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TITRE:

DIONYSOS (10 AVRIL 2014)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

POP



A l'occasion de la sortie sur grand écran de "Jack et la mécanique du coeur", Music Waves a interviewé Mathias Malzieu pour évoquer cet ambitieux projet produit par Luc Besson, son engagement poétique, la comparaison avec Tim Burton et les Chocapic...
STRUCK - 20.05.2014 -
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Ton actualité est la réédition de cet album “Jack et la Mécanique du Coeur” suite à l’adaptation sur grand écran de Luc Besson ? Première question, quelle impression ça fait de voir son bébé ainsi porté à l’écran?

Lumac et Virginie Besson sont les producteurs. Le bébé, c'est un jeu de triplés magiques, car j'ai été autant impliqué dans l'écriture du livre et du disque d'origine que dans l'écriture du script et la réalisation du film avec Stéphane Berla.

L'émotion la plus forte est celle du partage. Être dans une salle de cinéma et voir les gens rire et s'émouvoir devant le film est une expérience émotionnelle unique. La famille, le groupe, les amis et toute l'équipe du film. 6 ans de travail, 150 personnes ont contribué à faire en sorte que le rêve se transforme en réalité et je ne peux que les remercier. Un film, qui plus est d'animation, est avant tout le résultat d'un travail d'équipe.


"L'émotion la plus forte est celle du partage"


Est-ce une sorte d’aboutissement, de voir son œuvre ainsi visuellement retranscrite ?

J'ai travaillé très fort à ce rêve moi-même, j'ai été au fourneau du début à la fin, ce n'est pas comme si j'avais découvert mon œuvre adaptée. C'est par contre ce qui va se passer pour le théâtre (adaptation par la troupe "Cabaret Blanc"), j'ai hâte de découvrir la pièce en tant que spectateur, voir "leur version". La mécanique du cœur se monte en version opéra pour enfant à Milan. C'est très émouvant pour moi de laisser filer tout ça et de voir que d'autres continuent vont s'occuper du "bébé". Je crois que chaque musicien possède son rêve à lui. Ce film, c'était l'un des miens.



Mais tu es conscient de concrétiser le rêve inassouvi de 99% des musiciens à savoir mettre sur écran un roman/ album ?


Je ne sais pas. Je sais que j'ai eu une formidable opportunité. Ce fut une aventure extraordinaire, avec au milieu du parcours de l'élan, du merveilleux, des surprises mais aussi des tempêtes et des pirates à combattre pour emmener le film à bon port, jusque dans les salles de cinéma.


Quand je parle de rêve inassouvi, je pense à tous musiciens ambitieux qui n’ont pas la chance/ l’opportunité de mettre sur écran leurs projets musicaux souvent faute de moyens. Dernier exemple en date, l'album de Tuomas Hopolainen, leader de Nightwish, qui a fait un album sur la vie de Piscou. Une vraie BO qui malheureusement n'a que très peu de chance d'être portée sur écran faute de moyens et d'accord avec Walt Disney...

Je ne connais pas cet artiste, mais je trouve la démarche super ! Je vais aller regarder, merci.

Les moyens, ça ne tombe pas tout seul. Il faut aller se les chercher, quels que soient les projet ou les partenaires. C'est un peu comme un bon ballon dans une partie de football, ça ne suffit pas pour marquer ou gagner un match. Il faut s'arracher, être lucide, lever la tête pour voir ses coéquipiers, se battre, attaquer et défendre. Tout le temps et jusqu'au bout.


Avec le recul, aurais-tu pensé réussir à concrétiser ce projet?

Si on doute trop, on se paralyse et on ne fait rien. Si on ne doute pas assez, on perd le contact avec une certaine forme de réalité. J'ai essayé d'être dans un équilibre. Comme avec le groupe, comme avec les livres. On m'aurait dit il y a quelques années, lorsque j'étais sur les bancs de la fac à rêver sur les films de Jim Jarmush et les livres de Jack Kéroauac en écoutant les Pixies que Dionysos dépasserait les 20 ans, qu'on enregistrerait avec Steve Albini (qui a enregistré "In utero" de Nirvana,) qu'on ferait un Zénith symphonique avec le groupe, que je publierais des romans chez Flammarion, je n'y aurais pas cru…Ou que je j'aurais l'opportunité de faire une petite cuisine magique de tout ça pour en faire en film d'animation, encore moins, c'est sûr…


"Je ne cherchais pas le "feat musical" mais bien l'interprétation d'un personnage"



La partie musicale “Jack et la Mécanique du Coeur” est la BO basée sur le roman et l’album “La mécanique du Coeur” datant de 2007. A l’époque, comment es-tu entré avec tous les invités formant un all-star band rêvé ?

En me bougeant et avec l'aide de certains amis qui m'ont donné de précieux contacts. Là, j'ai expliqué à chaque participant que je ne cherchais pas le "feat musical" mais bien l'interprétation d'un personnage. C'était de vraies rencontres artistiques et humaines qui se sont poursuivies du disque à la scène jusqu'au film et même la sortie du film. Je suis extrêmement reconnaissant à tous ces artistes talentueux qui m'ont fait confiance.


Comment as-tu enregistré ? A distance ou as-tu tenu à réunir chaque protagoniste pour contrôler le processus?


La question n'était pas "contrôler le processus", mais plus simplement le vivre. Comme une aventure initiatique. j'ai beaucoup appris de ces rencontres.


Concernant l’album en tant que tel, outre le héros, il y a trois personnages marquants interprétés par le rayon de soleil Miss Acacia (Olivia Ruiz), le sombre et jaloux Joe (Grand Corps Malade) et l’angoissant Jack L’Eventreur dont le personnage prend encore plus d’ampleur et semble venir d’outre tombe pour nous terroriser depuis qu' Alain Bashung nous a quitté… As-tu écrit le roman avec ces chanteurs en tête?

Le personnage de Miss Acacia a été écrit pour et par rapport à Olivia, intégralement. Pour les autres, c'est venu en cours de processus, certains ont influencé l'écriture, la couleur du personnage. C'était comme retourner un jeu de cartes vivantes et pleines de surprises assez folles. Il fallait prendre des risques, faire chanter des acteurs et faire jouer la comédie à des chanteurs, et ceci dès l'enregistrement du disque.


"J'ai toujours donné toutes mes chansons, même les plus personnelles au groupe"


Pourquoi avoir sorti cet album sous le nom de Dionysos finalement, sachant que plus que jamais c’est une œuvre personnelle découlant sur un album qui tient plus du side-project que d’un album du groupe ?

Parce-que j'aime par dessus-tout faire la musique avec Dionysos. Je n'ai aucune envie de "projet solo". J'ai toujours donné toutes mes chansons, même les plus personnelles au groupe. A partir du moment où j'ai raconté l'histoire et l'idée et que le groupe était dans l'élan et l'envie, je n'avais aucune raison d'aller le faire dans mon coin.


Pour la partie film, les droits ont été acquis par Luc Besson. Comment es-tu entré en contact avec lui et surtout comment es-tu arrivé à le convaincre de réaliser ce projet?

Je l'ai kidnappé ainsi que toute sa famille avec un pistolet à eau et des arcs et des flèches en plastiques, les ai attachés dans le bus de tournée et leur ai dit qu'on les relâcherait uniquement lorsqu'ils décideront de produire le film !

Ça s'est fait au grand journal. Nous avons joué live avec le groupe et Olivia et Luc était sur le plateau. J'ai raconté l'histoire et l'idée de la "bande originale du livre" et pendant la coupure pub, il m'a demandé "tu veux vraiment en faire un film?" Michel Denisot lui a offert le disque et le livre, sa femme Virginie et ses enfants ont regardé l'émission et c'est devenu un coup de cœur familial. Un mois plus tard nous avions rendez-vous pour parler de ce film qui n'était qu'un rêve à l'époque, et ils m'ont proposé de le produire. J'ai travaillé le scénario avec eux et ils ont accepté que je le co-réalise avec Stéphane Berla. Ils m'ont également soutenu dans le choix de l'illustratrice principale du film: Nicoletta Ceccoli. Leur soutien et leur accompagnement a été sans faille du début à la fin du processus.



Même si tu es le réalisateur : y-a-t-il des contreparties, des concessions à la réalisation de ce rêve?


La seule véritable concession, c'est le temps : 6 ans ! La lourdeur du processus liée à la technique. Mais le plus important, c'est le résultat. Je revendique ce film à 100%, avec ses qualités et ses défauts, comme les disques de Dionysos et mes livres.


“Jack et la Mécanique du Coeur” s’avère être une fusée ambitieuse à trois étages : roman, album et film… Il y a malgré tout des différences entre chacun d’entre eux dans le déroulement des évènements et la fin : pourquoi ?

Parce-que toute création est une matière en mouvement. Parce-que je ne chante pas mes chansons de la même manière d'un soir à l'autre sur scène. Parce-que si je réenregistrais les chansons du premier album aujourd'hui on les reconnaitrait à peine. La surprise est un moteur d'adrénaline et parce-que je ne suis plus le même homme qu'en 2007.


On a un peu parlé de bébé et de maîtrise du film, c’est le lot de tous les artistes mais n’est-ce pas frustrant de ne plus réellement le maîtriser lorsqu’il sort et qu'il faut laisser une libre interprétation au public?

C'est le jeu. Et c'est un formidable jeu. J'aime partager avec le public. C'est comme faire à manger. On est content après quand les gens se régalent. Puis quand ils aiment moins, lorsqu'on a mis du cœur à l'ouvrage, on est forcement un peu déçu. C'est encore une histoire de dosage: il faut savoir se remettre en question par rapport aux réactions du public tout en gardant son instinct créatif pour continuer d'évoluer et de faire les choses pour les bonnes raisons.


"Ne surtout pas faire du "standard", c'est un engagement poétique. "



A contrario, la sortie de l’album “La Mécanique du Coeur” date de 2007: n’est-ce pas frustrant de se lancer dans de tels projets dévoreurs de temps et d’énergie plutôt que de privilégier des albums standards ?

Moi, je veux bien être frustré toute ma vie à cause de projets si aventureux grace auxquels j'apprends autant. Ne surtout pas faire du "standard", c'est un engagement poétique. Aujourd'hui, je commence à écrire de nouvelles chansons, un nouveau livre et note des idées d'adaptation de mon premier livre et je n'ai aucune idée de ce que ça va donner, ni où ça va me mener. Des horizons nouveaux se dessinent avec le film terminé, la barre des 20 ans de groupe passée et les 10 ans de mon premier livre. Tout est à refaire et je trouve ça excitant et apaisant à la fois.


Quelles sont tes attentes concernant la sortie de ce film?


Le partager, qu'il existe. Un succès suffisant pour que tout le monde soit content et qu'on ait droit a un ticket pour le prochain train à surprises. Au jour d'aujourd'hui, je suis très heureux et touché par tout ce qui se passe autour du film.


A ce titre, à qui s’adresse réellement ce film, cet album sachant qu’il y a une partie obscure finalement très proche de Tim Burton?


Nous avons fabriqué ce film avec passion et tendresse, sans "cibler" autre chose que l'esprit et l'émotion de départ. C'est la force du film, ou sa limite, si on se place d'un point de vue marketing. Il n'est pas formaté.

Nous avons eu la chance, Stéphane Berla et moi, de bénéficier de la confiance de nos producteurs pour assumer nos partis-pris. Le film s'adresse donc aux esprits curieux et gourmands de 7 à 77 ans. Aux adultes ayant gardé une certaine capacité d'émerveillement. Enfant, j'ai été marqué par un film comme E.T, qui assumait sa mélancolie ludique. La série télé Albator et les vieux court-métrage d'animation surréalistes comme Betty Boop ou Felix le chat... C'est un outil fabuleux pour raconter les histoires, un film d'animation… Pourquoi l'utiliser toujours de la même manière avec des poursuites, des animaux et des fruits qui parlent, toujours les même designs et le même genre de gags sur de la musique vaguement disco ou variété? Vive fantastic miser fox, tante hilda, frankenneenie, et autres myazaki(s)! J'aime ces films qui n'essaient pas de rentrer dans la case d'un tableau Excel.


A propos de Tim Burton, es-tu conscient du parallèle qui est fait et au contraire, le recherches-tu?


Bien sûr, le cousinage est évident. Un rapport au merveilleux, au conte. Un certain romantisme décalé et un rapport à la différence. Même si c'est un honneur que d'être assimilé à un artiste d'un talent aussi grand, je trouve ça un peu fainéant que d'agiter systématiquement la référence "Burton" au film. Ça me rappelle une anecdote. J'étais petit et roux. A la télé, il y avait une pub pour des céréales "chocapic" avec un petit roux. Je ne lui ressemblais pas du tout, mais comme nous étions tous les deux petits et roux, on m'appelait tout le temps "chocapic". C'est presque amusant d'être confronté à ce besoin d'étiqueter, de ranger des cases, de faire des tableaux Excel vivants… Donc, non, je ne "recherche" pas le parallèle avec Burton, mais oui, je l'admire et assume avec plaisir son influence, tout autant que Jarmush, Wes Anderson, Spike Jones et beaucoup d'autres réalisateurs qui continuent de me passionner aujourd'hui.


Quels sont tes projets futurs ? N’est-ce pas trop dur de se lancer dans un processus de création quand on sort d’un tel chantier ?


J'en suis au stade embryonnaire des idées et des envies. Avant tout raconter des histoires, deviendront-elles film, livre chanson ou les 3, je n'en sais rien encore. Je tisse, m'amuse, expérimente de nouvelles choses. Je prépare mes bagages pour un nouveau voyage créatif. Tout est à refaire et j'adore cette sensation. Je ne trouve pas ça dur au contraire, je me sens encore plus libre et plus léger maintenant que le film fait son joli parcours.



Avant de se quitter un dernier mot aux lecteurs de Music Waves?


Des petits recommandations maison: le dernier album de TimberTimbre "Hot Dream", c'est comme écouter Elvis dans une épisode de Twin Peak. Le dernier film de Jim Jarmush "Only lovera left alive", qui décale le genre "vampire" aux antipodes de ce qui se fait habituellement avec une Tilda Swinton à tomber par terre et une B.O géniale entre Sonic Youth et la musique orientale. Le dernier livre de Miranda July "il vous choisit", une aventure tendre au pays des gens extraordinairement normaux. Un charme insolite hors du commun. Le dernier blog qui m'a touché: "Solange te parle", brillant, tendre, doux, innovant. Belle surprise.

Bonnes découvertes à tous.



Plus d'informations sur http://www.dionyweb.com/
 
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