Après quelques compliments de l'artiste sur notre joli pays et le soleil de Paris, l'interview débute...
"Je travaille toujours dans le sens d'une reformation de Genesis mais cela nécessite l'engagement de chacun."
Quelle est la question qu’on t'a trop souvent posée ?
Steve Hackett : (coupant presque la question) S'il y aura une reformation de Genesis ! Et ma réponse sera brève, je travaille toujours dans ce sens mais une reformation nécessite l'engagement de chacun. Et de cela je n'ai aucune nouvelle positive pour le moment. Ce serait un véritable plaisir et qui sait un jour peut être. Voilà la vérité sur le sujet : (en français) "Je ne sais pas !" (Sourire) !
N'en as-tu pas assez de répondre à des questions concernant Genesis ou de voir ta carrière s'y résumer alors que tu n'y es resté que 7 années, il y a 37 ans de cela ?
Cela ne me gène pas non, car beaucoup de gens ont acheté mes albums grâce à cela et d'autres encore ne me connaissent que par mes projets blues, ceux autour de Bach, ceux avec orchestres et bien d'autres encore...
"Je cherche à améliorer au maximum les titres joués avec Genesis, à les proposer avec le meilleur
son possible, la meilleure exécution possible, au détail près."
Malgré tout, pourquoi donc proposer actuellement des albums, l'actuel et celui à venir, tellement proches de Genesis (un chanteur à la voix très proche de celle de Gabriel, une version de 'Supper's Ready' très proche de l'originale) ? Es-tu au courant que certains fans pensent que c'est un choix purement commercial ?
Il y a eu beaucoup de chanteurs différents dans mes albums et certaines voix sont plus proches de celle de Peter que d'autres. Mais l'idée de faire ces projets est que ce matériel est celui pour lequel je suis le plus connu. Et pour être tout à fait honnête, ces titres que j'ai joué avec le groupe et que je joue encore en live, je cherche à les améliorer au maximum, à les proposer avec le meilleur son possible, la meilleure exécution possible, au détail près, et d'en faire aussi quelque chose de plus large avec un orchestre derrière.
Je veux proposer ces titres sans plus de limites, avec un vrai professionnalisme. Prends par exemple, les titres 'Black And White' et 'Panavision', ils ont été ré-enregistrés avec un meilleur son de batterie, chaque instrument capté séparément, y ajoutant une foultitude de détail. Cela se rapproche donc de ma vision personnelle et définitive de ces titres bibliques si on peut dire.
C'est très bien que les gens puissent encore écouter les originaux mais je voulais en proposer ma version actuelle. Car techniquement, il y une grande différence entre ce que j'étais capable de faire à l'époque et ce dont je suis capable aujourd’hui.
A propos de capacité technique, te considères-tu comme un guitar-hero, comme celui qui a apporté le tapping par exemple ? Tu as influencé des générations de guitaristes connus ou inconnus.
Le concept de guitar-hero est très limitant en soi. On pense de suite à quelqu'un jouant très vite et très fort en permanence. Mais il y a un monde entre un guitar-hero et un compositeur, un parolier. C'est marquant par exemple dans le monde de la musique classique. Le virtuose se doit de prouver ses capacités alors que le compositeur part de ce postulat pour écrire quelque chose de complet, une symphonie qui contient cette virtuosité et convient à un orchestre complet. Tchaïkovski par exemple n'a jamais été considéré comme un virtuose et pourtant bien des virtuoses aujourd'hui font vivre son œuvre. Ses œuvres servent même de mètre étalon dans les examens de violons.
Alors oui certains magazines peuvent parler de toi en tant que guitar-hero mais pour d'autres le talent est ailleurs, au delà de la guitare. J'adore la guitare mais également le son de nombreux autres instruments, le violon, le violoncelle, la viole, le cor français, anglais. J'aime travailler ces sons là, jusqu'au simple triangle et aux musiques électroniques... Il y a des guitar-hero dans le monde du Rock, du Jazz et du classique. Je me souviens très jeune avoir acheté un album de Duane Eddy et ma tante me disait "quel rythme possède ce batteur !" Et moi je n'y avais jamais fait attention avant car je n'étais focalisé que sur les guitares. J'ai appris à m'ouvrir à chaque instrument.
"J'aimerais être un sex-symbol hollywoodien à la Gregory Peck qui jouerait comme Django Reinhardt"
Penses-tu avoir atteint la popularité que tu mérites ? En d'autres mots aimerais-tu être reconnu plus largement que dans le champ de la musique progressive ?
Bien sûr que j'aimerais être un sex-symbol hollywoodien à la Gregory Peck qui jouerait comme Django Reinhardt. Mais je crois qu'il faut surtout être heureux de ce que l'on possède et ce que l'on est, sans plus, Et puis l'histoire n'est pas encore terminée, qui sait !
Ton actualité est bien entendu un nouvel album live de reprises de Genesis mais quel style aimerais-tu explorer par la suite ?
Après cet album live au Royal Albert Hall, sorti en Blue Ray et Dvd (il en fait une belle et instante promo) je compte partir sur quelques chose de très personnel, orienté guitare bien entendu, acoustique comme électrique mais riche en instruments exotiques comme le târ, le duduk, les flûtes de Nouvelle-Orléans et bien d'autres choses encore. Mais tout le monde aimerait dominer le monde dans sa carrière. Tout le monde aimerait être Elvis et jouer comme un Dieu, mais mieux vaut avancer à d'autres carburants que celui là et faire ce que l'on aime avant tout.
Quel est le secret de ton touché et d’où viennent ces bends si expressifs ?
Je reste le même qu'étant tout jeune. Parfois je fais de très bonnes performances, je trouve de merveilleuses sonorités et j'essaye ensuite de les capturer. Je peux stopper un enregistrement et triturer ma guitare durant plusieurs heures pour trouver le son que j'ai en tête, la faire pleurer d'une certaine façon par exemple. Des gars comme Steve Howe ou Brian May par exemple n'y vont pas d'une seule traite. Ils essayent encore et encore pour obtenir très précisément ce qu'ils ont en tête.
Et donc j'en reviens à mes premières années. J'ai rapidement cherché à faire et refaire jusqu'à ce que je sois satisfait. J'ai appris petit à petit à devenir professionnel car c'est là toute la différence entre un amateur et un professionnel. Ce dernier cherche constamment à faire mieux. Pour réussir il faut être très précis. Et physiquement cela demande beaucoup d'efforts.
Quel est ton meilleur souvenir en tant que musicien ?
Je me souviens quand j'avais 4 ans je jouais de l'harmonica, j'ai commencé à jouer dès deux ans car mon père en avait un, et je me regardais dans le miroir du dressing de ma mère. Je pouvais alors jouer trois à quatre chansons : 'God Save The Queen', Oh Suzanna', 'Scotland The Brave' et peut être 'Yellow Roads Of Texas' ou un titre du même genre. Là, je me suis dit soudain "c'est formidable, je sais jouer de la musique !" Pour un enfant, c'est un jour marquant, une date mémorable !
Au contraire quel pourrait être le pire ?
Je me souviens de deux shows durant lesquels le public est monté sur scène pour mettre le bazar, attaquant littéralement la scène, il y a très longtemps. Mais le pire serait peut-être mon tout premier show avec Genesis. Tout est allé de travers, mon son était très mauvais, j'avais des soucis techniques et j'ai dû oublier la moitié des notes que je devais jouer. Une catastrophe. J'ai cru mourir environs mille fois ce soir là !
A propos de Genesis, quelle est ton opinion concernant le show de "Musical Box" et l'as-tu vu ?
Je l'ai vu oui, et c'est très bien mais je pense que cela joue un peu trop posément comparé à l'original. J'en fais personnellement aujourd'hui une version plus puissante et dans laquelle je me détache un peu de l'original. Avant je cherchais à utiliser exactement le même équipement, le même feeling afin de recréer cette époque mais maintenant je me dis que l'interprétation doit évoluer même si cela doit rester authentique.
Nos avons commencé cette interview avec la question qu’on t'avait trop souvent posée, au contraire, quelle est celle à laquelle tu aimerais répondre ?
Voilà une question à laquelle je n'ai pas l'habitude de répondre. Dans un idéal, pas dans ce monde bien sûr, j'aurais aimé savoir ce que Bach penserait de certaines de mes compositions. J'ai un jour rêvé qu'il me dirait, concernant une de mes compositions qui avait été inspirée par son œuvre, "c'est magnifique !".
Plaire à un artiste dont on est fan doit être formidable et j'aimerais un jour pouvoir composer un titre dont il serait vraiment fier, lui ou d'autres de mes idoles. Mais peu sont encore en vie à ce jour. Cela ne répond pas tout à fait à ta question mais... voilà !
Dans un autre délire, et plus proche de ta question, j'aimerais une fois arrivé au paradis que Dieu me demande "Ça fait quoi de jouer avec Phil Collins ???" (Rires)
Avant de se quitter un dernier mot aux lecteurs de Music Waves et en français peut-être?
En français ? J'aimerais bien vous dire quelque chose (en français) "en français", "mais j'ai oublié tous les mots"... Je vais devoir m’entraîner.. "J'adore Paris !" et d'autres choses encore qui seront spontanée sur le moment. La musique d'Edith Piaf est tellement formidable. Parfois, j'aimerais faire sonner ma guitare comme sa voix. Entre la tristesse et le triomphe il y a quelque chose d'énorme dans sa voix. Tout comme celle de Mireille Mathieu mais Edith Piaf était vraiment la première du genre. Je ne l'ai jamais vu jouer en live malheureusement. "Merci beaucoup, merci à vous !
Merci à Thibautk et Nuno pour leur contribution et surtout Mr Blue qui a permis la lecture de cette interview...