C'est un chanteur détendu, souriant et tranquille - contrairement à ce qu'il livre dans le premier album du groupe, "Disconnected" - qui m'attend au fond de ce bar sombre. Ses acolytes, guitariste et batteur ne sont pas loin et nous rejoindront plus tard...
Salut Nicolas, question traditionnelle chez MusicWaves : quelle est la question qu'on t'a trop souvent posée ?
"Pourquoi Slave Machine?", par exemple ! ... Et tu veux que j'y réponde?
"Quelle image on veut donner ? Réponse : celle d'un groupe vé-ner qui veut péter la scène en deux"
Non, pas particulièrement ! Slave machine est un projet qui a seulement deux ans, et qui vient de sortir son premier album, "Disconnected". Pas de démo, ni d'EP, vous vous êtes directement attaqué au full piece. Pourquoi ?
Dans le groupe, on a tous la trentaine et on a tous une expérience de la musique, de la compo, à travers différents projets. Je suis arrivé dans le groupe - qui se résumait à
David et
Kevin, respectivement batteur et guitariste - en septembre 2012, ils composaient de leur côté. Donc il ne restait que le texte à poser, arranger, modifier ce qui devait l'être, et c'est pour ça qu'on est passé directement à l'élaboration d'un album plutôt que passer par la phase démo. Il y avait déjà quasiment un an de compo derrière. Avec notre expérience, plutôt que de répéter quelques titres, les jouer sur scène et faire la démo derrière, la démarche qu'on a préféré adopter, c'était de le prendre à l'envers : sortir ce premier album le plus professionnellement possible et le bosser à fond pour proposer quelque chose de bien concret.
Justement, avant de le sortir, vous le jouiez déjà sur scène. Est-ce que ce n'était pas frustrant de ne pas pouvoir le proposer à la vente à la fin du set ?
On a effectivement fait quelques scènes avant la sortie, mais finalement assez peu, donc ce n'était pas dramatique. L'idée était de les tester devant un public pour pouvoir les retravailler, par rapport à notre aisance à les jouer sur scène. Par exemple avec
Guile le bassiste, on a déjà joué ensemble dans un précédent groupe de hardcore, donc on a bouffé pas mal de dates ensemble.
David et
Kevin avaient également leurs projets, donc le but était de s'accorder, se connaître sur scène, être en harmonie pour pouvoir poser ses couilles en live et être tout de suite "Bim-dans-ta-gueule", s'assumer et ne pas passer par la phase timide.
La galette est assez courte, une 30aine de minutes, de grande qualité mais qui laisse sur sa faim ! N'avez-vous pas craint cette critique ?
On avait une quinzaine de titres, mais on a vraiment voulu privilégier la qualité à la quantité. On s'est tenu à un calendrier strict donc on a dû choisir seulement les 7 titres qui défonçaient le plus parmi ces 15 pour être sûrs de proposer le meilleur ensemble possible en respectant les dates qu'on s'était imposées. Et parfois la frustration, ça a du bon ! (Sourire)
Vous sévissez dans un métal indus, la comparaison avec un Fear Factory est facile, mais tu tapes dans un registre plus hardcore, aussi bien dans la voix que dans les blasts. Quelles ont été vos influences ? Si tu as amené ta patte hardcore, quels ont été les apports des autres ?
A nous 4, on a effectivement mélangé deux univers différents.
Guile et moi, on est plus Neo/Hardcore, alors que
David et
Kevin sont beaucoup plus Indus, fans de
Devin Townsend,
Strapping Young Lad,
Fear Factory etc. Moi je suis beaucoup dans le Groove et je pense que c'est le mix des deux qui fait que c'est plus riche que ça. Quand on écoute
Slave Machine, on entend toutes les influences, ça ouvre le débat plutôt que d'être cantonné musicalement.
Sinon je suis mega fan de
Slipknot depuis le premier album, j'aime le rythme, l'énergie, donc je n'aurais pas pu me cantonner juste à de l'Indus. J'ai essayé d'apporter, en toute humilité, plus de rythme,
Guile joue aux doigts et non au médiator. Sur scène, on voit ces 2 univers avec par exemple
David qui a une attitude scénique très Metal, statique et headbang à fond,
Guile va sauter partout et moi qui vais communiquer au maximum avec le public. Ce mélange transpire de nous.
Les éléments Electro sont tout de même très présents, et ce dès l'intro, comment s'est fait ce dosage ?
David ! Ce mec c'est le pilier du groupe, il faut le reconnaitre. Ce projet c'est son bébé et c'est lui qui s'est pris la tête sur la composition des samples. Quand on a enregistré avec
Potvin, c'est ce dernier qui a demandé à
David de supprimer quelques-uns des passages Electro pour équilibrer.
Ce qui nous a frappé dans l'écoute de ce disque, c'est notamment cette intro qui entre dans le vif du sujet dès la première seconde, sans passer par la longue montée de l'ambiance typique à l'Indus.
A la base on ne savait pas si on voulait d'une intro. Puis, dans cette même volonté d'en mettre plein la face à l'auditeur, on s'est dit qu'il fallait lui montrer à quoi s'attendre s'il venait nous voir sur scène. C'est l'image qu'on a voulu donner : percutante, sans concession. Si un programmateur de concert ou festoche lance notre cd, il faut qu'il sache direct qui on est et ce qu'on fait.
D'autant que du coup, l'intro est souvent un titre qu'on finit par zapper parce que souvent trop différent du reste, là c'est différent !
C'est un parti pris avec cette intro, on dit voilà ce qu'on fait sur scène, on veut que ça s'entende sur cd.
La production, on en parlait, est signée David Potvin, de One Way Mirror. Celle-ci est surpuissante. Qu'avez-vous appris de cette expérience et quels sont les conseils que vous reprendriez ?
On a fait appel à
David et son frère - pour avoir une oreille extérieure - car ce sont des mecs géniaux. De l'expérience que j'ai, c'est la première fois que je bosse avec des gars si chouettes. Ils savent te pousser à bout, te tirent toujours vers le haut et une fois que le produit est fini, tu ne peux qu'en être fier parce que t'as tout donné pour. En plus,
David (
Potvin) est un chanteur donc ça m'a un peu mis la pression, j'avais peur de pas être à la hauteur de son niveau d'exigence. J'ai enregistré le chant sur 4 jours et j'étais épuisé pendant une semaine après ça, j'ai dormi tout le temps tellement j'étais défoncé ! 4 jours à brailler, motivé par
David, ça calme !
Ensuite on les a pris parce qu'à notre sens, leur son, en France, est juste énorme. C'était une évidence puis quand on les a vu humainement, ça ne pouvait pas être autrement. Pour le prochain album, on passera sûrement par eux encore parce que l'expérience était vraiment bonne et qu'on a plus rencontré des potes que des mecs qui nous ont enregistrés.
"Je me souviens quand j'ai commencé à faire de la musique à 18 ans, on remplissait des salles de 200 personnes en claquant des doigts ! Aujourd'hui c'est du "do it yourself", de la co-Prod pour pouvoir jouer en concert, bref, c'est vraiment la merde !"
Comment s'est passée la rencontre ?
C'est
David - le gratteux - qui a pris l'initiative de les contacter. Ça s'est super bien passé, on les a mis minable au babyfoot, du coup on s'est dit, c'est bon on les prend ! (Rires)
L'alternance entre chant clair et chant hurlé est très bien ficelée, juste et équilibrée. Ça semble taillé pour la scène pour favoriser une ambiance Groovy sur du très gros son. Comment as-tu trouvé cet équilibre qui évite de tomber dans les refrains d'un Fear Factory ?
Quand j'écris, je ne pense qu'à la scène. Pour moi c'est un exutoire, donc si c'était pour rester en studio, et répéter, ça m'aurait emmerdé et je n'aurais pas été intéressé. Par expérience je sais qu'il est important d'aérer la ligne de chant. Brailler tout le temps peut être lourd, il faut permettre au public de respirer et nous de préparer un passage beaucoup plus vé-ner. Pour mon travail au chant, c'est simple, j'ai maquetté pendant 6 mois non-stop tous les jours. Avec le recul le chant va continuer d'évoluer notamment sur le prochain album car je me rends compte sur scène que j'aime cette zone entre le chant et le cri, ça permet de faire ressortir davantage d'émotions.
Qu'attends-tu de cette sortie ?
Ce que j'espère, c'est monter en gamme. S'il y a des professionnels pour donner leur avis ou des structures qui souhaitent nous signer, ça nous permettrait d'avancer et de nous développer. Ils sont les bienvenus. On a passé l'âge d'avoir des étoiles dans les yeux, de rêver de devenir des superstars du rock même si on peut toujours rêver ! (rires) Mais l'idée c'est d'aller le plus loin possible et envoyer des murs sur scène !
Le clip de relevant à été dévoilé une semaine avant la sortie de l'album. Il a été superbement réalisé par Brice Hincker. Comment s'est fait le choix de ce titre ?
Guile connaissait
Brice par le
Smash It Combo (dont
Brice est le batteur, ndlr). On pensait faire 'The Other Way' car elle illustre bien ce qu'on fait, mais ce morceau fait plus de 6 min, ce qui fait long. De là on s'est dit : "Quelle image on veut donner ? Réponse : celle d'un groupe vé-ner qui veut péter la scène en deux", donc on a choisi 'Relevant,' titre court, efficace, sans concession.
Quels sont les 3 derniers titres que tu as lancé sur ton lecteur MP3, sans tricher !
J'ai forcément du
Slipknot que je n'arrive pas à enlever ;
Incubus dont je suis un grand fan, peut-être moins des derniers mais quand même ! En troisième je dirais du
Jeff Buckley que j'aime beaucoup, qui n'a rien à voir, mais qui dégage un côté émotionnel très fort.
Tu as opté pour un chant en anglais qui, il faut le souligner, ne souffre pas d'un accent à couper au couteau. Pourquoi ce choix ?
J'ai eu la chance de pas mal voyager aux USA et en Angleterre, c'est une langue qui m'a toujours passionné, je suis un curieux par nature, et je ne me serais pas permis de chanter en anglais si je n'étais pas foutu de le parler et d'avoir la bonne sonorité.
T'aurais pu chanter en français ?
A la base, c'est ce que je voulais faire parce que j'écris beaucoup plus facilement, tu peux poser plus facilement des images, des métaphores, mais pour le projet qu'on a, c'est plus compliqué en France de chanter en français qu'en anglais. On prend des contacts en Italie, Allemagne et Angleterre, donc si t'as envie de t'exporter, le public te suivra plus facilement si c'est en anglais. Mais je ne suis pas dans le délire de "chanter en français c'est de la merde", il y a des groupes qui ont de très bons textes, comme
The Arrs par exemple.
Sachant que la France est moins terre de métal, vous avez pensé à cette éventualité ?
Malgré le fait qu'il y ait de moins en moins de monde en festivals, ceux qui se déplacent sont à fond et c'est autrement plus important d'avoir 50 mecs à bloc que 5000 mous, tu vois ? Le public est essentiel, il faut qu'il se passe un truc avec, à 10, 50 ou 2000.
Pour parler du marché, on manque cruellement de structures. Il y a beaucoup de groupes et finalement peu d'élus. Je me souviens quand j'ai commencé à faire de la musique à 18 ans, dans mon petit groupe, on imprimait des flyers sur une jet d'encre, c'était pourri, mais il y avait du monde à qui les donner ! On remplissait des salles de 200 personnes en claquant des doigts, c'était rien ! On était en plein essor de la
Team Nowhere et des collectifs comme
Coriace, etc ! Aujourd'hui il y en a beaucoup moins, c'est du "do it yourself", de la co-Prod pour pouvoir jouer en concert, c'est vraiment la merde !
Quel est ton meilleur souvenir en tant qu'artiste ?
Je dirais cet enregistrement, parce que je m'étais mis une grosse pression, et qu'en fait le résultat est encore mieux que ce que j'espérais. J'ajouterais aussi la phase maquette où j'allais tous les jours en studio pour m'arracher la voix et poser mes tripes sur le papier. C'était fatiguant, mais tellement bon ! Ensuite chaque fois sur scène...
Le pire ?
J'ai fait un concert avec une précédente formation où on avait fait 3 entrées - et encore c'était des invites (rires). Là, t'as la larme à l'œil. Mais bon, heureusement il y avait d'autres groupes donc ça remplissait plus la salle (rires). Quand c'est comme ça, soit tu te tires une balle, soit tu décides d'avancer, et perso je préfère avancer !
Un nouvel album est en préparation ?
Oui, on travaille sur de nouvelles compos, mais on ne dévoile rien pour l'instant !
A quelle question aurais-tu aimé répondre ?
Quelle est la taille de ma bite ? (Rires)
En général on enchaine par "...et qu'elle serait la réponse ?", mais là, on va passer !
(Rires) On t'avait pas dit que j'étais con aussi ? Non, sérieusement je prends les questions comme elles viennent !
Un dernier mot pour nos lecteurs de MusicWaves ?
A tous les lecteurs, merci d'exister. Merci de lire des infos sur tous les groupes français et d'ailleurs. Merci de relayer l'info. Merci de vous bouger le cul pour voir un peu plus de concerts et merci à des mecs comme vous, Music Waves, de le faire aussi pour des mecs comme nous, c'est essentiel !
Merci à vous !
Merci à toi, si t'avais été un connard je te l'aurais dit aussi ! (Rires)