Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
Dushan Petrossi : Une revient souvent concernant le fait que je ne fais que du Malmsteen alors que ce n’est pas vrai ! Ca ne me dérange pas mais on ne lui demande pas à lui s’il fait du Ritchie Blackmore… J’espère que ça va s’estomper avec le temps… Mais si ce parallèle peut être vrai concernant les soli ce n’est pas le cas de ma musique qui est différente de ce qu’il fait et qui est plus diversifiée (Sourire). C’est un héritage que j’ai reçu !
Ton actualité est la sortie du nouvel Iron Mask "Fifth Son of Winterdoom". Es-tu content des premiers retours ?
Dans tous les gros magazines, on a que de bons papiers : je suis content.
Mais de façon générale, j’ai tendance à dire que chacun est libre de penser ce qu’il veut. Je compose de cette façon depuis 15/16 ans en fonction de mes émotions du moment. Les mélodies sortent naturellement, la seule chose que je m’impose c’est d’essayer de ne pas reproduire ce que j’ai pu faire par le passé. C’est difficile quand tu es devant une feuille blanche de ne pas être tenté de le faire…
Quelle est la signification de ce titre. Je pense que nous ne sommes pas les seuls à nous le demander mais est-ce un clin d’œil à Iron Maiden et son album "Seventh Son of a Seventh Son" ?
Je sais que ça peut être pris comme un clin d’œil vis-à-vis d’Iron Maiden mais ce n’est pas le cas, l’explication est autre et toute simple : c’est mon cinquième album et je suis le cinquième enfant de ma famille. Si cet album est assez proche du précédent "Black As Death" qui traitait du décès de ma mère, celui-ci est marqué par la mort de mon père qui a eu lieu l’an dernier. Tous ces évènements se sont passés en hiver et j’ai fait le parallèle en disant que je suis le cinquième fils de cette malédiction.
Et malgré tout, y-a-t-il un concept notamment sur la religion ou quelque chose de mystique ?
Il n’y a pas vraiment de concept mais il y a du vrai dans ce que tu dis. Ce n’est pas le cas quand je compose mais quand je reviens dessus avec le recul, je me dis que tu as raison, il y a une part de mystique… Ce qui sort de ma musique est une sorte de traitement : je parle de la mort de mes parents, de l’absence…
A priori, Iron Mask n’est qu’un groupe de metal mais c’est bien plus que ça. De façon métaphorique et inconsciente, j’évoque ma vie dans tous ces albums mais, tu as également des sujets historiques sur un ou deux morceaux parce que j’aime bien ça.
Le lien entre ta musique et celle de Malmsteen époque 1986-1992 est une évidence. Ce rapprochement n’est pas seulement musical mais également physique. Malgré ce que tu nous as dit en début d'interview, tu recherches cela...
Non pas du tout ! Au début, je ne connaissais pas du tout Malmsteen ! Quand je l’ai découvert, j’avais déjà les cheveux longs, je m’habillais en noir… A l’époque, j’avais 18 ans, je jouais dans un groupe de reprises de Maiden et un mec m'avait fait la remarque. A ce moment, j’ai cherché à savoir qui c’était et effectivement, en le découvrant, j’ai eu un choc !
Certes, on se ressemble, mais je n’entretiens pas cette ressemblance : si je porte une croix, c’est que j’en ai toujours eu une, en revanche, je ne porte pas de bagues, de chaînes… comme lui (Sourire) ! Après, je te mentirais en niant qu’en écoutant ce qu’il faisait, j’ai appris beaucoup de choses techniquement mais je ne suis pas le seul, c’est le cas beaucoup de guitaristes des années 1980… Tout est une question d’influence, Malmsteen a été lui-même influencé par Al Di Meola, Richtie Blackmore… tout se recycle !
Toujours concernant Malmsteen, ces derniers albums sont catastrophiques. Penses-tu être la relève avec notamment Mark Boals ?
Je ne sais pas. C’est au public de dire si il y a une relève… d’ailleurs qu’est-ce qu’une relève ? On ne fait que de la musique finalement… La meilleure façon pour moi de m’exprimer est dans ce style de musique. Quand Mark Boals - qui est un des meilleurs - a accepté de chanter pour Iron Mask, j’étais super content ! J’aurais voulu avoir Dio mais c’était impossible ou Bruce Dickinson, même sur un morceau, mais il ne faut pas rêver… Toute ma vie, j’ai cherché un bon chanteur
Tu dis avoir cherché toute ta vie un chanteur, justement, c’est le deuxième album sur lequel Mark Boals chante, peut-on dire que le line-up est stable ?
Nous avons le même line-up que pour le précédent album donc on peut dire que le groupe est stable (Sourire) ! Il est très important que tous les membres s’entendent bien, un peu comme des frères, et nous sommes contents de nous revoir à chaque fois que nous nous retrouvons. Je ne dis pas que je garderais tout le temps Mark parce que malheureusement sa présence dépend des cachets que nous touchons sur les concerts.
A ce propos, quand on va sur ton site, on ne voit que 3 dates. Est-ce que la présence de musiciens jouant dans d’autres groupes n’est pas un frein au développement d’Iron Mask au risque de le faire passer pour un projet plus qu’un réel groupe ?
Non. Même si Ramy (NdStruck : Ali) joue dans Freedom Call, il essaie toujours d’être présent pour Iron Mask… On s’arrange toujours pour ne pas avoir des dates en même temps. Mark joue dans pas mal de groupes de reprises à Los Angeles mais à chaque fois qu’on l’a appelé, il est venu… Pour l’instant, ça va (Sourire) !
Mais encore une fois, je ne dis pas que le line-up sera le même indéfiniment : avec la crise, il est de plus en plus difficile de sortir un disque et pour le promouvoir, il faut le jouer partout…
Malgré tout, depuis 2 albums, nous ne lisons plus Dushan Petrossi sur les pochettes. Faut-il voir une volonté de montrer qu’Iron Mask est un vrai groupe et pas seulement ton projet ?
Oui ! Depuis que je suis sur AFM, j’ai retiré mon nom. Auparavant, les gens ne me connaissaient qu'à travers Magic Kingdom ou mon précédent label Lion Music basé en Finlande. Depuis, je me suis dit que ça ne servait plus à rien de mettre mon nom, les gens savent que c’est moi qui compose…
Tu dis que les gens te connaissaient plus avec ton autre projet Magic Kingdom, ce qui est assez contradictoire vu que ton groupe principal est Iron Mask…
Iron Mask est devenu plus connu avec le temps et personnellement, je prends plus de plaisir à jouer dans cette formation qui est moins speed et plus variée… Le speed metal symphonique pur de Magic Kingdom peut lasser au bout d’un moment même si on a des morceaux progressifs avec des orchestrations… A ce jour, je prends plus de plaisir à jouer des titres d’Iron Mask vraisemblablement en raison des différentes influences qu’on a incorporé comme Gary Moore, Iron Maiden, du progressif… ça nous donne une vraie personnalité…
Tu as évoqué ton projet Magic Kingdom dont le dernier album date de 2010, est-il toujours d’actualité ?
Oui ! Le projet existe toujours mais les fans peuvent quand même acheter l’album d’Iron Mask et venir à nos concerts (Rires) !
Dans ces conditions, comment fais-tu pour l’attribution des compositions que tu fais ?
Ce n’est pas un problème parce que je sais par avance dans quelle direction va aller le morceau : quand il est plus court et rentre-dedans, ce sera pour Iron Mask et si il est plus speed symphonique à l’allemande dirons-nous, ce sera pour Magic Kingdom. A cet égard, j’ai déjà commencé à composer pour le nouveau Magic Kingdom et dès que j’aurais fini, je m’attaquerais au nouveau Iron Mask…
Tu n’arrêtes jamais ?
Jamais (Rires) !
Le dernier titre de cet album fait référence à une œuvre d’Oscar Wilde. Est-ce que la littérature est une source d’influence ?
Tout dépend si j’ai aimé un livre… Mais de façon générale, oui ! Rien que le nom du groupe est inspiré d’Alexandre Dumas et non pas d’Iron Maiden comme beaucoup peuvent le penser. Quand j’aime vraiment un livre, en général, je regarde le film dans un second temps -si il y a eu un film- qui est une bonne synthèse des éléments clés d’un livre et ensuite, je le mets en musique en essayant de coller au plus près de l’œuvre littéraire…
Et plus particulièrement qu’est-ce qui t’a amené à évoquer Dorian Grey sur ce titre ?
J’aimais cette histoire de malédiction qui découle de son vœu que le tableau vieillisse à sa place. Je trouve que c’est une bonne histoire qui mélange un peu tout : le serial killer, le fantastique, le mystère…
Tu disais que chaque album te racontait, c’est assez effrayant s’il y a une part autobiographie dans ce titre…
(Rires) Non, non, non ! Pour ce genre de morceau, c’est purement tiré du livre ! Si je dois mêler ma vie avec des œuvres littéraires, on s’en sort plus (Sourire) !
Ce genre de thème est assez rare dans le metal où la technique et la musique passent avant les thèmes lyriques. Est-ce important pour toi afin de sortir du lot ?
Oui parce que quand je compose un morceau, j’ai le titre dès le départ. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas d’accord quand quelqu'un propose de le changer. Goetz "Valhalla Jr." Mohr qui chantait sur les albums précédents voulait tout le temps les changer alors que la mélodie, la thématique, les paroles étaient basées sur le titre… Tout est préparé à l’avance et j’ai d'ailleurs déjà le titre du prochain Iron Mask en tête...
N’est-ce pas un problème malgré tout vis-à-vis des autres membres qui pourraient se sentir privés de liberté ?
Oui ! Je n’empêche rien. Ils peuvent changer ce qu’ils veulent du moment qu’ils suivent la ligne harmonique, que le squelette du morceau reste le même. Je ne peux pas leur enlever leur interprétation sinon autant faire un album seul chez moi devant mon ordinateur. Plein de groupes font cela actuellement mais ce n’est pas ma conception de la musique qui est avant tout un échange d’idées. Certes, je compose les paroles et la musique mais les membres sont satisfaits de cette façon de travailler et ils me font confiance sur ces points.
Le fait qu’un Mark Boals accepte de chanter tes compos sans rien demander : est-ce une fierté ?
Attends, il rajoute des chœurs, il est libre de faire tous les arrangements vocaux qu’il veut… Mais c’est vrai qu’on est fier parce que trouver un chanteur capable de chanter aussi bien, c’est difficile… D'un autre côté, sans nous jeter des fleurs, il était également fier de pouvoir jouer avec nous. Il y a un respect mutuel entre nous et j’aime beaucoup ce genre de relation.
Tu disais travailler sur le prochain Magic Kingdom et déjà penser au prochain Iron Mask. Où trouves-tu cette inspiration sachant que comme tu l’as dit, les deux derniers Iron Mask ont été inspirés des décès de tes parents ?
"Black As Death" et "Fitfh Son of Winterdoom" sont comme des jumeaux pour moi ! J’ai déjà le concept de base pour le prochain. Je ne sais pas si ce sera un concept album, je ne suis pas assez avancé à ce stade. Mais l’album sera plus noir et peut-être un poil plus agressif avec un zeste de progressif.
Tu n’as donc pas peur de te renouveler contrairement à un Malmsteen qui lui n’y arrive pas ?
C’est difficile pour tout le monde quand tu te retrouves devant une page blanche. C’est difficile également de ne pas refaire ce que tu as déjà fait par le passé. Peut-être a-t-il fait trop d’albums et surtout trop limités à un style ? Je ne sais pas.
De mon côté, comme je te l’ai dit, j’aime incorporer plein d’éléments comme le thrash et des blast beats comme sur 'Seven Samurai' ou 'Nosferatu' (NdStruck : du précédent album), j’incorpore des éléments prog… C’est la première fois que je compose purement à la basse pour cet album-ci.
J’ai une approche différente pour chaque album, j’essaie d’apporter du frais. C’est vrai que le style proposé est toujours le même mais je ne peux pas jouer autre chose… J’essaie de contrebalancer cela en apportant des nouveautés comme des influences asiatiques, celtiques… Peut-être y-aura-t-il des parties jazz sur le prochain (Rires) ?
Tu as évoqué tes influences progressives. Progressif, Belgique ton pays d’origine, cela nous amène à parler du projet Epysode. Comment expliques-tu cette émergence de talents belges ?
Je ne sais pas, peut-être une histoire d’alignements planétaires (Rires) ? Nous avons connu un beau succès d’estime avec "Black As Death". Peut-être est-ce lié à une meilleure distribution avec AFM qui amène d’office plus d’attention...
Nous ne sommes pas nombreux à faire ce style de musique en Belgique. Lui-même dans son projet n’a pas un chanteur belge… Il y a des talents en Belgique mais la difficulté est la concrétisation : je pense notamment à mon ami guitariste Youri De Groote dont l’album est en gestation depuis 10 ans. En dehors, des groupes plus extrêmes qui s’en sortent, les musiciens dans un registre plus mélodique n’y arrivent pas : est-ce un complexe par rapport aux autres pays ?
"Fifth Son of Winterdoom" est le premier album dans lequel il n’y aucune mention de claviers : est-ce une volonté ou un oubli ?
Non, je crois que c’est une erreur du label car le clavier est le même que dans "Shadow of the Red Baron" à savoir Andreas Lindahl. Il avait arrêté la musique pour reprendre l’école et il a terminé depuis, on l’a donc repris. Andreas a tenu tous les claviers sur cet album, il est mentionné dans le livret, il n’a juste pas fait les photos promotionnelles car il n’était pas disponible ce jour-là.
Tu as joué dans 3 albums hommage (Gary Moore, Ritchie Blackmore et Uli Jon Roth), comment es-tu arrivé à jouer dans ces projets ?
Hum, c’était trois demandes de mon précédent label et c’était l’occasion de faire connaître le nom d’Iron Mask. C’est toujours chouette de reprendre des titres que tu aimes écouter. Si Gary Moore fait partie de mes musiciens préférés et que j’aime bien Ritchie Blackmore, en revanche je ne connaissais pas du tout Uli Jon Roth.
J’ai pris ces demandes comme des petits challenges et j'ai essayé de faire quelque chose de différent, non pas sur la structure du morceau en tant que tel -les gens ne le reconnaîtraient pas- mais plus les soli où tu peux te lâcher. Par exemple, sur le titre d’Uli Jon Roth, j’ai fait un solo totalement différent et ça collait super bien…
Tu as eu des retours sur tes reprises ?
Je ne sais pas mais je crois que Gary Moore avait commenté et aimé… mais personnellement non, je n’ai pas eu de retour et il y a tellement de guitaristes qui ont joué sur ces albums que ça ne m’étonne pas non plus (Sourire).
Que retires-tu de ces reprises ? Est-ce que cela a agi comme un coup de projecteur ?
Je ne sais pas. Les projets n’étant pas distribués par un gros label, l’impact était limité. Mais en tant que musicien, quand tu vois comment est structuré de tels morceaux, tu comprends pourquoi ils ont marché et comment ces musiciens en sont arrivés là. Ces mecs avaient tout compris il y a 30 ans. Ils savaient composer une chanson et pas seulement une démonstration de guitare. Depuis, j’essaie de prendre exemple et de l’appliquer dans mes morceaux.
Concernant l’hommage à Gary Moore, est-ce que l’intro aux accents irlandais du titre "Fifht Son of Winterdoom" est un clin d’œil à 'Wild Frontier' de l’album celte de Gary Moore ?
Ce n’est pas la première fois, je l’avais déjà fait sur le titre 'Black Devil Ship' sur l’album "Shadow of the Red Baron". C’est vrai que Gary Moore est mon influence principale pour tout ce qui est celtique : j’adore 'Wild Frontier' et tous ces albums-là même si j’ai moins suivi quand il a commencé à ne faire que du blues.
Questions traditionnelles de Music Waves, quel est ton meilleur souvenir d’artiste ?
Le Grasspop Metal en 2008. Il y avait 5.000 personnes qui chantaient. C’est vraiment un de mes meilleurs souvenirs.
Au contraire, quel serait le pire ?
Le pire serait probablement le jour où nous avons failli nous écraser avec le bus quand nous nous rendions au festival Monster of Rock en Transylvanie avec Anvil en 2005. Nous n’avons rien eu, pas égratignure et même si la voiture dans laquelle nous sommes rentrés étaient totalement détruite, son passager s’en est sorti indemne.
On a commencé cette interview avec la question qu’on t’a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ?
Hum… Non, je n’ai vraiment rien à ajouter de plus… Tu as tout passé en revue (Rires) !
Avant de se quitter, souhaiterais-tu dire un dernier mot aux lecteurs de Music Waves ?
Un grand merci à ceux qui ont lu cette interview et merci pour le soutien depuis toutes ces années. J’espère vous voir le plus tôt possible en France.
A ce propos, des dates prévues ?
On y travaille… Mais voilà ce que tu pourrais me demander : "A quelle heure passez-vous au Hellfest ?" (Rires) !
Et alors ?
Je ne sais pas. Le plus tard possible (Rires) ! De façon générale, voilà la question que j’aimerais que tu me poses : "Quel serait ton rêve ?". Et je répondrais jouer dans tous les festivals : Hellfest, Wacken, Grasspop et Sonisphere.
J’ai également un autre rêve : jouer avec un orchestre et aussi faire un clip avec des costumes, un clip plus fourni encore que ce que nous avons pu faire sur 'God Punishes, I Kill'... Un truc médiéval, un petit film de 10-15 minutes de bonne qualité comme Mylène Farmer a pu le faire à l’époque.
C’est tout ce qu’on peut te souhaiter. Merci.
Super. Merci à toi.
Et merci à Noise pour sa contribution...