devait être considéré comme le onzième album de Rhapsody. Quel est ton avis sur la question ?
Et bien, mon avis est que je déteste les chiffres ! Personnellement, je respecte ses propos même si je ne suis pas spécialement d’accord. Tout le monde a le droit d’avoir sa propre opinion et je ne surenchérirais pas dans cette voie en déclarant que ce qu’il dit est faux et que seul notre album est le onzième…
C’est tout à ton honneur…
Mais c’est surtout que ce n’est pas quelque chose d’important pour moi !
En fait, pour les gens qui ne sont pas au courant de l’histoire de Rhapsody of Fire, il y a deux albums qui sortent en deux ans avec un visuel très proche et un logo quasi-identique… Ne crains-tu pas que le public metal s’y perde ? On a l’exemple de Queensrÿche qui vit la même situation et tout le monde semble perdant… Dans votre situation, n’aurait-il pas été préférable de n’avoir qu’un seul Rhapsody ou du moins avoir deux groupes aux logos, concepts différents afin que les gens comprennent mieux la situation ?
Techniquement, j’aurais préféré qu’il n’y ait qu’un seul Rhapsody of Fire mais le fait est qu’il faut considérer qu’on continue avec le nom de Rhapsody of Fire avec les membres originaux que sont Fabio, Alex Holzwarth… j’ai envie de dire qu’on a une situation plus avantageuse par rapport à Luca qui a tout recommencé : un nouveau groupe, un nouveau chanteur…
La décision que nous avons prise est que nous avons créé Rhapsody of Fire ensemble, en considérant l’investissement économique mais aussi en termes de temps…
… Luca m’a donné cette même explication. Malgré tout, n’est-ce pas une mauvaise chose pour l’image des deux groupes ?
Je comprends ! Au début, je pensais que ce n’était pas une bonne décision mais finalement, je pense que seule la musique parlera d’elle-même. Cela prendra probablement plus de temps, plus d’efforts et de sueur pour que les fans comprennent qui fait quoi !
A ce propos, c’était son plus grand regret, Luca jugeait que le groupe avait perdu 6 à 7 ans. N’est-ce pas regrettable de devoir perdre encore des années pour faire comprendre aux fans qui fait quoi comme tu l’as dit ?
La séparation était inévitable ! Malgré tout, comme Luca l’a dit, nous avons gâché des années en prenant de mauvaises décisions mais après cela, nous avons su nous positionner. Depuis, nous nous sommes séparés et encore une fois, il faut travailler pour rattraper le temps perdu.
"Le jour où les gens qui écoutent Rhaspody of Fire ne téléchargeront plus qu’illégalement nos albums, je penserai à abandonner !"
N’as-tu jamais eu envie de tout laisser tomber après de telles déceptions ?
Non ! En revanche il est évident que je ne travaille pas gratuitement. Donc le jour où les gens qui écoutent Rhaspody of Fire ne téléchargeront plus qu’illégalement nos albums, je penserai à abandonner !
Il reste encore les tournées…
Oui mais le fait est que les ventes chutent tellement pour tous les groupes que tout le monde veut tourner et le public se retrouve à devoir faire des choix parce que le prix des tickets n’est pas donné… Ce n’est donc pas la solution sachant que je n'en ai pas personnellement à donner…
Et dans ces conditions, où trouves-tu la force de continuer ?
Tout est question de musique. J’aime la musique ! Quand tu fais un album, tu espères toujours qu’il entrera dans les charts. Pour Luca et moi, ça a toujours été important de savoir le nombre de ventes que nous avons fait afin de connaître le succès du groupe.
Si on ne peut pas encore parler de ventes puisque l’album n’est pas encore sorti, quels sont les premiers retours des chroniques ?
L’accueil est vraiment génial !
Et es-tu surpris par cet accueil ?
Je ne dirais pas que je suis surpris mais je suis assez content de lui. Tu ne peux pas savoir à quoi t’attendre dans une telle situation : la séparation, les nouveaux membres…
Et tu dois être fier de ce retour prometteur ?
Oui ! Je suis fier et même si tout ne se passe pas de la meilleure des façons, ça ne dérange pas parce que je suis très content de cet album !
Concernant tes influences, est-ce que Angelo Branduardi compositeur de musique classique, médiéval… est une source d’influence sur les titres italiens ou plus folk ?
Non ! Angelo Branduardi se sert d’airs enchanteurs qui sont libres de droit et les joue d’une façon moderne. Le résultat est génial : j’adore vraiment ce qu’il fait !
En fait, mon frère est un musicien baroque de studio et il connaît toute la discographie baroque et l’histoire des compositeurs qu’ils soient vivants ou morts (Sourire)…
Son apport a été vraiment important pour Luca et moi-même ! Mon frère n’avait que 13 ans, il nous a donné quelques cds afin que nous les écoutions en nous disant que ce serait cool d’incorporer de tels éléments dans notre musique. Et finalement, cela nous a donné beaucoup d'excellentes idées pour notre musique.
Tu as évoqué les concerts, Tom Hess votre guitariste a quitté le groupe…
… Il n’est pas vraiment parti, nous avons décidé de mettre fin à notre collaboration d’un commun accord…
… il semblerait qu’il ne soit pas remplacé. Penses-tu qu’une seule guitare soit suffisante sur scène ?
Oui, je pense que c’est suffisant ! D’ailleurs, nous avons déjà quelques concerts avec qu’un seul guitariste…
… Malgré tout, cela change-t-il le son de Rhapsody of Fire que ce soit sur scène que pour la réflexion du prochain album ?
Nous sommes attentifs à cela. Par exemple, je n’ai pas ajouté d’overdub sur les guitares sachant que sur scène, ce n’est pas possible.
Au final, nous aimons nous retrouver à cinq sur scène : le son est plus clair et tu te sens mieux… Aujourd’hui, nous sommes cinq comme au début de notre carrière et je trouve que c’est cool…
"Je pense que le secret est que nous avons trouvé un style de musique qui n’était pas joué auparavant et nous n’avons jamais cessé d’avancer."
Après toutes ces années, comment juges-tu ta carrière ? Rhapsody of Fire a contribué aux lettres de noblesse du metal avec d’autres groupes disparus depuis comme Angra… Te considères-tu comme un survivant ?
(Rires) Je ne le dirais pas ça ainsi mais peut-être que oui même si il ne faut pas oublier des groupes comme Nightwish qui a commencé plus ou moins en temps que nous et qui est devenu très gros depuis le temps…
Je pense que le secret est que nous avons trouvé un style de musique qui n’était pas joué auparavant et nous n’avons jamais cessé d’avancer. Je dirais juste que Luca a un peu exagéré en disant que nous avons perdu 6 ou 7 ans, nous n’avons rien fait pendant 2 ans. Malgré tout, pendant cette période, nous n’avons jamais cessé de composer et ainsi être prêt pour repartir à nouveau.
Et aujourd’hui, avec ce recul, comment juges-tu ce groupe qui malgré ses hauts et ses bas a une carrière et une discographie foisonnantes…
J’ai le sentiment que j’ai des gens autour de moi comme mon frère, Roby et bien sûr, Fabio qui est là depuis que le groupe est né. Je me sens soutenu.
Un nouveau chapitre de la vie de Rhapsody of Fire s’ouvre et nous sommes prêts à le vivre ensemble. Et dans ces conditions, je me sens plus fort que jamais. J’ai finalement prouvé que je pouvais faire de la bonne musique et si les gens peuvent l’aimer, c’est encore mieux ! Composer cet album a vraiment été fantastique, je me souviens de tous les moments de sa composition…
Ce n’est pas le cas des précédents ?
Je me souviens que quand nous composions ensemble avec Luca, quand je proposais quelque chose, il émettait des réserves et voulait changer certaines choses…
Malgré tout, cet échange était constructif, maintenant que tu es seul, est-ce que ce duo ne te manque pas ?
Non parce que c’était horrible les derniers temps.
Certes mais ce n’était pas le cas au début ?
J’aime me rappeler des meilleurs souvenirs qui ont été fantastiques ! Mais dans le cas de cet album, je disais me souvenir de tous les moments de sa composition parce que j’étais le seul responsable à bord.
Et avais-tu besoin de cette liberté pour composer de façon plus libérée et ainsi nous proposer un album plus puissant que jamais ?
Oui même si je pense que Luca en avait encore plus besoin… J’avais besoin de me prouver à moi-même et aux fans que je pouvais proposer une telle musique.
Sans transition, quel est ton meilleur souvenir d'artiste ?
Oh, sans aucun doute, la collaboration avec Christopher Lee. C’était fantastique !
Au contraire, le pire ?
Certains clips (Rires)…
Ah oui et tu en as un en tête en particulier ?
Tous les premiers (Rires) ! Le seul que j’aime est 'Unholy Warcry' qui est sur "Symphony of Enchanted Lands II".
Et avec le recul que regrettes-tu ?
Le budget (Rires) !
Et de façon plus générale, changerais-tu quelque chose sur tes premiers albums ?
J’imagine que oui parce que nous composions déjà la musique de "Legendary Tales" en 1993/1994. Si bien qu’avant de sortir cet album, nous avons eu la chance d’avoir les titres entre nos mains et les faire mûrir.
Au moment de la sortie d’un album, beaucoup de groupes se disent que c’est le moment de grandir, ce n’était pas notre cas parce que nous avions pu grandir avant leur sortie. C’est la raison pour laquelle nous en avons tant vendu sur les deux/trois premiers mois après la sortie, surtout pour un groupe venant d’Italie.
Nous avons pris le temps avant de sortir notre premier album afin qu’il soit le meilleur ! Nous avions fait des démos, nous avons apporté des améliorations, nous avons trouvé de nouvelles idées afin que "Legendary Tales" marque l’histoire de la musique. Cela a toujours été notre approche !
On a commencé cette interview avec la question qu’on t’avait trop souvent posée, au contraire quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ?
Oh et bien, ce n’est pas une question en particulier mais un ensemble de questions et je pense que nous les avons toutes évoquées en particulier celle qui me tient particulièrement à cœur et qui concerne le fait de travailler et composer de la musique avec mon frère… j’ai pris beaucoup de plaisir à partager cette expérience avec lui.
Avant de se quitter, un dernier mot aux lecteurs de Music Waves et peut-être en français ?
Non, (en français dans le texte) "ce n’est pas possible" (Rires) ! J’espère tous vous rencontrer lorsque nous tournerons à nouveau et en particulier en France… Nous sommes actuellement en train de discuter pour la mise en place d’une tournée l’an prochain.
Merci
Merci, ce fut vraiment très agréable !
Et merci à Noise pour sa contribution…