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TITRE:
SKIP THE USE (24 JANVIER 2014)
TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:
METAL FUSION
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Music Waves a rencontré Mat Bastard, leader charismatique de Skip the Use, pour une entrevue sincère dans laquelle il sera question des thèmes chers au groupe : la tolérance, l'adoption mais aussi de... Gojira !
STRUCK
- 29.01.2014 -
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Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
Mat Bastard : La question qu’on m’a trop souvent posée ? Quand on me demande de présenter le groupe, qui fait quoi… ces questions me font clairement chier !
Encore aujourd’hui ?
Oui et même au début, ça me gavait parce qu’avec Internet, ces infos sont disponibles... Mais non, il faut que ce soit nous qui le disions !
Votre précédent album "Can Be Late" vous a littéralement propulsé en tant que leader de la scène rock française avec notamment ce prix du meilleur album Rock pendant les Victoires de la Musique. Avez-vous eu une pression particulière à quelques jours de sa présentation au public ?
Non, pas du tout ! On a fait un album très sincère, très personnel. On n’a pas changé. Les gens ont bien aimé ce que nous étions sur le premier album. Aujourd’hui, on sort un disque qui nous ressemble, il n’y a pas de raison pour qu’ils ne se retrouvent pas dedans. Et pour finir, nous ne sommes pas dans une compétition !
Certes mais penses-tu pouvoir faire mieux que "Can Be Late" et ses 80.000 copies vendues ?
Je ne sais pas. Shaka Ponk 350.000, Stromae 1.000.000… Ca veut dire que c’est possible !
Qu’attendez-vous de la sortie de "Little Armageddon" ?
Pouvoir partager, aller à la rencontre des gens. Parler des thèmes que nous mettons en avant dans le disque, de la musicalité… Mon discours peut paraître très artistique mais oui, on espère que ça va marcher, que les gens vont se retrouver dedans.
Est-ce que le ex-Carving que tu étais aurais imaginé une telle popularité finalement ?
Déjà, on n’a pas arrêté Carving : on va sortir un album cette année (Sourire) !
Ensuite, ce sont deux choses différentes. Carving est un projet très punk, très simple et en même temps, ça nous a appris le métier. Carving est un groupe que j’ai monté avec mes meilleurs potes : c’était une vraie aventure humaine. Et aujourd’hui, on sort un nouvel album avec les sons d’origine : c’est comme si tu rappelais tes potes d’école pour faire une grosse fête punk. Il y a une démarche politique dans Carving mais rien de commercial derrière : l’album sera gratuit ou du moins, on reversera l’argent récolté à une association.
Le nouveau single 'Nameless World' est déjà multi-diffusé en radio. Vous avez été fortement soutenus par quelques radios de même par certains festivals comme le "Pression Live", est-ce que cela engendre des contreparties de votre part ?
Non. Et ce sont des partenariats : il n’y a rien de grave ! Comment dire ? Je crois que le meilleur moyen de changer le système est d’en faire partie. Si tu restes en marge, tu ne sers à rien hormis t’épuiser à cracher ta bile en vain parce que les choses continueront de se faire quand même !
En revanche, on fait les choses, on reste nous-mêmes. Par exemple, on va aux Victoires de la Musique - alors qu’on ne fait pas de la musique pour être récompensé - mais si on n’y va pas en considérant qu’on n’a rien à y faire, en refusant le système finalement et bien, il n’y a pas de rock aux Victoires de la Musique et tu te retrouves qu’avec de la variété française. Nous y sommes allés, nous avons fait notre musique, on a même peut-être converti certaines personnes. Dans ces conditions, tu as un peu changé le système.
La popularité de Skip the Use peut s’expliquer par votre richesse musicale. Malgré tout, n’est-ce pas surprenant finalement dans un pays aux goûts musicaux discutables ; la France n’étant clairement pas un pays de rock ?
Il y a trois choses.
Premièrement, je ne suis pas là pour défendre l’identité nationale.
Deuxièmement, ce n’est pas parce que je chante en anglais que j’en oublie la Francophonie pour autant.
Enfin, je ne suis pas responsable de la connerie des gens…
Mais n’est-ce pas frustrant malgré tout de voir Skip the Use résumé à sa musique et pas son discours ?
Non. C’est comme si les anglais conduisaient partout dans le monde à gauche, parce qu’ils roulent à gauche dans leur pays. On joue partout et pas seulement en France. Quand tu joues en Allemagne, en Hollande, en République Tchèque ou en Asie, que ça se passe très bien et quand tu reviens en France, on te dit qu’on ne comprend rien : tu te dis que finalement, le problème est français (Rires) !
Penses-tu que la popularité de Skip the Use vient au même titre que le titre antinomique "Little Armageddon" de votre richesse musicale contrastée à l’instar de votre premier single 'Nameless World' aux débuts électro dissonants qui mutent rapidement dans un rythme ska et enfin ses riffs électro pop totalement entêtants ?
Quand on fait des chansons, on essaie vraiment de faire quelque chose qui tourne autour d’un concept global aussi bien au niveau de la musique que du texte.
La rythmique de 'Nameless World' est ska à la façon des Specials. The Specials, c’est un des premiers groupes anglais qui réunissait blacks et blancs ensemble. Ils ont fait un peu de reggae mais pas vraiment, du rock mais pas vraiment et finalement, ils ont fait du ska sans se soucier de ce que pouvait en penser les autres. Nous avons été élevés avec cette musique. A 13-14 ans, c’était une des premières musiques dans laquelle tu avais de la tolérance.
'Nameless World' est une chanson qui parle des laissés pour compte dans notre société de part notre façon de vivre et d’appréhender la vie : les sans-papiers, les handicapés… Certes, nous sommes tous issus du même moule mais il y a deux mondes différents. 'Nameless World' est le monde que tu ne nommes pas parce que si tu le fais, ça signifie que tu le reconnais.
Le constat est que nous nous plaignons de notre système, de notre vie… et ces gens-là que nous n’incluons pas dans notre monde nous regardent vivre et ont un recul sur nous que nous n’avons plus. Peut-être que la solution vient de la discussion avec ces gens-là. En clair, il faut réussir à faire quelque chose de cohérent avec quelqu’un qui à la base n’a absolument rien à voir avec nous sur le papier.
Et ça, on l’a traduit musicalement avec la fusion du ska et du rock qui à la base n’ont rien à voir ensemble. Finalement, la vie c’est peut-être ça : se tourner vers ce qui n’a rien à voir pour réussir à faire quelque chose ensemble. Et vu que cette chanson passe en radio, on se dit que c’est possible. Derrière notre musique, il y a un discours et toutes nos chansons sont plus ou moins construites ainsi. Aucun de nos textes n’est frontal, vindicatif, nous sommes plus dans l’analyse, la proposition d’une alternative en impliquant tout le monde. Notre musique est au final diverse et variée tout comme l'est notre vie.
Et au moment de composer ce nouvel album, avez-vous été tenté de reprendre les recettes qui ont marché ?
Les gens peuvent se poser la question sachant qu’on a remis une chorale sur un titre du nouvel album…
Justement est-ce une marque de fabrique que vous voulez poser ?
(Rires) A chaque fois, on a eu des raisons bien précises : des histoires de musique. Pour 'Ghost', on aimait vraiment la structure du morceau mais le refrain était trop haut pour être chanté par un homme et trop bas pour être chanté par une femme. On a essayé malgré tout mais ça n’allait pas. On s’est demandé qui pouvait avoir cette tessiture-là et la réponse était des enfants. On a essayé des enfants et ça marche sachant que dans le cas présent, je ne chante même pas : c’est un lead.
On a fait une chanson 'The Taste' qui parle d’orphelinat et le rapport à l’amour : comment on supporte ce manque d’amour. C’est comme un aveugle qui développe son ouie. Pour nous, il était inconcevable de faire une chanson qui parle des enfants sans enfant. Le message est un peu métaphorique : on parle un peu de l’arc-en-ciel et le trésor qu’il y a à son pied. On s’imagine que l’orphelinat s’appelle « L’arc-en-ciel » et que l’enfant regarde par sa fenêtre, à travers la grille en se demandant si quelqu’un va un jour venir le chercher et quand il va venir. Un jour, cette personne vient mais depuis ce manque d’amour a été comblé par ses potes de chambrée. En gros, il faut recasser à nouveau quelque chose pour aller vers quelque chose qu’il ne connaît pas : c’est compliqué.
Personnellement, j’ai été adopté et cette recherche agit comme un miroir à savoir qu’on se construit par rapport à une auto-analyse une notion de l’amour. C’est pour ça qu’à la fin, on utilise la voix des enfants qui chantent ça : le trésor de l’arc-en-ciel, c’est toi-même !
Ces thèmes que tu as évoqué aussi bien sur 'Nameless World' que 'The Taste' sont très personnels. Est-ce que l’écriture est pour toi cathartique ?
Non, pas trop, je suis à l’aise avec ça ! C’est possible malgré tout mais non, pour éviter d’exploser, je préfère faire du surf (Rires) ! En revanche, ça me permet de trouver des thèmes sincères et de bien traduire ce que je veux communiquer. Mais attention, on est également capable de faire des chansons complètement débiles (Sourire), tout dépend du sujet ! c’est le cas de 'Give me your Life' qui est beaucoup plus léger. C’est quelque chose que j’ai vu en concert de mes propres yeux à savoir une groupie au premier rang qui regardait le chanteur et qui racontait tous les détails de la prestation à sa copine. De l’autre côté, tu voyais le chanteur qui balayait du regard tout le monde et s’arrête sur la fille du premier rang avec un air du genre : "elle est encore là, elle !".
C’était amusant de voir au même endroit, au même moment, deux personnes avec des états d’esprit totalement différents à savoir que l’une savait tout de la vie de l’autre, et l’autre n’en avait strictement rien à foutre. Et malgré tout, ils sont interdépendants, ils doivent faire quelque chose ensemble. C’est le thème de la chanson, tu vas donner ta vie à des personnes mais qu’est-ce qu’ils vont en faire ? De la merde !
On a parlé de titres en anglais, en revanche, cet album marque l’attendu titre en français. Pourquoi ? Est-ce que ce message 'Etre Heureux' est si important pour vous qu’il devait être compréhensible par les français ?
C’était l’idée même du morceau qui est très française. Il fallait que je chante cette chanson en français parce que c’est très territorial dans l’idée. Il y a des choses très bizarres qui refont surface actuellement avec la résignation ambiante. Cela fait 20 ans que je fais des concerts, cela fait 20 ans que je vis des choses bizarres en tant que personne de couleur en France. Par exemple, cela fait 20 ans que je fais des festivals, cela fait 20 ans qu’on me demande si je fais du rap. Et bien non, je fais du rock. Certains me disent que notre musique ressemble à Bloc Party. Et si tu leur demandes pourquoi et bien, ils te répondent : "Et bien, tu sais, ils sont comme toi… " !
J’ai dépassé ça mais la question de savoir pourquoi nous chantions en anglais me gonfle un peu. J’avais trouvé la parade en retournant la question : "Pourquoi devrions-nous chanter en français ?". On n’avait rien d’autre à nous répondre que nous étions français. En gros, en France, les gens qui ne parlent pas français, ne sont pas français… De fil en aiguille, ça monte et tu te retrouves avec Marine Le Pen, Dieudonné… Tout part en couille. Je me faisais défoncer la gueule par des skins quand je faisais du punk. Tous mes potes blacks ont eu une expérience dans leur vie où ils ont été montré du doigt pour leur couleur.
Et est-ce que la popularité a gommé ta couleur ?
Non, non… J’ai une connaissance qui s’appelle Lenny Kravitz qui m’a dit la première fois que je l’ai vu : "Mat, je vais t’apprendre à faire du rock’n’roll pour les blancs !". Je n’avais pas compris sur le moment et aujourd’hui, j’ai compris. Effectivement, au bout d’un moment, si tu ne le rappelles pas - parce que je ne suis pas trop du genre à mettre ça en avant - les gens oublient que tu es noir.
C’est bien et ce n’est pas bien. Parce que tu le redeviens lorsque tu veux rentrer en discothèque, quand tu cherches un boulot, quand tes gamins rentrent à l’école et se font casser la gueule. A un moment donné, tu te rends compte qu’il y a la vie artistique et la vie réelle. Et quand ma fille qui a 2 ans et demi va à la crèche et revient le soir, en disant qu’elle ne s’appelle plus Bonnie mais Kirikou, tu vois ce que je veux dire… Et notre réponse, la meilleure réponse, c’est ce qu’on dit dans cette chanson 'Etre heureux' : c’est de ne pas être résigné, c’est de ne pas être dans l’opposition.
Le meilleur moyen de faire chier Marine Le Pen, Dieudonné… c’est d’être heureux, de dire que tout va bien, j’adore ce pays et je vais rester en gardant ce sourire. On peut tout m’enlever sauf ce sourire ! En revanche, si je prends un flingue, forme une milice armée, ça ne sert à rien car dans ce cas-là, je leur donne raison.
On a cité vos bases punk, vous citez Bad Brains, Rage Against the Machine, Iron Maiden… Mais en bon metalleux que nous sommes, vos albums ne retranscrivent pas parfaitement cet aspect agressif que l’on retrouve sur scène : est-ce que finalement Skip the Use n’est pas le prototype même du groupe taillé pour la scène ?
Je pense que c’est beaucoup moins évident avec le dernier…
… tu penses que notamment la production signée Dimitri Tikovoi (Placebo, The Horrors, John Cale, Goldfrapp, Sissor Sisters…) et le mix d’Adrian Bushby (Muse, Foo Fighters, Jamiroquai…) pallient à ce manque ?
Oui, c’est une question de temps. On a passé beaucoup plus de temps sur cet album et il y a beaucoup plus d’énergie et d’impact. Il y a des chansons comme 'The Taste', 'The Story of Gods and Men' où la production est très importante. Et là, on est en train de faire des versions différentes pour la scène.
Après, le metal c’est encore autre chose : c’est une musique très live. C’est un milieu que je connais très bien, une de mes meilleures amies s’est occupée d’un très grand groupe de metal à savoir Gojira et je sais que Joe et Mario Duplantier n’écoutent jamais de metal. Leur artiste préférée c’est Björk parce qu’ils ne peuvent pas faire ça sur leurs albums même si dans le cas de Gojira, il y a des interludes ambiantes qu'ils ne font pas sur scène.
On a évoqué votre popularité qui s’est également concrétisée par ta figuration dans des séries télé. Comment le groupe vit-il cela en interne ? Ne craignez-vous pas que cela puisse nuire au groupe. En clair que le groupe ne soit plus résumé qu’à toi au point d’en choper la grosse tête et des envies d’ailleurs ?
Non, on a trop de travail (Rires) ! Je suis là avec vous, les autres sont en studio pour préparer le live. On fait chacun notre partie pour aller plus vite : c’est juste une question de répartition. Je suis très impliqué dans la création des morceaux, c’est donc plus simple pour moi d’en parler. Mon boulot, ce sont les textes, c’est donc logique que j’aille au charbon : c’est le jeu mais on le connaît, ça fait 20 ans qu’on le fait. En revanche, dès qu’il est possible de jouer ensemble en promo, on le fait.
Questions traditionnelles de Music Waves. Quel est ton meilleur souvenir d’artiste ?
Mon meilleur souvenir artistique ? Quand mes enfants me font des chansons (Sourire) !
A l’inverse, tu dois être fier de voir tes enfants écouter et apprécier ta musique…
Ils aiment plus Gojira que Skip the Use. Ma femme a bossé plus de 10 ans avec eux, chez moi, c’est un peu le musée… Et comme elle était en tournée avec le groupe lorsqu’elle était enceinte, ça doit jouer également !
Tu as évoqué ton meilleur souvenir, au contraire, quel pourrait être le pire ?
Je n’ai pas trop de mauvais souvenirs. J’estime qu’il n’y a pas de mauvais concert, il n’y a que de mauvais groupes (Rires) !
On a commencé cette interview par la question qu’on vous a trop souvent posée au contraire quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ?
Est-ce que Steeve et moi avons fait partie de la même famille ? Et bien non (Rires) ! Certes, on a des pans de nos vies communes mais vu comme il descend le champagne et que je ne bois pas d’alcool, je ne peux pas faire partie de sa famille…
Steeve : … dans chaque famille, il y a toujours des brebis galeuses (Rires) !
Avant de se quitter, un dernier mot à dire aux lecteurs de Music Waves ?
Merci à vous ! J’adore les webzines comme le vôtre qui soutiennent une scène et les groupes. Sans vous, des groupes comme Skip the Use n’existerait pas, c’est pourquoi je vous remercie de nous soutenir.
Merci à toi de nous avoir reçu et répondu à nos questions.
Je suppose que ce n’est pas votre boulot donc merci à vous d’être venu faire cette interview et pour le coup, c’est plutôt vous qu’il faut mettre en avant.
Merci à Nestor pour sa contribution...
Plus d'informations sur https://www.facebook.com/skiptheuse
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