Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
Amandine Bourgeois : (Rires) Il y a beaucoup de questions qui reviennent souvent mais "Qu’est-ce que ça fait de gagner la Nouvelle Star ?" est une de celles qui revient le plus souvent.
Encore maintenant ?
Oui et c’est un peu normal finalement. En revanche, ce n’est pas forcément les journalistes qui me la posent mais les gens dans la rue.
Sachant que je présume que les journalistes sont passés…
… sur l’Eurovision (Rires) !
Parlons plutôt de ton actualité, si tu le veux bien, ce 3e album est un album de reprise, pourquoi ce choix ? En effet après l’expérience Nouvelle Star où on t’a connu pour des reprises, "Libres de chanter pour Paroles de femmes", 'Osez Joséphine', celle de Scorpions 'Still Lovin You' et et enfin de l’album "Generation Goldman", il y a un risque d'être étiqueté "artiste de reprises" ?
(Rires) Je n’aime pas trop le terme "reprise", je préfère "réinterprétation". En effet, dans cet album, j’ai revisité des chansons : il y a vraiment une recherche artistique, une création… Je me considère comme une interprète.
Mais pourquoi ce choix alors que tu disais "Je n’ai pas fait tout ce chemin pour faire des reprises !" dans une interview ? Est-ce le choix de la sécurité en proposant des mélodies connues et donc rassurantes pour le public en ces moments difficiles après un "Sans amour, mon amour" ambitieux enregistré en partie à Abbey Road ?
J’ai dit cela à une époque précise à savoir après "La Nouvelle Star" où je venais de chanter plein de reprises et pour mon premier album ! Il faut savoir que faire des reprises, c’est parfois aussi compliqué que de faire des créations originales : il faut savoir les revisiter, il faut donc une certaine maturité pour essayer d’apporter sa personnalité. Et au moment où on m’a demandé de le faire, je n’étais pas encore mure. Je ne savais pas encore qui j’étais, je n’avais pas trouvé mon univers.
C’était donc important pour moi d’essayer de faire exister mes créations écrites dans mon "20m²" justement. C’était donc un premier album un peu naïf sur certaines chansons mais c’était important pour moi de le faire pour pouvoir me trouver à travers la création.
Mais comment expliques-tu le relatif échec de "Sans amour, mon amour" ? L'ambition placée en lui l'a finalement éloigné de la Amandine Bourgeois fragile qu’on connaît ?
C’est étonnant parce que les fans m’ont beaucoup aimé à la Nouvelle Star en chantant des standards soul, rock, blues… et le succès de mon premier album - il a été disque d’or - est sûrement lié à la sur-médiatisation de la Nouvelle Star mais on m’a beaucoup reproché le fait que ce soit un premier album pop folk à contre-pied de ce que j’avais fait dans la Nouvelle Star.
J’ai eu des retours de fans me disant qu’ils étaient déçus et qu’ils voulaient me revoir dans le registre que j’empruntait à la Nouvelle Star. Du coup, je suis parti en Angleterre pour répondre à la demande de mon public et de mes fans et ainsi faire des chansons soul, blues, rock… en français. J’étais super bien entourée, j’ai travaillé avec une partie de l’équipe d’Amy Winehouse : ça n’a pas marché mais j’ai vécu une magnifique expérience !
Tu en as tiré les conclusions et répondu à une demande en te faisant plaisir et sur cet album de reprise…
Pas uniquement, il faut se remettre dans le contexte. Quand j’ai eu cette idée d’album, c’était juste après l’Eurovision qui m’avait vidée de mon énergie. Et je venais de signer chez Warner. J’étais paniquée car je n’avais rien à proposer, je n’avais pas d’énergie pour me replonger dans la création qui demande une forte introspection. Il fallait donc que je me nourrisse en écoutant de la musique et plus particulièrement, tout le répertoire français.
Pourquoi que français ?
Parce que je suis signée dans une maison de disques en France et on me demande de faire des albums en français.
C’est une des conditions du label ? A cet égard, anticipais-tu cette phase de justification vis-à-vis d’eux et la pression qui pouvait exister dans ce milieu ?
Non ! J’étais la petite provinciale qui débarquait sur Paris, je déboule devant le grand ponte de chez Sony et je suis comme une gamine : je ne savais rien et je ne comprenais rien à ce qui m’arrivait ! D’ailleurs quand j’ai gagné la Nouvelle Star - on peut le voir si on retrouve les images - je ne saute pas partout, j’ai l’impression d’avoir le poids d’une enclume sur les épaules en me demandant comment je vais faire… Mais mine de rien, je suis encore là : elle est coriace la petite (Rires) !
"Il fallait que je me détache des textes et des mélodies de ces tubes et que je me concentre sur l’habillage en trouvant
mon univers"
Si certains peuvent penser que l’exercice est facile et commercial, c’est oublier que tu t’attaques à des standards comme 'Ma Gueule', 'Il est 5h, Paris s’éveille', 'Love Me'…
C’est sûr que si je l’avais fait sur le premier album, je n’aurais peut-être pas eu toutes les idées que j’ai eu là. Comme je l’ai dit, réécouter du français, c’était vraiment une manière de me nourrir, de retrouver l’inspiration et l’envie de créer en réinterprétant ces titres. Il fallait que je me détache des textes et des mélodies de ces tubes qui ont été validés et que je me concentre sur l’habillage en trouvant mon univers.
Comment s’est fait le choix des titres ? Finalement, à l’instar de ta carrière, cet album est déroutant car bien que ce soit des reprises, il donne l'impression d'être plus personnel avec ces titres réinterprétés. Il y a une vraie unité dans ces reprises, à tel point que l'on croirait des compositions originales, comment as-tu obtenu ce résultat ?
Je suis une instinctive, le choix des titres s’est donc fait assez facilement. Très jeune, pendant que mes copines écoutaient Chantal Goyal, j’écoutais Jacques Dutronc à fond dans ma chambre (Rires) ! Mes parents écoutaient de la bonne musique, mon beau-père était fan des Beatles et de Michel Polnareff. Tout bébé, ma mère m’amenait aux concerts de Claude Nougaro, à 13 ans, elle m’a embarquée voir Jacques Higelin sur scène…J’ai grandi, dansé, ri sur ces chansons qui m’ont marqué et représentent toute ma culture ! Il y a également cette chanson de Stromae qui est un artiste qui me touche aujourd’hui.
Dans les artistes plus récents, il y a une reprise d’un titre de Florent Pagny…
Exactement mais c’est surtout le texte de Lionel Florence qui me parle, le message est beau : savoir aimer.
Justement que t’est-il passé par la tête sur ce titre ? Pourquoi du ragga-muffin ?
(Rires) !
Je trouvais que la version de Pascal Obispo chantée par Florent Pagny avait un
côté très mélancolique alors que je trouve que ce texte est tellement positif,
tellement beau que j’avais envie d’y mettre du soleil, du reggae…
Et c’est également un petit clin d’œil à mon premier single 'L’homme de la situation' où il y avait un petit passage ragga. Comme j’écoute beaucoup l’album de Selah Sue : ça m’a également inspiré ce
côté-là !
Tu l’as dit ce sont des choix instinctifs au travers de texte qui t’ont touchés ou te représentent…
C’est ça : chaque chanson me raconte !
... paradoxalement, on a l'impression par le choix des chansons, leurs enchaînements, l'imbrication des thèmes et les couleurs musicales que tu as voulu raconter une histoire, ton histoire.
C’est vrai, c’est très paradoxal ! Finalement sur les trois albums, c’est celui qui me ressemble le plus : chaque chanson raconte une petite part de moi et il y a une émotion juste à chaque fois !
"Cet album me ressemble, je raconte mes blessures
émotionnelles d’enfance et de femme et en même temps, comment j’arrive à
les surmonter par ce besoin d’être aimée "
Un album tellement personnel qu’il semble vouloir laisser un message notamment sur tes angoisses du passé que l’on pourrait résumer 'J’veux pas que tu t'en ailles' ou alors 'Alors on danse' dans une version musicale plus mélancolique que l’originale si bien que le message est plus perceptible… et une envie de plaire que l’on pourrait résumer par 'Love Me, Please Love Me' ?
C’est vrai que cet album me ressemble, je raconte effectivement mes blessures émotionnelles d’enfance et de femme et en même temps, comment j’arrive à les surmonter par ce besoin d’être aimée - comme beaucoup d’artistes d’ailleurs - et par cette envie de délivrer un message positif. J’ai peut-être eu une enfance un peu chaotique mais aujourd’hui, je souhaite inverser la tendance en ayant envie que ce soit beau, positif et qu’on s’aime les uns, les autres (Rires)…
En clair, après l’échec de l’Eurovision, tu nous rassures, tout va pour le mieux, tout est rose…
Je n’ai pas vécu l’Eurovision comme un échec, je le vis plus comme un passage presque initiatique sur mon chemin d’artiste. Quand on apprend à marcher, on tombe et on se relève. Chaque expérience est bonne à prendre et renforce ! Je suis passée de la petite provinciale de Toulouse à celle qui représente la France en portant le drapeau aux côtés de Bonnie Tyler ! A un moment donné, il faut positiver tout ça : ce n’est pas grave, ce n’est qu’un jeu (Rires) !
Mais sur le moment, tu n’étais pas aussi positive ?
Sur le moment, j’étais triste, j’étais surtout triste pour la France parce que je sais que si les français sont si aigris vis-à-vis de l’émission, c’est aussi parce qu’on a les boules de ne pas avoir gagné depuis 30 ans ! Du coup, j’étais déçue de ne pas avoir pu vous amener cette victoire. Mais je pense que ce n’est pas que moi, que les Twin Twin… il faudrait que tout le monde s’y mette : c’est de la géopolitique !
Malgré tout, peut-on dire que l’envie d’amour que tu chantes dans cet album a été exacerbée par l’échec de l’Eurovision ?
C’est marrant de le voir ainsi (Rires) ! Mon envie d’amour est tellement grande depuis toute petite… que je ne pense pas que ce soit lié pour le coup ! Mais ta question est très philosophique et il me faudra du temps pour vraiment analyser ça (Sourire) !
"Sur cet album, j’ai compris que ce sont aux gens qui travaillent autour
de mon projet d’être à mon service : c’est moi qui décide ! Je
suis l’artiste, c’est donc moi qui impose mon univers !"
Comment expliques-tu qu’un album de reprises soit l’album le plus personnel ? Est-ce seulement une question de maturité si « 20 m² » n’est pas aussi personnel que ce dernier ?
Il fallait m’affirmer. Sur le premier album, j’avais des idées, j’ai co-écrit des choses, j’ai co-composé mais je ne savais pas encore qui j’étais et j’étais également très influençable ! Du coup, ça créé un album basé sur des compromis et je me rends compte que je n’avais pas confiance en moi.
En revanche, concernant cet album, quand le réalisateur Quentin Bachelet me disait qu’il sentait telle chose d’une certaine façon, si mon instinct ne le sentait pas ainsi, je lui faisais confiance et imposais mes idées. Sur cet album, j’ai compris que ce sont aux gens qui travaillent autour de mon projet d’être à mon service : c’est moi qui décide ! Je suis l’artiste, c’est donc moi qui impose mon univers !
Comme tu l’as dit, chaque expérience est bonne à prendre et il semblerait que toutes ces expériences t’aient fait prendre conscience qu’il fallait que tu fasses l’album que tu voulais faire…
Tout à fait ! J’ai remarqué qu’il n’y avait pas de recette pour réussir donc autant se faire plaisir au maximum ainsi on n’a aucun regret (Rires). Et je pense que c’est en se faisant plaisir qu’on fait plaisir aux autres.
Les arrangements sont dépouillés, était-ce pour mettre en avant la mélodie et ta voix ?
Oui vraiment ! C’est également lié à l’expérience du deuxième album où il y avait beaucoup de violons, de cuivre… c’était super -au moment de l’enregistrement, on avait des frissons- mais finalement le rendu est que la voix est un peu noyée, étouffée au milieu de tout ça ! Je ne voulais donc pas refaire cette erreur.
N’est-ce pas dommage que ces arrangements très travaillés ne soient au service que des reprises ?
Non ce n’est pas dommage parce que ça va me servir pour écrire la suite. J’ai trouvé ce que je voulais ou du moins, j’ai trouvé ma manière de m’affirmer. N’ayant pas le stress des textes et des mélodies, j’ai vraiment pu me lâcher et comprendre comment travailler les arrangements. Je n’avais pas su le gérer sur le deuxième album car j’étais submergée au milieu des textes, des compos, des arrangements… Pour cet album, je me suis concentrée sur une partie et je pense que je vais pouvoir être plus à l’aise pour mon deuxième album…
"Avant, il y avait Amandine la chanteuse gagnante de la Nouvelle Star qui
a essayé de faire deux albums et aujourd’hui, il y a Amandine Bourgeois
l’artiste qui s’est réveillée et qui a envie d’être là !"
Peut-on dire que tu estimes qu’à défaut de réellement marquer le début de ta carrière, "Au Masculin" ouvre un nouveau chapitre dans ta carrière ?
Oui ! Avant, il y avait Amandine la chanteuse gagnante de la Nouvelle Star qui a essayé de faire deux albums et aujourd’hui, il y a Amandine Bourgeois l’artiste qui s’est réveillée et qui a envie d’être là (Sourire) !
As-tu voulu être simplement une interprète sur cet album, pour renouer avec ton passé et te laisser porter ?
C’était plus pour amener une part de moi et de féminité dans ces chansons d’hommes. J’ai voulu essayer d’apporter mon caractère, ma personnalité dans des chansons qui ne m’appartenaient pas à la base pour faire en sorte qu’elles m’appartiennent finalement.
On a évoqué "Libres de chanter pour Paroles de femmes" et la reprise de 'Osez Joséphine', "Au Masculin" marque la reprise en deux temps de 'Madame Rêve' d’Alain Bashung. Peut-on conclure que si nous devions en citer qu'un ce serait lui ?
Oui ! Et sur le deuxième album, j’ai travaillé avec Boris Bergman qui a beaucoup collaboré avec lui. Je suis allée le chercher parce que j’ai toujours aimé l’univers et les textes d’Alain Bashung. C'est vraiment un artiste marquant pour moi !
La chanson de Cabrel est encore plus émouvante que l'originale, comment as tu réussi à être si juste dans cette interprétation et dans toutes les autres sans tomber dans le pathos ?
'Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai' est une chanson qui m’a toujours touchée par son texte. Ce texte lu, même sans musique, est beau. C’est très poétique, c’est magnifique. Je pense qu’il a écrit ce texte pour sa fille…
Justement est-ce que la raison pour laquelle tu as mis une voix de petite fille à la fin ?
C’est la voix de ma plus jeune fan : Yaëlle qui est la fille d’une amie. Quand elle était enceinte de Yaelle, elle lui faisait écouter mes chansons et notamment 'Larmes fœtales' issue de mon premier album sur lequel elle a accouché. Donc Yaëlle est complètement imprégnée de ma voix, elle connaît mes chansons par cœur et elle était ravie que je la fasse participer.
L'album se termine sur 'J'veux pas que tu t'en ailles', est-ce dédié à ton public ?
Oui, 'Please Love Me' et 'J'veux pas que tu t'en ailles' sont effectivement pour mon public : restez avec moi (Rires) ! 'J'veux pas que tu t'en ailles" est une chanson qui m’a touchée notamment quand j’ai découvert la version de Michel Jonasz avec un orchestre symphonique : j’ai eu des frissons partout et ça m’a donné envie de relever le challenge de la réinterpréter.
Penses-tu avoir réussi à le relever ?
Je suis très critique avec moi-même ! Dans cet album, il y a des chansons qui sont très réussies et comme je suis très perfectionniste, il reste peut-être 2-3 petits détails pour lesquels je ne n’ai pas eu assez de temps et où j’aurais aimé encore plus poussé le truc… Mais quand j’écoute cet album, j’entends que j’ai fait un bel album qui procure du plaisir et qu’on a envie de réécouter.
Malgré tout, ceux qui te suivent… auraient pu s’attendre à un album de reprises d’artistes rock et finalement ce n’est pas le cas, es-tu consciente de décevoir quelques uns de tes fans avec tes choix ? Pourquoi ne pas avoir fait des reprises de chanteuses anglophones à voix, ce qui aurait pu être une évidence ?
C’est très dangereux de faire cela parce que ça fait chanteuse de bal qui reprend Janis Joplin, Adèle, Amy Winehouse…
… afin de ne pas tomber dans la réinterprétation à la limite de l’imitation...
Exactement ! Les gens se seraient dit à juste titre que je n’avais pas d’idée. Au moins dans cet album, il y a de l’idée, de la recherche : je suis créative, quand même (Rires) !
En tant que site d’obédience progressive, nous ne pouvions pas ne pas poser la question de savoir ce que tu retenais de ta participation à l'opéra rock "The Wall" ? Est-ce un de tes albums préférés ?
Oui ! C’est ma première expérience très pro dans une comédie musicale avec des acteurs, des chanteurs. J’en garde un super souvenir : c’était génial !
Question traditionnelle du site, quel est ton meilleur souvenir d’artiste ?
Il y a plein de choses mais je dirais les premières parties au Royal Albert Hall à Londres de Johnny Hallyday !
Au contraire, quel pourrait être le pire ?
Je ne sais pas, il y a plein de galères où tu te retrouves dans des bleds avec des scènes où il n’y a rien (Rires) !
On a commencé cette interview par la question qu’on t’a avez trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ou à laquelle tu adorerais répondre ?
Je ne sais pas.
Tu as dû préparer cette promo et notamment une réponse à laquelle tu t’attendais et finalement personne net’a posé la question correspondante, à commencer par moi ?
Je prépare un peu mais je veux toujours garder mon côté spontané pour qu’il y ait un vrai échange. Mais tu n’es pas si mauvais que ça au contraire tu es plutôt bon, tu as du talent (Rires) ! Mais aujourd’hui, en tant qu’artiste, j’ai envie de passer un message et de dire aux gens d’apprendre à sourire, à s’aimer… C’est le message que je fais passer dans l’album.
Avant de se quitter, quel serait le mot de la fin aux lecteurs de Music Waves ?
Peace and Love (Rires) !
Merci à ThibautK pour sa contribution...